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CASS/JURITEXT000047454338.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 avril 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 256 FS-B
Pourvoi n° H 21-14.166
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
1°/ Mme [J] [V], épouse [K], domiciliée [Adresse 2],
2°/ Mme [X] [V], épouse [Z], domiciliée [Adresse 3],
3°/ Mme [H] [K], domiciliée [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° H 21-14.166 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mmes [J] [V], [X] [V], [H] [K], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Méditerranée, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Daubigney, M. Ponsot, Mme Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 janvier 2021), par un acte notarié du 23 octobre 2006, la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Méditerranée (la banque) a consenti une ouverture de crédit à la société FC transactions (la société). L'acte prévoyait le cautionnement solidaire et une affectation hypothécaire, consentis par Mme [J] [V].
2. Par un acte du 27 mai 2014, Mme [J] [V] a fait donation à ses filles, Mme [X] [V] et Mme [K], de la nue-propriété de l'immeuble ainsi affecté.
3. A la suite d'impayés, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière, dont Mme [J] [V] a demandé la nullité devant le juge de l'exécution, en invoquant le bénéfice de discussion, le bénéfice de division ainsi que le caractère manifestement disproportionné de ses engagements.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [J] [V], Mme [X] [V] et Mme [K] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes aux fins de nullité de la procédure de saisie immobilière et, en conséquence, de constater que la créancière poursuivante, titulaire d'une créance liquide et exigible, agit en vertu d'un titre exécutoire, que la saisie porte sur des droits réels saisissables, et que la créance dont le recouvrement est poursuivi par la banque contre Mme [J] [V] s'élève à la somme de 293 658,81 euros, arrêtée au 30 juillet 2019, et d'ordonner la vente forcée de l'immeuble saisi, alors :
« 1° / que si le garant hypothécaire qui ne s'est pas personnellement engagé à satisfaire à l'obligation d'autrui ne peut opposer au créancier les moyens de défense applicables au cautionnement, tels le bénéfice de discussion ou la disproportion de son engagement, il en va autrement lorsque la même personne s'est portée caution personnelle des engagements d'un débiteur envers un établissement de crédit et lui a affecté en outre, en garantie de ces mêmes engagements, l'un de ses biens en garantie hypothécaire ; que Mme [J] [V] ne s'étant pas bornée à affecter son bien immobilier en garantie des sommes dont la société pourrait être débitrice à l'égard de la banque, mais s'étant également portée caution personnelle par le même acte et à l'égard de la même banque, cautionnement requalifié en cautionnement simple par un jugement du 23 octobre 2017, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 20 septembre 2018, celle-ci était en droit d'opposer à la banque l'absence de défaillance du débiteur principal, et plus généralement tous les moyens de défense tirés de sa qualité de caution, sans que puisse utilement lui être opposé le fait, à le supposer établi, que la saisie immobilière aurait été poursuivie sur le seul fondement de la garantie hypothécaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 2011, devenu 2288, et 2021, devenu 2298, du code civil, ainsi que l'article L. 341, devenu L. 332-1, du code de la consommation ;
2°/ que dès lors que la convention qui lui est soumise n'est pas dépourvue de toute ambiguïté ou imprécision, le juge a non seulement le pouvoir, mais également le devoir, de l'interpréter en recherchant la commune volonté des parties ; qu'en affirmant, pour refuser de se livrer à l'interprétation, expressément sollicitée par Mme [J] [V], de l'acte notarié portant tout à la fois cautionnement personnel et affectation hypothécaire, que les clauses relatives à l'affectation hypothécaire étaient "claires et précises" et formulaient un engagement distinct de l'acte de cautionnement, cependant que ces clauses, qui faisaient suite à la stipulation d'un cautionnement fourni à titre personnel, étaient rendues ambiguës par ce cumul de garanties procédant d'un même acte, par l'emploi de la désignation, intrinsèquement équivoque, de "caution hypothécaire", ainsi que par le caractère apparemment "omnibus" de l'hypothèque, qui, selon la clause qui l'instituait, telle qu'elle est reproduite dans l'arrêt, était affectée, non seulement "à la garantie du paiement de toute somme dont la société dénommée FC Transactions pourrait être débiteur", mais également "et d'une manière plus générale à la garantie de toutes les obligations résultant des présentes", au nombre desquelles figuraient celles résultant du cautionnement personnel, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°/ que Mme [J] [V] soutenait, dans ses conclusions d'appel, que le commandement valant saisie qui lui avait été délivré, et qui la désignait tout à la fois comme caution solidaire et hypothécaire, l'avait été sur le fondement d'un cautionnement assorti d'une garantie hypothécaire, raison pour laquelle ce commandement mentionnait un délai de huit jours, et non sur le fondement d'une garantie hypothécaire qui aurait été autonome du cautionnement personnel qu'elle avait également fourni, sans quoi la banque aurait mentionné le délai d'un mois prévu à l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, applicable au garant hypothécaire ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, qui était de nature à démentir l'assertion selon laquelle la saisie immobilière aurait été poursuivie sur le seul fondement de la garantie hypothécaire, et était distinct de celui susceptible d'être par ailleurs fondé sur l'irrégularité formelle du commandement, en ce qu'il aurait mentionné un délai inadéquat, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, dans ses conclusions d'appel, Mme [J] [V] soutenait qu'en considérant que l'engagement de caution pouvait être dissocié de l'affectation hypothécaire, le premier juge avait dénaturé la convention des parties, ce dont il résulte qu'elle considérait la convention litigieuse comme claire et précise. Le moyen qui, en sa deuxième branche, fait valoir que l'ambiguïté ou imprécision de cette clause obligeait la cour d'appel à l'interpréter, est donc incompatible avec la thèse adoptée par Mme [J] [V] en cause d'appel.
6. En deuxième lieu, l'arrêt, répondant par là même aux conclusions prétendument délaissées invoquées par la troisième branche, retient que l'erreur de délai figurant dans le commandement de payer valant saisie immobilière constitue un simple vice de forme qui n'est pas de nature à modifier le fait que la saisie immobilière était poursuivie sur le fondement d'une affectation hypothécaire.
7. En dernier lieu, la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, elle n'est pas un cautionnement, de sorte que l'action du créancier fondée sur cette sûreté n'est soumise ni aux articles 2288, 2298 et 2303 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, ni à l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable, peu important que le constituant de la sûreté réelle se soit également rendu caution de la même dette.
8. Ayant relevé que l'affectation hypothécaire litigieuse garantissait la dette d'un tiers et non l'engagement de la caution, et que la saisie immobilière était poursuivie sur son fondement, la cour d'appel en a exactement déduit que ni le fait que Mme [J] [V] avait donné un cautionnement simple ni l'éventuel caractère manifestement disproportionné des engagements qu'elle avait pris n'avaient à être examinés.
9. Irrecevable en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne Mme [J] [V], Mme [X] [V] et Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] [V], Mme [X] [V] et Mme [K] et les condamne in solidum à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.
Sur le cumul du cautionnement réel et personnel, à rapprocher : Com., 21 mars 2006, pourvoi n° 05-12.864, Bull. 2006, IV, n° 72 (cassation partielle).
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CASS/JURITEXT000047454342.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 avril 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 258 FS-B
Pourvoi n° B 21-18.531
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
1°/ Mme [L] [W], veuve [Y], domiciliée [Adresse 2],
2°/ M. [B] [Y], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° B 21-18.531 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [W], veuve [Y] et de M. [Y], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Daubigney, M. Ponsot, Mme Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 18 mai 2021) et les productions, par des actes notariés des 7 juillet 2011 et 28 décembre 2012, la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la banque) a accordé au groupement agricole d'exploitation en commun Andana Berri (le GAEC) deux prêts, chacun d'eux étant garanti à la fois par les cautionnements de Mme [Y] et de M. [Y] (les consorts [Y]) et par des affectations hypothécaires consenties par ces derniers sur diverses parcelles leur appartenant.
2. Le Gaec ayant été mis en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a délivré aux consorts [Y] un commandement de payer valant saisie immobilière.
3. Soutenant que leurs engagements étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, les consorts [Y] ont fait valoir que, conformément à l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable, la banque ne pouvait se prévaloir des affectations hypothécaires.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Les consorts [Y] font grief à l'arrêt, après avoir rejeté leurs demandes et constaté que les conditions des articles L. 311-2 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies, de fixer les deux créances de la banque et d'ordonner la vente aux enchères des biens objet du commandement de saisie immobilière des 7 et 8 octobre 2019, alors « que la caution hypothécaire, personne physique, lorsque l'acte notarié contient, outre la constitution d'une sûreté réelle, un engagement personnel et solidaire de l'une des cautions hypothécaires envers l'établissement de crédit, peut invoquer le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation relatives à la disproportion de l'engagement de caution ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que les deux actes notariés des 7 juin 2011 et 28 décembre 2012, au titre desquels la banque poursuit la saisie immobilière, contiennent un cautionnement personnel et solidaire des exposants, en sus de la caution hypothécaire, a néanmoins, pour dire que les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne s'appliquaient pas et, en conséquence, débouter les exposants de leurs demandes tendant à voir la banque déchue de son droit de poursuites, et ordonner la vente aux enchères des biens objet du commandement de saisie immobilière des 7 et 8 octobre 2019, énoncé que les engagements au titre desquels la banque poursuit la saisie immobilière ne sont pas des cautionnements tels que visés à l'article L. 341-4, constitutifs d'une sûreté personnelle portant gage sur l'ensemble du patrimoine de l'intéressé, mais des contrats de caution hypothécaire, constitutifs de sûretés réelles, portant sur le seul bien hypothéqué, à concurrence de sa valeur, que le créancier poursuit la saisie immobilière exclusivement au titre de la caution hypothécaire, que la caution hypothécaire qui n'implique aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation du débiteur principal ne constitue donc pas un cautionnement et que seul l'immeuble objet de l'hypothèque est affecté à la garantie de la dette du débiteur principal, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait au contraire que la sûreté réelle consentie par les consorts [Y] se doublait d'un cautionnement personnel et solidaire de ce dernier, qui, partant, avait, en contemplation de l'affectation de l'immeuble hypothéqué à la garantie du remboursement de la dette du GAEC, manifesté l'intention d'ajouter à cette garantie, nécessairement limitée à la valeur des terrains hypothéqués, un cautionnement emportant pour lui engagement personnel de répondre du paiement de l'intégralité de cette dette, de sorte que les dispositions protectrices de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, étaient applicables, et a ainsi violé ce texte par refus d'application. »
Réponse de la Cour
5. La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, elle n'est pas un cautionnement, de sorte que l'action du créancier fondée sur cette sûreté n'est pas soumise à l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable, peu important que le constituant de la sûreté réelle se soit également rendu caution de la même dette.
6. Ayant relevé que les engagements au titre desquels la banque poursuivait la saisie immobilière n'étaient pas des cautionnements constitutifs de sûretés personnelles portant gage sur l'ensemble du patrimoine des intéressés, mais des sûretés réelles portant sur les seuls biens hypothéqués à concurrence de leur valeur, et que la banque poursuivait la saisie immobilière sur le seul fondement de ces sûretés réelles, la cour d'appel a exactement retenu que les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation ne trouvaient pas à s'appliquer, nonobstant la présence, dans les actes notariés, des cautionnements personnels et solidaires des consorts [Y] en sus des sûretés réelles.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne Mme [Y] et M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Y] et M. [Y] et les condamne in solidum à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.
Sur le cumul du cautionnement réel et personnel, à rapprocher : Com., 21 mars 2006, pourvoi n° 05-12.864, Bull. 2006, IV, n° 72 (cassation partielle).
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COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 avril 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 257 F-B
Pourvoi n° K 21-21.184
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
1°/ M. [S] [D],
2°/ Mme [L] [D],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° K 21-21.184 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant :
1°/ à la société La Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée la société Compagnie européenne de garanties immobilières, venant aux droits de la société Saccef,
2°/ à la société My Money Bank, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée société GE Money Bank,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. et Mme [D], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société La Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société My Money Bank, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 juin 2021), par une offre de prêt du 16 avril 2007, acceptée le 30 avril 2007, la société GE Money Bank, devenue My Money Bank (la banque), a consenti à M. et Mme [D] un prêt immobilier de 330 450 euros. Ce prêt a été garanti par le cautionnement consenti par la société La Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC).
2. A la suite de la défaillance des emprunteurs, la société CEGC a désintéressé la banque puis assigné M. et Mme [D] en remboursement des sommes payées par elle.
3. M. et Mme [D] ayant formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts, la société CEGC a appelé la banque en garantie.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [D] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts formée contre la société CEGC et, en conséquence, de les condamner à verser à cette société la somme de 331 886,88 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 20 août 2009, alors :
« 1°/ que constitue une faute engageant la responsabilité délictuelle de la caution professionnelle à l'égard du débiteur cautionné non averti, l'acceptation par ses soins d'un dossier présenté par le prêteur dont les éléments révèlent le caractère disproportionné de l'opération d'emprunt à cautionner par rapport aux capacités financières de l'emprunteur ; que l'arrêt a constaté qu'en sus des informations ressortant de la demande de prêt transmise par la banque à la société de caution, cette dernière avait reçu communication d'éléments dont il résultait que les époux [D] étaient propriétaires d'autres biens immobiliers à usage locatif estimés à 182 000 euros, sans que l'on sache si ces biens étaient ou non remboursés, et de leurs relevés de comptes courants, dont l'examen permettait de relever d'autres remboursements à la charge des candidats à l'emprunt, pour un montant mensuel de 1 666,81 euros correspondant à des prêts souscrits auprès d'autres établissements financiers ; qu'en retenant pourtant qu'au vu des éléments communiqués à la société de caution, l'endettement résultant de l'emprunt litigieux ne pouvait apparaître excessif et qu'il ne pouvait être reproché à l'organisme de caution d'avoir accordé sa garantie à l'opération litigieuse, sans mieux s'expliquer sur les conséquences que la CEGC devait déduire de l'existence des engagements financiers supplémentaires ainsi identifiés quant à l'endettement global des époux [D] et au caractère proportionné de l'emprunt envisagé par rapport à leurs capacités financières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ;
2°/ que le seul fait pour la caution professionnelle d'accepter un dossier de cautionnement dont dépend l'octroi du prêt est susceptible de constituer un manquement au contrat la liant à l'établissement de crédit et d'engager sa responsabilité délictuelle envers le débiteur cautionné, tiers au contrat, peu important qu'elle ne soit pas tenue d'un devoir de mise en garde à son égard ni même décisionnaire dans l'octroi du prêt ; que l'arrêt a constaté que la CEGC avait, conformément à sa convention-cadre avec GE Money Bank, été rendue destinataire d'informations précises incluant la demande de prêt des époux [D], leurs avis d'imposition et relevés de compte, et un document interne d'analyse établi par la banque, et relevé qu'il résultait notamment de ces éléments que les époux [D] étaient propriétaires d'autres biens immobiliers à usage locatif estimés à 182 000 euros, sans que l'on sache si ces biens étaient ou non remboursés, et débiteurs d'autres emprunts contractés auprès de différents établissements financiers pour un montant mensuel de 1 666,81 euros ; qu'en déboutant néanmoins les consorts [D] de leur demande indemnitaire à l'encontre de la CEGC, motif pris de ce qu'ils échouaient à établir une faute de la caution professionnelle, non décisionnaire dans l'octroi du prêt et non tenue à un devoir de mise en garde, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inaptes à exclure tout manquement contractuel de la caution professionnelle de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard du débiteur cautionné, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir relevé que la société CEGC justifiait que, aux fins d'examen du dossier pour lequel son cautionnement avait été sollicité par la banque, il lui avait été communiqué des documents laissant apparaître que M. et Mme [D] percevaient des ressources mensuelles de 12 800 euros, avec des charges de 2 021 euros par mois, outre des remboursements de prêts souscrits auprès de Sofinco, banque Accord ou d'autres banques pour 1 666,81 euros, qu'ils étaient propriétaires de leur résidence principale estimée à 207 315 euros, déduction faite du montant du prêt restant à rembourser, qu'ils étaient propriétaires de deux autres biens immobiliers à usage locatif estimés à 182 000 euros, sans encours de prêt mentionné, et qu'ils disposaient de placements financiers à hauteur de 144 000 euros, l'arrêt retient que ces éléments sont corroborés par la fiche d'information du 16 avril 2007 signée par M. et Mme [D], figurant dans le dossier de l'offre de prêt et sur laquelle n'est reportée aucune charge immobilière autre que celles relatives au remboursement du prêt concernant la résidence principale ainsi que les remboursements des emprunts à court terme, peu important que cette fiche soit postérieure à l'octroi du cautionnement dans la mesure où elle est concordante avec les éléments en possession de la caution.
6. Ayant ainsi retenu que les informations communiquées par la banque à la société de caution, laquelle était en droit de s'y fier, sans être tenue de vérifier leur exactitude ni de procéder à des recherches complémentaires, ne faisaient pas apparaître que le prêt sollicité par M. et Mme [D] était inadapté à leurs capacités financières, la cour d'appel en a exactement déduit que ces derniers échouaient à établir une faute de la société CEGC de nature à générer à leur profit une créance de dommages-intérêts.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. M. et Mme [D] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts formée contre la société My Money Bank, alors « que le juge ne doit pas méconnaître les termes du litige ; que pour confirmer le jugement en ce qu'il avait débouté les époux [D] de leur demande indemnitaire à l'encontre de la banque, la cour d'appel a énoncé qu'ils ne présentaient en cause d'appel aucune demande à l'encontre du prêteur pourtant attrait à la procédure ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait tant du dispositif que des moyens développés dans les conclusions d'appel des époux [D] qu'ils sollicitaient la condamnation de la banque à des dommages-intérêts, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé ensemble les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
10. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [D] contre la société My Money Bank, l'arrêt retient qu'ils ne présentent aucune demande contre le prêteur pourtant attrait en la cause.
11. En statuant ainsi, alors que M. et Mme [D] demandaient, dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, la condamnation de la société My Money Bank, in solidum avec la société CEGC, à leur payer à titre de dommages-intérêts les sommes de 331 886 euros et 173 558 euros, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [D] contre la société My Money Bank, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.
Condamne la société My Money Bank aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société My Money Bank et condamne, d'une part, la société My Money Bank à payer à M. et Mme [D] la somme globale de 3 000 euros et, d'autre part, M. et Mme [D] à payer à la société La Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454344.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 avril 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 260 FS-B
Pourvoi n° H 21-20.905
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
M. [D] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-20.905 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au Fonds commun de titrisation Castanea, dont le siège est [Adresse 4], ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, représenté par son recouvreur la société MCS associés, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [W], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Daubigney, M. Ponsot, Mme Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2021), par un acte du 12 décembre 2011, la Société générale (la banque) a consenti à la société Chez [D] (la société) un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce. Par un acte du 30 novembre 2011, M. [W] s'est rendu caution solidaire de la société, en garantie du remboursement de ce prêt.
2. La société ayant cessé de régler les échéances du prêt, la banque a assigné en paiement la caution.
3. Le 3 août 2020, la banque a cédé sa créance au Fonds commun de titrisation Castanea (le FCT), ayant pour société de gestion Equitis gestion.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [W] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au FCT, ayant pour société de gestion Equitis gestion, représentée par la société MCS et associés, la somme de 41 750,66 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2017 et capitalisation des intérêts, alors « que les erreurs et omissions affectant la mention manuscrite prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation entraînent la nullité de l'engagement de caution dès lors qu'elles sont de nature à affecter le sens et la portée de celle-ci ; qu'en l'espèce, il résulte des propres motifs de l'arrêt attaqué que la mention manuscrite figurant à l'acte de cautionnement comportait des phrases coupées et des erreurs de syntaxe rendant difficile son intelligibilité et plusieurs imprécisions, quant à la durée du prêt, la possibilité pour la banque d'engager à la fois les biens et les revenus de la caution et quant à l'identité du débiteur principal, lesquelles rendaient nécessairement ambigüe la portée de l'engagement ; qu'en refusant néanmoins d'annuler l'acte de cautionnement, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation.»
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
5. Selon ce texte, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. »
6. Pour rejeter la demande de M. [W] tendant à l'annulation de son engagement de caution et le condamner à paiement, l'arrêt, après avoir relevé que la mention portée sur l'acte de cautionnement est la suivante : « En me portant caution de la SARL Chez [D], dans la limite de la somme de 71 500 euros (soixante et onze mille cinq cents euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée (au lieu de la) de neuf années, Je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus ou (au lieu de et) mes biens si la SARL Chez [D] n'y satisfait pas lui-même (le débiteur dans la formule légale). En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec la SARL Chez [D]. Je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il puisse poursuivre préalablement la SARL Chez [D] », retient que les minimes altérations de la formule légale n'ont pas modifié la compréhension par M. [W] du sens et de la portée de son engagement et en déduit que sa demande de nullité du cautionnement ne peut être accueillie.
7. En statuant ainsi, après avoir constaté que la formule écrite de la main de la caution prévoyait que celle-ci s'engageait sur ses revenus ou ses biens, et non sur ses revenus et ses biens, conformément à la mention manuscrite légale, ce qui en modifiait le sens et la portée quant à l'assiette du gage du créancier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation du chef de dispositif condamnant M. [W] à payer au FCT la somme de 41 750,66 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2017, entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ordonnant la capitalisation des intérêts à compter du 5 mai 2018 et condamnant M. [W] aux dépens et à payer au FCT la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour statue au fond sur les points atteints par la cassation.
11. Pour les motifs exposés à l'occasion de l'examen du premier moyen, il y a lieu d'accueillir la demande de M. [W] d'annulation de son engagement de caution et, en conséquence, de rejeter les demandes du FCT de condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 52 060,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021, et de capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière.
12. Dès lors que la demande formée à titre principal par M. [W] est accueillie, il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi, qui fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'indemnisation fondée sur un manquement de la banque à son obligation de mise en garde, cette demande n'étant formée qu'à titre subsidiaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [W] à payer au Fonds commun de titrisation Castanea, ayant pour société de gestion Equitis gestion, représentée par la société MCS et associés, la somme de 41 750,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2017, en ce qu'il ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 5 mai 2018 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Annule le cautionnement consenti par M. [W] par acte du 30 novembre 2011 au profit de la Société générale ;
Rejette les demandes du Fonds commun de titrisation Castanea, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, de condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 52 060,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2021, et de capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière.
Condamne le Fonds commun de titrisation Castanea, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds commun de titrisation Castanea, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.
Sur la mention manuscrite en matière de cautionnement : 1re Civ., 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-24.287, Bull. 2015, I, n° 182 (rejet).
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CASS/JURITEXT000047454384.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2023
Cassation sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 277 F-B
Pourvoi n° K 21-19.160
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
M. [Z] [L], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-19.160 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Brossette, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [L], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Brossette, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 20 mai 2021), par acte du 19 février 2014, M. [L], gérant de la société [L], s'est porté avaliste d'une chaîne de lettres de change tirées sur cette société au bénéfice de la société Brossette, son fournisseur. Ces lettres de change n'ayant pas été payées et la société [L] ayant été placée en liquidation judiciaire, la société Brossette a déclaré sa créance puis a assigné en paiement M. [L] en qualité d'avaliste et, à titre subsidiaire, de caution.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. [L] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Brossette la somme de 156 708,85 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017, alors « qu'un aval ne pouvant être donné valablement que pour la garantie d'un engagement cambiaire, l'aval donné par une personne physique au profit d'un créancier professionnel en garantie de lettres de change relevées magnétiques ne peut constituer un cautionnement valable, faute de comporter les mentions manuscrites prévues aux articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; que la cour d'appel constate que l'aval du 19 février 2014 avait été donné par M. [L] en garantie de lettres de change relevés magnétiques ne constituant pas des lettres de change ; qu'elle constate également que ledit aval, donné au profit de la société Brossette, créancier professionnel, comportait une mention manuscrite "Bon pour aval pour le compte du tiré Eurl [L] à hauteur de la somme de 311 358,93 euros (trois cent onze mille trois cent cinquante-huit euros quatre-vingt-treize centimes) à titre d'engagement cambiaire", laquelle ne répondait pas aux exigences des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; d'où il suit que l'aval donné par M. [L] le 19 février 2014 ne pouvait constituer un cautionnement valable et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles précités du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
3. La société Brossette conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.
4. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.
5. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 511-21 du code de commerce et l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
6. Aux termes du premier de ces textes, le paiement d'une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval.
7. Selon le second, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. ».
8. Si l'aval porté sur une lettre de change irrégulière au sens de l'article L. 511-21 du code de commerce peut constituer le commencement de preuve d'un cautionnement solidaire, ce dernier est nul s'il ne répond pas aux prescriptions de l'article L. 341-2 du code de la consommation.
9. Pour condamner M. [L] à payer à la société Brossette, grossiste fournisseur de la société [L], la somme de 156 708,85 euros, l'arrêt, après avoir exclu que l'acte du 19 février 2014 soit qualifié d'aval, au sens du droit cambiaire, retient que les termes de l'engagement de M. [L] figurant dans cet acte, qu'il reproduit, expriment clairement la volonté de ce dernier, gérant et associé unique de la société [L], de s'engager envers la société Brossette à garantir le paiement de la somme globale de 311 358,93 euros, pour une durée de vingt mois, en cas de défaillance de la société [L], que ces mentions répondent aux prescriptions de l'article 2288 du code civil en matière de cautionnement et que l'acte du 19 février 2014 doit donc s'analyser en un commencement de preuve par écrit de l'existence d'un cautionnement, complété par l'élément extrinsèque découlant de la qualité de gérant de M. [L] prouvant son intention de cautionner la société qu'il dirigeait.
10. En se déterminant ainsi, sans constater que l'acte du 19 février 2014 comportait la mention manuscrite exigée à peine du nullité du cautionnement à l'article L. 341-2 du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
11. Ainsi qu'il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. D'une part, les lettres avalisées sont des lettres de change-relevé magnétique qui ne reposent pas sur un titre soumis aux conditions de validité de l'article L. 511-1 du code de commerce et constituent un simple procédé de recouvrement de créance dont la preuve de l'exécution relève du droit commun. L'engagement souscrit par M. [L] le 19 février 2014 ne peut donc pas constituer un aval au sens du droit cambiaire. D'autre part, il résulte des productions que l'acte du 19 février 2014 ne comporte pas les mentions manuscrites prévues à l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, cet engagement ne peut être requalifié en cautionnement. Dès lors, la demande en paiement de la société Brossette doit être rejetée.
14. En application de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner la société Brossette à verser à M. [L] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés lors de l'instance de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Statuant à nouveau ;
Rejette la demande en paiement de la société Brossette.
Condamne la société Brossette à verser à M. [L], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés devant les juges de première instance et d'appel ;
Condamne la société Brossette aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges de première instance et d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Brossette et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros au titre de l'instance de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.
S'agissant d'une lettre de change annulée, à rapprocher : Com., 27 septembre 2016, pourvoi n° 14-22.013, Bull. 2016, IV, n° 119 (cassation).
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CASS/JURITEXT000047635705.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 381 F-B
Pourvoi n° E 21-16.004
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023
La société [K], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [P] [K], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [Y] [J] et Mme [O] [J], a formé le pourvoi n° E 21-16.004 contre le jugement rendu le 4 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au comptable responsable du service des impôts des particuliers de [Localité 5], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Loire et du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [Y] [J], domicilié [Adresse 4],
3°/ à Mme [O] [J], domiciliée [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bedouet, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société [K], ès qualités, de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable responsable du service des impôts des particuliers de [Localité 5], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Loire et du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Bedouet, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Saint-Etienne, 4 mars 2021), le 15 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a mis M. [J], agriculteur, en liquidation judiciaire. Par un jugement du 27 février 2018, il a prononcé l'extension de la procédure à son épouse, la société [K] étant désignée liquidateur.
2. Le service des impôts des particuliers (SIP) de [Localité 5] a porté à la connaissance du liquidateur une créance de taxe foncière de 529 euros au titre de l'année 2018. Le liquidateur a contesté devant le juge-commissaire la liste des créances mentionnées à l'article L. 641-13, I, du code de commerce en faisant valoir que la créance de taxe foncière du SIP ne devait pas y figurer.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société [K], ès qualités, fait grief au jugement réformant l'ordonnance du juge-commissaire de dire que la taxe foncière d'un montant de 414 euros due pour l'année 2018 par M. [J] doit figurer dans la liste des créances de l'article L. 641-13 du code de commerce et être payée à son échéance, alors « que selon l'article L. 641-13, I, du code de commerce, sont notamment payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire pour les besoins de la vie courante du débiteur, personne physique ; qu'en considérant que la créance de taxe foncière était "née des besoins de la vie courante de Monsieur [Y] [J]", le tribunal a violé l'article L. 641-13, I du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 641-13 du code de commerce :
4. Il résulte de ce texte que les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire sont payées à leur échéance notamment si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique.
5. Pour dire que la taxe foncière due pour l'année 2018 par M. [J] devait figurer sur la liste des créances de l'article L. 641-13 du code de commerce, le jugement retient, que l'immeuble imposé au titre de la taxe foncière contestée constituait, au 1er janvier 2018, la résidence principale de M. [J], de sorte que cette créance fiscale est née des besoins de la vie courante de M. [J].
6. En statuant ainsi, alors que la taxe foncière ne constitue pas une créance née des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne autrement composé ;
Met les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [K], en qualité de liquidateur judiciaire de M. et Mme [J] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635703.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 380 F-B
Pourvoi n° C 21-15.151
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023
La société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 21-15.151 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Kuehne + Nagel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
2°/ à la société AIG Europe, société anonyme de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2] (Royaume-Uni), ayant son principal établissement [Adresse 1], anciennement dénommée Chartis Europe, puis AIG Europe Limited,
3°/ à la société Bolivariana de Puertos (Bolipuertos), société de droit vénézuélien, dont le siège est [Adresse 4] (Vénézuela),
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CMA CGM, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Kuehne + Nagel, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société AIG Europe, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 janvier 2021) et les productions, la société Beauté prestige international, assurée auprès de la société Chartis Europe, devenue la société AIG Europe, a confié à la société Kuehne + Nagel le transport, depuis [Localité 6] à destination de la société Distribuidora Dipacar Margarita au Venezuela, de 44 palettes et 5 colis de parfums, empotés dans un conteneur dont le transport maritime a été confié à la société CMA CGM. Le 27 février 2011, le conteneur a été déchargé au port d'[Localité 5], sur le site exploité par la société Bolivariana de Puertos. Le 2 mars 2011, il a été transféré sur le site de la société Scat, entrepôt sous douane, pour le compte de la société Distribuidora Dipacar Margarita, avant d'être ouvert le 3 mars 2011, en présence des représentants de l'autorité douanière du port d'[Localité 5], de la société CMA CGM et de la société Distribuidora Dipacar Margarita.
2. Des manquants et des avaries ayant été constatés, la société AIG Europe a indemnisé la société Beauté prestige international puis a assigné en indemnisation la société Kuehne + Nagel, qui a appelé en garantie la société CMA CGM, laquelle a également appelé en garantie la société Bolivariana de Puertos.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société CMA CGM fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable des pertes subies par la société AIG Europe et, en conséquence, de la condamner à garantir la société Kuehne + Nagel de toute somme mise à sa charge, alors « que la remise de la marchandise par le transporteur maritime à une entreprise monopolistique vaut livraison ; que, pour retenir la responsabilité de la société CMA CGM, la cour d'appel, après avoir constaté que la société Bolivariana de Puertos est un organisme portuaire monopolistique, a énoncé que, "s'il est exact que la responsabilité du transporteur cesse dès la remise des marchandises à un tel organisme, cette remise revêt une forme particulière en matière de transport maritime de marchandise conteneurisée", la délivrance de la marchandise, "s'agissant d'un dommage atteignant les marchandises empotées se fait par l'ouverture du conteneur", et qu'ainsi "le transport maritime prend fin (...) lorsque le destinataire a eu la possibilité matérielle d'appréhender la marchandise (...)", de sorte que l'ouverture du conteneur n'ayant "eu lieu que le 3 mars 2011", c'est "à cette date que cesse la présomption de responsabilité du transporteur", étant relevé que la société CMA CGM "a assisté à l'ouverture du conteneur" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la remise du conteneur litigieux à la société Bolivariana de Puertos qu'elle qualifiait elle-même d'"organisme portuaire monopolistique" valait livraison, la cour d'appel a violé l'article 3.6 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, modifiée. »
Réponse de la Cour
5. La livraison, qui met fin à l'exécution du contrat de transport, s'entend de l'opération matérielle par laquelle le transporteur remet la marchandise à l'ayant droit, celui-ci étant en mesure d'en prendre possession et d'en vérifier l'état.
6. Il en résulte que, sauf clause contraire, la seule remise de la marchandise par le transporteur maritime à une entreprise portuaire qui disposerait d'un monopole pour la manutention des marchandises ne vaut pas, en soi, livraison.
7. Si l'arrêt relève que la société Bolivariana de Puertos est un organisme portuaire monopolistique, il retient aussi que le transport maritime prend fin et la livraison est accomplie lorsque le destinataire a eu la possibilité matérielle d'appréhender la marchandise pour la faire sortir de l'aire de dédouanement où elle était entreposée et, ayant été mis en mesure d'en vérifier l'état, d'assortir son acceptation de réserves et d'en prendre possession. Il ajoute que l'ouverture du conteneur a eu lieu en présence de la société CMA CGM le 3 mars 2011, date à laquelle il était encore scellé par le plomb d'origine, faisant ressortir, conformément à la clause CY du « bill of lading » que les parties avaient convenue, que la livraison de la marchandise aurait lieu à l'ouverture du conteneur, et qu'il a été constaté contradictoirement à cette occasion qu'il manquait 23 palettes par rapport au 44 palettes mentionnées sur le connaissement.
8. En l'état de ces constatations et appréciations, établissant que, jusqu'à l'ouverture du conteneur, les marchandises étaient demeurées sous la garde du transporteur maritime, la cour d'appel a exactement retenu que celui-ci était présumé responsable des manquants.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CMA CGM aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CMA CGM et la condamne à payer à la société Kuehne + Nagel la somme de 3 000 euros et à la société AIG Europe la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635701.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 377 F-B
Pourvoi n° E 21-22.398
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023
La société Conseil assistance patrimoine, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-22.398 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Grave-Randoux, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Conseil assistance patrimoine,
2°/ à l'URSSAF de Picardie, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de la société Conseil assistance patrimoine, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 juin 2021), le 3 octobre 2014, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Picardie a signifié à la société Conseil assistance patrimoine (la société CAP) une contrainte émise le 1er octobre 2014.
2. La société CAP a formé une opposition à la contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale qui, par un jugement du 9 janvier 2018, a annulé cette contrainte, fixé la créance de l'URSSAF à une certaine somme et condamné la société CAP au paiement de cette somme.
3. L'URSSAF a relevé appel de ce jugement puis, le 11 octobre 2019, la société CAP a été mise en liquidation judiciaire. Son liquidateur est intervenu à l'instance, ainsi que la société débitrice elle-même.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société CAP fait grief à l'arrêt de déclarer son intervention irrecevable et de fixer la créance de l'URSSAF à la somme de 983,03 euros, alors « que lorsqu'une instance tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire est en cours à la date de ce jugement, le débiteur a le droit propre de se défendre dans cette procédure ; que la cour d'appel a constaté que la société Conseil assistance patrimoine avait formalisé en 2014 une opposition à une contrainte délivrée par l'URSSAF, sur laquelle le tribunal des affaires de sécurité sociale avait statué par jugement du 9 janvier 2018 et que la société Conseil assistance patrimoine avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 octobre 2019 ; qu'en estimant l'intervention de la société Conseil assistance patrimoine représentée par son gérant irrecevable au motif inopérant que les débats étaient clos devant le tribunal des affaires de sécurité sociale à la date d'ouverture de la procédure collective, quand la société Conseil assistance patrimoine avait un droit propre, malgré la liquidation, à contester la créance de l'URSSAF à tout stade de la procédure, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 641-9 du code de commerce :
6. Le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, dont les droits et actions sur son patrimoine sont exercés par le liquidateur, conserve le droit propre de se défendre sur le recours formé contre la décision fixant, après reprise d'une instance en cours lors du jugement d'ouverture, une créance à son passif ou le condamnant à payer un créancier.
7. Pour déclarer irrecevable l'intervention de la société CAP, l'arrêt énonce que l'instance n'est plus en cours si les débats ont déjà eu lieu avant le jugement d'ouverture, puis retient que si le tribunal des affaires de sécurité sociale a été saisi d'une opposition à la contrainte formée par la société CAP alors qu'elle était in bonis, l'instance n'était plus en cours à la date du prononcé de la liquidation judiciaire puisque les débats étaient clos. Il en déduit que, compte tenu de sa liquidation judiciaire, la société CAP est irrecevable à se défendre et doit être représentée par son liquidateur.
8. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la société CAP avait été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2019, soit après que l'URSSAF avait relevé appel du jugement la condamnant à paiement, de sorte que l'instance était en cours et que la société CAP avait un droit propre à y défendre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne l'URSSAF de Picardie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'URSSAF de Picardie à payer à la société Conseil assistance patrimoine la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635693.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 362 F-B
Pourvoi n° W 20-21.949
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023
M. [V] [J], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Sifra Meat, a formé le pourvoi n° W 20-21.949 contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la cour d'appel de Metz (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Grolleman Cold Store BV, société de droit néerlandais, dont le siège est [Adresse 2] (Pays-Bas), défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [J], ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Grolleman Cold Store BV, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 17 septembre 2020), la société Sifra Meat, spécialisée dans le commerce de viandes en gros et l'abattage, a été mise en liquidation judiciaire le 15 octobre 2013, M. [J] étant désigné liquidateur, une société d'huissier de justice étant nommée pour dresser l'inventaire.
2. Une partie des stocks de la société débitrice étant entreposée dans les locaux de la société néerlandaise Grolleman Cold Store BV (la société Grolleman), la société d'huissier de justice a indiqué ne pas pouvoir instrumenter aux Pays-Bas. Le liquidateur a déposé une requête auprès du juge-commissaire aux fins de désignation d'un « expert » avec mission d'assurer l'inventaire des stocks de la société Sifra Meat détenus par la société Grolleman ainsi que le suivi des marchandises.
3. Par une seconde requête, il a demandé à ce qu'il soit ordonné sous astreinte à la société Grolleman de lui communiquer des documents liés aux stocks.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'annuler l'ordonnance du juge-commissaire du 18 septembre 2014, qui avait désigné un expert judiciaire aux fins de dresser l'inventaire du stock de viandes détenu par la société Grolleman pour le compte de la société Sifra Meat, et de faire un rapport sur l'évolution de ces stocks depuis 2013, et de la condamner à restituer à la société Grolleman les documents que cette dernière avait remis à l'expert, alors « que le juge-commissaire peut désigner un technicien en vue de réaliser d'un inventaire lorsque les circonstances particulières font obstacle à la réalisation de cet inventaire par l'huissier désigné à cette fin par le jugement d'ouverture ; qu'en jugeant qu'une mesure de désignation d'un technicien pouvait être ordonnée pour compléter, pour des raisons particulières, un inventaire déjà établi, mais en aucun cas pour désigner un technicien se substituant à l'huissier désigné par le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les articles L. 621-9 et L. 641-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 621-9 et L. 641-1, II, alinéa 7, du code de commerce :
5. Si, en application du second de ces textes, il appartient au tribunal qui ouvre la liquidation judiciaire de désigner, aux fins de réaliser l'inventaire prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce et la prisée de l'actif du débiteur, un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté, il résulte de la généralité du premier, qu'en cas de nécessité, le juge-commissaire a compétence pour résoudre les difficultés liées à l'établissement de l'inventaire en désignant un technicien aux fins de le compléter.
6. Pour annuler l'ordonnance du juge-commissaire ayant désigné le technicien chargé de compléter l'inventaire du stock, l'arrêt retient que cette décision revient à contourner les dispositions de l'article L. 641-1, II, du code de commerce aux termes desquelles seul le tribunal peut désigner la personne devant réaliser l'inventaire, cependant que la société d'huissier de justice n'a pas pu réaliser sa mission au sein de la société étrangère.
7. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait au juge-commissaire de prendre les mesures nécessaires pour résoudre les difficultés rencontrées dans l'établissement de l'inventaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'annuler l'ordonnance du juge-commissaire du 14 [16] août 2015 ayant accueilli la seconde requête du liquidateur, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en tant qu'il annule l'ordonnance du juge-commissaire du 14 [16] août 2015. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
10. La cassation de l'arrêt en ce qu'il annule l'ordonnance du juge-commissaire du 18 septembre 2014 s'étend à la disposition de l'arrêt annulant l'ordonnance du 16 août 2015 sous la dépendance nécessaire de la première.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société Grolleman Cold Store BV aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Grolleman Cold Store BV et la condamne à payer à M. [J], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sifra Meat, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 366 F-B
Pourvoi n° X 21-22.184
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023
1°/ La société Bolloré ports France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ la société Generali assurances IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° X 21-22.184 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Norsilk, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Metsa Wood,
2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la SCI du Port, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],
4°/ à la société Aswood, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de Me Balat, avocat des sociétés Bolloré ports France et Generali assurances IARD, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la SCI du Port et des sociétés Allianz IARD et Aswood, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 29 juin 2021), le 21 octobre 2014, la société Aswood a confié à la société Bolloré ports France (la société Bolloré), entrepreneur de manutention maritime, le déchargement et le transfert d'une cargaison de pellets de bois d'un navire au local de stockage loué par la société Aswood dans un hangar appartenant à la SCI du Port.
2. Au cours de ces opérations, le mur séparant ce local de celui donné à bail à la société Norsilk s'est effondré en raison de la pression causée par un volume trop important de granulés stockés sur une hauteur excessive.
3. La société Aswood, la SCI du Port et leur assureur, la société Allianz IARD, ont assigné en réparation de leur préjudice la société Bolloré et son assureur, la société Generali assurances IARD (la société Generali), avant que la société Norsilk n'assigne ces cinq sociétés en indemnisation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première et seconde branches, et le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, rédigés en termes similaires, réunis
Enoncé des moyens
5. Les sociétés Bolloré et Generali font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la SCI du Port à leur encontre, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 5422-20 du code des transports, "l'entrepreneur de manutention opère pour le compte de la personne qui a requis ses services, et sa responsabilité n'est engagée qu'envers cette personne qui seule peut agir contre lui" ; que si un tiers peut exceptionnellement être déclaré recevable à agir contre le manutentionnaire, il faut en revanche nécessairement qu'il ne dispose d'aucune autre action, notamment contre le donneur d'ordre ; qu'en admettant la recevabilité de l'action exercée par la SCI du Port, tiers au contrat de manutention litigieux, contre la société Bolloré, sans s'expliquer sur le caractère nécessairement subsidiaire d'une telle action et sans constater que la SCI du Port ne disposait d'aucune autre action contre quiconque pour obtenir réparation, et en particulier contre le donneur d'ordre de la société Bolloré à savoir la société Aswood, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 5422-20 du code des transports ;
2°/ qu'aux termes de l'article L. 5422-20 du code des transports, "l'entrepreneur de manutention opère pour le compte de la personne qui a requis ses services, et sa responsabilité n'est engagée qu'envers cette personne qui seule peut agir contre lui" ; qu'il en découle que les actions exceptionnellement exercées par les tiers contre le manutentionnaire présentent nécessairement un caractère subsidiaire ; que pour déclarer recevable l'action de la SCI du Port contre la société Bolloré, manutentionnaire, la cour d'appel a retenu que "l'action en responsabilité délictuelle d'un tiers contre le manutentionnaire portuaire ne présente pas un caractère subsidiaire à l'action contractuelle prévue à l'article précité, l'action en responsabilité délictuelle restant ouverte à la victime d'un dommage résultant de l'exécution d'un contrat de manutention auquel elle a été tiers" ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 5422-20 du code des transports. »
6. Les sociétés Bolloré et Generali font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la société Norsilk à leur encontre, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 5422-20 du code des transports, "l'entrepreneur de manutention opère pour le compte de la personne qui a requis ses services, et sa responsabilité n'est engagée qu'envers cette personne qui seule peut agir contre lui" ; que si un tiers peut exceptionnellement être déclaré recevable à agir contre l'entrepreneur de manutention, il faut en revanche nécessairement qu'il ne dispose d'aucune autre action, notamment contre le donneur d'ordre ; qu'en admettant la recevabilité de l'action exercée par la société Norsilk, tiers au contrat de manutention litigieux, contre la société Bolloré, sans s'expliquer sur le caractère nécessairement subsidiaire d'une telle action et sans constater que la société Norsilk ne disposait d'aucune autre action contre quiconque pour obtenir réparation, et en particulier contre le donneur d'ordre de la société Bolloré à savoir la société Aswood, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 5422-20 du code des transports ;
2°/ qu'aux termes de l'article L. 5422-20 du code des transports, "l'entrepreneur de manutention opère pour le compte de la personne qui a requis ses services, et sa responsabilité n'est engagée qu'envers cette personne qui seule peut agir contre lui" ; qu'il en découle que les actions exceptionnellement exercées par les tiers contre le manutentionnaire présentent nécessairement un caractère subsidiaire ; que pour déclarer recevable l'action de la société Norsilk contre la société Bolloré, manutentionnaire, la cour d'appel a retenu que "l'action en responsabilité délictuelle d'un tiers contre le manutentionnaire portuaire ne présente pas un caractère subsidiaire à l'action contractuelle prévue à l'article précité, l'action en responsabilité délictuelle restant ouverte à la victime d'un dommage résultant de l'exécution d'un contrat de manutention auquel elle a été tiers" ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 5422-20 du code des transports. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de la combinaison des articles L. 5422-12 et L. 5422-18 du code des transports, applicables au manutentionnaire de transport en vertu de l'article L. 5422-25 de ce code, que, quel qu'en soit le fondement, toute action principale en responsabilité pour pertes et dommages aux marchandises exercée à l'encontre d'un entrepreneur de manutention se prescrit dans le délai d'un an.
8. Après avoir relevé que la SCI du Port et la société Norsilk étaient des tiers au contrat de manutention maritime conclu entre la société Aswood et la société Bolloré, l'arrêt retient qu'elles ne sont pas intervenues dans la chaîne contractuelle du transport et du débarquement des marchandises et que les préjudices allégués par elles ne concernent pas les marchandises transportées, débarquées, mises et reprises sous hangar dans les locaux de la société Aswood à la demande de celle-ci, mais, pour l'une, les dégâts causés au mur de son hangar et leurs conséquences financières, pour l'autre, les dommages causés aux produits entreposés dans son local de stockage, voisin de celui de la société Aswood, et son préjudice financier consécutif.
9. De ces constatations et appréciations, par une décision suffisamment motivée, la cour d'appel a exactement déduit que l'action des deux sociétés fondée sur l'article 1240 du code civil, qui ne portait pas sur les marchandises ayant fait l'objet de l'opération de transport, était recevable et qu'elle n'était pas soumise aux dispositions des articles L. 5422-13 à L. 5422-26 du code des transports.
10. Le moyen n'est pas fondé.
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
11. Les sociétés Bolloré et Generali font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la société Norsilk à leur encontre, alors « qu'il résulte de l'article L. 5422-25 du code des transports que "toutes actions contre l'entrepreneur de manutention" sont prescrites par un an ; que l'entrepreneur de manutention est fondé à opposer ce délai de prescription aussi bien à son cocontractant qu'aux tiers qui entendraient rechercher sa responsabilité ; que pour déclarer non prescrite l'action intentée par la société Norsilk contre la société Bolloré, la cour d'appel a retenu que la société Norsilk n'est pas soumise au régime juridique de la manutention, et qu'elle peut dès lors se prévaloir du délai de droit commun de cinq ans ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 5422-25 du code des transports par refus d'application et l'article 2224 du code civil par fausse application. »
Réponse de la Cour
12. Ayant constaté que le préjudice allégué par la société Norsilk ne consistait pas en des pertes et dommages aux marchandises objets du contrat de manutention maritime mais résultait de l'effondrement d'un mur ayant endommagé d'autres produits entreposés dans son local, la cour d'appel en a exactement déduit que son action en responsabilité civile extra-contractuelle était soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans et non au délai de prescription d'un an de l'article L. 5422-25 du code des transports.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Bolloré ports France et Generali assurances IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635697.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 mai 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 369 F-B
Pourvoi n° W 21-21.424
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023
1°/ La Société d'avocats Rémy Hassan (SARH), société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ la société Ph. Constant et [V] [C], dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [V] [C], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la Société d'avocats Rémy Hassan,
3°/ la société Garnier [M], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de Mme [B] [M], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la Société d'avocats Rémy Hassan,
ont formé le pourvoi n° W 21-21.424 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant à la société [H], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [F] [H], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hélios Strategia, défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Société d'avocats Rémy Hassan (SARH) et de la société Garnier [M], ès qualités, de la SCP Le Griel, avocat de la société [H], ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2021), la Société d'Avocats Rémy Hassan (la SARH) est l'un des avocats de la société Hélios Strategia (la société Hélios). La construction d'une centrale photovoltaïque, confiée par la société Hélios à la société Rev'Solaire, a donné lieu à un contentieux à l'occasion duquel la SARH a représenté la société Hélios. Des saisies-attributions ayant été pratiquées pour appréhender l'indemnité due à la société Hélios par l'assureur de la société Rev'Solaire, des fonds ont été versés, le 8 juin 2016, sur le compte de la SARH ouvert à la caisse des règlements pécuniaires des avocats (la CARPA). Le 9 juin 2016, après que la SARH eut fait signer par son client, le 5 mai 2016, une autorisation de paiement sur son compte CARPA, un chèque d'un montant de 199 034,21 euros a été émis par la CARPA au bénéfice de la SARH en paiement de ses honoraires.
2. Par un jugement du 22 juin 2016, la société Hélios a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 11 mars 2015. La société [H] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. La société David Lacombe, désignée en qualité d'administrateur, a assigné la SARH pour obtenir l'annulation du paiement qu'elle avait reçu.
3. Par un jugement du 16 mars 2017, le redressement judiciaire de la société Hélios a été converti en liquidation judiciaire. La société [H], désignée en qualité de liquidateur, a repris l'instance et demandé le rapport du paiement obtenu par la SARH.
4. Par un jugement du 10 août 2020, la SARH a été mise en sauvegarde. Son plan de sauvegarde a été arrêté par un jugement du 25 novembre 2021, la société Garnier [M] étant désignée en qualité de commissaire à son exécution.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La SARH et le commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde font grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la SARH et d'ordonner le rapport de la somme de 199 034,21 euros à la liquidation judiciaire de la société Hélios, alors :
« 1°/ qu'un paiement par chèque ne peut être attaqué par la voie d'une action en rapport que s'il a été fait par le débiteur en cessation des paiements avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en retenant au contraire que "la loi de sauvegarde des entreprises n'exige plus pour le prononcé des nullités facultatives, et par extension, pour l'action en rapport, l'existence d'un acte accompli par le débiteur, de sorte que l'action est recevable (...) en cas d'émission de chèques par des tiers, pour le compte du débiteur", la cour d'appel a violé les articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce ;
2°/ qu'un paiement par chèque ne peut être attaqué par la voie d'une action en rapport que s'il a été fait par le débiteur en cessation des paiements avant l'ouverture de la procédure collective, ce qui suppose, en cas de chèque émis par un tiers, que le débiteur lui ait préalablement versé la contrepartie nécessaire à ce paiement ; qu'en jugeant que le paiement de la somme de 199 044 euros à la SARH au moyen d'un chèque émis par la CARPA pouvait être attaqué par l'administrateur puis le liquidateur judiciaire de la société Hélios dans le cadre d'une action en rapport, sans établir que ce paiement émanait en réalité de la société Hélios qui aurait préalablement remis au tireur les fonds nécessaires à ce paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte des articles L. 632-1, I, alinéa 1, et L. 632-3, alinéa 2, du code de commerce qu'un paiement par chèque effectué par un tiers pour le compte du débiteur, intervenu depuis la date de cessation des paiements, est soumis à l'action en rapport dès lors que les fonds du débiteur ont constitué la contrepartie permettant l'émission de ce chèque et que son bénéficiaire avait connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur.
8. Ayant constaté, par motifs adoptés, que le paiement litigieux a été effectué par un chèque émis au moyen de fonds déposés sur un sous-compte ouvert à la CARPA au nom de la société Hélios, après autorisation de cette dernière, et, ainsi, fait ressortir que ces fonds, propriété de la société Hélios, ont constitué la contrepartie qui en a permis l'émission, l'arrêt retient exactement que ce chèque, remis à la SARH en paiement de ses honoraires alors qu'elle connaissait l'état de cessation des paiements de la société Hélios, constitue un paiement effectué par un tiers pour le compte de la société débitrice, de sorte qu'il est soumis à l'action en rapport.
9. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société d'avocats Rémy Hassan (SARH) aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'avocats Rémy Hassan (SARH) et la société Garnier [M], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la Société d'avocats Rémy Hassan, et les condamne à payer à la société [H], en sa qualité de liquidateur de la société Hélios Strategia, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635666.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mai 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 330 FS-B
Pourvoi n° Q 21-17.899
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 MAI 2023
1°/ Mme [Y] [D],
2°/ Mme [K] [D],
domiciliées toutes les deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° Q 21-17.899 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [H] [S], domicilié [Adresse 6], pris en sa qualité de co-indivisaire de l'indivision [V] [S], représentée par M. [V] [S],
2°/ à M. [C] [S], domicilié [Adresse 5], pris en sa qualité de co-indivisaire de l'indivision [V] [S], représentée par M. [V] [S],
3°/ à M. [V] [S], domicilié [Adresse 2] (Suisse), pris en son nom personnel et en qualité de mandataire et de co-indivisaire de l'indivision [V] [S],
4°/ à M. [B] [D], domicilié [Adresse 4],
5°/ au GFA [Adresse 3], groupement foncier agricole, dont le siège est [Adresse 3], représenté par son gérant M. [O] [S],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [Y] [D] et de Mme [K] [D], de la SCP Foussard et Froger, avocat du GFA [Adresse 3], de la SCP Spinosi, avocat de MM. [H], [C] et [V] [S], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, MM. Ponsot, Alt, Calloch, conseillers, M. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Tostain, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 mars 2021), à la suite du décès de leurs parents, M. [V] [S] et Mme [Y] [D] ont hérité, en indivision, de 52 848 parts du groupement foncier agricole [Adresse 3] (le GFA), les autres parts étant détenues par Mme [Y][D] (7 248 parts), par M. [B] [D] (1 part) et Mme [K] [D] (1 part), enfants de Mme [Y] [D], et par M. [V] [S] et ses enfants, MM. [H] et [C] [S] (1 part en indivision).
2. Un jugement du 20 septembre 2011 a ordonné le partage par moitié, entre M. [V] [S] et Mme [Y] [D], des parts du GFA héritées en indivision.
3. Le 28 juin 2012, l'assemblée générale extraordinaire du GFA a, d'une part, agréé Mme [Y] [D] en qualité d'associée au titre des parts attribuées à l'issue du partage de l'indivision successorale, d'autre part, refusé d'agréer M. [V] [S] à ce même titre.
4. M. [V] [S] a assigné le GFA et M. [B] [D], son gérant, en nullité de la résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 28 juin 2012. MM. [H] et [C] [S] sont intervenus volontairement à l'instance.
5. Un arrêt du 22 mai 2018 a dit que l'agrément de M. [V] [S] comme associé du GFA, au titre des parts attribuées à celui-ci dans le partage de l'indivision successorale, était acquis au 9 décembre 2012 et que Mme [Y] [D] n'était pas agréée comme associée au titre des parts lui ayant été attribuées dans ce même partage.
6. Mmes [Y] [D] et [K] [D] ont formé tierce-opposition à cet arrêt.
Examen du moyen
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la tierce-opposition de Mme [K] [D]
Enoncé du moyen
7. Mme [K] [D] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce-opposition, alors :
« 1°/ qu'est recevable à former tierce-opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; que si la personne morale représente ses associés dans les litiges avec les tiers et dans les cas où les associés subissent un préjudice qui n'est que le corollaire de celui de la société, la représentation des associés par la société est en revanche exclue lorsque le litige porte sur un conflit entre associés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'action introduite par M. [V] [S] à l'encontre du GFA et ayant donné lieu à l'arrêt du 22 mai 2018 contre lequel Mmes [Y] [D] et [K] [D] ont formé tierce-opposition portait sur les qualités respectives d'associés de Mme [Y] [D] et M. [V] [S] et sur le partage successoral entre eux des parts du GFA ; qu'il ressortait donc des constatations de la cour d'appel que le litige ne portait pas sur les rapports du GFA avec les tiers ni ne mettait en cause un préjudice social ayant atteint l'ensemble des associés, mais portait sur un conflit entre associés ; qu'en jugeant néanmoins que Mmes [Y] [D] et [K] [D] avaient été représentées par le GFA dans le cadre de ce litige, pour en déduire que leur tierce-opposition était irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'est recevable à former tierce-opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'une communauté d'intérêts ne saurait suffire à caractériser cette représentation ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger que Mmes [Y] [D] et [K] [D] avaient été représentées par le GFA dans la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 22 mai 2018 et en déduire que leur tierce-opposition était irrecevable, que les demandes et moyens qu'elles formulaient dans le cadre de cette tierce-opposition étaient identiques aux demandes et moyens qui avaient été présentés par le GFA, de sorte que les intérêts de Mmes [Y] [D] et [K] [D] auraient été défendus par le GFA et son gérant lors de la procédure précédente, cependant qu'une communauté d'intérêts ne pouvait suffire à caractériser la représentation de Mmes [Y] [D] et [K] [D] par le GFA, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Après avoir exactement énoncé que les associés, représentés à l'instance par le représentant légal de la société, ne sont, en principe, pas recevables à former tierce-opposition au jugement, sauf s'ils font valoir un moyen qui leur est personnel, et relevé que le litige dont Mme [K] [D] a saisi la cour d'appel, relatif à l'agrément, par le GFA, de M. [V] [S] et de Mme [Y] [D] en qualité d'associés au titre des parts attribuées à chacun d'eux dans le partage de l'indivision successorale, est identique à celui ayant donné lieu à un arrêt du 22 mai 2018, l'arrêt retient que Mme [K] [D], associée du GFA, est présumée avoir été représentée au cours de la procédure ayant abouti à cette décision par le GFA, lui-même représenté par son gérant, sauf à démontrer que le GFA n'a pas défendu ses intérêts, et que les moyens qu'elle invoque au soutien de sa tierce-opposition, qui sont relatifs aux conditions d'application de la clause statutaire d'agrément, sont identiques à ceux soutenus par le GFA et son gérant lors de la précédente procédure, de sorte qu'elle ne fait état d'aucun moyen propre et distinct de ceux ayant déjà été soumis à une juridiction.
9. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire, sans méconnaître le droit à l'accès au juge garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni violer l'article 583 du code de procédure civile, que Mme [K] [D], qui n'était pas propriétaire des parts sociales soumises à l'agrément litigieux, était irrecevable en sa tierce-opposition.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur ce moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la tierce-opposition de Mme [Y] [D]
Enoncé du moyen
11. Mme [Y] [D] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce-opposition, alors « qu'est recevable à former tierce-opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; que si la personne morale représente ses associés dans les litiges avec les tiers et dans les cas où les associés subissent un préjudice qui n'est que le corollaire de celui de la société, la représentation des associés par la société est en revanche exclue lorsque le litige porte sur un conflit entre associés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'action introduite par M. [V] [S] à l'encontre du GFA et ayant donné lieu à l'arrêt du 22 mai 2018 contre lequel Mmes [Y] [D] et [K] [D] ont formé tierce-opposition portait sur les qualités respectives d'associés de Mme [Y] [D] et M. [V] [S] et sur le partage successoral entre eux des parts du GFA ; qu'il ressortait donc des constatations de la cour d'appel que le litige ne portait pas sur les rapports du GFA avec les tiers ni ne mettait en cause un préjudice social ayant atteint l'ensemble des associés, mais portait sur un conflit entre associés ; qu'en jugeant néanmoins que Mmes [Y] [D] et [K] [D] avaient été représentées par le GFA dans le cadre de ce litige, pour en déduire que leur tierce-opposition était irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
12. Le droit effectif au juge, garanti par ce texte, implique que l'associé d'une société civile, qui a hérité de parts sociales de cette société et qui a été agréé comme associé au titre de ces parts, soit recevable à former tierce-opposition à l'encontre de la décision annulant la délibération de la société l'agréant comme associé.
13. Pour dire la tierce-opposition de Mme [Y] [D] irrecevable, l'arrêt, après avoir relevé que le litige dont elle a saisi la cour d'appel, relatif à son agrément, par le GFA, et à celui de M. [V] [S] en qualité d'associés au titre des parts attribuées à chacun d'eux dans le partage de l'indivision successorale, est identique à celui ayant donné lieu à un arrêt du 22 mai 2018, retient que Mme [Y] [D], associée du GFA, est présumée avoir été représentée au cours de la procédure ayant abouti à cette décision par le GFA, lui-même représenté par son gérant, sauf à démontrer que le GFA n'avait pas défendu ses intérêts et avait fait valoir des moyens distincts de ceux présentés à l'occasion de la tierce-opposition. L'arrêt ajoute que les demandes formées et les moyens invoqués par Mme [Y] [D] à l'occasion de sa tierce-opposition sont identiques à celles présentées et ceux soutenus par le GFA et son gérant lors de la précédente procédure, de sorte qu'elle ne fait état d'aucun moyen propre et distinct de ceux ayant déjà été soumis à une juridiction.
14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que Mme [Y] [D], associée du GFA, avait été agréée comme associée au titre des parts du groupement dont elle avait hérité, de sorte qu'elle était recevable en sa tierce-opposition formée à l'encontre de la décision annulant la délibération du GFA l'agréant comme associée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la tierce-opposition de Mme [Y] [D] irrecevable et statue, en ce qui la concerne, sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 30 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne MM. [V], [H] et [C] [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Mme [K] [D] et de MM. [V], [H] et [C] [S], et condamne MM. [V], [H] et [C] [S] à payer à Mme [Y] [D] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635699.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 mai 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 374 F-B
Pourvoi n° U 21-19.835
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023
La société Chubb European Group SE, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Ace European Group Limited, a formé le pourvoi n° U 21-19.835 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Heung-A Shipping Co LTD, dont le siège est [Adresse 2] (République de Corée),
2°/ à la société Clasquin, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
3°/ à la société XL Insurance Company SE, compagnie d'assurance de droit irlandais, dont le siège est [Adresse 4] (Irlande), agissant par l'intermédiaire de sa succursale française, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits d'AXA Corporate solutions assurance par suite d'une fusion-absorption emportant transfert de portefeuille,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Chubb European Group SE, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Clasquin et XL Insurance Company SE, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 mai 2021), les 23 et 30 avril 2012, la société Clasquin, assurée par la société AXA Corporate solutions assurance (la société AXA), aux droits de laquelle se trouve la société XL Insurance Company SE, a conclu avec la société Ficofi un contrat de commission de transport portant sur des caisses de vin du port de [Localité 7] (République de Corée) au port de [Localité 5] (République populaire de Chine). Le transport a été effectué en mars 2014 par la société Heung-A Shipping Co LTD (la société Heung). La cargaison ayant été endommagée au cours du transport, la société Ace European Group Limited, désormais dénommée Chubb European Group SE (la société Chubb), assureur des marchandises, a indemnisé la société Ficofi puis assigné en paiement les sociétés Clasquin et AXA, lesquelles ont assigné en garantie la société Heung.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société Chubb fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation in solidum des sociétés Clasquin et AXA à lui verser une indemnité égale à 7 333,37 droits de tirage spéciaux (DTS) convertis au jour du paiement au titre des dommages causés aux marchandises, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2015, lesdits intérêts capitalisés, alors « que selon l'article 4.5, c), de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement modifiée par les Protocoles du 23 février 1968 et du 21 décembre 1979, lorsque le contenu du conteneur ou de la palette est détaillé dans le connaissement avec le nombre de colis qu'il renferme, le plafond de responsabilité du transporteur se calcule en tenant tous ces colis comme autant d'unités ; qu'en énonçant, pour calculer l'indemnité due en application de la Convention de Bruxelles, sur la base de 11 colis, soit 10 palettes et un conteneur, que les 387 caisses regroupées sur des palettes filmées, n'étaient pas énumérées dans le connaissement, le contenu de chaque palette ne pouvant être identifié, tout en constatant que le connaissement mentionnait le chargement de 387 caisses (10 palettes, 2265 pièces) et un conteneur, ce dont il résultait que ce nombre de caisses qui regroupées sur les palettes étaient énumérées dans le connaissement, devait, en sus du conteneur, être pris en compte pour déterminer le montant de l'indemnité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 4.5, c), de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement modifiée par les Protocoles du 23 février 1968 et du 21 décembre 1979. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4.5, a), et 4.5, b), de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, dans sa version issue des Protocoles modificatifs des 23 février 1968 et 21 décembre 1979 :
3. Aux termes du premier de ces textes, à moins que la nature et la valeur des marchandises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée dans le connaissement, le transporteur, comme le navire, ne seront en aucun cas responsables des pertes ou dommages des marchandises ou concernant celles-ci pour une somme supérieure à 666.67 unités de compte par colis ou unité, ou 2 unités de compte par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable.
4. Aux termes du second, lorsqu'un cadre, une palette ou tout engin similaire est utilisé pour grouper des marchandises, tout colis ou unité énuméré au connaissement comme étant inclus dans cet engin sera considéré comme un colis ou unité au sens de ce paragraphe. En dehors du cas prévu ci-dessus, cet engin sera considéré comme colis ou unité.
5. Pour limiter à 7 333,37 droits de tirage spéciaux (DTS) l'indemnité due in solidum par les sociétés Clasquin et AXA, après avoir énoncé que, lorsque le connaissement énumère les colis ou unités regroupés sur un engin, chacun est considéré comme colis pour le calcul de la limitation de la responsabilité du transporteur, l'arrêt relève que le connaissement mentionne un chargement de 387 caisses (10 palettes, 2265 pièces) et un conteneur, et en déduit que la limitation de responsabilité doit être calculée sur la base de 11 colis (10 palettes + 1 conteneur), dès lors que les 387 caisses ne sont pas énumérées dans le connaissement et qu'elles sont regroupées sur des palettes filmées.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le connaissement portait mention du chargement de 387 caisses réunies en 10 palettes, de sorte que la limitation de responsabilité devait être calculée sur cette base, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à 7 333,37 droits de tirage spéciaux (DTS) la condamnation des sociétés Clasquin et AXA Corporate solutions assurance, aux droits de laquelle se trouve la société XL Insurance Company SE, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne les sociétés Clasquin et XL Insurance Company SE aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Clasquin et XL Insurance Company SE et les condamne à payer à la société Chubb European Group SE la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 407 F-B
Pourvoi n° H 21-22.446
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023
1°/ la société Larzul, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société Vectora, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° H 21-22.446 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Groupe française de gastronomie, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Angers, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Larzul et de la société Vectora, de la SCP Spinosi, avocat de la société Groupe française de gastronomie, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 9 septembre 2020, n° 19-15.422), par un acte du 14 décembre 2004, la société UGMA, filiale de la société Groupe française de gastronomie (la société FDG), qui était son associée unique, a conclu avec la société Larzul un traité d'apport à cette dernière de son fonds de commerce. Par des délibérations du 30 décembre 2004, la société Vectora, associée unique de la société Larzul, a approuvé cette opération d'apport et l'augmentation de capital subséquente.
2. Par un acte du 20 septembre 2005, la société FDG a décidé la dissolution de la société UGMA.
3. Un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 a annulé les délibérations de la société Vectora du 30 décembre 2004 et constaté la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004.
4. Le 3 avril 2012, la société Larzul a obtenu du greffier d'un tribunal de commerce que des modifications soient apportées à son inscription au registre du commerce et des sociétés en y mentionnant l'arrêt du 24 janvier 2012 et en précisant un ensemble de modifications « suite à cette décision ».
5. La société FDG a, par voie de requête, demandé au juge commis à la surveillance de ce registre d'enjoindre au greffier de procéder à l'annulation de ces modifications et de rétablir l'état antérieur de ces inscriptions.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l'arrêt d'enjoindre au greffe du tribunal de commerce de procéder à l'annulation des modifications inscrites à l'extrait Kbis de la société Larzul le 3 avril 2012 et de remettre les inscriptions en l'état antérieur à ces modifications, et d'enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012, alors « que ni le greffier ni le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés n'ont le pouvoir de porter une appréciation sur la validité ou l'efficacité des actes et pièces déposés en vue de l'inscription d'une mention au registre du commerce et des sociétés ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les inscriptions portées au registre du commerce et des sociétés le 3 avril 2012 relatives à la forme sociale de la société Larzul et à la réduction de son capital étaient justifiées par une délibération du 24 mars 2012, par laquelle la société Vectora, en qualité d'associé unique de la société Larzul, avait décidé, en conséquence de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012, de constater que la société Larzul était une société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de 3 300 000 euros, et de modifier ses statuts pour adopter à nouveaux ceux en vigueur antérieurement ; que, pour ordonner l'annulation de ces inscriptions, à la demande de la société FDG, qui prétendait qu'elle n'avait pas perdu la qualité d'associé et qu'ainsi la société Larzul ne disposait pas d'un associé unique, la cour d'appel retient, par motifs propres et adoptés, que l'arrêt du 24 janvier 2012 ne statue pas sur les conséquences des annulations prononcées et qu'un retour à la situation antérieure ne résulte pas expressément de cet arrêt ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a remis en cause le statut de société à associé unique de la société Larzul et la perte de la qualité d'associé de la société FDG, et ainsi la validité de la délibération prise le 24 janvier [lire : mars] 2012, par l'interprétation qu'elle a faite de l'arrêt du 24 janvier 2012, a tranché un débat de fond ne relevant pas de sa compétence et violé l'article L. 123-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de l'article R. 123-95 du code de commerce que le greffier vérifie que les énonciations d'une demande d'inscription au registre du commerce et des sociétés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, correspondent aux pièces justificatives et actes déposés en annexe et sont compatibles, dans le cas d'une demande de modification ou de radiation, avec l'état du dossier, mais qu'il ne dispose d'aucun pouvoir d'interpréter lesdits actes et pièces justificatives.
8. Il résulte de l'article L. 123-6 du code de commerce que le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, compétent pour connaître de toutes contestations entre l'assujetti et le greffier, ne peut, à l'occasion d'une telle contestation, trancher un différend opposant la société assujettie à un tiers, telle la reconnaissance à ce dernier de sa qualité d'associé, qui ressortit au juge compétent sur le fond.
9. Ayant constaté que l'arrêt du 24 janvier 2012 s'était borné à annuler l'apport de fonds de commerce et l'augmentation de capital en résultant, mais qu'il n'en résultait ni l'anéantissement du protocole d'accord du 14 décembre 2004 et de tous les actes qui en sont la suite ni, par voie de conséquence, le retour à la situation antérieure à ce protocole, ce dont il se déduit que les énonciations de la demande de modification de l'inscription de la société Larzul au registre du commerce et des sociétés formée en 2012 n'étaient pas compatibles avec l'état du dossier, la cour d'appel, qui n'a pas tranché le débat de fond concernant la persistance de la qualité d'actionnaire de la société FDG et qui ne pouvait le faire sauf à méconnaître les limites de sa compétence juridictionnelle, a, à bon droit, confirmé l'ordonnance enjoignant au greffier de procéder à l'annulation des inscriptions modificatives litigieuses, portées le 3 avril 2012 au vu de cet arrêt.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l'arrêt d'enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt du 24 janvier 2012, alors « que si l'article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce permet au juge commis à la surveillance du registre d'enjoindre à toute personne immatriculée de faire procéder aux mentions complémentaires ou rectifications qu'elle n'aurait pas fait porter dans les délais ou qui s'avéreraient nécessaires en cas de déclaration inexacte ou incomplète, ni ce texte ni aucune autre disposition légale ne l'autorise à enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d'en adopter de nouveaux ; qu'en enjoignant à la société Larzul de modifier ses statuts, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce :
12. Selon ce texte, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut enjoindre à toute personne immatriculée à ce registre qui ne les aurait pas requises dans les délais prescrits, de faire procéder soit aux mentions complémentaires ou rectifications qu'elle doit y faire porter, soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes, soit à la radiation.
13. L'arrêt confirme la décision du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ayant fait injonction à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique.
14. En statuant ainsi, alors que le pouvoir d'injonction conféré au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne peut porter que sur les mentions inscrites sur ce registre et non sur les énonciations des actes et pièces justificatives au vu desquelles le greffier procède aux inscriptions requises, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. Ainsi qu'il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
17. Le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne disposant pas du pouvoir d'enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d'en adopter de nouveaux, la demande tendant à ce que les statuts de la société Larzul soient mis en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt du 24 janvier 2012, ne peut qu'être déclarée irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, il enjoint à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2014, et en ce qu'il statue sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l'arrêt rendu le 13 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DECLARE irrecevable la demande de la société Groupe française de gastronomie tendant à ce que la société Larzul soit enjointe de mettre ses
statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2014 ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636288.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 386 FS-B
Pourvoi n° Z 21-19.311
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023
M. [C] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-19.311 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [P], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Graff-Daudret, M. Ponsot, Mme Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 2021) et les productions, M. [P], résident fiscal monégasque, est porteur de 99,9 % des parts de la société civile immobilière de droit français [Adresse 3] (la SCI). A ce titre, il souscrit chaque année en France une déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Il a porté une certaine somme au passif de ses déclarations au titre de l'ISF sous l'intitulé « capital non libéré ». Constatant que les justificatifs de cette dette n'avaient pas été produits, l'administration fiscale les lui a demandés, puis lui a adressé une proposition de rectification au titre de l'ISF dû pour les années 2012, 2013 et 2014.
2. Après mise en recouvrement des droits dus et des intérêts de retard, et rejet de ses réclamations, M. [P] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions et pénalités contestées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'en application du principe specialia generalibus derogant, lorsque l'administration fiscale entend demander à un redevable de l'ISF des éclaircissements et des justifications sur la composition de l'actif et du passif de son patrimoine, elle doit mettre en oeuvre la procédure de contrôle spécialement instituée à l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales, et non pas la procédure de contrôle prévue par l'article L. 10 du même livre, de portée générale ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales ne faisaient pas obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de contrôle prévue par l'article L. 10, eu égard à leur caractère facultatif, pour en déduire l'absence de détournement de procédure et d'irrégularité de la procédure d'imposition, quand le caractère spécial de la procédure instituée par l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales interdisait en l'espèce au service de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 10, l'administration ayant demandé des justifications quant au passif invoqué par M. [P], lié au capital non libéré de la SCI, relativement à l'ISF, la cour d'appel a violé l'article L. 10 du livre des procédures fiscales par fausse application, L. 23 A du même code par refus d'application, ensemble le principe specialia generalibus derogant. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte des articles L. 10 et L. 11 du livre des procédures fiscales que l'administration fiscale peut, dans le cadre du contrôle des déclarations, demander aux contribuables de fournir tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations qu'ils ont souscrites, dans un délai de trente jours à compter de la notification de la demande de renseignements.
5. Selon l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, en vue du contrôle de l'ISF, l'administration peut demander aux redevables des éclaircissements et des justifications sur la composition de l'actif et du passif de leur patrimoine, en leur fixant un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois, et peut rectifier les déclarations d'ISF en se conformant à la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du même livre en l'absence de réponse dans ce délai ou si les éclaircissements ou justifications sont estimés insuffisants.
6. Ainsi, si l'administration fiscale a la faculté de demander aux redevables de l'ISF tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations qu'ils ont souscrites sur le fondement de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, c'est sur le fondement de l'article L. 23 A du même livre qu'elle doit, si elle l'estime nécessaire, leur adresser une demande d'éclaircissements et de justifications portant sur la composition de l'actif et du passif de leur patrimoine ou sur le caractère insuffisant de la réponse apportée à cette demande.
7. Il résulte toutefois de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales qu'une erreur commise dans la procédure d'imposition n'emporte décharge des droits dus, majorations, amendes et intérêts de retard que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France. Lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, la juridiction saisie peut prononcer la décharge des majorations et amendes à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard.
8. L'erreur consistant, pour l'administration, à fonder sa demande sur l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, au lieu de l'article L. 23 A du même livre, qui n'est pas de celles pour lesquelles une nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France, n'emporte décharge des droits mis en recouvrement à la suite de la rectification de la déclaration d'ISF que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la défense du contribuable, laquelle n'est constituée que si ce dernier a été privé du délai de deux mois prévu à l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales pour préparer les éléments de réponse à apporter à l'administration.
9. L'arrêt relève que l'administration a adressé à M. [P], les 7 octobre 2014 et 23 janvier 2015, des demandes de justifications de la dette portée au passif de ses déclarations d'ISF sous l'intitulé « capital non libéré », auxquelles il a répondu le 2 février 2015 et qu'elle lui a ensuite transmis, le 3 février 2015, une demande d'information complémentaire concernant le détail de la valorisation des parts de la SCI à laquelle il a répondu le 10 mars 2015. Il ajoute que, par lettres des 10 avril 2015 et 22 octobre 2015, l'administration fiscale lui a demandé de donner le détail de la valorisation de l'actif de la société dès lors qu'il n'avait pas répondu à cette partie de la question dans sa précédente réponse, demande à laquelle M. [P] n'a pas donné suite, et que l'administration fiscale lui a, le 4 avril 2016, notifié une proposition de rectification, et que ce dernier n'a contesté ni le calcul du redressement ni celui des intérêts de retard.
10. Il en résulte que M. [P], qui a reçu plusieurs demandes de justifications successives entre le 7 octobre 2014 et le 22 octobre 2015, certaines ayant fait l'objet de relances, et qui a fait le choix de ne pas répondre à la dernière demande, qui lui a été transmise à deux reprises à six mois d'intervalle, n'a pas été privé du délai de deux mois prévu à l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales pour préparer les éléments de réponse à apporter à l'administration fiscale, de sorte que, conformément au principe énoncé au point 8, l'erreur commise par l'administration fiscale n'a pas porté atteinte à ses droits et qu'il n'est donc pas fondé à demander décharge des droits en principal et des intérêts de retard, auxquels se limitait la proposition de rectification.
11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
12. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
13. M. [P] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ que le passif déductible de l'assiette de l'ISF peut être justifié par tous modes de preuve ; qu'en jugeant que la dette personnelle de M. [P] à l'égard de la SCI ne pouvait être démontrée que par la production du bilan complet de cette dernière, pour en déduire que les services fiscaux étaient fondés à réclamer la communication de l'intégralité du bilan, quand la preuve de cette dette était libre et avait, ainsi, été valablement rapportée par le biais, notamment, de la production du grand livre de la SCI faisant état d'un "capital non libéré" de 1 257 000 euros, la cour d'appel a violé l'article 768 du code général des impôts ;
3°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en jugeant que M. [P] avait fourni "des montants approximatifs en ce qui concerne les prêts" de la SCI dont il faisait état, quand l'échéancier produit indiquait, de manière très détaillée, les montants correspondant au capital à rembourser, aux intérêts et à l'assurance à payer, pour chaque échéance, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet échéancier, a violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
14. Après avoir rappelé que, selon l'administration fiscale, si la preuve de l'existence d'une dette de 1 250 000 euros a bien été rapportée par la production de la page du bilan de la SCI correspondante, il restait à l'administration à s'assurer que cette dette n'avait pas déjà été prise en compte dans la valorisation de la SCI, soit en la mettant au passif de la SCI, soit en minorant l'actif, l'arrêt retient que la production d'un extrait du grand livre général portant la somme litigieuse sous l'intitulé « capital non libéré » ne permettait pas, à défaut de production de l'ensemble du bilan, de vérifier, par un examen global de la situation comptable de la SCI, la manière dont la valorisation de l'actif était comptabilisée.
15. Par ces seuls motifs, dont il se déduit que le contribuable ne justifiait pas du bien-fondé de la déduction de la somme de 1 250 000 euros de l'assiette de l'ISF, quand bien même sa dette du même montant à l'égard de la SCI serait établie, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
16. Le moyen, qui critique des motifs erronés mais surabondants, doit donc être rejeté.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer au directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636290.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 387 FS-B
Pourvoi n° D 21-18.694
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023
La société CG Car-Garantie Versicherungs Aktiengelsellschaft, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 4]), prise en son établissement en France, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-18.694 contre l'arrêt rendu le 29 avril 2021 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris, domicilié [Adresse 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances pubiques, défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société CG Car-Garantie Versicherungs Aktiengelsellschaft, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances pubiques, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Crocq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 avril 2021), par réclamation du 7 avril 2015, la société de droit allemand CG Car-Garantie Versicherungs (la société CG), dont le siège social est situé à [Localité 3] (Allemagne), qui dispose d'une succursale française établie à [Localité 6] (68), a demandé à l'administration fiscale la restitution d'une partie de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) dont elle estimait s'être acquittée à tort entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2014.
2. L'administration ayant rejeté sa réclamation par décision du 28 août 2015, notifiée le 1er septembre 2015, la société CG a, le 3 novembre 2015, assigné l'administration fiscale aux fins d'obtenir la restitution des droits acquittés.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société CG fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action qu'elle a engagée à l'encontre de la décision du 28 août 2015 rejetant sa réclamation concernant la TSCA afférente aux années 2013 et 2014, alors « qu'en estimant, pour déclarer irrecevable comme tardive l'assignation que la société CG avait fait délivrer à l'administration fiscale le 3 novembre 2015 aux fins de contester cette décision, que le délai de distance supplémentaire de deux mois prévu à l'article 643 du code de procédure civile pour les personnes qui demeurent à l'étranger ne lui était pas applicable, aux motifs qu'elle exerçait son activité en France par l'intermédiaire d'une succursale domiciliée à [Localité 6] qui aurait formé la réclamation rejetée par l'administration, reçu la décision de rejet de l'administration et déposé l'assignation tendant à contester cette décision de rejet, quand le délai de distance prévu à l'article 643 du code de procédure civile doit être appliqué aux personnes qui demeurent à l'étranger, alors même qu'elles auraient élu domicile en France à une adresse à laquelle a été notifiée la décision de rejet de leur réclamation, la cour d'appel a violé les articles R* 197-5 et R* 199-1 du livre des procédures fiscales et les articles 643 et 645 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 643 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-452 du 13 mai 2008 et 645 du même code et les articles R* 196-1, R* 197-5 et R* 199-1 du livre des procédures fiscales :
4. Il résulte de la combinaison des articles 643 et 645 du code de procédure civile que, lorsqu'une demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d'appel, d'opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger dans tous les cas où il n'est pas expressément dérogé à cette règle.
5. Demeure à l'étranger, au sens de l'article 643 du code de procédure civile, une société dont le siège social est à l'étranger, même si elle exploite une succursale en France.
6. Il résulte par ailleurs de la combinaison des articles R* 196-1, et R* 197-5 du livre des procédures fiscales que tout contribuable qui adresse une réclamation à l'administration fiscale tendant à contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit, s'il est domicilié hors de France, faire élection de domicile en France.
7. Selon l'article R* 199-1 du même livre, l'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation.
8. La Cour de cassation juge que la notification à un domicile élu en France d'un acte destiné à une personne domiciliée à l'étranger ne fait pas obstacle à la prorogation du délai de l'article 643 du code de procédure civile dès lors que, faute de constituer une notification à sa personne, les dispositions de l'article 647 du même code ne sont pas applicables (Soc., 7 juill. 1986, pourvoi n° 83-41.808 ; Com., 15 mai 2001, pourvoi n° 98-11.852 ; 2e Civ., 9 sept. 2010, pourvoi n° 09-70.087, Bull. 2010, II, n° 146).
9. Néanmoins, en matière fiscale, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation jugeait que le délai supplémentaire de distance prévu à l'article 643 du code de procédure civile ne s'applique pas au réclamant domicilié hors de France, tenu d'élire domicile en France en application des dispositions de l'article R* 197-5 du livre des procédures fiscales, et qu'ainsi, le délai d'assignation de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet de la réclamation contentieuse, prévu à l'article R. 199-1 de ce code, ne peut être prorogé (Com., 18 janv. 1994, pourvoi n° 92-12.715 ; Com., 27 fév. 1996, pourvoi n° 92-18.146, Bull. 1996, IV, n° 67 ; Com., 4 juin 1996, pourvoi n° 93-17.693).
10. Cependant, l'article R* 197-5 du livre des procédures fiscales ni aucune autre disposition ne déroge expressément à l'application de l'article 643 du code de procédure civile lorsqu'est à la charge d'un contribuable domicilié à l'étranger l'obligation d'élire domicile en France. En outre, la notification au domicile élu en France par un tel contribuable ne constitue pas une notification à sa personne, de sorte que l'article 647 du même code n'est pas applicable.
11. L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que le délai d'assignation de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet d'une réclamation contentieuse est, en application des dispositions de l'article 643 du code de procédure civile, prorogé de deux mois si le contribuable est domicilié hors de France, bien qu'il ait, conformément aux dispositions de l'article R* 197-5 du livre des procédures fiscales, l'obligation de faire élection de domicile en France.
12. Pour déclarer irrecevable, comme tardive, l'assignation délivrée par la société CG, l'arrêt relève que celle-ci déclare agir par l'intermédiaire de sa succursale en France, que sa réclamation du 7 avril 2015, formée par son avocat, mentionne qu'elle est faite « pour le compte de la société CG, dont la succursale française est située [Adresse 2] », que l'assignation que la société CG a fait délivrer le 3 novembre 2015 indique qu'elle agit « par sa succursale en France, [Adresse 2] », que ses dernières conclusions déposées devant la cour d'appel indiquent également qu'elle agit « par sa succursale en France, prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 2] », et que la décision de rejet du 28 août 2015 a été envoyée à l'adresse de cette succursale française, l'informant qu'elle disposait d'un délai de deux mois pour contester la décision devant le tribunal de grande instance. Il déduit de ces constatations que les dispositions de l'article 643 du code de procédure civile, prévoyant une augmentation de deux mois des délais pour les personnes qui demeurent à l'étranger, ne sont pas applicables à la société CG, puisqu'elle exerce son activité en France, par l'intermédiaire d'une succursale domiciliée à [Localité 6], auteur de la réclamation rejetée par l'administration fiscale et de la contestation devant le tribunal.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société CG avait son siège social en Allemagne, de sorte qu'elle disposait du délai supplémentaire de deux mois prévu à l'article 643 du code de procédure civile pour assigner l'administration fiscale, peu important qu'elle ait disposé d'une succursale en France ou que la notification de la décision de rejet ait été faite à un domicile élu en France, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de [Localité 5], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de [Localité 5], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et le condamne à payer à la société CG Car-Garantie Versicherungs Aktiengelsellschaft la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636286.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 385 FS-B
Pourvoi n° F 21-18.558
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023
La société FHF International, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-18.558 contre l'ordonnance rendue le 9 juin 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de la société FHF International, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Crocq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 9 juin 2021), un juge des libertés et de la détention (JLD) a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à effectuer des opérations de visite et saisies dans divers locaux situés à Paris, susceptibles d'être occupés par diverses personnes physiques et morales, dont la société de droit luxembourgeois FHF International (la société FHF) et/ou toutes entités contrôlées par le groupe informel FHF, en vue de rechercher la preuve de fraudes fiscales commises par la société FHF.
2. Les opérations de visite et saisies se sont déroulées le 14 novembre 2019.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa huitième branche
Enoncé du moyen
4. La société FHF fait grief à l'ordonnance de confirmer l'ordonnance du JLD, alors « que si le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, qui établit des règles relatives à la protection des données à caractère personnel, ne s'applique pas au traitement de données effectué par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, cette dérogation ne s'applique pas aux agents de l'administration fiscale, l'initiative des poursuites en matière de fraude fiscale appartenant au ministère public, seul compétent pour mettre en oeuvre l'action publique ; qu'il en résulte que les mesures de visite domiciliaire sollicitées et réalisées par les agents de l'administration fiscale, qui n'est pas une autorité de poursuite investie du pouvoir d'engager des poursuites du chef de fraude fiscale, relèvent du champ d'application matériel du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ; qu'en décidant le contraire, pour en déduire que l'administration fiscale avait pu soumettre au juge des libertés et de la détention des pièces concernant des informations provenant de données ou de sites d'accès au public dans le respect des règles garantissant la protection des données, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 2 du règlement (UE) 2016/679 susvisé, ensemble l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (le RGPD), et l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales :
5. Selon le paragraphe 1er de l'article 2 du RGPD, ce règlement s'applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu'au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.
6. Selon le paragraphe 2, le RGPD ne s'applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces.
7. La Cour de justice de l'Union européenne juge que les exceptions au champ d'application du RGPD, tel que défini à son article 2, § 1, doivent recevoir une interprétation stricte (CJUE, arrêt du 16 juillet 2020, Facebook Ireland et Schrems, C-311/18, point 84, CJUE, arrêt du 24 février 2022, Valsts ienemumu dienests, C-175/20, points 40 à 42, CJUE, arrêt 8 décembre 2022, Inspektor v Inspektorata kam Visshia sadeben savet, C-180-2, points 73 et 74).
8. Sous l'empire de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, abrogée par le RGPD, qui prévoyait, en son article 3, § 2, que les traitements de données à caractère personnel ayant pour objet la sécurité publique, la défense, la sûreté de l'État et les activités de l'État relatives à des domaines du droit pénal étaient exclus du champ d'application de la directive, la Cour de justice a retenu qu'un traitement de données créé par l'administration fiscale pour recenser les dirigeants fictifs de sociétés relevait des règles fixées par cette directive, après avoir souligné que, « même s'il n'apparaît pas exclu que lesdites données puissent être utilisées dans le cadre de poursuites pénales qui pourraient être exercées, en cas d'infraction dans le domaine fiscal, contre certaines personnes dont les noms figurent sur la liste litigieuse, les données en cause au principal n'apparaissent pas avoir été collectées dans l'objectif spécifique de l'exercice de telles poursuites pénales ou dans le cadre des activités de l'État relatives à des domaines du droit pénal » (CJUE, arrêt du 27 septembre 2017, Pu¿kár, C-73/16, points 39 et 40).
9. La Cour de justice a ensuite retenu que, s'agissant de la collecte, par une administration fiscale, auprès d'un opérateur économique, de données à caractère personnel relatives à certains contribuables aux fins de la perception de l'impôt et de la lutte contre la fraude fiscale, « il n'apparaît pas que l'administration fiscale d'un État membre puisse être considérée comme une "autorité compétente", au sens de l'article 3, point 7, de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, ni, partant, que de telles demandes d'informations puissent relever de l'exception prévue à l'article 2, § 2, sous d), du règlement 2016/679 », et que « même s'il n'est pas exclu que les données à caractère personnel en cause au principal puissent être utilisées dans le cadre de poursuites pénales qui pourraient être exercées, en cas d'infraction dans le domaine fiscal, contre certaines des personnes concernées, il n'apparaît pas que ces données soient collectées dans l'objectif spécifique d'exercer de telles poursuites pénales ou dans le cadre des activités de l'État relatives à des domaines du droit pénal » (CJUE, arrêt du 24 février 2022, Valsts ien mumu dienests, C-175/20, points 44 et 45).
10. Il s'en déduit que le traitement de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'administration fiscale aux fins d'obtenir l'autorisation de procéder à des opérations de visite et saisies sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui a pour finalité d'obtenir le droit de procéder à une mesure d'enquête pouvant donner lieu à la constatation d'une infraction ou d'un manquement à la législation fiscale, dans le but de percevoir l'impôt et de lutter contre la fraude fiscale, entre dans le champ d'application matériel du RGPD.
11. Dès lors, le juge doit notamment vérifier si, dans le litige qui lui est soumis, le responsable du traitement est tenu de fournir à la personne concernée les informations prévues à son article 14 ou si sont réunies les conditions des exceptions ou limitations à cette obligation d'information qu'il prévoit.
12. En effet, si l'article 14 du RGPD soumet le responsable du traitement à l'obligation de fournir un certain nombre d'informations à la personne concernée lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès d'elle, il résulte du paragraphe 5 de ce texte que cette obligation ne s'applique pas dans la mesure où elle est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement.
13. En outre, l'article 23 du RGPD prévoit que le droit de l'État membre auquel le responsable du traitement est soumis peut, par la voie de mesures législatives, limiter la portée de l'obligation d'informer la personne concernée par le traitement de données à caractère personnel prévue à l'article 14 du RGPD lorsqu'une telle limitation respecte l'essence des libertés et droits fondamentaux et qu'elle constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour garantir la prévention et la détection d'infractions pénales, les enquêtes et les poursuites en la matière et d'autres objectifs importants d'intérêt public général d'un Etat membre, notamment un intérêt économique ou financier important, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal.
14. En application de l'article 23 précité, l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 a modifié l'article 48 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
15. Ainsi, l'administration fiscale n'a pas l'obligation de fournir à la personne concernée les informations prévues à l'article 14 de ce règlement si sont réunies les conditions de l'exception prévue au paragraphe 5 de ce texte ou des limitations prévues à l'article 23.
16. Pour rejeter le moyen selon lequel l'administration a collecté des données issues de bases de données ou de sites d'accès public sans en informer les personnes concernées en violation des règles du RGPD, l'ordonnance énonce que ce règlement ne s'applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces, et que le droit de visite de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales vise à lutter contre la fraude fiscale, tout en respectant la liberté individuelle et le droit au recours juridictionnel effectif.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 juin 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et le condamne à payer la société FHF International la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636293.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 390 F-B
Pourvoi n° G 21-23.850
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023
La société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-23.850 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [K], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [J] [N], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [K] et de Mme [N], l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 9 septembre 2021), par un acte du 11 décembre 2009, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest (la banque) a consenti à la société Rault financière (la société) un prêt d'une durée de 84 mois, garanti par les cautionnements de MM. [K] et [N].
2. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a, par acte du 12 janvier 2019, assigné en paiement les cautions, qui lui ont opposé l'extinction, depuis le 11 décembre 2018, des obligations de règlement au titre des cautionnements.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer l'action introduite contre MM. [K] et [N] irrecevable comme forclose, alors « que le fait que le créancier n'a introduit son action contre la caution que postérieurement à la date limite de l'engagement de la caution est sans incidence sur l'obligation de la caution dès lors que la dette du débiteur principal est antérieure à cette date limite et que l'acte de cautionnement ne comporte aucune stipulation restreignant dans le temps le droit de poursuite du créancier à l'encontre de la caution ; que la seule fixation, par l'acte de cautionnement, d'une durée du cautionnement excédant le terme de l'obligation principale cautionnée ne restreint pas dans le temps le droit de poursuite du créancier à l'encontre de la caution ; qu'en énonçant, par conséquent, pour déclarer l'action introduite par la banque à l'encontre de MM. [K] et [N] irrecevable comme forclose, que le contrat de prêt conclu le 11 décembre 2009 fixait à 84 mois la durée du prêt et à 108 mois celle de l'engagement des cautions, que, lorsque le cautionnement garantit une dette déterminée, [la distinction entre] l'obligation de couverture[, qui détermine l'étendue de la garantie au jour de l'engagement,] et l'obligation de règlement, qui détermine les dettes entrées dans le champ du cautionnement, n'est opérante que dans le cas du cautionnement de dettes futures, qu'il s'en déduit que la fixation d'une durée au cautionnement excédant le terme de l'obligation principale ne peut s'interpréter que comme exprimant la commune intention des parties de stipuler un délai limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, que les stipulations contractuelles produites en l'espèce révélaient ainsi que les parties avaient entendu fixer la durée de l'engagement des cautions à la durée du prêt, prolongée de deux ans, afin de permettre à la banque d'agir contre les cautions au titre de leur obligation de règlement en cas de défaillance de la société emprunteuse et que la prolongation de deux ans du délai d'engagement de la caution au delà de l'échéance de l'obligation principale ne pouvait avoir d'autre sens que de déterminer la durée de l'obligation de règlement des cautions et, partant, de fixer un terme au délai d'action de la banque envers celles-ci, quand, en se déterminant de la sorte, elle considérait que la seule fixation par l'acte du 11 décembre 2009, par lequel MM. [K] et [N] s'étaient engagés en qualité de cautions solidaires envers la banque, d'une durée des cautionnements excédant le terme de l'obligation principale cautionnée restreignait nécessairement dans le temps le droit de poursuite de la banque à l'encontre de MM. [K] et [N], la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui est applicable à la cause, et de l'article 2292 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1134 et 2292 du code civil, le premier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 :
4. Il résulte de ces textes qu'en l'absence de stipulation expresse contractuelle limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier, le fait que la caution soit appelée à payer postérieurement à la date limite de son engagement est sans incidence sur l'obligation de la caution portant sur la créance née avant cette date.
5. Pour déclarer la banque irrecevable comme forclose, l'arrêt retient que lorsque le cautionnement garantit une dette déterminée, l'obligation de couverture et l'obligation de règlement sont confondues pour avoir dès l'origine une même étendue, définie par référence à la dette garantie, et pour s'éteindre en même temps. Il en déduit que la fixation d'une durée au cautionnement excédant le terme de l'obligation principale ne peut s'interpréter que comme exprimant la commune intention des parties de stipuler un délai limitant dans le temps le droit de poursuite du créancier.
6. En se déterminant ainsi, sans relever l'existence dans le contrat de cautionnement d'une stipulation expresse restreignant dans le temps le droit de poursuite de la banque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne MM. [K] et [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [K] et [N] et les condamne in solidum à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636297.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 404 F-B
Pourvois n°
A 21-19.289
P 21-21.831 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023
I - 1°/ M. [Z] [I],
2°/ Mme [N] [J], épouse [I],
domiciliés tous deux [Adresse 2] (Belgique),
ont formé le pourvoi n° A 21-19.289 contre un arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant :
1°/ à la société ING Belgique, société anonyme de droit belge, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique),
2°/ à la société la Banque postale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
II - La Société ING Belgique, a formé le pourvoi n° P 21-21.831 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Z] [I],
2°/ à Mme [N] [J], épouse [I],
3°/ à la société la Banque postale,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs aux pourvois n° A 21-21.289 et P 21-21.831 invoquent, à l'appui de chacun de leur recours, deux moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société ING Belgique, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société la Banque postale, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 21-19.289 et P 21-21.831 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2021), le 4 juillet 2015, M. et Mme [I] ont rempli, signé et adressé par lettre simple à la société la Banque postale deux ordres de virement de, respectivement, 14 000 euros et 86 000 euros, à exécuter à partir de leur compte-joint ouvert dans les livres de cette banque.
3. Les ordres de virement mentionnaient Mme [I] comme bénéficiaire et comportaient les coordonnées de son compte détenu auprès de la société ING Belgique.
4. Le 29 juillet 2015, M. et Mme [I] ont constaté que les fonds virés n'avaient pas été crédités sur le compte détenu auprès de la société ING Belgique et ont appris de la société la Banque postale qu'ils avaient été versés sur un compte tiers à la suite d'une modification du numéro IBAN figurant sur les ordres de virement.
5. Le 23 décembre 2015, M. et Mme [I] ont assigné la société la Banque postale en remboursement, laquelle a appelé en garantie la société ING Belgique.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi n° A 21-19.289 et les premier et second moyens du pourvoi n° P 21-21.831
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi n° A 21-19.289
Enoncé du moyen
7. Par leur premier moyen, M. et Mme [I] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de remboursement de la somme de 100 000 euros par la société la Banque postale, alors « qu'aux termes de l'article L. 133-18 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2017/1252 du 9 août 2017, "en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 dudit code, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l'opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu" ; que ce texte ne distingue pas selon que l'opération non autorisée consiste en un ordre de virement faux ab initio ou en un ordre de virement falsifié ; qu'en retenant en l'espèce qu'un virement falsifié après sa rédaction régulière ne constitue pas un virement non autorisé au sens de ce texte et en réservant en conséquence le bénéfice du droit légal à remboursement prévu par celui-ci aux seuls ordres de virement faux ab initio, soumettant, en revanche, les ordres de virement falsifiés à un régime de responsabilité pour faute du banquier, la cour d'appel a violé l'article L. 133-18 du code monétaire et financier, dans sa rédaction, applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2017/1252 du 9 août 2017, tel qu'il doit s'interpréter au regard des articles 54 et 60 de la directive n° 2007/64/CE du 13 novembre 2007. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 133-3, L. 133-6 et L. 133-18 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 :
8. Il résulte des deux premiers de ces textes qu'une opération de paiement initié par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de service de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti à son bénéficiaire.
9. Aux termes du dernier, en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l'opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu, sauf, dans le cas d'une opération réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19 du même code.
10. Pour rejeter la demande de condamnation de la société la Banque postale à rembourser la somme de 100 000 euros à M. et Mme [I], l'arrêt retient que, dans l'hypothèse d'un ordre de virement régulier lors de sa rédaction mais ultérieurement falsifié, notamment par la modification du nom ou du numéro de compte du bénéficiaire, il n'y a pas de virement non autorisé, de sorte que la responsabilité de la société la Banque postale ne peut être recherchée que pour faute. Il ajoute que la modification du numéro IBAN et l'existence d'un grattage ne se révélant que par un examen particulièrement minutieux des documents et sous une lumière puissante, il ne peut être reproché à la société la Banque postale de ne pas avoir décelé une telle falsification et que, justifiant des diligences entreprises pour tenter de récupérer les fonds dès qu'elle a été informée de la malversation, sa responsabilité n'est pas engagée.
11. En statuant ainsi, alors qu'un ordre de virement régulier lors de sa rédaction mais dont le numéro IBAN du compte destinataire a été ultérieurement modifié par un tiers à l'insu du donneur d'ordre ne constitue pas une opération autorisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant le jugement, elle déboute M. et Mme [I] de leur demande de remboursement de la somme de 100 000 euros par la société la Banque postale et de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société la Banque postale et la société ING Belgique aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés la Banque postale et ING Belgique ainsi que celle formée par M. et Mme [I] à l'encontre de la société ING Belgique et condamne la société la Banque postale à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636295.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 396 F-B
Pourvoi n° T 21-13.716
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023
M. [S] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-13.716 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant à la société Billancourt, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [H], de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Billancourt, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 janvier 2021) la société Billancourt (la société) a été dissoute par anticipation le 18 mars 2002, M. [H] étant désigné liquidateur amiable pour une durée de trois ans. Par délibération du 13 décembre 2005, son mandat a été prolongé jusqu'au 13 décembre 2007.
2. Une assemblée générale qui s'est tenue le 16 janvier 2015 a refusé d'approuver les comptes de liquidation.
3. Une ordonnance du 3 mai 2017, confirmée par un arrêt du 8 mars 2018, a désigné M. [X] en qualité de mandataire ad hoc de la société.
4. Le 6 juillet 2017, la société, représentée par M. [X], a assigné M. [H] en responsabilité.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. M. [H] fait grief à l'arrêt de dire l'action de la société recevable et non prescrite et de le condamner à payer à celle-ci la somme de 55 700,22 euros à titre de dommages et intérêts, alors « qu'en se bornant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, à retenir que M. [H] avait de fait poursuivi sa mission de liquidateur au-delà du 13 décembre 2007, de sorte que sa responsabilité pouvait être engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, l'action étant soumise à la prescription quinquennale et donc non prescrite à la date du 6 juillet 2017, et en imputant à faute à M. [H] des dépenses non justifiées par une facture, d'une part, et le paiement de la totalité des honoraires et des frais de Me [M], notamment au titre d'une note d'honoraire émise le 2 novembre 2005, [d'autre part,] sans rechercher si les faits reprochés à M. [H] étaient postérieurs au 13 décembre 2007, date à laquelle son mandat de liquidateur a pris fin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 du code civil et L. 237-12 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1240, 2224 du code civil et L. 237-12 du code de commerce :
7. Il résulte du dernier de ces textes que l'action en responsabilité contre une personne investie de la qualité de liquidateur d'une société dissoute à raison des fautes commises par elle dans l'exercice de ses fonctions se prescrit par trois ans, et des deux premiers que la responsabilité de cette même personne ne peut être recherchée, à raison des actes de liquidation qu'elle accomplit après le terme de ses fonctions, que sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de droit commun et dans la limite de la prescription quinquennale.
8. Pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [H] et condamner celui-ci à payer à la société une somme de 55 700,22 euros, l'arrêt, après avoir constaté que, nonobstant l'absence de renouvellement exprès du mandat de liquidateur qui lui avait été confié, M. [H] a, de fait, poursuivi sa mission au-delà du 13 décembre 2007, retient que sa responsabilité peut être engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil et en déduit que l'action en responsabilité introduite par la société à son encontre le 6 juillet 2017 n'est pas prescrite pour avoir été engagée moins de cinq ans après le 22 novembre 2013, date à laquelle les associés ont pris connaissance de l'imputation des frais litigieux sur les comptes de la société. Il ajoute que M. [H] a recouvré pour le compte de la société une somme de 110 292,15 euros, placée sur un compte ouvert au nom de la société, dont il a ensuite débité des honoraires et frais d'avocat dont une partie seulement correspondait à la défense des intérêts de la société, des dépenses qui n'étaient justifiées par aucune facture, ainsi que plusieurs virements en sa faveur sans justificatif.
9. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des irrégularités dont elle n'a pas précisé la date, cependant que les règles de prescription de l'action en dommages et intérêts introduite à l'encontre de M. [H] n'étaient pas les mêmes selon que sa responsabilité était recherchée au titre de fautes commises avant ou après le terme de son mandat de liquidateur amiable, le 13 décembre 2007, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare recevable et non prescrite l'action de la société Billancourt et, l'infirmant partiellement, condamne M. [H] à payer à celle-ci la somme de 55 700, 22 euros, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la SNC Billancourt aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SNC Billancourt et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047482929.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 avril 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 308 F-B
Pourvoi n° U 21-19.743
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 AVRIL 2023
La société L'Olivier d'Aude, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-19.743 contre l'arrêt rendu le 18 mai 2021 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [K] [G], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société L'Olivier d'Aude, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 mai 2021), le 7 avril 1989, la société civile immobilière L'Olivier d'Aude (la SCI) a consenti à Mme [G] un bail portant sur un local commercial moyennant le paiement d'un loyer, payable mensuellement et d'avance par termes égaux de 4 000,00 francs (702,33 euros).
2. Le 8 novembre 2019, la SCI a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer la somme de 36 429,40 euros en principal, cet acte reproduisant la clause résolutoire incluse au contrat de bail.
3. Par un jugement du 3 décembre 2019, Mme [G] a bénéficié d'une procédure de rétablissement professionnel.
4. Le 9 mars 2020, la SCI a assigné en référé Mme [G] en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail et en paiement d'une somme provisionnelle égale aux loyers impayés.
5. Entre-temps, un jugement du 21 juillet 2020 a ordonné la clôture de la procédure de rétablissement professionnel de Mme [G] et dit que cette clôture entraînait l'effacement des dettes figurant sur la liste des créances déclarées annexée au jugement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de résiliation du bail et de paiement d'un arriéré de loyers ainsi que d'une indemnité d'occupation, alors « que la clôture de la procédure de rétablissement professionnel entraîne effacement des dettes à l'égard des créanciers dont la créance, née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, a été portée à la connaissance du juge commis par le débiteur et a fait l'objet de l'information prévue à l'article L. 645-8 du code de commerce ; que la cour d'appel a constaté que, dans le cadre de la procédure de rétablissement professionnel, "la débitrice a indiqué (...) devoir (à la SCI L'Olivier d'Aude) la somme de 18 330,58 euros" ; que, néanmoins, elle a infirmé l'ordonnance de référé entreprise en ce qu'elle avait constaté que le commandement de payer du 8 novembre 2019, visant la clause résolutoire et portant sur la somme de 36 774,87 euros, dont 36 429,40 euros au titre du principal de la créance de loyers, était demeuré infructueux un mois après sa signification, constaté que la clause résolutoire était acquise au bailleur à compter du 8 décembre 2019 et constaté la résolution du bail signé le 7 avril 1989 et, statuant à nouveau, a débouté la SCI de ses demandes à ce titre ; qu'en considérant ainsi la dette d'un montant de 36 429,40 euros comme ayant été effacée en totalité par la clôture du rétablissement professionnel, quand cette dette n'avait été portée par la débitrice à la connaissance du juge commis qu'à concurrence de 18 330,58 euros, la cour n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences qui s'en déduisaient nécessairement au regard de l'article L. 645-11 du code de commerce, que, par suite, elle a violé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 645-11 et R. 645-17 du code de commerce :
8. Selon le premier de ces textes, la clôture de la procédure de rétablissement professionnel entraîne effacement des dettes à l'égard des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, a été portée à la connaissance du juge commis par le débiteur et a fait l'objet de l'information prévue à l'article L. 645-8 du code de commerce.
9. Selon le second, le jugement de clôture comprend l'état chiffré des créances effacées avec l'indication, selon le cas, du nom ou de la dénomination et du domicile ou siège des créanciers.
10. Il en résulte qu'une dette n'est susceptible d'être effacée par la clôture de la procédure qu'à concurrence du montant indiqué dans cet état chiffré des créances.
11. Pour rejeter les demandes de constat de la résiliation du bail et de paiement de l'arriéré des loyers formées par la SCI, l'arrêt retient que la dette de loyer de la locataire existait avant le 8 novembre 2019, date du commandement de payer, que, par une lettre du 6 avril 2020, le mandataire au rétablissement professionnel de Mme [G] a invité la SCI à lui adresser sa déclaration de créance dans les délais légaux, lui exposant que la débitrice avait indiqué lui devoir la somme de 18 330,58 euros, et que la créance de loyers ne fait pas partie des créances exclues de l'effacement.
12. En statuant ainsi, alors que la créance portée à la connaissance du juge commis et faisant l'objet du jugement de clôture de la procédure de rétablissement professionnel de Mme [G], emportant son effacement, était de 18 330,58 euros, tandis que la SCI se prévalait d'un commandement de payer portant sur un arriéré de loyers d'un montant supérieur, de 36 429,40 euros en principal, la cour d'appel, en retenant l'effacement intégral de la dette de Mme [G], a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;
Condamne Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société L'Olivier d'Aude ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047571079.xml | LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION LM
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
Audience publique du 17 mai 2023
Cassation partielle
sans renvoi
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 670 B+R
Pourvoi n° K 20-20.559
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 17 MAI 2023
La Caisse nationale d'assurance vieillesse, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-20.559, contre les arrêts rendus les 4 juillet 2019 et 23 juillet 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à M. [M] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Par arrêt du 7 juillet 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.
La demanderesse au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, un moyen de cassation.
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [M] [Y].
Le rapport de M. Boyer, conseiller, et l'avis écrit de M. de Monteynard, avocat général, ont été mis à la disposition des parties.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, assisté de Mme Safatian, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol et la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ont répliqué, après débats en l'audience publique du 31 mars 2023 où étaient présents, M. Soulard, premier président, MM. Chauvin, Sommer, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, présidents, Mme Martinel, doyen de chambre faisant fonction de président, M. Boyer, conseiller rapporteur, MM. Huglo, Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, M. de Larosière de Champfeu, Mme Taillandier-Thomas, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, Mmes Daubigney, Sommé, Poinseaux, MM. Martin, de Lamy, conseillers, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,
la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 4 juillet 2019, examinée d'office
1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 de ce code.
2. La Caisse nationale d'assurance vieillesse (la caisse) s'est pourvue en cassation le 22 septembre 2020 contre deux arrêts rendus les 4 juillet 2019 et 23 juillet 2020 par la cour d'appel de Versailles, mais son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de la première de ces décisions.
3. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 4 juillet 2019.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juillet 2020), M. [Y] (l'assuré) est bénéficiaire, depuis le 1er septembre 2006, d'une pension de réversion.
5. À la suite d'un contrôle de ressources réalisé en 2014, la caisse, qui a constaté que l'assuré bénéficiait d'une pension de retraite complémentaire ainsi que de placements financiers n'ayant pas été déclarés, lui a notifié, le 28 mai 2015 et le 6 août 2016, un indu portant sur la période du 1er novembre 2006 au 31 juillet 2016.
6. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que sa créance est prescrite pour la période antérieure au 28 mai 2010, alors « que l'action en remboursement de prestations indûment versées sur la base de fausses déclarations de l'assuré se prescrit par cinq ans à compter du jour où la caisse a connaissance de celles-ci, dans la limite de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ; que cette prescription quinquennale ne porte que sur le délai pour exercer l'action, non sur la détermination de la créance elle-même ; qu'en l'espèce, la Cnav a constaté l'irrégularité des déclarations de patrimoine de M. [Y] à l'issue de son contrôle mené le 12 juillet 2014, qu'elle lui a notifié dès le 28 mai 2015 une demande de remboursement de l'intégralité des prestations indûment versées à compter du 1er mai 2009 ; qu'en considérant que la prescription quinquennale interdisait à la caisse de demander le remboursement des prestations indûment versées antérieurement au 28 mai 2010, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2232 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 :
8. Selon le second de ces textes, toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.
9. Aux termes du premier, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
10. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en remboursement d'un trop-perçu de prestations de vieillesse et d'invalidité provoqué par la fraude ou la fausse déclaration ne relève pas de la prescription abrégée de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale et que, revêtant le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de l'article 2224 du code civil, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d'une fausse déclaration.
11. Ce délai d'action n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues.
12. Il s'en déduit qu'en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu de prestations de vieillesse ou d'invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l'action.
13. Pour déclarer prescrite la créance de la caisse pour la période antérieure au 28 mai 2010, l'arrêt retient que, la demande de répétition ayant été formée le 28 mai 2015, seules les prestations indues versées à compter du 29 mai 2010 peuvent être répétées.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation des chefs de dispositif infirmant la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse de la demande portant sur le trop-perçu au titre de la période antérieure au 28 mai 2010 et la décision de la caisse du 6 août 2016 demandant le remboursement d'un trop-perçu d'un montant de 159,93 euros correspondant à la période du 1er novembre 2006 au 31 mai 2009, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant M. [Y] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
17. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
18. La demande de répétition de l'indu ayant été formée par la caisse, les 28 mai 2015 et 6 août 2016, dans le délai de cinq ans courant à compter de la découverte, en 2014, de la fausse déclaration de l'assuré et celui-ci ne contestant pas les décomptes produits ensuite de la révision de sa pension de réversion, M. [Y] doit être condamné à payer à la caisse la somme de 23 984,91 euros au titre du solde restant dû sur la période du 1er mai 2009 au 30 septembre 2014, déduction faite des retenues sur pension pratiquées.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 4 juillet 2019 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse nationale d'assurance vieillesse demandant le remboursement d'un trop-perçu pour la période antérieure au 28 mai 2010, à charge pour celle-ci de recalculer les sommes dues pour la période non prescrite du 29 mai 2010 au 30 septembre 2014, et en ce qu'il infirme la décision de la Caisse nationale d'assurance vieillesse du 6 août 2016 demandant le remboursement d'un trop-perçu d'un montant de 159,93 euros correspondant à la période du 1er novembre 2006 au 31 mai 2009, l'arrêt rendu le 23 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
INFIRME le jugement rendu le 26 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-d'Oise sauf en ce qu'il ordonne la jonction des recours enregistrés sous les numéros 15-00868/P et 17-00044/P et dit le recours de M. [Y] recevable ;
Condamne M. [Y] à payer à la Caisse nationale d'assurance vieillesse la somme de 23 984,91 euros correspondant au solde restant dû sur la période du 1er mai 2009 au 30 septembre 2014, déduction faite des retenues sur pension pratiquées ;
Dit n'y avoir lieu de modifier les condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles prononcées par les juges du fond ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000046683045.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 novembre 2022
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 825 FS-B
Pourvoi n° Q 21-16.404
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022
1°/ la société EDF Renouvelables France, société par actions simplifiée unipersonnelle,
2°/ la société du Parc Eolien de la [Localité 5],
3°/ la société Plein Vent [Localité 2] [Localité 3],
4°/ la société du Parc Eolien de la Pierre,
5°/ la société du Parc Eolien du Nipleau,
6°/ la société du Parc Eolien des Trois Frères,
7°/ la société du Parc Eolien de la Petite Moure,
8°/ la société du Parc Eolien de la Vallée de l'Hérault,
ayant toutes leur siège [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° Q 21-16.404 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à l'association France Nature Environnement, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat des sociétés EDF Renouvelables France, Parc Eolien de la [Localité 5], Plein Vent [Localité 2] [Localité 3], Parc Eolien de la Pierre, Parc Eolien du Nipleau, Parc Eolien des Trois Frères, Parc Eolien de la Petite Moure et Parc Eolien de la Vallée de l'Hérault, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'association France Nature Environnement, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2021), les sociétés Parc éolien de la [Localité 5], Plein vent [Localité 2] [Localité 3], Parc éolien de la Pierre, Parc éolien du Nipleau, Parc éolien de la Petite Moure, Parc éolien des Trois frères et Parc éolien de la vallée de l'Hérault (les propriétaires exploitants) détiennent chacune un parc éolien construit et mis en service entre 2006 et 2013, pour un total de trente et une éoliennes réparties sur plusieurs communes du département de l'Hérault.
2. La supervision de l'exploitation et la gestion de ces parcs ont été confiées à la société EDF renouvelables France (EDF) selon un contrat de gestion d'actifs.
3. Les sites du Causse d'[Localité 2], de la plaine de [Localité 9]-[Localité 7] et de la plaine de [Localité 6]-[Localité 8], sur lesquels sont implantées les éoliennes, sont classés en zone de protection spéciale en application de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 du Parlement européen et du Conseil sur la protection des oiseaux sauvages (directive "oiseaux"), dont relève le faucon crécerellette (falco naumanni).
4. La Ligue pour la protection des oiseaux, chargée de la mise en oeuvre du plan national d'action en faveur du faucon crécerellette et du suivi de l'impact de ces parcs éoliens sur cet oiseau, a signalé, en 2011 et 2012, la découverte de plusieurs cadavres au pied des installations.
5. En juillet 2014, des arrêtés préfectoraux ont prescrit la pose, sur toutes les éoliennes, d'un système de détection et d'effarouchement des oiseaux, dit « DT-Bird », testé depuis 2013 sur deux appareils.
6. De nouveaux cadavres de faucons crécerellettes ayant été découverts malgré ce dispositif, l'association France nature environnement (l'association) a assigné les propriétaires exploitants et EDF en indemnisation du préjudice moral causé par la destruction de spécimens d'une espèce protégée.
7. Les défendeurs ont soulevé l'irrecevabilité à agir de l'association.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Les propriétaires exploitants et EDF font grief à l'arrêt de déclarer l'association recevable en ses demandes, alors « que la commission d'une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement constitue une condition de recevabilité de l'action d'une association agréée de protection de l'environnement exercée sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement ; qu'au cas présent, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés exposantes, la cour d'appel a énoncé que la recevabilité de l'action de l'association France Nature Environnement en raison d'une infraction seulement « alléguée » aux dispositions de l'article L. 415-3 du code de l'environnement n'était pas conditionnée par « la constitution préalable de l'infraction » ; qu'en statuant de la sorte, quand l'habilitation législative spéciale dont bénéficient les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement subordonne expressément la recevabilité de leur action à la commission de faits « constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement », ce qui exclut, par hypothèse, que leur action puisse être déclarée recevable lorsque l'infraction pénale liée à l'environnement en cause n'est qu' « alléguée » et qu'un doute existe sur le point de savoir si elle a été commise, la cour d'appel a violé l'article L. 142-2 du code de l'environnement, ensemble l'article 1240 du code civil et les articles 122 et 31 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. L'article L. 142-2 du code de l'environnement permet aux associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du même code d'agir en réparation tant devant le juge pénal que le juge civil, en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement ainsi qu'aux textes pris pour leur application.
10. La recevabilité de l'action est subordonnée à l'existence de faits susceptibles de revêtir une qualification pénale entrant dans le champ des dispositions susmentionnées.
11. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'action de l'association de protection de l'environnement agréée avait pour objet la réparation de son préjudice moral résultant de la destruction alléguée, entre 2012 et 2016, de nombreux spécimens de faucons crécerellettes, espèce protégée, en violation des interdictions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement et par les règlements pris en application de l'article L. 411-2, constitutive du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du même code.
12. Elle en a déduit, à bon droit, que la recevabilité de l'action en responsabilité civile de droit commun exercée par l'association en raison du délit environnemental invoqué n'était pas conditionnée par la constatation ou la constitution préalable de l'infraction, la recevabilité d'une action ne pouvant être subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
14. Les propriétaires exploitants et EDF font grief à l'arrêt de les déclarer responsables du préjudice moral de l'association et de les condamner à lui verser une certaine somme, alors :
« 1°/ que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'un des intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment au regard du risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée susceptible de résulter de leur fonctionnement ; qu'en jugeant, au cas d'espèce, que le seul fait pour le juge judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de constater l'existence d'une violation de l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement, sans justification par les contrevenants d'une dérogation accordée par l'autorité administrative, ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative, cependant qu'elle avait par ailleurs constaté que, par arrêtés du 9 juillet 2014, le Préfet de l'Hérault, spécialement informé des collisions survenues entre les éoliennes et des individus de l'espèce protégée faucon crécerellette, avait autorisé la poursuite de l'exploitation des parcs éoliens concernés sans la conditionner à l'octroi préalable d'une dérogation, sous réserve de la mise en oeuvre de prescriptions spéciales auxquelles les sociétés exploitantes s'étaient strictement conformées, la cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ que le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives s'oppose à ce que le juge judiciaire puisse substituer sa propre appréciation à celle que l'administration a porté, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur le caractère approprié et suffisant de mesures de réduction destinées à réduire la probabilité de réalisation d'un risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée à raison du fonctionnement d'installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'au cas présent, les prescriptions spéciales prises par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014 avaient pour objet de « réduire l'impact sur la biodiversité présenté par les installations », c'est-à-dire à dire de minimiser le risque de mortalité par collisions avec les éoliennes des individus de l'espèce faucon crécerellette ; que pour faire droit à l'action de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé que les collisions accidentelles survenues entre les éoliennes et les individus de l'espèce faucon crécerellette avaient perduré malgré la mise en place du système « DT-BIRD », de sorte qu'en l'absence de toute dérogation sollicitée et obtenue par les sociétés exploitantes, tant l'élément matériel que l'élément moral du délit prévu par l'article L. 415-3 apparaissaient constitués ; que ce faisant, la cour a, implicitement mais nécessairement, porté une appréciation sur l'opportunité et l'efficacité des prescriptions spéciales qui avaient été adoptées par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014, lesquelles tendaient à la généralisation de l'installation du dispositif « DT-BIRD » sur toutes les éoliennes des parcs concernés, selon un calendrier déterminé en fonction de son efficacité constatée ; qu'en substituant ainsi sa propre appréciation à celle que l'administration avait porté sur l'opportunité et l'efficacité des mesures de réduction qu'il convenait d'adopter pour réduire la probabilité de réalisation du risque de collisions accidentelles entre des éoliennes et des individus de l'espèce faucon crécerellette dûment identifié, la cour d'appel a encore violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an II ;
3°/ qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il ressort enfin de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, que lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ; qu'au cas présent, pour apprécier le bien-fondé de l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a constaté que 26 spécimens de faucon crécerellette ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'[Localité 2] et que les sociétés exploitantes ne justifiaient d'aucune dérogation à cet effet, ce dont elle a déduit qu'une violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement était caractérisée ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait des arrêtés du 9 juillet 2014 ayant expressément autorisé la poursuite de l'exploitation des installations sans la subordonner à l'octroi préalable d'une dérogation ni à l'absence de réalisation du risque de collisions accidentelles dûment identifié, que l'autorité administrative compétente avait admis la légalité au regard de l'article L. 411-1 du code de l'environnement des destructions accidentelles susceptibles de se produire à l'occasion du fonctionnement des installations selon les modalités qu'elle avait elle-même définies en vue, précisément, de palier au risque qu'elles se réalisent, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résolution du litige était subordonnée à la question, préalable et qu'il lui appartenait de soumettre au juge administratif par une question préjudicielle, de la légalité desdits arrêtés laquelle présentait une difficulté sérieuse, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour
15. D'une part, les éoliennes sont soumises à la législation spéciale applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement figurant aux articles L. 514-44 et suivants du code de l'environnement, selon laquelle les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent doivent être exploitées dans le respect des prescriptions édictées par l'autorisation administrative d'exploitation.
16. D'autre part, la législation spéciale, autonome, relative à la protection du patrimoine naturel interdit, par les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, la destruction d'animaux d'espèces non domestiques protégées, l'article L. 411-2, 4°, réservant toutefois la possibilité de délivrance, par l'autorité administrative compétente, de dérogations à cette interdiction.
17. La cour d'appel a exactement retenu que les arrêtés du 9 juillet 2014 pris par le préfet, dont les propriétaires exploitants prétendaient avoir strictement respecté les mesures spécifiques imposées pour la protection des faucons crécerellettes, n'avaient pas été pris en application des dispositions de l'article L. 411-2 relatif aux espèces protégées.
18. Elle a également constaté qu'il n'était pas justifié d'une demande de dérogation ni d'une décision de l'administration autorisant la destruction de ces spécimens protégés.
19. La cour d'appel, qui n'a pas substitué son appréciation à celle de l'administration quant aux prescriptions assortissant les autorisations de poursuite d'exploitation délivrées en 2014 au titre de la police spéciale des installations classées applicable aux éoliennes, a retenu à bon droit que ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative le fait, pour le juge judiciaire, saisi, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, d'une action en responsabilité fondée sur la destruction d'une espèce sauvage protégée, de constater la violation des dispositions de l'article L. 411-2, 1°, du code de l'environnement sans justification, par les contrevenants, d'une dérogation accordée par l'autorité administrative.
20. Le moyen, inopérant en sa troisième branche dès lors que la légalité des arrêtés préfectoraux de juillet 2014 est sans incidence sur la solution du présent litige, n'est donc pas fondé pour le surplus.
Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen
21. Les propriétaires exploitants font grief à l'arrêt de les déclarer responsables du préjudice subi par l'association et de les condamner à lui payer des sommes en réparation de son préjudice moral, alors :
« 1°/ que le délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément moral constitué par une faute d'imprudence ; que pour caractériser une telle faute, le juge doit rechercher si une imprudence ou une négligence a été commise par l'intéressé en se référant au comportement d'un individu normalement prudent et diligent ; qu'au cas présent, pour faire droit à l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé, d'une part, qu'il n'était pas contesté que 28 spécimens de faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, avaient péri à la suite d'une collision avec les éoliennes des parcs concernés alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent, et, d'autre part, que les sociétés exploitantes ne justifiaient « ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement », de sorte que la preuve tant de l'élément matériel que de l'élément moral, de la faute d'imprudence du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était rapportée ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme cela lui était pourtant expressément demandé par les sociétés demanderesses si les sociétés exploitantes n'avaient pas adopté un comportement prudent et accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de leur mission, de leurs compétences, de leurs pouvoirs et des moyens dont elles disposaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ;
2°/ que si l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement prohibe toute destruction d'individus d'espèces animales non domestiques, la sanction pénale attachée à la violation de cette interdiction, instituée par l'article L. 415-3 du même code, ne trouve, elle, à s'appliquer que pour autant qu'une atteinte ait été portée à la conservation de l'espèce concernée ; qu'ainsi, les conditions de l'interdiction administrative prévue par le premier de ces textes, à laquelle seule une dérogation octroyée en application de l'article L. 411-2, 4° du code de l'environnement permet de déroger, ne se confondent pas avec celles auxquelles le législateur a entendu subordonner l'application de la sanction pénale attachée à la violation de l'interdiction administrative précitée, laquelle implique, non seulement que l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement ait été violé, mais également qu'une atteinte ait été portée à la « conservation » de l'espèce ; qu'au cas présent, pour juger que l'élément matériel du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement était constitué, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « 28 faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2,1° du code de l'environnement, ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'[Localité 2] alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent » et que « les intimés ne justifient ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait également de caractériser l'atteinte qui avait été portée à « la conservation » de l'espèce protégée concernée par l'effet desdites destructions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement. »
Réponse de la Cour
22. D'une part, il résulte des articles L. 411-1 et L. 415-3 du code de l'environnement que constitue le délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques la violation des interdictions prévues par les dispositions de l'article L. 411-1 et par les règlements pris en application de l'article L. 411-2 du même code (Crim., 5 avril 2011, pourvoi n° 10-86.248).
23. La cour d'appel n'était donc pas tenue de caractériser l'atteinte portée à la conservation de l'espèce protégée en cause, dès lors que celle-ci résultait de la constatation de la destruction d'un spécimen appartenant à l'espèce faucon crécerellette, en violation de l'interdiction édictée par l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement.
24. D'autre part, il est jugé qu'une faute d'imprudence suffit à caractériser l'élément moral du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement (Crim, 1er juin 2010, pourvoi n° 09-87.159, Bull. crim. 2010, n° 96).
25. La cour d'appel a constaté que vingt-huit faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-1, 1°, du code de l'environnement, avaient été tués entre 2011 et 2016 par collision avec les éoliennes des parcs du Causse d'[Localité 2], que cette destruction perdurait malgré la mise en place du système DT- BIRD, et que les propriétaires exploitants n'avaient pas sollicité la dérogation aux interdictions édictées par cet article, constitutive d'un fait justificatif exonératoire de responsabilité.
26. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation sur le comportement des propriétaires exploitants, que le délit d'atteinte à la conservation d'espèce animale non domestique protégée, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était caractérisé tant dans son élément matériel que son élément moral.
27. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
28. Les propriétaires exploitants font le même grief à l'arrêt, alors « qu'à supposer même que les conditions de l'interdiction administrative posée par l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement se confondent avec celles qui déterminent l'application de la sanction pénale prévue par l'article L. 415-3 du même code, de sorte qu'une atteinte à la conservation de l'espèce ne serait pas requise pour permettre la qualification du délit prévu et réprimé par le second de ces textes, un doute existe sur l'interprétation à conférer à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lorsque la destruction d'un ou plusieurs spécimens d'une espèce protégée d'oiseau a été causée par une activité humaine licite dont l'objet est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales ; qu'il appartient, en conséquence, à la Cour de cassation pour lever ce doute, conformément à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 5, paragraphes a) à d), de la directive "oiseaux" doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine licite, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, comme celle relative à l'exploitation d'un parc éolien, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition cesse de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable ? »
Réponse de la Cour
29. A l'instar de ce que prévoit l'article 12 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvage (directive « habitats »), l'article 5 de la directive « oiseaux » exige que les Etats membres adoptent un cadre législatif complet et efficace par la mise en oeuvre de mesures concrètes et spécifiques de protection de toutes les espèces d'oiseaux sauvages qui doivent permettre d'assurer le respect effectif des interdictions mentionnées à cet article, notamment l'interdiction de les tuer intentionnellement, l'article 14 autorisant les Etats membres à prendre des mesures plus strictes que celles prévues par cette directive.
30. Les articles L. 411-1 et L. 411-2, 4°, du code de l'environnement interdisent, pour toutes les espèces animales non domestiques protégées, y compris les oiseaux, leur destruction et appliquent les conditions et les motifs de dérogation à ces interdictions posés par l'article 16 de la directive « habitats ».
31. L'arrêté du 29 octobre 2009 qui, en application de cette législation, fixe la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection y inclut, dans son article 3, le faucon crécerellette, dont la destruction intentionnelle est interdite.
32. La législation nationale a ainsi étendu aux oiseaux sauvages protégés les mesures nécessaires à un système de protection stricte édictées par l'article 12 paragraphe 1 sous a) de la directive « habitats ».
33. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article précité doit être interprété en ce sens que, d'une part, il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées, et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition ne cesse pas de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable (CJUE, arrêt du 4 mars 2021, Skydda Skogen, C-473/19 et C-474/19).
34. Il s'ensuit qu'en l'absence d'un doute raisonnable sur l'interprétation à donner à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement en cas de destruction de spécimens d'une espèce protégée d'oiseau causée par des éoliennes, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle soulevée par le moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n'y avoir lieu à question préjudicielle ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Parc éolien de la [Localité 5], Plein vent [Localité 2] [Localité 3], Parc éolien de la Pierre, Parc éolien du Nipleau, Parc éolien de la Petite Moure, Parc éolien des Trois frères, Parc éolien de la vallée de l'Hérault et EDF renouvelables France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Parc éolien de la [Localité 5], Plein vent [Localité 2] [Localité 3], Parc éolien de la Pierre, Parc éolien du Nipleau, Parc éolien de la Petite Moure, Parc éolien des Trois frères, Parc éolien de la vallée de l'Hérault et EDF renouvelables France et les condamne à payer à l'association France Nature Environnement la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour les sociétés EDF Renouvelables France, Parc éolien de la [Localité 5], Plein vent [Localité 2] [Localité 3], Parc éolien de la Pierre, Parc éolien du Nipleau, Parc éolien de la Petite Moure, Parc éolien des Trois frères et le Parc éolien de la vallée de l'Hérault
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Plein vent [Localité 2] [Localité 3], Parc éolien de la [Localité 5], Parc éolien de la Pierre, Parc éolien du Nipleau, Parc éolien des Trois Frères, Parc éolien de la Petite Moure, Parc éolien de la Vallée de l'Hérault et EDF Renouvelables France font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'association France Nature Environnement recevable en ses demandes ;
Alors que la commission d'une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement constitue une condition de recevabilité de l'action d'une association agréée de protection de l'environnement exercée sur le fondement de l'article L. 142-2 du code de l'environnement ; qu'au cas présent, pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés exposantes, la cour d'appel a énoncé que la recevabilité de l'action de l'association France Nature Environnement en raison d'une infraction seulement « alléguée » aux dispositions de l'article L. 415-3 du code de l'environnement n'était pas conditionnée par « la constitution préalable de l'infraction » (arrêt, p. 10, in fine) ; qu'en statuant de la sorte, quand l'habilitation législative spéciale dont bénéficient les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement subordonne expressément la recevabilité de leur action à la commission de faits « constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement », ce qui exclut, par hypothèse, que leur action puisse être déclarée recevable lorsque l'infraction pénale liée à l'environnement en cause n'est qu' « alléguée » et qu'un doute existe sur le point de savoir si elle a été commise, la cour d'appel a violé l'article L. 142-2 du code de l'environnement, ensemble l'article 1240 du code civil et les articles 122 et 31 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Plein vent [Localité 2] [Localité 3], Parc éolien de la [Localité 5], Parc éolien de la Pierre, Parc éolien du Nipleau, Parc éolien des Trois Frères, Parc éolien de la Petite Moure, Parc éolien de la Vallée de l'Hérault et EDF Renouvelables France font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'association France Nature Environnement recevable en ses demandes, d'avoir déclaré les sociétés exploitantes responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil, du préjudice moral subi par l'association France Nature Environnement et de les avoir condamnées à lui verser la somme de 500 euros chacune (soit au total la somme de 3.500 euros) en réparation de ce préjudice ;
1° Alors que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des installations classées pour la protection de l'environnement pour l'un des intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment au regard du risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée susceptible de résulter de leur fonctionnement ; qu'en jugeant, au cas d'espèce, que le seul fait pour le juge judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de constater l'existence d'une violation de l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement, sans justification par les contrevenants d'une dérogation accordée par l'autorité administrative, ne constituait pas une atteinte au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ni une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice des pouvoirs reconnus à l'autorité administrative, cependant qu'elle avait par ailleurs constaté que, par arrêtés du 9 juillet 2014, le Préfet de l'Hérault, spécialement informé des collisions survenues entre les éoliennes et des individus de l'espèce protégée faucon crécerellette, avait autorisé la poursuite de l'exploitation des parcs éoliens concernés sans la conditionner à l'octroi préalable d'une dérogation, sous réserve de la mise en oeuvre de prescriptions spéciales auxquelles les sociétés exploitantes s'étaient strictement conformées, la cour d'appel a violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2° Alors, encore, que le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives s'oppose à ce que le juge judiciaire puisse substituer sa propre appréciation à celle que l'administration a porté, dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur le caractère approprié et suffisant de mesures de réduction destinées à réduire la probabilité de réalisation d'un risque de destructions accidentelles d'individus d'une espèce protégée à raison du fonctionnement d'installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'au cas présent, les prescriptions spéciales prises par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014 avaient pour objet de « réduire l'impact sur la biodiversité présenté par les installations », c'est-à-dire à dire de minimiser le risque de mortalité par collisions avec les éoliennes des individus de l'espèce faucon crécerellette ; que pour faire droit à l'action de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé que les collisions accidentelles survenues entre les éoliennes et les individus de l'espèce faucon crécerellette avaient perduré malgré la mise en place du système « DT-BIRD », de sorte qu'en l'absence de toute dérogation sollicitée et obtenue par les sociétés exploitantes, tant l'élément matériel que l'élément moral du délit prévu par l'article L. 415-3 apparaissaient constitués ; que ce faisant, la cour a, implicitement mais nécessairement, porté une appréciation sur l'opportunité et l'efficacité des prescriptions spéciales qui avaient été adoptées par le Préfet de l'Hérault à l'occasion des arrêtés du 9 juillet 2014, lesquelles tendaient à la généralisation de l'installation du dispositif « DT-BIRD » sur toutes les éoliennes des parcs concernés, selon un calendrier déterminé en fonction de son efficacité constatée ; qu'en substituant ainsi sa propre appréciation à celle que l'administration avait porté sur l'opportunité et l'efficacité des mesures de réduction qu'il convenait d'adopter pour réduire la probabilité de réalisation du risque de collisions accidentelles entre des éoliennes et des individus de l'espèce faucon crécerellette dûment identifié, la cour d'appel a encore violé le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3° Alors, en tout état de cause, qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il ressort enfin de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, que lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente et sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ; qu'au cas présent, pour apprécier le bien-fondé de l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a constaté que 26 spécimens de faucon crécerellette ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'[Localité 2] et que les sociétés exploitantes ne justifiaient d'aucune dérogation à cet effet, ce dont elle a déduit qu'une violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement était caractérisée ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait des arrêtés du 9 juillet 2014 ayant expressément autorisé la poursuite de l'exploitation des installations sans la subordonner à l'octroi préalable d'une dérogation ni à l'absence de réalisation du risque de collisions accidentelles dûment identifié, que l'autorité administrative compétente avait admis la légalité au regard de l'article L. 411-1 du code de l'environnement des destructions accidentelles susceptibles de se produire à l'occasion du fonctionnement des installations selon les modalités qu'elle avait elle-même définies en vue, précisément, de palier au risque qu'elles se réalisent, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire que la résolution du litige était subordonnée à la question, préalable et qu'il lui appartenait de soumettre au juge administratif par une question préjudicielle, de la légalité desdits arrêtés laquelle présentait une difficulté sérieuse, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Plein vent [Localité 2] [Localité 3], Parc éolien de la [Localité 5], Parc éolien de la Pierre, Parc éolien du Nipleau, Parc éolien des Trois Frères, Parc éolien de la Petite Moure et Parc éolien de la Vallée de l'Hérault font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déclarées responsables sur le fondement de l'article 1240 du code civil, du préjudice moral subi par l'association France Nature Environnement et de les avoir condamnées à lui verser la somme de 500 euros chacune en réparation de son préjudice moral ;
1° Alors que le délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément moral constitué par une faute d'imprudence ; que pour caractériser une telle faute, le juge doit rechercher si une imprudence ou une négligence a été commise par l'intéressé en se référant au comportement d'un individu normalement prudent et diligent ; qu'au cas présent, pour faire droit à l'action indemnitaire de l'association France Nature Environnement, la cour d'appel a estimé, d'une part, qu'il n'était pas contesté que 28 spécimens de faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, avaient péri à la suite d'une collision avec les éoliennes des parcs concernés alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent, et, d'autre part, que les sociétés exploitantes ne justifiaient « ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » (arrêt attaqué, p. 17, § 3), de sorte que la preuve tant de l'élément matériel que de l'élément moral, de la faute d'imprudence du délit d'atteinte à la conservation d'espèces animales non domestiques protégées, prévu par l'article L. 415-3 du code de l'environnement, était rapportée ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme cela lui était pourtant expressément demandé par les sociétés demanderesses (conclusions d'appel, p. 25 à 26) si les sociétés exploitantes n'avaient pas adopté un comportement prudent et accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de leur mission, de leurs compétences, de leurs pouvoirs et des moyens dont elles disposaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ;
2° Alors, encore, que si l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement prohibe toute destruction d'individus d'espèces animales non domestiques, la sanction pénale attachée à la violation de cette interdiction, instituée par l'article L. 415-3 du même code, ne trouve, elle, à s'appliquer que pour autant qu'une atteinte ait été portée à la conservation de l'espèce concernée ; qu'ainsi, les conditions de l'interdiction administrative prévue par le premier de ces textes, à laquelle seule une dérogation octroyée en application de l'article L. 411-2, 4° du code de l'environnement permet de déroger, ne se confondent pas avec celles auxquelles le législateur a entendu subordonner l'application de la sanction pénale attachée à la violation de l'interdiction administrative précitée, laquelle implique, non seulement que l'article L. 411-1, 1° du code de l'environnement ait été violé, mais également qu'une atteinte ait été portée à la « conservation » de l'espèce ; qu'au cas présent, pour juger que l'élément matériel du délit prévu et réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement était constitué, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « 28 faucons crécerellettes, espèce animale non domestique protégée au titre de l'article L. 411-2,1° du code de l'environnement, ont été tués entre 2011 et 2016 à la suite d'une collision avec des éoliennes des Parcs du Causse d'[Localité 2] alors que les dispositions du code de l'environnement l'interdisent » et que « les intimés ne justifient ni d'une autorisation administrative à cette destruction de spécimens protégés, ni d'une dérogation administrative au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement » (arrêt attaqué, p. 17, § 1 et 3) ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui appartenait également de caractériser l'atteinte qui avait été portée à « la conservation » de l'espèce protégée concernée par l'effet desdites destructions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 415-3 du code de l'environnement ;
3° Alors, subsidiairement, enfin, qu'à supposer même que les conditions de l'interdiction administrative posée par l'article L. 411-1,1° du code de l'environnement se confondent avec celles qui déterminent l'application de la sanction pénale prévue par l'article L. 415-3 du même code, de sorte qu'une atteinte à la conservation de l'espèce ne serait pas requise pour permettre la qualification du délit prévu et réprimé par le second de ces textes, un doute existe sur l'interprétation à conférer à la portée de l'interdiction posée par le législateur aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, lorsque la destruction d'un ou plusieurs spécimens d'une espèce protégée d'oiseau a été causée par une activité humaine licite dont l'objet est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales ; qu'il appartient, en conséquence, à la Cour de cassation pour lever ce doute, conformément à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 5, paragraphes a) à d), de la directive "oiseaux" doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l'objet d'une activité humaine licite, telle qu'une activité d'exploitation forestière ou d'occupation des sols, comme celle relative à l'exploitation d'un parc éolien, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d'espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s'appliquent qu'en cas de risque d'incidence négative sur l'état de conservation des espèces concernées et, d'autre part, la protection offerte par ladite disposition cesse de s'appliquer aux espèces ayant atteint un état de conservation favorable ? »
N1 > 3e Civ., 1er juillet 2009, pourvoi n° 07-21.954, Bull. 2009, III, n° 166 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Crim., 1er juin 2010, pourvoi n° 09-87.159, Bull. crim. 2010, n° 96 (3) (rejet) ; 3e Civ., 8 juin 2011, pourvoi n° 10-15.500, Bull. 2011, III, n° 101 (rejet), et l'arrêt cité ; N2 > Tribunal des conflits, 13 octobre 2014, n° 3 964, Bull. 2014, T. conflits, n° 13 ; 1re Civ., 14 février 2018, pourvoi n° 17-14.703, Bull. 2018, I, n° 32 (cassation) ; N3 > Crim., 18 octobre 2022, pourvoi n° 21-86.965, Bull. crim., (2) (cassation partielle), et l'arrêt cité.
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CASS/JURITEXT000047571009.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 483 F-B
Pourvoi n° P 21-11.987
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
M. [E] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-11.987 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Le Château de [Adresse 3], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [T] [L], mandataire judiciaire pris en qualité d'administrateur provisoire, domicilié [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [G], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Le Château de [Adresse 3], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2020) et les productions, agissant sur le fondement d'un jugement du 25 juillet 2001 et de deux arrêts de cour d'appel des 12 septembre 2006 et 5 juillet 2012, la société Le Château de [Adresse 3] (la société) a fait pratiquer, par acte du 11 juin 2018, un nantissement provisoire des parts sociales détenues par M. [G] dans son capital social dont la mainlevée a été ordonnée par un jugement du 12 novembre 2018, confirmé par un arrêt du 20 juin 2019.
2. La société a ensuite fait signifier, le 18 janvier 2019, sur le fondement des mêmes titres exécutoires, un commandement de payer aux fins de saisie-vente à M. [G] qui a saisi un juge de l'exécution d'une contestation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [G] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris le 1er juillet 2019 en ce qu'il a rejeté sa demande de nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 18 janvier 2019, sauf sur le quantum, alors « qu'une mesure conservatoire ne peut être prise qu'à la condition pour le créancier de justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance ; que la mesure conservatoire faisant l'objet d'une mainlevée pour absence de menace de recouvrement est nulle si cette menace n'a jamais existé et caduque si, au jour où le juge statue, cette condition a disparu ; que la mesure conservatoire, qu'elle soit nulle ou caduque, emporte sa disparition rétroactive ; qu'une telle mesure est ainsi privée rétroactivement de son effet interruptif de prescription ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que « le juge a estimé que les conditions requises pour la prise [du nantissement provisoire de parts sociales] n'étaient pas réunies, au jour où il a statué », la Cour d'appel a cru pouvoir affirmer qu' « il n'en demeure pas moins que cette sûreté a produit son effet interruptif de prescription jusqu'à [la] décision de mainlevée » et qu' « il en irait autrement si cette mesure conservatoire avait été jugée caduque, du fait du non-respect des règles de procédure applicables en la matière ou annulée, que tel n'est pas le cas sauf à modifier les termes du dispositif du jugement du 12 novembre 2018 » ; qu'en statuant ainsi, alors que le défaut de réunion des conditions de fond requises pour la prise de la mesure conservatoire litigieuse justifiant le prononcé de sa mainlevée impliquait nécessairement soit sa caducité, soit sa nullité et la privait ainsi rétroactivement de son effet interruptif de prescription, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 511-1 et L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2244 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. En application de l'article 2244 du code civil, le délai de prescription ou le délai de forclusion est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.
5. Aux termes de l'article L. 511-1, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. Selon l'article L. 512-1, alinéa 1er, du même code, même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.
6. Il résulte de la combinaison de ces textes que la décision de mainlevée, prise en application de l'article L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution, n'a pas d'effet rétroactif. Par conséquent, la mesure conservatoire, dont la mainlevée a été ordonnée, conserve son effet interruptif de prescription.
7. Ayant exactement retenu, par motifs propres et adoptés, que l'effet interruptif du nantissement provisoire des parts sociales était resté intact, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la prescription de l'exécution forcée du jugement du 25 juillet 2001 n'était pas acquise.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à la société Le Château de [Adresse 3] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047571017.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 489 F-B
Pourvoi n° Q 21-17.853
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
La société caisse de Crédit mutuel [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-17.853 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [L] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société caisse de Crédit mutuel [Adresse 2], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 8 mars 2021) et les productions, par acte notarié du 20 décembre 2017, la caisse de Crédit mutuel [Adresse 2] (la banque) a consenti à M. [N] des prêts immobiliers.
2. Sur des poursuites engagées par la banque aux fins de saisie immobilière, la vente forcée de l'immeuble appartenant à M. [N] a été ordonnée par jugement du 14 mars 2013, qui a retenu que le montant de la créance de la banque s'élevait à une certaine somme.
3. L'appel formé par M. [N] à l'encontre de ce jugement d'orientation a été déclaré irrecevable par ordonnance d'un conseiller de la mise en état.
4. Le 28 mai 2019, M. [N] a fait délivrer à la banque un commandement aux fins de saisie-vente sur le fondement d'un arrêt du 19 septembre 2016 lui ayant octroyé des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l'obligation d'information de la banque dans le cadre de ces prêts.
5. La banque a contesté ce commandement devant un juge de l'exécution en se prévalant de la compensation avec la créance détenue à l'encontre de M. [N] au titre du solde des prêts immobiliers demeurés impayés.
6. Par jugement du 2 mars 2020, le juge de l'exécution, a, en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation, déclaré prescrite l'action en paiement de la banque, rejeté la demande de compensation formée par la banque et validé le commandement aux fins de saisie-vente.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en paiement, de rejeter sa demande de compensation et de valider le commandement aux fins de saisie-vente du 28 mai 2019, alors « que le jugement d'orientation du juge de l'exécution, qui a autorité de chose jugée au principal en ce qu'il fixe la créance du poursuivant, constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible dont l'exécution peut être poursuivie pendant dix ans ; qu'en retenant que le jugement d'orientation du 14 mars 2013, aux termes duquel le juge de l'exécution a fixé la créance de la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 2] aux sommes de 71 199,50 euros et 174 303,75 euros au titre des deux prêts consentis à M. [N], n'était pas un titre exécutoire que la banque pouvait invoquer pour obtenir le paiement du solde de la créance qu'il mentionne, la cour d'appel a violé les articles L. 111-2, L. 111-3, 1°, L. 111-4, R. 121-14, R. 322-15, R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte des articles L. 111-2, L. 111-3, 1°, L. 311-2, R. 121-1, R. 322-15, alinéa 1er, et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution que le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution statuant, à l'occasion de la procédure de saisie immobilière, n'a pas pour objet de constater une créance liquide et exigible, mais de vérifier que le créancier est muni d'un titre exécutoire présentant ces caractéristiques, de statuer sur les éventuelles contestations et demandes incidentes, et de mentionner le montant retenu pour la créance du poursuivant. Par conséquent, il ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-4 du même code.
9. Ayant relevé que, contrairement à ce que soutient la banque, le jugement d'orientation, qui ne peut être rendu que lorsque le créancier justifie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, ne peut se substituer au titre exécutoire initial afin de servir de fondement au recouvrement d'une créance ou constituer lui-même un titre exécutoire, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le créancier ne pouvait se prévaloir du délai d'exécution de dix ans prévu par l'article L. 111-4 du code précité à compter du jugement d'orientation et que par conséquent, la créance était prescrite.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la caisse de Crédit mutuel [Adresse 2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel [Adresse 2] et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
2e Civ., 4 mars 2021, pourvoi n° 19-22.704 (cassation).
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CASS/JURITEXT000047571003.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 468 FS-B
Pourvoi n° Y 21-20.690
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
1°/ M. [V] [E] [F],
2°/ Mme [D] [G], épouse [F],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° Y 21-20.690 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige les opposant à la société France titrisation, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, dénommé Marsollier Mortgages, ayant désigné comme entité en charge du recouvrement la société MCS et associés, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société JP Morgan Bank Dublin Public Limited Company, anciennement dénommée Bear Stearns Bank Public Limited Company sise à [Localité 4] (Irlande), en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 29 avril 2009, défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [F], de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, M. Waguette, Mme Caillard, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Latreille, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2021), sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société Bear Stearns Bank, aux droits de laquelle est venu le Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages représenté par la société France titrisation, à l'encontre de M. et Mme [F], un juge de l'exécution a ordonné la vente forcée du bien.
2. M. et Mme [F] ont relevé appel de ce jugement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [F] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur appel, alors « qu'en cas d'appel d'un jugement d'orientation, la cour est valablement saisie par la remise par voie électronique au greffe de la seule assignation, sans que l'appelant soit tenu de lui remettre également la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe, l'ordonnance du premier président et la déclaration d'appel, lesquels constituent des documents distincts de l'assignation ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'appel des époux [F], que l'assignation remise était incomplète dès lors qu'elle ne comprenait ni la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, ni l'ordonnance du premier président, ni une copie de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 920, 922 et 930-1 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 922 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
4. Il résulte du premier de ces textes que dans la procédure d'appel à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel est caduque.
5. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire ». Toutefois, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l'État, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Cette réglementation par l'État peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c/ Croatie, requête n° 40160/12, 5 avril 2018).
6. La question posée par le moyen est celle de savoir si l'article 922 du code de procédure civile, interprété à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impose ou non, pour que la cour d'appel soit saisie, que soient jointes à la copie de l'assignation les copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d'appel.
7. En application de l'article 918 du code de procédure civile, la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe doit être remise au premier président pour être versée au dossier de la cour. L'ordonnance signée et datée du premier président figure au dossier de la procédure (2e Civ., 20 mai 2021, pourvoi n° 19-19.258 et n° 19-19.259).
8. L'article 922 du code de procédure civile, quant à lui, a pour seul objet d'énoncer les formalités nécessaires à la saisine de la cour d'appel, celle-ci, devant être saisie par la remise d'une copie de l'assignation.
9. Il en résulte que l'article 922 du code de procédure civile n'impose pas que soient jointes à la copie de l'assignation remise au greffe, les pièces, destinées à l'information de l'intimé, mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile.
10. Toute autre interprétation constituerait une entrave disproportionnée à l'accès au juge en méconnaissance de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que la cour d'appel n'a pas été valablement saisie par le dépôt au greffe d'une copie complète de l'assignation faute de comprendre la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, de l'ordonnance du premier président et d'une copie de la déclaration d'appel.
12. En statuant ainsi, en déclarant l'appel irrecevable, alors, d'une part, que la cour est valablement saisie par la remise de la seule copie de l'assignation, sans qu'il soit nécessaire d'y joindre les copies mentionnées à l'article 920 du code de procédure civile, d'autre part, que l'absence de remise de cette assignation est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée .
Condamne la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France titrisation, agissant en qualité de société de gestion du Fonds commun de titrisation Marsollier Mortgages et la condamne à payer à M. et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mai 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 486 F-B
Pourvoi n° H 21-16.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
1°/ M. [G] [C], domicilié [Adresse 2],
2°/ Mme [F] [E], divorcée [C], domiciliée [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° H 21-16.167 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12), dans le litige les opposant à la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [C] et Mme [E], divorcée [C], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 février 2021) et les productions, par ordonnance du 3 juin 2019, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de la société Crédit foncier de France (la banque), l'exécution forcée de biens immobiliers appartenant à M. [C] et Mme [E].
2. M. [C] a formé deux pourvois immédiats, le premier afin de solliciter des délais pour vendre amiablement l'immeuble saisi, le second contre l'ordonnance du 30 janvier 2020 ayant rejeté sa demande.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [C] et Mme [E] font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du 30 janvier 2020 ayant rejeté la demande de délais de grâce formulée par M. [C], alors :
« 1°/ que la vente par adjudication de la maison d'habitation d'un débiteur constitue une ingérence dans l'exercice de son droit au respect de son domicile ; qu'il ne peut y avoir d'ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant qu'elle est prévue par la loi, qu'elle poursuit un but légitime et qu'elle est proportionnée avec l'objectif recherché ; qu'en ordonnant la vente forcée de l'immeuble appartenant à Mme [E] et M. [C] et constituant le domicile de ce dernier, sans procéder, au besoin d'office, à un examen de la proportionnalité de cette mesure, la cour d'appel a méconnu l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en ce qu'elle ne permet plus au débiteur de disposer de sa maison, la vente forcée par adjudication porte atteinte à son droit au respect de ses biens ; qu'en ce qu'elle est prononcée, au terme d'une procédure n'offrant pas au débiteur des garanties procédurales suffisantes, la vente forcée des immeubles situés dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle porte une atteinte disproportionnée au droit du débiteur au respect de ses biens ; qu'en rejetant la demande de délais de grâce formulée par M. [C] sans qu'ait pu être préalablement examinée la proportionnalité de la mesure de vente forcée de sa maison prononcée à son encontre, la cour d'appel a méconnu l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article 8, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
5. Aux termes de l'article 8, § 2, il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
6. Selon l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
7. Si la vente aux enchères de la propriété d'un débiteur, qui constitue une ingérence dans le droit au respect des biens de celui-ci, poursuit un but légitime d'utilité publique, à savoir la satisfaction des créances pécuniaires de son créancier, cette ingérence doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. En particulier, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété (CEDH, 5 novembre 2009, [P] [K] Axte c. Grèce, n° 44769/07, § 34 et 35). En outre, les procédures applicables doivent aussi offrir à la personne concernée une occasion adéquate d'exposer sa cause aux autorités compétentes afin de contester effectivement les mesures portant atteinte aux droits garantis par cette disposition (CEDH, 5 novembre 2009, [P] [K] Axte c. Grèce, n° 44769/07, § 36).
8. Aux termes de l'article 145, alinéa 1er, de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, l'ordonnance d'exécution est signifiée d'office au débiteur et au tiers acquéreur et inscrite d'office au livre foncier. Selon l'article 167 de la même loi, les décisions du tribunal de l'exécution sont susceptible d'un pourvoi immédiat.
9. Il résulte en outre des articles 141 et 143 de cette même loi que le tribunal de l'exécution doit rechercher si les demandes sont fondées.
10. Le débiteur saisi disposant ainsi d'un recours juridictionnel lui permettant de contester l'ordonnance d'exécution forcée rendue sur la requête du créancier poursuivant, c'est sans méconnaître l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article premier du premier Protocole additionnel, que la cour d'appel qui, statuant aux termes d'une procédure contradictoire conforme aux exigences du procès équitable, n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée par le débiteur, lequel n'alléguait pas du caractère disproportionné de la mesure diligentée à son encontre tant au regard de son droit au respect de la vie privée que de son droit à la protection de la propriété, a statué comme elle l'a fait.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [C] et Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et Mme [E] et les condamne à payer à la société Crédit foncier de France la somme globale de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mai 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président
Arrêt n° 475 F-B
Pourvoi n° F 21-21.295
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
Mme [C] [T], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° F 21-21.295 contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [P] [U], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la SCP [U]-Decron-Lafaye, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à M. [E] [O], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme [T], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U] et de la SCP [U]-Decron-Lafaye, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 février 2021) M. [O] et Mme [T] ont, par acte authentique reçu par M. [U], notaire, acquis de la société La Vallée d'Aulnes (la société), en l'état futur d'achèvement, un lot de copropriété en vue de le donner en location sous le statut de loueur en meublé non professionnel, financé par un emprunt souscrit auprès de la société BNP Paribas Personal finance (la banque).
2. L'opération ne leur permettant pas d'obtenir les avantages fiscaux qu'ils recherchaient, ils ont assigné la société, le notaire et la banque en annulation et, subsidiairement, en résolution de la vente et du prêt, ainsi qu'en remboursement de frais engagés et paiement de dommages-intérêts.
3. Une cour d'appel a annulé le contrat de vente pour dol et, par voie de conséquence, celui de prêt et condamné in solidum M. [U] et la société civile professionnelle de notaires avec la société à payer diverses sommes à M. et Mme [O], avec répartition entre les débiteurs à hauteur de 30 % in solidum pour le notaire et la société civile professionnelle de notaires et de 70 % pour la société.
4. Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2016 (Com., 18 mai 2016, pourvoi n° 14-15.988).
5. Affirmant qu'à la suite de sa liquidation judiciaire, la société n'avait pas payé les sommes mises à sa charge, M. et Mme [O] ont saisi un tribunal de grande instance pour obtenir la condamnation de M. [U] et de la société civile professionnelle de notaires à leur payer une certaine somme correspondant au prix d'achat de l'immeuble.
6. Leur demande a été déclarée irrecevable par un jugement dont ils ont relevé appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Mme [T] fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes et de la condamner in solidum avec M. [O] à payer la somme de 1 000 euros à M. [U] et à la société civile professionnelle [U]-Decron-Lafaye sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile, alors :
« 1° / qu'une action en responsabilité professionnelle pour faute contre un notaire n'a pas le même objet qu'une action en garantie de paiement contre ce notaire en conséquence de l'annulation d'une vente dont la restitution du prix de vente à l'acquéreur est impossible suite à l'insolvabilité du contractant qui en est débiteur ; que pour avoir jugé au contraire au regard de Mme [T] en lui opposant, pour rejeter sa demande, l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 20 décembre 2013, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ;
2°/ que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; que la liquidation judiciaire prononcée le 28 mai 2014 et le certificat établissant le caractère non recouvrable de la créance des époux [O] auprès de la SCI La Vallée d'Aulnes délivré le 3 octobre 2018 constituaient des faits nouveaux privant la décision de la cour d'appel de Poitiers du 20 décembre 2013 de l'autorité de la chose jugée ; qu'en ayant énoncé qu'en dépit de ces circonstances du fait de l'identité d'objet de la demande présentée entre les mêmes parties, il devait être retenu l'irrecevabilité des demandes de Mme [T] du fait de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil ».
Réponse de la Cour
8. En premier lieu, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la cause et l'objet des demandes est identique, M. et Mme [O] recherchant la responsabilité du notaire et de la société civile professionnelle de notaires, ainsi que leur condamnation au paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle tandis qu'ils avaient déjà recherché cette responsabilité, pour manquement au devoir de conseil, lors de la première instance et que celle-ci avait été irrévocablement consacrée par un précédent arrêt et qu'ils n'avaient pas réservé leur demande de condamnation du notaire dans l'attente de l'établissement de l'insolvabilité du vendeur.
9. En second lieu, l'arrêt retient que la liquidation judiciaire de la société, survenue après l'arrêt de 2013, ne constituait pas un fait nouveau faisant obstacle à l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision.
10. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les demandes étaient irrecevables comme portant atteinte à l'autorité de la chose jugée.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [T] et la condamne à payer à M. [U] et la SCP [U]-Decron-Lafaye la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 484 F-B
Pourvoi n° M 21-14.906
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
La société Kimmolux, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Grand-Duché de Luxembourg), a formé le pourvoi n° M 21-14.906 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Banque CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Kimmolux, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Banque CIC Est, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 novembre 2020) et les productions, la société Banque CIC Est (la banque), venant aux droits de la société Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine, a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière à la société Kimmolux puis l'a assignée, ainsi que le trésor public SIE [Localité 3], le Trésor public pôle recouvrement de [Localité 6], le Trésor public pôle recouvrement spécialisé de [Localité 4], le Trésor public pôle recouvrement spécialisé de la Gironde, le Trésor public ADM trésorerie de [Localité 5] et le Trésor public ADM SIE de [Localité 6], créanciers inscrits, devant un juge de l'exécution qui a, par un premier jugement d'orientation, ordonné, après avoir constaté que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution étaient réunies, la réouverture des débats afin que la banque produise un décompte actualisé de sa créance et, par un second jugement, ordonné la vente forcée.
Sur le moyen relevé d'office
2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 125 et 553 du code de procédure civile :
3. Selon le premier de ces textes, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours. Aux termes du second, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.
4. La cour d'appel, saisie de l'appel interjeté par la société Kimmolux à l'encontre des deux jugements d'orientation, confirme ces derniers.
5. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les créanciers inscrits n'ont pas été intimés et qu'il lui incombait de relever d'office l'irrecevabilité de l'appel eu égard au lien d'indivisibilité unissant les parties à l'instance relative à la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.
Condamne la société Banque CIC Est aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
2e Civ., 23 mars 2023, pourvoi n° 21-19.906 (cassation).
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CASS/JURITEXT000047571007.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 476 F-B
Pourvoi n° C 21-21.361
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
Mme [Z] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-21.361 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Illiers distribution, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [G], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er juillet 2021), par une ordonnance qui a été déférée à une cour d'appel qui l'a confirmée, un conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel de Mme [G].
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
3. Mme [G] fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel datée du 22 décembre 2020, alors :
« 1°/ que la force majeure se caractérise par la présence d'un événement imprévisible et irrésistible ; qu'en s'étant fondée, pour considérer que les conditions de la force majeure n'étaient pas réunies, sur la circonstance que le délai de trois mois pour remettre les conclusions au greffe entre le 22 décembre 2020 et le 22 mars 2021 était supérieur à la durée d'indisponibilité de M. [T], cependant que l'avocat avait été dans l'incapacité d'exercer sa profession du 14 février au 15 avril 2021, soit pendant la période au cours de laquelle le délai de dépôt du mémoire avait expiré, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile ;
3°/ que la force majeure se caractérise par la présence d'un événement imprévisible et irrésistible ; qu'en s'étant fondée sur la circonstance que l'hospitalisation de M. [T] n'avait été que d'une journée et sur l'emplacement des fractures, après avoir constaté que M. [T] justifiait d'un arrêt de travail et d'un certificat d'incapacité d'exercer sa profession entre le 15 février et le 15 avril 2021, la cour d'appel a encore statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile ;
4°/ que la cour d'appel, qui s'est aussi fondée sur le fait que le cabinet de M. [T] était composé d'un autre avocat, tout en constatant qu'il ressortait des attestations produites que le cabinet avait dû faire face à une surcharge de travail en raison de l'absence de M. [T] et que l'associé de M. [T] était spécialisé en droit pénal et n'avait traité que très exceptionnellement des procédures devant le conseil de prud'hommes, a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-3 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 910-3 du code de procédure civile :
4. Constitue, au sens de ce texte, un cas de force majeure la circonstance non imputable au fait de la partie qui l'invoque et qui revêt pour elle un caractère insurmontable.
5. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel remise par Mme [G] le 22 décembre 2020, l'arrêt retient que les conditions de la force majeure ne sont pas réunies dès lors que l'indisponibilité de l'avocat de l'appelante, qui n'a été hospitalisé qu'une journée et n'a subi qu'une fracture de l'auriculaire et de l'annulaire droits, a été inférieure à celle du délai pour conclure, qui expirait le 22 mars 2021, le cabinet étant en outre composé de deux avocats.
6. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'avocat avait remis un certificat médical établissant qu'il s'était trouvé dans l'incapacité d'exercer sa profession entre le 15 février et le 15 avril 2021, soit pendant la période au cours de laquelle le délai de dépôt du mémoire avait expiré, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Condamne la société Illiers distribution aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Illiers distribution à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
2e Civ., 2 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.733, 20-18.734, 20-18.735, 20-18.736, 20-18.743, 20-18.744, 20-18.745, 20-18.746, 20-18.747, 20-18.748, 20-18.749, 20-18.750, 20-18.751, 20-18.752, 20-18.753, 20-18.732 (rejet) ;2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 20-10.654 (rejet).
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COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 485 F-B
Pourvoi n° U 21-15.373
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
1°/ M. [X] [D],
2°/ Mme [T] [S], épouse [D],
tous deux domiciliés [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° U 21-15.373 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [11] Sa [25], dont le siège est [Adresse 24] (Espagne), ayant une succursale en France [Adresse 5],
2°/ à la société [22], société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],
3°/ à la société [13], société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],
4°/ à la société [16], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ à la société [12], dont le siège est [Adresse 3],
6°/ à la société [21], dont le siège est [Adresse 2], exerçant sous le nom commercial [20],
7°/ à la société [18], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
8°/ à la société [23], société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],
9°/ à la société [10], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
10°/ à la société [19], société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],
11°/ à la société [17], société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],
12°/ à la société [15], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. et Mme [D], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 février 2021), M. et Mme [D], qui avaient déposé un dossier tendant au traitement de leur situation financière, ont formé un recours devant le juge d'un tribunal d'instance à l'encontre des mesures imposées par une commission de surendettement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. et Mme [D] font grief à l'arrêt de dire que les créances seront remboursées dans les conditions définies dans le tableau annexé, lequel prévoit que l'apurement du passif se ferait en quarante mensualités à taux zéro de 102,67 euros pour apurer la dette de 4 106,70 euros d'Alsolia, de 49,80 euros pour apurer la dette de 1 991,98 euros d'Atradius, de 113,26 euros pour apurer la dette de 4 530,58 euros de la [13], de 84,91 euros pour apurer la dette de 3 396,48 euros de la [13], de 228,72 euros pour apurer la dette de 9 148,94 euros de la [14], de 80,66 euros pour apurer la dette de 3 226,44 euros de [16], de 98,19 euros pour apurer la dette de 3 927,50 euros de [17], de 127,66 euros pour apurer la dette de 5 106,49 euros de [18], de 562,19 euros pour apurer la dette de 22 487,49 euros de [19] et de 25 euros pour apurer la dette de 1 000 euros d'Oney, alors « que le juge, par l'effet de la contestation des mesures imposées par la commission, est investi de la mission de traiter l'ensemble de la situation de surendettement du débiteur, sans pouvoir écarter les créances qui ne figureraient dans les mesures imposées par la commission, ou dont les créanciers ne seraient pas parties à la procédure, dès lors qu'il a la faculté de procéder à l'appel des créanciers ; qu'en énonçant, pour refuser de statuer sur la créance de la société [26], qu'elle était saisie de l'appel du jugement du 10 décembre 2019 infirmant les mesures imposées le 18 juillet 2019 par la commission et donc de l'état des créances que celle-ci avait établi, dans lequel ne figurait pas la dette de 2 863,55 euros que les époux [D] reconnaissaient devoir à cette société qu'ils n'avaient pas appelée en cause, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article L. 733-13 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 733-10 et L. 733-13 du code de la consommation :
3. Aux termes du premier de ces textes, une partie peut contester devant le juge des contentieux de la protection, dans un délai fixé par décret, les mesures imposées par la commission en application des articles L. 733-1, L. 733-4 ou L. 733-7. Selon le deuxième, le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10 prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 et peut faire publier un appel aux créanciers.
4. Il résulte de la combinaison de ces textes que, par l'effet de la contestation des mesures imposées par la commission de surendettement, le juge est investi de la mission de traiter l'ensemble de la situation de surendettement des débiteurs, sans pouvoir écarter des créances qui n'avaient pas été déclarées devant la commission.
5. Dès lors, il appartient au juge, qui ne peut refuser d'examiner une créance déclarée pour la première fois par le débiteur à l'occasion de la contestation des mesures imposées, d'appeler à la cause, par convocation, en application de l'article 14 du code de procédure civile, le créancier concerné.
6. Pour adopter les mesures de redressement mentionnées au dispositif de l'arrêt, ce dernier retient que M. et Mme [D] reconnaissent devoir à la société [26] la somme de 2 863,55 euros, alors que cette dette ne figure pas dans l'état du passif, mais que, toutefois, cette société n'est pas partie à l'instance et qu'il ne peut donc être statué sur la créance de cette société qui n'a pas été appelée à la cause par M. et Mme [D].
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt adoptant les mesures de désendettement entraîne la cassation des autres chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.
Condamne les sociétés [16], [18], [10], [13], [21], [15], [11] Sa [25], [12], [22], [19], [17] et [23] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés [11] Sa [25], [13], [18] et [23] à payer à M. et Mme [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047570994.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mai 2023
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 322 FS-B
Pourvoi n° M 22-16.290
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
La société Actimeat, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée Gel Alpes, a formé le pourvoi n° M 22-16.290 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société AIG Europe Limited, dont le siège est [Adresse 2] (Luxembourg), ayant un établissement sis [Adresse 3] (Espagne),
2°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la société Actimeat, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société AIG Europe Limited, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ancel, conseiller rapporteur, MM. Hascher, Bruyère, conseillers, Mme Kloda, conseiller référendaire complétant la chambre avec voix délibérative en application de l'article L. 431-3 du code l'organisation judiciaire, Mmes Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 octobre 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 2 septembre 2020, pourvoi n° 19-15.800), la société AIG Europe, assureur de la société Star stabilimento alimentare Spa (la société Star), agissant en tant que subrogée aux droits de celle-ci après paiement effectué à sa société mère, a assigné la société Actimeat, ainsi que son assureur, la société AXA France IARD, en responsabilité pour livraison d'ingrédients alimentaires défectueux et non conformes que la société Star incorporait à ses propres produits.
Recevabilité du pourvoi
2. La société AIG Europe conteste la recevabilité du pourvoi. Elle soutient que la société Actimeat n'a pas d'intérêt à agir.
3. Cependant, la société Actimeat, qui a été déclarée responsable du fait de produits défectueux par l'arrêt de la cour d'appel, a intérêt, au sens de l'article 609 du code de procédure civile, à former un pourvoi contre cette décision, même en l'absence de condamnation pécuniaire à son encontre.
4. Le pourvoi est donc recevable.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Actimeat fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la Convention de Vienne du 11 avril 1980 s'applique de manière exclusive, lorsqu'elle n'est pas écartée par la volonté des parties ; qu'après avoir retenu que la société Actimeat remplissait les conditions d'exonération de responsabilité de l'article 79 de la Convention de Vienne et n'engageait de ce fait pas sa responsabilité sur le fondement de ladite Convention, invoquée par les parties, la cour d'appel retient néanmoins la responsabilité de la société Actimeat dans la survenance du dommage subi par la société Star sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux des articles 1386-2 et suivants anciens du code civil, en quoi elle a violé ces textes par fausse application et les articles 3 du code civil, 12 du code de procédure civile et 6 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1, § 1, 6, 7, § 2, 35, § 1, 74 et 79 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM), à laquelle la France et l'Italie sont parties :
6. Selon le premier de ces textes, la Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des États différents lorsque ces États sont des États contractants.
7. Il résulte de la combinaison du deuxième et du troisième que, dès lors que les parties n'ont pas entendu exclure l'application de la Convention, les questions expressément tranchées par celle-ci sont réglées exclusivement par ses stipulations.
8. Aux termes du quatrième, le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat.
9. Les deux derniers textes visés prévoient les conditions d'indemnisation des contraventions au contrat et les hypothèses d'exonération de responsabilité.
10. Pour décider d'examiner la responsabilité de la société Actimeat dans la survenance du dommage subi par la société Star sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, l'arrêt retient qu'aucune responsabilité sur le fondement de la CVIM pour défaut de conformité de la marchandise ne peut lui être imputée du fait de l'exonération prévue à l'article 79 de cette Convention.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé, d'une part, que le différend portait sur des dommages causés aux biens d'une société ayant son établissement en Italie par la livraison, par sa cocontractante ayant son établissement en France, de marchandises dont le type ne correspondait pas à celui qui était prévu au contrat, d'autre part, que les parties n'avaient pas exclu l'application de la CVIM, de sorte que celle-ci, dont les conditions de mise en oeuvre étaient réunies, régissait de manière exclusive la question de la responsabilité du vendeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant rejeté la demande de la société Actimeat de juger qu'elle n'était pas responsable entraîne la cassation de la condamnation de la société AXA au paiement de diverses sommes envers la société AIG Europe qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société AIG Europe Limited aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047570998.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 324 FS-B
Pourvoi n° M 21-24.106
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023
La société Monster Energy Company, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis), a formé le pourvoi n° M 21-24.106 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16, chambre commerciale internationale), dans le litige l'opposant à la société Sainte Claire, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Monster Energy Company, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Sainte Claire, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Bruyère, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, conseillers référendaires complétant la chambre avec voix délibératives en application de l'article L. 431-3 du code de l'organisation judiciaire, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2021), la société américaine Monster Energy a résilié le contrat, soumis au droit californien et stipulant une clause compromissoire, par lequel elle avait confié à la société Sainte Claire la distribution exclusive de ses produits dans le département de la Guyane.
2. Elle a demandé l'exequatur en France de la sentence rendue en Californie sous les auspices du Judicial Arbitration and Mediation Services qui validait cette résiliation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La société Monster Energy fait grief à l'arrêt de refuser l'exequatur à la sentence alors « qu'il résulte de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile, que le juge de l'exequatur doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir relevé que par "la sentence arbitrale rendue par défaut le 31 mai 2017, l'arbitre unique a jugé valide la résiliation du contrat et condamné la société Sainte Claire au règlement de la somme de 5 264,61 dollars au titre de frais d'arbitrage et de 133 701,5 dollars au titre de frais d'avocats" et que "le contrôle exercé par le juge de l'annulation pour la défense de l'ordre public international s'attache seulement à examiner si l'exécution des dispositions prises par le tribunal arbitral heurte de manière manifeste, effective et concrète les principes et valeurs compris dans l'ordre public international", sans caractériser en quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence, en ce qu'elle a jugé valide la rupture du contrat et condamné la société Sainte Claire à verser une certaine somme au titre des frais d'arbitrage et d'avocats, viole de manière caractérisée l'ordre public international, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1520, 5°, et 1525, alinéa 4, code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. La société Sainte Claire conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la critique est irrecevable, puisque nouvelle.
6. Cependant, le moyen invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même et qui ne pouvait être décelé avant que celui-ci ne soit rendu.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1520, 5°, et 1525, alinéa 4, du code de procédure civile :
8. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'exequatur n'est refusé sur le fondement du premier que lorsque la solution donnée au litige, et non le raisonnement suivi par les arbitres, heurte concrètement et de manière caractérisée l'ordre public international.
9. Pour dire que la sentence méconnaît l'ordre public international français, l'arrêt retient qu'elle se réfère au droit californien choisi par les parties, sans mettre en oeuvre les dispositions impératives de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, qui prohibent, dans les collectivités d'Outre-mer, les accords ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, en quoi la validation par la sentence de la rupture du contrat, précédemment prononcée par la société Monster Energy, et la condamnation de la société Sainte Claire à verser une certaine somme au titre des frais d'arbitrage et d'avocats, violait de manière caractérisée l'ordre public international, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Sainte Claire aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sainte Claire et la condamne à payer à la société Monster Energy la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454474.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 353 F-B
Pourvoi n° S 21-19.603
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2023
M. [L] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-19.603 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 12), dans le litige l'opposant à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits du régime social des indépendants d'Ile-de-France Est, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [N], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, venant aux droits du régime social des indépendants d'Ile-de-France Est, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Coutou, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2021), M. [N] (l'assuré), affilié au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants depuis 2004, a sollicité auprès de la caisse du régime social des indépendants d'Ile-de-France Est, aux droits de laquelle vient la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la caisse), la liquidation de ses droits à pension de retraite. La caisse lui a notifié ses droits à retraite de base et complémentaire à effet au 1er juillet 2014.
2. Contestant les modalités de calcul de ses droits, l'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, la troisième branche étant irrecevable et la deuxième n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'assuré fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, lorsqu'une personne est assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif, un rapport raisonnable de proportionnalité exprimant un juste équilibre entre les exigences de financement du régime de retraite considéré et les droits individuels à pension des cotisants ; que le mode de calcul des droits à pension dans les régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales issu de l'article R. 351-10 du code de la sécurité sociale, rendu applicable par l'article D. 634-1 du même code, et de l'article 5 du règlement du régime complémentaire d'assurance vieillesse des indépendants approuvé par arrêté du 9 février 2021, en ce qu'il exclut la possibilité, pour les travailleurs non-salariés de ces professions, de prendre en compte les cotisations d'assurance vieillesse versées pour les périodes antérieures à l'entrée en jouissance de la pension, postérieurement au dernier jour du trimestre civil précédant la date de cette entrée en jouissance, portant une atteinte excessive au droit de propriété des assurés affiliés à ces régimes en considération du but qu'il poursuit et ne ménageant pas un juste équilibre entre les intérêts en présence, la cour d'appel, en faisant application de ces dispositions pour juger que la caisse nationale d'assurance vieillesse était légitime à ne retenir au titre de l'année 2013, pour le calcul de la pension de l'assuré, que les seules cotisations provisionnelles versées avant le 1er juillet 2014, à l'exclusion des cotisations de régularisation exigibles au 5 novembre 2014 versées par l'assuré, a violé l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.
6. Le droit individuel à pension d'une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application des dispositions susvisées, qui impliquent un rapport raisonnable de proportionnalité, exprimant un juste équilibre entre ce droit individuel et le droit reconnu aux Etats de réglementer sa mise en oeuvre conformément à l'intérêt général.
7. L'article R. 351-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les droits à l'assurance vieillesse sont déterminés en tenant compte des cotisations versées au titre de la législation sur les assurances sociales et arrêtées au dernier jour du trimestre civil précédant la date prévue pour l'entrée en jouissance de la pension, rente ou allocation de solidarité aux personnes âgées.
8. Selon l'article R. 351-10 du même code, la pension ou la rente liquidée dans les conditions prévues aux articles R. 351-1 à R. 351-9 n'est pas susceptible d'être révisée pour tenir compte des versements afférents à une période postérieure à la date à laquelle a été arrêté le compte de l'assuré pour l'ouverture de ses droits à l'assurance vieillesse dans les conditions définies à l'article R. 351-1.
9. L'article R. 351-11 du même code prévoit, toutefois, qu'il est tenu compte, pour l'ouverture du droit et le calcul des pensions de vieillesse prévues aux articles L. 351-1, L. 351-7 et L. 352-1, de toutes les cotisations d'assurance vieillesse versées pour les périodes antérieures à la date d'entrée en jouissance de la pension, quelle que soit la date de leur versement.
10. L'article D. 634-1 du code de la sécurité sociale, pris sur le fondement de l'article L. 634-2 du même code, rend applicables, en matière d'assurance vieillesse, aux travailleurs indépendants, les dispositions des articles R. 351-1 et R. 351-10 mais il exclut l'application à ce régime de celles de l'article R. 351-11.
11. Par ailleurs, l'article 5 du règlement du régime complémentaire d'assurance vieillesse des indépendants, artisans, industriels et commerçants, approuvé par arrêté du 9 février 2012, prévoit de la même manière que les cotisations afférentes à des périodes antérieures à la date d'arrêt du compte, versées au régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire après cette date d'arrêt du compte, ne sont pas productives de droits.
12. Ces deux dernières dispositions, en tant qu'elles excluent la prise en considération, pour le calcul de la pension de retraite de base et de la pension de retraite complémentaire, des cotisations d'assurance vieillesse acquittées par les travailleurs indépendants après la date d'entrée en jouissance de la pension, même lorsqu'elles se rapportent à une période antérieure à cette entrée en jouissance, constituent une ingérence dans le droit de propriété des assurés affiliés à ce régime en portant atteinte à la substance de leurs droits à pension.
13. Cette ingérence, qui repose sur des dispositions légales et réglementaires de droit interne, accessibles, précises et prévisibles, poursuit un motif d'intérêt général dès lors qu'elle contribue à assurer l'intangibilité des droits à pension liquidés.
14. En outre, le défaut de prise en compte des cotisations payées par les travailleurs indépendants après la liquidation du droit à pension, qu'elles se rapportent à une période postérieure ou à une période antérieure à la date d'arrêt des comptes, ménage un juste équilibre entre les intérêts en présence en ce qu'il neutralise les effets sur le montant de la pension de l'annualité des cotisations d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants, que ces effets soient favorables ou défavorables à l'assuré, de sorte que les dispositions litigieuses ne portent pas une atteinte excessive au droit fondamental garanti au regard du but d'intérêt légitime qu'elles poursuivent.
15. Ayant constaté que la pension de retraite de l'assuré avait pris effet au 1er juillet 2014 et que des cotisations de régularisation pour l'année 2013, exigibles au 5 novembre 2014, avaient été versées par celui-ci après la date d'entrée en jouissance de la pension, la cour d'appel en a exactement déduit que la caisse était fondée à ne retenir, pour le calcul des droits à pension de l'assuré, que les seules cotisations provisionnelles versées pour l'année 2013 avant la date d'entrée en jouissance de la pension.
16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454476.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 368 F-B
Pourvoi n° H 21-19.111
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2023
La société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 21-19.111 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2021 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 2], dont le siège est [Adresse 5], défenderesse à la cassation.
L'URSSAF de [Localité 2] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de [Localité 2], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 13 avril 2021), la société [4] (la société) a demandé, le 27 mars 2018, à l'URSSAF de [Localité 2] (l'URSSAF) le remboursement des cotisations de sécurité sociale qu'elle avait acquittées indûment au titre des indemnités de congés payés versées à ses salariés.
2. L'URSSAF lui ayant opposé la prescription pour les versements effectués avant le 27 mars 2015, la société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses trois dernières branches
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :
« 2°/ que la société faisait valoir que jusqu'à la date du contrôle effectué le 25 janvier 2018 par la [3] ayant révélé que cette dernière avait réglé les cotisations sur les congés payés pendant la période litigieuse et, par suite le caractère indu des règlements qu'elle avait elle-même effectués, elle était dans l'impossibilité d'agir en répétition ; qu'en l'arrêt retient que le point de départ du délai de prescription doit être fixé selon les prévisions de L. 243-6 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire, sauf cas particulier tenant à une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, à compter du versement des cotisations de sorte que les dispositions de l'article 2234 du code civil ne sauraient recevoir application en l'espèce comme la société le demande ; qu'en statuant ainsi, quand l'application des dispositions de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale n'exclut pas celle de l'article 2234 du code civil, la cour d'appel a violé ces deux textes ;
3°/ que l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, en ce qu'il fait courir le délai de prescription avant que le solvens ait eu ou aurait dû avoir connaissance du caractère indu des paiements méconnaît objectivement l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en l'arrêt retient que le point de départ du délai de prescription doit être fixé selon les prévisions de L. 243-6 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire, sauf cas particulier tenant à une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, à compter du versement des cotisations, jugeant inopérant le moyen formulé par la société pris de ce qu'elle ignorait légitimement le caractère indu des paiements ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, en ce qu'il fait courir le délai de prescription avant que le solvens ait eu ou aurait dû avoir connaissance du caractère indu des paiements méconnaît objectivement l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en l'arrêt retient que le point de départ du délai de prescription doit être fixé selon les prévisions de L. 243-6 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire, sauf cas particulier tenant à une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, à compter du versement des cotisations, jugeant inopérant le moyen formulé par la société [4] pris de ce qu'elle ignorait légitimement le caractère indu des paiements ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle les cotisations ont été acquittées.
6. Aux termes de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
7. L'ignorance du caractère indu des cotisations versées ne caractérise pas l'impossibilité dans laquelle le cotisant serait d'agir avant l'expiration du délai de prescription.
8. C'est, par conséquent, sans encourir aucun des griefs du moyen, que la cour d'appel a décidé que la demande en remboursement des cotisations versées avant le 27 mars 2015 n'était pas recevable.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts, alors « que commet une faute l'organisme de sécurité sociale qui s'abstient d'informer un cotisant de ce que les cotisations dues par ce dernier font l'objet d'un double paiement ; que la société reprochait à l'URSSAF de ne pas l'avoir informée de ce que les cotisations afférentes aux indemnités de congés payés avaient été pendant une période de quatre ans, de 2013 à 2016, doublement réglées, d'une part par elle-même et d'autre part par la [3] ; que pour débouter la société de sa demande, l'arrêt retient qu'il ne saurait être fait le grief à l'Urssaf d'un manquement à son obligation d'information alors que cet organisme n'était pas tenu d'aviser la société de la situation relative au paiement des cotisations afférentes aux indemnités de congés payés propre au régime des travaux publics ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
11. Il résulte de l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale que l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les cotisants leur impose seulement de répondre aux demandes qui leur sont soumises.
12. L'arrêt relève qu'il ne saurait être reproché à l'URSSAF un manquement à son obligation d'information alors que cet organisme n'était pas tenu d'aviser la société de la situation relative au paiement des cotisations afférentes aux indemnités de congés payés propres au régime des travaux publics.
13. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que l'URSSAF n'avait commis aucune faute au préjudice de la société.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident qui n'est qu'éventuel, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société [4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à l'URSSAF de [Localité 2] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-trois.
2e Civ., 20 juin 2007, pourvoi n° 06-12.516, Bull. 2007, II, n° 165 (cassation).
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 avril 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 371 F-B
Pourvoi n° M 21-24.773
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [V], épouse [C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 septembre 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2023
Mme [Z] [V], épouse [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-24.773 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à la caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [V], épouse [C], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présentes Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Coutou, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2020), Mme [V], épouse [C] (l'allocataire), de nationalité russe, arrivée en France le 9 mars 2009, a sollicité le bénéfice de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour son fils [E] [R], que la caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes (la caisse) lui a refusé, au motif que les titres et documents présentés ne permettaient pas l'ouverture du droit aux prestations familiales.
2. Au cours de l'année 2015, l'allocataire a transmis à la caisse sa carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » délivrée pour la période du 12 décembre 2014 au 11 décembre 2015, et les attestations délivrées, le 6 septembre 2015, par la préfecture indiquant que ses enfants étaient entrés en France en 2009 au plus tard en même temps qu'elle.
3. La caisse lui ayant accordé le droit aux prestations familiales à compter du mois de janvier 2015, l'allocataire a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'un recours relatif à la période antérieure à cette date.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
L'allocataire fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que le ressortissant étranger a droit aux prestations familiales lorsqu'il justifie de la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers qu'il a à sa charge par la production de l'attestation préfectorale visée par le 5° de l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, peu important la date de sa délivrance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que Mme [C] produisait des autorisations provisoires de séjour, d'une part, pour la période du 16 mai 2012 au 13 mai 2013, d'autre part, pour celle du 18 mars 2014 au 26 février 2015, et que ces autorisations permettaient à l'allocataire d'ouvrir droit aux prestations familiales ; que, pour la débouter néanmoins de l'ensemble de ses demandes, la cour d'appel a retenu que l'intéressée ne justifiait pas que les enfants dont elle avait la charge se trouvaient dans une des situations définies à l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ; que cependant elle constatait que Mme [C] justifiait de « l'attestation préfectorale visée au 5° de l'article D512-2 du code de la sécurité sociale, attestant que les enfants de l'allocataire étaient entrés en France au plus tard en même temps qu'elle », c'est-à-dire en 2009, ce dont il résultait le droit pour l'intéressée de bénéficier des prestations familiales sollicitées si, nonobstant la délivrance de cette attestation préfectorale au mois de septembre 2015 ; que par suite, en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale en ses rédactions successivement applicables litige issues de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, puis de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, et l'article D. 512-2 du même code en sa rédaction applicable issue du décret n° 2009-331 du 25 mars 2009 ;
3°/ que, lorsque l'application des dispositions combinées des articles L. 512-2 du code de la sécurité sociale et D. 512-2 du même code conduit à écarter du bénéfice des prestations familiales des enfants entrés légalement sur le territoire français avec leurs parents - eux-mêmes entrés en vertu d'un titre régulier au sens du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile -, ce qui revient à les assimiler à des enfants entrés illégalement sur le territoire, dans la mesure où leurs parents sont dépouillés du droit aux allocations familiales, le juge ne doit pas s'en tenir à la liste limitative des documents à fournir pour bénéficier des prestations familiales prévue par l'article D. 512-2 précité et, ainsi, doit vérifier si le ou les enfants sont rentrés régulièrement sur le territoire français en même temps que leurs parents ; qu'en se bornant dès lors à faire application de la liste limitative prévue par ce texte, pour débouter Mme [C] de ses demandes, la cour d'appel a violé l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale en ses rédactions successivement applicables litige issues de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, puis de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, et l'article D. 512-2 du même code en sa rédaction applicable issue du décret n° 2009-331 du 25 mars 2009. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France, bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, dans des conditions précisées par décret, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement.
6. Selon l'article D. 512-2, 5°, du même code, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production
d'une attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents, lorsque ce parent est titulaire d'un titre de séjour délivré sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Cette attestation revêt un caractère recognitif de sorte que le droit à prestations familiales est ouvert, en application de l'article R. 552-2 du code de la sécurité sociale, le mois suivant la date d'effet du titre de séjour mentionné au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Ayant constaté que l'allocataire avait produit sa carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » valable du 12 décembre 2014 au 11 décembre 2015 et l'attestation préfectorale mentionnant l'entrée en France de ses enfants en même temps qu'elle, la cour d'appel en a exactement déduit que le droit aux prestations familiales était ouvert à son profit à compter du 1er janvier 2015.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne Mme [V], épouse [C], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-trois.
2e Civ., 23 mai 2013, pourvoi n° 12-17.238, Bull. 2013, II, n° 101 (rejet).
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 avril 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 255 FS-B
Pourvoi n° F 22-13.778
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2023
La société Seqens, société anonyme d'habitations à loyer modéré, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société HLM France Habitation, a formé le pourvoi n° F 22-13.778 contre l'arrêt rendu le 15 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [F] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Seqens, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [B], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, Mme Andrich, conseiller faisant fonction de doyen, MM. David, Jobert, Mme Grandjean, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 février 2022), le 7 novembre 2001, la société Logements familiaux, aux droits de laquelle est venue la société Seqens (la bailleresse), a donné à bail à M. [B] (le locataire) un logement qu'il a quitté le 11 septembre 2015 en invoquant les nuisances sonores causées par un autre locataire, dont il s'était plaint dès le mois de septembre 2012.
2. Le 11 juin 2018, le locataire a assigné la bailleresse en indemnisation de son préjudice de jouissance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La bailleresse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action engagée par le locataire pour les faits postérieurs au 11 juin 2013 et de la condamner au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors « que le délai de prescription de trois ans applicable à l'action du locataire contre son bailleur en indemnisation de son préjudice de jouissance, prévu par l'article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, a couru, pour les préjudices nés antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014, à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, soit le 27 mars 2014, sans que la durée totale du délai ne puisse excéder la durée de cinq ans antérieurement applicable ; qu'en retenant que ce n'était qu'à compter du 7 août 2015 que l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 était devenu applicable immédiatement aux baux en cours, dès lors que c'était la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 qui avait indiqué dans son article 82, II, 2°, que cette disposition était immédiatement applicable aux baux en cours, dans les conditions de l'article 2222 du code civil, la cour d'appel a violé les articles 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, 82, II, 2°, de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et 2, 2222 et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2222 du code civil, 7-1, alinéa 1, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, et 82, II, 2°, de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
4. Selon le premier de ces textes, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
5. Aux termes du deuxième, toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.
6. Selon le dernier, l'article 7-1 susvisé, créé par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, est applicable dans les conditions fixées à l'article 2222 du code civil.
7. Il en résulte que la durée du délai de prescription des actions dérivant d'un contrat de bail d'habitation est applicable à compter du 27 mars 2014, date d'entrée en vigueur de cette loi.
8. Pour déclarer recevable l'action engagée par le locataire pour les faits postérieurs au 11 juin 2013, l'arrêt retient que l'article 7-1 précité n'a été déclaré immédiatement applicable aux baux en cours que par la loi du 6 août 2015, de sorte que ce n'est qu'à compter de l'entrée en vigueur de ce dernier texte le 7 août 2015 que le délai de prescription réduit à trois ans devait s'appliquer dans les conditions de l'article 2222 du code civil.
9. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription réduit à trois ans s'appliquait aux contrats en cours à compter du 27 mars 2014, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer à la société Seqens la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-trois.
3e Civ., 12 mai 2016, pourvoi n° 15-16.285, Bull. 2016, III, n° 61 (rejet) ; 3e Civ., 9 février 2022, pourvoi n° 21-10.388, Bull., (cassation partielle), et l'arrêt cité.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 avril 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 253 FS-B
Pourvois n°
P 19-14.118
Q 19-14.119 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2023
I. M. [N] [U], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 19-14.118 contre les arrêts rendus les 27 juin 2017 et 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre C), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MJSA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], en la personne de M. [V] [H], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL La Jetée, venant aux droits de la SCI La Jetée,
2°/ à M. [X] [U], domicilié [Adresse 4],
3°/ à Mme [D] [U], domiciliée [Adresse 2],
4°/ à M. [R] [U], domicilié [Adresse 7],
5°/ à Mme [F] [U], domiciliée [Adresse 1],
6°/ à Mme [S] [U], épouse [M], domiciliée [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
II. Mme [S] [U], épouse [M], a formé le pourvoi n° Q 19-14.119 contre les mêmes arrêts, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MJSA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, en la personne de M. [V] [H], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL La Jetée, venant aux droits de la SCI La Jetée,
2°/ à M. [X] [U],
3°/ à Mme [D] [U],
4°/ à M. [R] [U],
5°/ à Mme [F] [U],
6°/ à M. [N] [U],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur au pourvoi n° P 19-14.118 invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° Q 19-14.119 invoque, à l'appui de son recours deux moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [S] [U] et de M. [N] [U], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société MJSA, ès qualités, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller faisant fonction de doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-14.118 et 19-14.119 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à M. [N] [U] et Mme [S] [U] du désistement de leurs pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre l'arrêt du 27 juin 2017.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 janvier 2019), Mmes [S], [D] et [F] [U] et MM. [N], [X] et [R] [U] (les bailleurs) sont propriétaires indivis de locaux commerciaux donnés en location, dont le droit au bail a été cédé, le 21 mars 2008, à la société civile immobilière (SCI) La Jetée, aux droits de laquelle est venue une nouvelle société La Jetée (la locataire).
4. En octobre et novembre 2009, la locataire a assigné les bailleurs en exécution de travaux de remise en état du clos et du couvert ainsi qu'en indemnisation de ses préjudices.
5. Après liquidation judiciaire de la locataire prononcée par jugement du 18 décembre 2013, l'instance a été reprise par la société MJSA (le liquidateur) ès qualités.
6. Le liquidateur, invoquant un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance, a demandé leur condamnation au paiement du coût des travaux de remise en état et de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur les premiers moyens, pris en leurs deuxièmes branches, des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
7. M. [N] [U] et Mme [S] [U] font grief à l'arrêt de déclarer la locataire recevable à solliciter le paiement du coût des travaux de mise en conformité et de condamner in solidum les bailleurs à lui payer une certaine somme à ce titre, alors « que le bailleur défaillant dans son obligation de délivrance et d'entretien de la chose louée ne peut être contraint à une exécution forcée et condamné à supporter le coût des travaux de mise en conformité que si le preneur, après mise en demeure et autorisation de justice, a lui-même fait réaliser les travaux ou en sollicite le paiement à titre d'avance dont le versement le contraint à les faire réaliser ; qu'en considérant que le bailleur devait être condamné à verser au preneur en liquidation judiciaire une somme correspondant aux travaux de mise en conformité par des considérations inopérantes relatives au lien causal entre le défaut d'exécution desdits travaux et l'impossibilité pour la société d'exploiter son activité et à la constitution d'une créance certaine et acquise au bénéfice de la liquidation judiciaire du preneur, après avoir constaté que la liquidation judiciaire du preneur faisait obstacle à toute reprise d'activité dans les locaux et que les travaux ne seraient pas réalisés, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les travaux n'avaient pas été réalisés et ne le seraient pas, de sorte que leur coût ne pouvait être mis à la charge du bailleur, a violé les articles 1142, 1144 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1719 et 1720 du même code. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. Le liquidateur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est incompatible avec les positions adoptées par M. et Mme [U] en appel.
9. Cependant, ces derniers contestaient à titre principal l'ensemble des demandes en paiement de la locataire.
10. Le moyen n'étant pas incompatible avec leur position, il est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1144 et 1149, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1719, 1°, et 1720 du code civil :
11. Selon le premier de ces textes, le créancier peut, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution.
12. Selon le deuxième, les dommages-intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
13. Selon les derniers, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au locataire la chose louée, de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations nécessaires, autres que locatives.
14. Il résulte de ces textes que, en cas de manquement du bailleur à son obligation de délivrance, le locataire peut, d'une part, obtenir l'indemnisation des conséquences dommageables de l'inexécution par le bailleur des travaux lui incombant, d'autre part, soit obtenir l'exécution forcée en nature, soit être autorisé à faire exécuter lui-même les travaux et obtenir l'avance des sommes nécessaires à cette exécution.
15. Pour condamner les bailleurs à payer à la locataire le coût des travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux, l'arrêt retient que, même si ces travaux ne doivent pas être réalisés, ce coût constitue une créance certaine acquise au bénéfice de la procédure de liquidation judiciaire.
16. En statuant ainsi, alors que le coût des travaux de remise en état des locaux ne constitue pas un préjudice indemnisable mais une avance sur l'exécution des travaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur les seconds moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
17. M. [N] [U] et Mme [S] [U] font grief à l'arrêt de condamner in solidum les bailleurs à payer à la locataire la somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'exploitation, alors « que la perte de chance qui constitue un préjudice certain dès lors qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, se mesure à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en considérant, après avoir retenu que les éléments de la cause ne permettaient pas dégager une perspective de profit certaine, qu'il ne pouvait en être déduit une absence de perte de chance d'une rentabilité d'exploitation et que la perte de chance imputable à la défaillance du bailleur devait être fixée au montant de 100 000 euros de dommages-intérêts équivalent au montant du prix d'acquisition du droit au bail, la cour d'appel, accordant ainsi une indemnisation sans lien avec le montant du bénéfice pouvant être escompté par la société La Jetée entre 2008 et 2013 et sans indiquer le pourcentage de chance que cette dernière aurait eu de pouvoir débuter son exploitation et donc de percevoir un tel bénéfice si le bailleur n'avait pas manqué à ses obligations, a violé les articles 1147 et 1149 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
18. Il résulte de ce texte que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue.
19. Pour condamner les bailleurs à payer à la locataire une certaine somme au titre du préjudice d'exploitation, l'arrêt, après avoir relevé que le défaut de délivrance conforme, imputable aux bailleurs, avait causé à la locataire une perte de chance d'exploiter l'activité prévue au bail, retient qu'à défaut d'éléments autres que l'expertise judiciaire, cette perte de chance doit être évaluée au montant du prix d'acquisition du droit au bail.
20. En statuant ainsi, en indemnisant un préjudice sans lien avec la chance perdue de réaliser une exploitation rentable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société La Jetée recevable à solliciter la condamnation de l'indivision à payer le coût des travaux de mise en conformité, condamne en conséquence les consorts de l'indivision [U] in solidum à payer à la société La Jetée la somme de 88 902,65 euros et les condamne à lui payer la somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'exploitation, l'arrêt rendu le 22 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.
Condamne la société MJSA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société La Jetée, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 avril 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 374 F-B
Pourvoi n° A 21-17.173
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2023
La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-17.173 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 mars 2021), l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur a adressé à la société [4] (le donneur d'ordre) deux lettres d'observations le 22 février 2017, l'avisant, d'une part, de la mise en oeuvre à son encontre de la solidarité financière prévue par l'article L. 8222-2 du code du travail et du montant des cotisations dues pour l'année 2015 et, d'autre part, de l'annulation des réductions ou exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au cours de cette même période, à la suite d'un procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de son sous-traitant, la société [3], suivies les 23 et 27 juin 2017 de deux mises en demeure.
2. Le donneur d'ordre a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le donneur d'ordre fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de valider la procédure de mise en oeuvre de sa solidarité financière, alors « que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document ; que pour valider la procédure de mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre et condamner celui-ci au paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre est subordonnée à l'établissement d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l'encontre du cocontractant, les agents de contrôle assermentés ont pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations, sans être tenus de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit, de sorte que la régularité de la procédure tendant à mettre en oeuvre la solidarité financière n'est pas subordonnée à la production du procès-verbal de constat du travail dissimulé, l'envoi de la lettre d'observations assurant le respect du contradictoire ; qu'en statuant ainsi, quand le donneur d'ordre faisait valoir que l'URSSAF ne pouvait se dispenser de produire devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant, dont il entendait contester la teneur, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 9 du code de procédure civile, L. 8222-1 et L. 8222-2, alinéa 2, du code du travail :
4. Aux termes du premier de ces textes, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
5. Selon le troisième, le donneur d'ordre qui méconnaît les obligations de vigilance énoncées au deuxième est tenu solidairement au paiement des cotisations obligatoires, pénalités et majorations dues par son sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.
6. Il en résulte que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de celui-ci.
7. Pour rejeter le recours du donneur d'ordre, l'arrêt retient essentiellement que la régularité de la procédure résultant de la mise en oeuvre de sa solidarité financière n'est pas subordonnée à la production du procès-verbal de constat du travail dissimulé et que le respect du principe du contradictoire est assuré par l'envoi au donneur d'ordre de la lettre d'observations. Il relève que la lettre d'observations énonce l'ensemble des éléments ayant permis de relever le délit de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant, que la défaillance du débiteur principal n'est pas contestée et que les attestations remises au donneur d'ordre, dont la simple observation lui aurait permis de déceler le caractère frauduleux, ne justifient pas de l'exécution par celui-ci de son obligation de vigilance.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'URSSAF n'avait pas produit devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant dont le donneur d'ordre contestait l'existence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le donneur d'ordre fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et d'ordonner à l‘URSSAF de recalculer le montant de l'annulation des exonérations de cotisations pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2015, alors « que lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail, l'organisme de recouvrement ne peut procéder à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont celui-ci a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés que si son cocontractant a, au cours de la même période, effectivement exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié ; que l'organisme de recouvrement, à qui il incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, est tenu de produire le procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document ; qu'en l'espèce, le donneur d'ordre faisait valoir que l'URSSAF ne pouvait se dispenser de verser aux débats le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant, sur lequel l'organisme de recouvrement fondait ses demandes ; qu'en dépit du refus de l'URSSAF de produire devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal litigieux, plaçant de la sorte le donneur d'ordre dans l'impossibilité d'en contester utilement la teneur, l'arrêt a validé le principe même de l'annulation projetée par l'organisme de recouvrement sous réserve d'une rectification par cette dernière du calcul opéré ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 9 du code de procédure civile, L. 8222-1 du code du travail et L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale :
10. Aux termes du premier de ces textes, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
11. Selon le troisième, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies au deuxième et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés.
12. Il se déduit de ces textes que si la mise en oeuvre de la sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale à l'égard du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de celui-ci.
13. Pour rejeter partiellement le recours du donneur d'ordre, l'arrêt retient essentiellement qu'il ressort de la lettre d'observations adressée au donneur d'ordre, qui permet d'assurer le respect du principe du contradictoire, que le procès-verbal dressé à l'encontre du sous-traitant révèle que celui-ci a exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié au cours de la période du 1er janvier au 30 septembre 2015, alors que le donneur d'ordre n'avait pas respecté son obligation de vigilance au cours de cette période.
14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'URSSAF n'avait pas produit devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant dont le donneur d'ordre contestait l'existence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.
Condamne l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur et la condamne à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-trois.
2e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 20-11.126, Bull. (rejet).
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CASS/JURITEXT000047454336.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2023
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 305 FS-B
Pourvoi n° U 22-21.863
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 AVRIL 2023
M. [W] [E], domicilié clos du Littoral, [Adresse 3] (Maurice), a formé le pourvoi n° U 22-21.863 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel d'Amiens (chambre de la famille), dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel d'Amiens, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],
2°/ à Mme [I] [X] [P], domiciliée [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [E], de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [P], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois et M. Fulchiron, conseillers, MM. Duval et Buat-Ménard, Mmes Azar et Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 juin 2021), de l'union de M. [E] et de Mme [P], sont nés trois enfants, [D], le 8 avril 2010, [S], le 22 avril 2012, et [T], le 4 mai 2014.
2. La famille s'est installée à l'Ile Maurice en décembre 2014.
3. A l'issue des fêtes de fin d'année 2019, Mme [P], partie avec les enfants en France, s'est opposée à leur retour à l'Ile Maurice.
4. Le 15 janvier 2020, M. [E] a saisi l'autorité centrale de l'Ile Maurice en vue d'obtenir le retour immédiat des enfants, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
5. Le 10 juillet 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Amiens a saisi, à cette fin, le juge aux affaires familiales. M. [E] est intervenu volontairement à l'instance.
6. Par ordonnance de référé du 10 juillet 2020, le juge aux affaires familiales a constaté que le non-retour des enfants à l'Ile Maurice était illicite et rejeté la demande de retour, au motif qu'il existait un risque grave que celui-ci ne les expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne les place dans une situation intolérable.
7. Le ministère public a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. M. [E] fait grief à l'arrêt de dire irrecevable la déclaration d'appel formalisée le 7 août 2020 par le ministère public et, par voie de conséquence, de ne pas examiner son appel incident, alors « que si l'article 930-1 du code de procédure civile impose, à peine d'irrecevabilité, de transmettre sa déclaration d'appel par voie électronique, constitue une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge le fait déclarer irrecevable, en matière de déplacement illicite d'enfants, un appel formé par le ministère public sur papier et dont la transmission par voie électronique a échoué, privant par là même l'un des parents des enfants de son appel incident, dès lors que la volonté manifeste de former appel du parquet ressortait nettement des constatations de l'arrêt ; qu'en retenant, pour déclarer la déclaration d'appel irrecevable et priver M. [E] du réexamen de l'affaire, que le ministère public avait formalisé cette déclaration d'appel sur papier mais n'a pu être transmise par voie électronique à cause d'une "erreur du ministère public sur le type d'adresse mel accepté par le RPVA" (arrêt, p. 6, § 2), quand il ressortait nettement de ses constatations que le ministère public entendait relever appel de l'ordonnance du 31 juillet 2020 ayant notamment rejeté la demande de retour de [D], [S] et [T] à l'Ile Maurice auprès de leur père, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. Mme [P] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient, d'une part, que, n'ayant pas relevé appel principal de l'ordonnance de référé, M. [E] est sans intérêt à contester l'irrecevabilité de la déclaration d'appel du ministère public, d'autre part, que, M. [E] n'ayant pas défendu à l'incident de procédure soulevé par elle tendant à l'irrecevabilité de la déclaration d'appel du ministère public, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
10. Cependant, d'une part, M. [E] a un intérêt à contester l'irrecevabilité de l'appel principal du ministère public, dès lors que celle-ci a eu pour conséquence que son appel incident n'a pas été examiné.
11. D'autre part, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.
12. Le moyen est donc recevable.
Bien fondé du moyen
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 6 et 7 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et l'article 1210-4 du code de procédure civile :
13. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
14. En application des deuxièmes, les autorités centrales instituées par la Convention doivent coopérer entre elles et promouvoir une collaboration entre les autorités compétentes dans leurs Etats respectifs, pour assurer le retour immédiat des enfants. En particulier, elles doivent prendre toutes les mesures appropriées pour introduire ou favoriser l'ouverture d'une procédure judiciaire ou administrative, afin d'obtenir le retour immédiat de l'enfant.
15. Selon le troisième, l'autorité centrale désignée dans le cadre des instruments internationaux et européens relatifs au déplacement illicite international d'enfants transmet au procureur de la République près le tribunal judiciaire territorialement compétent la demande de retour dont elle est saisie. Lorsque la demande concerne un enfant déplacé ou retenu en France, le procureur de la République peut, notamment, saisir le juge compétent pour qu'il ordonne les mesures provisoires prévues par la loi ou introduire une procédure judiciaire afin d'obtenir le retour de l'enfant.
16. Le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations qui ne sauraient cependant restreindre l'accès ouvert à un justiciable d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même
17. Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Henrioud c. France du 5 novembre 2015 (n° 21444/11), a retenu qu'au vu des conséquences entraînées par l'irrecevabilité du pourvoi provoqué du père, tenant essentiellement à l'irrecevabilité du pourvoi principal due à une négligence du procureur qui avait un rôle central et particulier dans la procédure de retour immédiat des enfants sur le fondement de la Convention de La Haye, le père s'était vu imposer une charge disproportionnée qui rompait le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge. En effet, le requérant n'avait pu voir examiner par la Cour de cassation l'argument principal soulevé, à savoir qu'il n'existait aucun élément susceptible de constituer une exception au retour immédiat des enfants au sens de l'article 13, a), de la Convention de La Haye, alors que la procédure de retour d'enfants est susceptible d'avoir des conséquences très graves et délicates pour les personnes concernées.
18. Pour déclarer irrecevable l'appel du ministère public formé contre l'ordonnance de référé du 31 juillet 2020, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il résulte des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, que la communication électronique avec le greffe s'impose au ministère public lorsqu'il est partie principale, celui-ci n'étant autorisé à établir la déclaration d'appel sur support papier qu'en cas d'impossibilité de la transmettre par voie électronique pour une cause étrangère, retient que tel n'est pas le cas en l'espèce, la déclaration d'appel n'ayant été formalisée le 7 août 2020 que sur support papier, sa transmission le même jour au greffe par voie électronique ayant échoué en raison d'une « erreur du ministère public sur le type d'adresse accepté par le réseau privé virtuel des avocats ».
19. En statuant ainsi, en faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat engagée par M. [E] sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le principe de l'obligation, pour le ministère public, qui avait un rôle central et particulier en la matière, de remettre sa déclaration d'appel par voie électronique, ce qui a eu pour effet de rendre irrecevables les prétentions tendant au retour des enfants, formées par M. [E] en qualité d'appelant incident, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif et a, partant, violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.
Condamne Mme [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454843.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 280 F-B
Pourvoi n° G 22-15.689
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
La société Tnuva Alternative, société de droit israélien, anciennement dénommée Soy Magic Limited, dont le siège est [Adresse 2] (Israël), a formé le pourvoi n° G 22-15.689 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Eurofood, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Tnuva Alternative, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Eurofood, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2022), la société de droit israélien Soy Magic Limited, devenue Tnuva Alternative, a accordé à la société de droit français Eurofood la distribution exclusive de plusieurs produits sous sa marque en Union européenne et en Suisse pour une durée de cinq ans à compter du 1er mars 2016, en contrepartie d'objectifs quantitatifs.
2. Invoquant des manquements contractuels et une rupture abusive du contrat, la société Eurofood a assigné la société Soy Magic Limited devant le tribunal de commerce de Paris.
Examen du moyen
Sur le moyen
Enoncé du moyen
3. La société Tnuva Alternative fait grief à l'arrêt de dire que les juridictions françaises sont compétentes et de renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Paris, alors :
« 1°/ que constitue une vente le contrat qui porte sur la fourniture à titre onéreux de choses déterminées à l'avance ; qu'en l'espèce, le contrat litigieux, intitulé "Sale of Soy Magic Products" soit "vente de Produits Soy Magic", avait pour objet principal de définir l'accord entre les parties "concernant la vente" par la société Soy Magic à la société Eurofood de produits à base de soja, "chaque vente et livraison [étant] régie uniquement par les conditions" édictées au contrat et cette dernière se voyant accorder par la première le droit de "vendre, commercialiser et distribuer les produits" déterminés à l'article 6 du même contrat ; qu'en conséquence, la société Tnuva Alternative concluait que "tant la qualification adoptée par les parties que le contenu du contrat sont ceux d'un contrat de vente" ; qu'en refusant pourtant de qualifier de contrat de vente ce contrat, qui ne comportait aucune clause d'approvisionnement exclusif à la charge de la société Eurofood ni aucune clause de garantie d'approvisionnement à la charge de la société Soy Magic, et en recherchant dès lors si, en application des principes dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne pour les contrats de distribution exclusive, il devait être qualifié de contrat de prestation de service, la cour d'appel a violé les articles 1582 du code civil et 46 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il est fait interdiction au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en jugeant, pour qualifier le contrat du 8 mai 2016 de contrat de "fourniture de services", que l'article 18 de ce contrat prévoyait une garantie d'approvisionnement par la société Soy Magic, cependant que cette stipulation se bornait à imposer à la seule société Eurofood de commander à la société Soy Magic une quantité minimum annuelle de ses produits, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe précité ;
3°/ que, à tout le moins, la qualification d'une opération contractuelle dépend des conditions de fait dans lesquelles les prestations sont exécutées ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme le lui demandait la société Tnuva Alternative, si, indépendamment même de la volonté exprimée par les parties, les conditions dans lesquelles le contrat litigieux avait été effectivement exécuté n'étaient pas caractéristiques de l'existence d'un contrat de vente, la société Eurofood s'étant bornée à prendre livraison des marchandises pour les revendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1582 du code civil et 46 du code de procédure civile ;
4°/ que, à tout le moins, en se bornant à relever, pour juger que la qualification de contrat de vente devait être écartée au profit de celle de contrat de prestation de service, que les prestations prévues par le contrat conclu le 8 mai 2016 ne se limitaient pas à la livraison et à l'enlèvement de marchandises puisque d'autres prestations étaient prévues par le contrat, sans rechercher, ce qui était pourtant indispensable pour identifier la prestation caractéristique du contrat en cause, si les prestations dont elle faisait état n'étaient pas seulement l'accessoire de la prestation principale de livraison et d'enlèvement des marchandises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 46 du code de procédure civile ;
5°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen de la société Soy Magic tiré de ce que la société Eurofood n'était en aucun cas en mesure d'offrir à ses clients des services et avantages différents de ceux qu'un simple revendeur peut offrir, cependant que cette circonstance était de nature à écarter la qualification de contrat de prestation de service, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en jugeant que l'avantage accordé par la société Soy Magic consistant dans l'octroi d'un droit exclusif de distribution de ses produits concernant le marché casher de l'Union européenne et de la Suisse accordé à la société Eurofood avait une valeur économique et pouvait être considéré comme une rémunération, tout s'abstenant de répondre au moyen faisant valoir que l'exclusivité accordée par la société Soy Magic à la société Eurofood n'était liée qu'à la petite taille du marché de ses produits casher en Europe (qui justifiait la présence d'un seul importateur), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ qu'en tout état de cause, le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir la compétence des juridictions françaises, que la prestation caractéristique avait été exécutée en France, ce qui était contesté par la société Tnuva, et sans autrement étayer sa démonstration en fait, par référence à des éléments régulièrement produits, la cour d'appel a statué par un motif péremptoire et violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'article 46 du code de procédure civile, que lorsqu'il n'y a ni convention internationale ni règlement européen relatif à la compétence judiciaire, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne, de sorte que le demandeur peut, en matière contractuelle, saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service.
5. Ayant constaté que la société Tnuva alternative demeurait en dehors de l'Union européenne et relevé, d'une part, que les livraisons successives de ses produits étaient régies par un contrat-cadre qui faisait participer la société Eurofood à sa stratégie commerciale et imposait à celle-ci des objectifs de vente contraignants, d'autre part, qu'elle consentait en contrepartie à la société Eurofood un droit personnel exclusif de distribution concernant le marché Kasher de l'Union européenne et de la Suisse, qu'elle s'interdisait de concurrencer Eurofood sur ce marché, qu'elle s'engageait à participer aux coûts de promotion et à transmettre à Eurofood toutes les commandes ou demandes de renseignements qu'elle recevait d'acheteurs des territoires concernés et que ces avantages avaient une valeur économique qui pouvait être considérée comme étant constitutive d'une rémunération, la cour d'appel, en exactement déduit, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans dénaturation, que le contrat portait sur une prestation de service et que le lieu de son exécution se situait en France, de sorte que les juridictions françaises étaient compétentes.
6. Le moyen, irrecevable en sa quatrième branche, comme nouvelle et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Tnuva Alternative aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Tnuva Alternative et la condamne à payer à la société Eurofood la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454894.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 271 FS-B
Pourvoi n° D 22-10.487
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
1°/ Mme [Z] [S], épouse [C],
2°/ M. [T] [C],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
3°/ la société Lily, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° D 22-10.487 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige les opposant :
1°/ à la société MJS Partners, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Roger Postel - Confort service,
2°/ à la société Roger Postel - Confort service, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], en liquidation judiciaire et représentée par la société MJS Partners, liquidateur judiciaire,
3°/ à la société Frédéric Quetelard, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],
4°/ à la Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ à la société MMA IARD assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. et Mme [C] et de la société civile immobilière Lily, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Frédéric Quetelard et de la mutuelle des architectes français, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MMA IARD assurance mutuelle, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Delbano, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 décembre 2021), M. [C] a confié à la société Frédéric Quetelard, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'une piscine couverte sur un terrain appartenant à la société civile immobilière Lily (la SCI) et dont il a l'usufruit.
2. M. [C] a confié les lots charpente, menuiseries intérieures et extérieures dont parquet à la société Roger Postel-confort service, assurée auprès de la société MMA IARD assurance mutuelle.
3. La réception est intervenue le 5 mars 2008.
4. Se plaignant de désordres, la SCI a, après expertise, assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation. M. et Mme [C] sont intervenus volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La SCI et M. et Mme [C] font grief à l'arrêt de dire la SCI irrecevable en son action formée sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil, faute de justifier de sa qualité à agir, alors :
« 1°/ que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ; qu'en retenant que la construction portait sur un bâtiment indépendant, et non sur une extension du bâtiment dont la SCI Lily était propriétaire, la cour d'appel a ignoré le mécanisme du droit d'accession immobilière a et a violé l'article 552 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, dans le cas d'un partage de propriété entre nu-propriétaire et usufruitier, c'est le nu-propriétaire qui dispose de la qualité de maître de l'ouvrage, quand bien même ce serait l'usufruitier qui aurait ordonné la construction dudit ouvrage ; qu'en se fondant sur les circonstances, inopérantes, selon lesquelles la SCI Lily, nu-propriétaire du bien immobilier sur lequel avait été édifié l'ouvrage, n'en avait pas encore recouvré la pleine propriété et n'avait pas, elle-même, directement contracté avec les entreprises qui l'avaient réalisé, pour en conclure qu'elle n'avait pas la qualité de maître de l'ouvrage et, partant, ne pouvait agir en garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil, ensemble ses articles 578 et 605. »
Réponse de la Cour
6. Si, en vertu de l'article 552 du code civil, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, le droit d'accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l'usufruitier édifie une construction nouvelle est régi, en l'absence de convention réglant le sort de cette construction, par l'article 555 du même code et n'opère, ainsi, qu'à la fin de l'usufruit (3e Civ., 19 septembre 2012, pourvoi n° 11-15.460, Bull. 2012, III, n° 128).
7. En l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que M. [C] avait commandé et payé les travaux de construction de la piscine couverte et que cet ouvrage constituait une construction nouvelle et devant laquelle il n'était pas prétendu qu'une convention réglait le sort de la construction, en a exactement déduit que la SCI n'en était pas devenue propriétaire, l'usufruit de M. [C] n'ayant pas pris fin.
8. La SCI n'étant pas propriétaire de l'ouvrage affecté des désordres, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que cette société ne pouvait exercer l'action en garantie décennale, que la loi attache à la propriété de l'ouvrage.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière Lily et M. et Mme [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
3e Civ., 19 septembre 2012, pourvoi n° 11-15.460, Bull. 2012, III, n° 128 (rejet).
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CASS/JURITEXT000047454856.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président
Arrêt n° 409 F-B
Pourvoi n° Y 21-21.242
Aide juridictionnelle totale en demande
pour M. [U].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
M. [V] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-21.242 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [U], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 novembre 2020), la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie (la société) après avoir sanctionné disciplinairement M [U], l'a licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
2. Ce dernier a contesté ce licenciement devant un conseil de prud'hommes.
3. M. [U] a interjeté appel du jugement rendu par ce conseil de prud`hommes le 15 mai 2019.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. M. [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardif l'appel qu'il a interjeté le 29 août 2019 à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 15 mai 2019 et de constater le dessaisissement de la cour d'appel d'Amiens de l'instance, alors « que de seconde part et à titre subsidiaire, le droit d'accès à un tribunal, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impose que les limitations qui y sont apportées ne restreignent pas l'accès ouvert au justiciable à un tribunal d'une manière ou à un point tel que son droit d'accès à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même et poursuivent un but légitime et qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; que la limitation au droit d'accès à un tribunal, résultant de ce que la notification d'un jugement d'un conseil de prud'hommes fait courir le délai d'appel à l'encontre de son destinataire, même si elle comporte une erreur sur l'identité des parties au litige, et de ce que l'appel interjeté par le destinataire d'une telle notification, après avoir interjeté un premier appel qui a été jugé irrecevable pour avoir été dirigé contre une personne qui n'était pas partie au jugement du conseil de prud'hommes et après l'expiration du délai d'appel courant à compter de cette même notification, est irrecevable en raison de sa tardiveté, restreint l'accès du destinataire de la notification à un tribunal d'une manière ou à un point tel que son droit d'accès à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même, ne poursuit pas un but légitime et impose, en tout état de cause, au destinataire de la notification une sanction disproportionnée ; qu'en retenant, par conséquent, pour déclarer irrecevable comme tardif l'appel interjeté le 29 août 2019 par M. [V] [U] à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 15 mai 2019, qu'une erreur dans l'identité des parties n'a pas pour effet de rendre irrégulière la notification du jugement de première instance opérée par le greffe du conseil de prud'hommes et fait courir le délai d'appel à l'égard de la partie à laquelle cette notification a été faite et qu'en conséquence, l'appel interjeté par cette partie, après avoir interjeté un premier appel qui a été jugé irrecevable pour avoir été dirigé contre une personne qui n'était pas partie au jugement du conseil de prud'hommes et après l'expiration du délai d'appel courant à compter d'une telle notification, était irrecevable en raison de sa tardiveté, la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
5. D'une part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le « droit à un tribunal », dont le droit d'accès constitue un aspect particulier, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l'accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles tendent à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, parmi d'autres, les arrêts Edificaciones March Gallego S.A. et Pérez de Rada Cavanilles, §§ 34 et 44, respectivement).
6. D'autre part, la réglementation relative aux délais à respecter pour former un recours vise certes à assurer une bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Les intéressés doivent s'attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, la réglementation en question, ou l'application qui en est faite, ne devrait pas empêcher le justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible (CEDH, arrêt du 26 octobre 2000, Leoni c. Italie, n° 43269/98, §§ 22 et 23).
7. Il s'ensuit qu'un justiciable, fût-il représenté ou assisté par un avocat, ne saurait être tenu pour responsable du non-respect des formalités de procédure imputable à la juridiction, l'irrecevabilité de son recours s'analysant en une entrave à son droit d'accès à un tribunal.
8. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que l'erreur dans l'identité des parties n'a pas pour effet de rendre irrégulière la notification opérée par le greffe du conseil de prud'hommes, ces mentions ne figurant pas au nombre de celles prévues par les articles 680 du code de procédure civile et R. 1454 du code du travail.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'acte de notification comportait une mention erronée dans l'identification de la société, imputable à la juridiction, qui avait été reprise par l'appelant dans sa déclaration d'appel, la cour d'appel, qui devait nécessairement en déduire que le délai d'appel n'avait pas couru, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.
Condamne la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie à payer à la SCP Yves et Blaise Capron la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454847.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2023
Cassation partielle
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 385 FS-B+R
Pourvoi n° P 21-14.540
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
M. [B] [M], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-14.540 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [M], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, M. Waguette, Mme Caillard, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Bonnet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 janvier 2021), sur le fondement d'un acte de prêt notarié du 25 juin 2008, ayant pour monnaie de compte le franc suisse et pour monnaie de paiement l'euro, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a délivré, le 11 octobre 2013, à M. [M] un commandement de payer valant saisie immobilière sur le bien immobilier objet du prêt.
2. Par jugement d'orientation du 10 juillet 2014, un juge de l'exécution a fixé le montant de la créance du poursuivant à une certaine somme, et ordonné la vente forcée.
3. Après avoir perçu une somme le 19 octobre 2015 à la suite de la vente du bien, la banque a fait pratiquer, le 4 septembre 2018, une saisie-attribution sur les comptes de M. [M] à fin de paiement du solde du prêt, mesure que M. [M] a contestée devant un juge de l'exécution.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. [M] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir constater la prescription de la créance de la banque et de dire que la saisie-attribution pratiquée à son préjudice à la requête de la banque le 4 septembre 2018 entre les mains de la Banque postale produira son plein et entier effet à concurrence de la somme de 39 459,82 euros en principal, intérêts alors « que l'effet interruptif de la prescription attaché à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation, consécutive à un commandement valant saisie immobilière, produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance introduite par cette assignation, laquelle résulte, lorsqu'il n'existe qu'un seul créancier et en l'absence de contestation, du jugement d'adjudication ; que la cour d'appel qui, en présence de la BNP pour seul créancier inscrit et en l'absence de contestation relative au versement du prix, a retenu, pour écarter la prescription de sa créance, que le délai biennal de prescription, qui avait été interrompu par l'assignation à l'audience d'orientation, avait recommencé à courir pour deux ans à compter du versement du prix à la banque le 19 octobre 2015, a violé les articles 2242 du code civil et R. 332-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
5. En application de l'article 2244 du code civil, le commandement valant saisie immobilière interrompt le délai de prescription.
6. L'assignation à l'audience d'orientation interrompt ensuite le délai de prescription par application de l'article 2241 du code précité, et, en application de l'article 2242, cette interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance de la procédure de saisie immobilière.
7. Or, la saisie immobilière et la distribution du prix constituent les deux phases d'une même procédure.
8. Dès lors, l'instance engagée par la saisine du juge de l'exécution à l'audience d'orientation ne s'éteint que lorsque ce dernier ne peut plus être saisi d'une contestation à l'occasion de la saisie immobilière.
9. Lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier, le débiteur peut, en application des articles R. 311-5 et R. 332-1 du code des procédures civiles d'exécution, contester le paiement dans le délai de quinze jours à compter de la notification qui lui en est faite.
10. Il résulte de ce qui précède que l'effet interruptif de prescription d'une instance de saisie immobilière, qui n'a pas pour terme le jugement d'adjudication, se poursuit, lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier répondant aux critères de l'article L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution, jusqu'à l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement ou, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai.
11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. M. [M] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes et de dire que la saisie-attribution pratiquée à son préjudice à la requête de la banque le 4 septembre 2018 produira son plein et entier effet à concurrence de la somme de 39 459,82 euros en principal, intérêts, alors « que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose ; que bien qu'il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle que, selon le contrat litigieux, les mensualités étaient susceptibles d'augmenter, sans plafond, lors des cinq dernières années, la cour d'appel qui, nonobstant l'absence d'appel incident sur ce point, s'est abstenue de rechercher d'office, notamment, si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur les emprunteurs et si, en conséquence, la clause litigieuse n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des consommateurs, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen, contestée par la défense
13. La banque conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est incompatible avec la thèse soutenue par M. [M] devant la cour d'appel, selon laquelle les poursuites n'étaient pas fondées sur le contrat de prêt notarié mais sur un jugement doté de l'autorité de la chose jugée, s'étant substitué au contrat.
14. Cependant, le moyen, en ce qu'il invoque l'obligation pour le juge d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle, est né de la décision attaquée.
15. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation :
16. Aux termes du premier de ces textes, les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
17. Aux termes du second de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
18. Il incombe au juge national d'examiner d'office si, au regard des critères posés par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.
19. Le moyen conduit la chambre à s'interroger sur l'office du juge de l'exécution en matière de clauses abusives.
20. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08).
21. Ensuite, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que, dans l'hypothèse où, lors d'un précédent examen d'un contrat litigieux ayant abouti à l'adoption d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, le juge national s'est limité à examiner d'office, au regard de la directive 93/13, une seule ou certaines des clauses de ce contrat, cette directive impose à un juge national, régulièrement saisi par le consommateur, d'apprécier, à la demande des parties ou d'office dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère éventuellement abusif des autres clauses dudit contrat (CJUE, arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14).
22. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé les contours de cet office tel qu'il s'impose au juge national en retenant que l'article 6, paragraphe 1, et l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une législation nationale qui n'autorise pas une juridiction nationale, agissant d'office ou sur demande du consommateur, à examiner le caractère éventuellement abusif de clauses contractuelles lorsque la garantie hypothécaire a été réalisée, le bien hypothéqué vendu et les droits de propriété à l'égard de ce bien transférés à un tiers, à la condition que le consommateur dont le bien a fait l'objet d'une procédure d'exécution hypothécaire puisse faire valoir ses droits lors d'une procédure subséquente en vue d'obtenir réparation, au titre de cette directive, des conséquences financières résultant de l'application de clauses abusives (CJUE, arrêt du 17 mai 2022, C-600/19, Ibercaja Banco).
23. Il résulte de ce qui précède que, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à la créance dont le recouvrement est poursuivi sur le fondement d'un titre exécutoire relatif à un contrat, le juge de l'exécution est tenu, même en présence d'une précédente décision revêtue de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, sauf lorsqu'il ressort de l'ensemble de la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée que le juge s'est livré à cet examen, et pour autant qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d'examiner d'office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif.
24. Or, en matière de contrat de prêt libellé en devise étrangère, par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que :
- l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat ;
- l'article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.
25. C'est à ce titre, sur le fondement de cet arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne , que la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui, statuant dans un litige portant sur un contrat de prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros, a dit que la clause de monnaie de compte ne présentait pas un caractère abusif (1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 19-11.600).
26. Après avoir rejeté l'exception de nullité de la saisie attribution et la fin de non-recevoir prise de la prescription de la créance, l'arrêt, sans examiner le caractère abusif des clauses du prêt libellé en devises étrangères, retient que la saisie attribution est justifiée dans son quantum.
27. En statuant ainsi, alors que, disposant des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, il lui appartenait d'examiner d'office si les clauses du prêt notarié libellé en devise étrangère, fondement de la saisie-attribution, revêtaient ou non un caractère abusif, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement en tant qu'il a débouté M. [M] de sa demande tendant à la prescription de la créance, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454835.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2023
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 266 F-B
Pourvoi n° W 21-21.148
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
La société Ferrovial Agroman, société anonyme de droit espagnol , dont le siège est [Adresse 2] (Espagne), a formé le pourvoi n° W 21-21.148 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16), dans le litige l'opposant à M. [W] [T], exerçant sous l'enseigne Electrica [T] [W], domicilié [Adresse 1] (Tunisie), défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Ferrovial Agroman, de Me Ridoux, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Bruyère, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 avril 2021), M. [T], exerçant en entreprise individuelle sous l'enseigne Electra [T] [W], a conclu un contrat de sous-traitance avec la société Ferrovial Agroman pour la réalisation de deux lots d'un marché public.
2. Il a sollicité l'exequatur de la sentence arbitrale rendue à Tunis dans le litige l'opposant à sa cocontractante.
Désistement du pourvoi incident
3. Il est donné acte à M. [T] exerçant au travers de l'entreprise individuelle Electra [T] [W] du désistement de son pourvoi incident.
Examen des moyens
Sur les deuxième à cinquième branches du moyen du pourvoi principal
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ou sont irrecevables.
Sur la première branche du moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. La société Ferrovial Agroman fait grief à l'arrêt de conférer l'exequatur à la sentence alors « que l'arbitre, tenu de respecter la mission qui lui est confiée par les parties, doit se conformer aux règles de procédure auxquelles il est renvoyé dans la convention d'arbitrage ; qu'en retenant que le seul défaut de mention de la date et du lieu de la sentence arbitrale ne caractérisaient pas une violation de sa mission par le tribunal arbitral, après avoir pourtant constaté que la clause compromissoire visait l'application de "la législation tunisienne et notamment les procédures du code de l'arbitrage [tunisien] définies dans la loi n° 93-42 du 26 avril 1993", dont l'article 75-3 impose que la sentence mentionne la date à laquelle elle a été rendue ainsi que le lieu de l'arbitrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui découlaient légalement de ses constatations au regard des articles 1520, 3°, et 1525 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. L'arrêt relève que la sentence ne comporte pas d'indication de la date et du lieu où elle a été rendue alors que ces mentions sont prescrites par le code de l'arbitrage tunisien auquel les parties avaient soumis leur arbitrage aux termes de la clause compromissoire.
7. Il n'appartient pas à la cour d'appel, saisie du grief de non-respect de la mission au titre de l'article 1520, 3°, du code de procédure civile, de contrôler la conformité de la procédure suivie aux règles de procédure applicables.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal de la société Ferrovial Agroman ;
Donne acte à M. [T] exerçant au travers de l'entreprise individuelle Electra [T] [W] du désistement de son pourvoi incident ;
Condamne la société Ferrovial Agroman aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 267 F-B
Pourvoi n° Q 21-50.053
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
1°/ M. [J] [D], domicilié [Adresse 1] (États-Unis),
2°/ la société Citigroup Global Market Inc, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis),
ont formé le pourvoi n° Q 21-50.053 contre l'arrêt rendu le 12 juillet 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 16), dans le litige les opposant à M. [H] [P], domicilié [Adresse 3] (Italie), défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [D] et de la société Citigroup Global Market Inc, de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Bruyère, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 juillet 2021), M. [P] a demandé l'exequatur d'une sentence arbitrale rendue aux Etats-Unis et condamnant la société Citigroup Global Markets (CGM) et M. [D] à lui payer des dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. La société CGM et M. [D] font grief à l'arrêt de refuser l'examen de la recevabilité de la demande d'exequatur formée par M. [P] et de rejeter leur recours contre l'ordonnance d'exequatur, alors « que le juge ne peut connaître d'une action en justice que si elle est recevable ; qu'en cas d'appel de l'ordonnance d'exequatur relative à une sentence arbitrale, la cour d'appel a le pouvoir et le devoir, dès lors qu'elle y est invitée, de se prononcer sur la recevabilité de l'action en exequatur sans qu'il soit besoin d'un excès de pouvoir ; qu'en décidant le contraire, pour refuser d'examiner la recevabilité de l'action en exequatur exercée par M. [P], les juges du fond ont violé les articles 30, 31, 562 et 1525, alinéa 1, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1525, alinéa 1, du code de procédure civile :
3. Selon ce texte, la décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d'exequatur d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger est susceptible d'appel.
4. Pour refuser d'examiner les moyens tirés de l'irrecevabilité de la requête d'exequatur, l'arrêt retient que, sauf excès de pouvoir ou violation d'un principe essentiel de procédure, l'appel de l'ordonnance d'exequatur n'est ouvert que dans les cas limitativement énumérés à l'article 1520 du code de procédure civile.
5. En statuant ainsi, alors que ce texte concerne le seul contrôle de la sentence, qu'il limite afin d'écarter toute appréciation du bien ou du mal jugé de l'arbitre, mais ne fait pas obstacle à l'examen des fins de non-recevoir opposées à la demande d'exequatur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société Citigroup Global Markets et à M. [D] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Sursis a statuer
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 265 FS-B
Pourvoi n° X 22-12.965
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
La société Societa Italiana Lastre SPA (SIL), société de droit italien, dont le siège est [Adresse 1] (Italie), a formé le pourvoi n° X 22-12.965 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant à la société Agora, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Societa Italiana Lastre SPA, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Agora, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 2021), pour la réalisation d'un ouvrage commandé par M. [L] et Mme [H] (les consorts [L]), la société française Agora a conclu avec la société italienne SPA Italiana Lastre (SIL) un contrat portant sur la fourniture de panneaux de bardage et stipulant : « La compétence du tribunal de Brescia s'appliquera à tout litige qui surgirait du présent contrat ou qui aurait un rapport avec ce dernier. Societa Italiana Lastre se réserve la faculté de procéder à l'égard de l'acheteur devant un autre tribunal compétent en Italie ou à l'étranger. »
2. En novembre 2019 et janvier 2020, les consorts [L], invoquant des désordres, ont assigné en responsabilité et indemnisation l'ensemble des locateurs d'ouvrages, ainsi que le fournisseur des panneaux.
3. La société SIL a soulevé une exception d'incompétence internationale à l'encontre de la demande de garantie de la société Agora.
4. La cour d'appel a rejeté l'exception d'incompétence en retenant que cette clause donnait à la société SIL un plus grand choix de juridictions à saisir qu'à la société Agora sans préciser les éléments objectifs sur lesquels les parties s'étaient mises d'accord pour identifier la juridiction qui pourrait être saisie, qu'elle ouvrait donc à la société SIL un choix discrétionnaire qui était contraire à l'objectif de prévisibilité auquel les clauses attributives de juridiction devaient satisfaire et qu'elle était, dès lors, illicite.
Enoncé du moyen
5. La société SIL fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant rejeté l'exception d'incompétence territoriale, alors :
« 1°/ qu'en confirmant le rejet de l'exception d'incompétence territoriale présentée par la société SIL, sans répondre au moyen, péremptoire, tiré de ce qu'en vertu de l'article 25, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, la clause attributive de compétence litigieuse devait être appréciée au regard du droit italien et non du droit français, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la validité d'une convention attributive de juridiction s'apprécie selon le droit de l'Etat dont les juridictions sont désignées ; qu'en considérant que la clause d'élection de for convenue par les parties aurait été illicite, après avoir constaté que cette clause désignait le tribunal de Brescia en Italie, sans faire application du droit italien, la cour d'appel a violé l'article 25, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »
Rappel des textes applicables
6. Sous l'empire de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE, arrêt du 9 novembre 2000, Coreck Maritime, C-387/98) a dit pour droit que l'article 17, alinéa 1, doit être interprété, en ce qu'il n'exige pas qu'une clause attributive de juridiction soit formulée de telle façon qu'il soit possible d'identifier la juridiction compétente par son seul libellé, qu'il suffit que la clause identifie les éléments objectifs sur lesquels les parties se sont mises d'accord pour choisir le tribunal ou les tribunaux auxquels elles entendent soumettre leurs différends nés ou à naître, que ces éléments, qui doivent être suffisamment précis pour permettre au juge saisi de déterminer s'il est compétent, peuvent être concrétisés, le cas échéant, par les circonstances propres à la situation de l'espèce.
7. Aux termes de l'article 25, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I bis, si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties.
Motifs justifiant le renvoi préjudiciel
8. L'article 25, § 1, a introduit un renvoi au droit de l'Etat membre de la juridiction désignée pour apprécier la validité de la clause attributive de juridiction « quant au fond ».
9. Cette précision invite à s'interroger sur la portée de ce renvoi, particulièrement en présence de clauses attributives de juridiction asymétriques offrant à l'une seulement des parties la possibilité d'opter pour une juridiction de son choix, compétente selon les règles de droit commun, autre que celle mentionnée par cette même clause.
10. Si l'autre partie soutient que cette clause est illicite en raison de son imprécision et/ou de son caractère déséquilibré, cette question doit-elle être tranchée au regard de règles autonomes tirées de l'article 25, § 1, du règlement Bruxelles I bis et de l'objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par ce règlement, ou doit-elle être tranchée en faisant application du droit de l'Etat membre désigné par la clause ? Autrement dit, cette question relève-t-elle, au sens de ce texte, de la validité au fond de la clause ? Faut-il au contraire considérer que les conditions de validité au fond de la clause s'interprètent de manière restrictive et ne visent que les seules causes matérielles de nullité, et principalement la fraude, l'erreur, le dol, la violence et l'incapacité ?
11. Si la question de l'imprécision ou du caractère déséquilibré de la clause doit être tranchée au regard de règles autonomes, l'article 25, § 1, du règlement Bruxelles I bis doit-il être interprété en ce sens qu'une clause qui n'autorise une partie à saisir qu'un seul tribunal, alors qu'elle permet à l'autre de saisir, outre ce tribunal, toute autre juridiction compétente selon le droit commun doit ou ne doit pas recevoir application ?
12. Si l'asymétrie d'une clause relève d'une condition de fond, comment faut-il interpréter ce texte et particulièrement le renvoi au droit de l'Etat de la juridiction désignée lorsque plusieurs juridictions sont désignées par la clause, ou lorsque la clause désigne une juridiction tout en laissant une option à l'une des parties pour choisir une autre juridiction et que ce choix n'a pas été encore opéré au jour où le juge est saisi :
- la loi nationale applicable est-elle celle de la seule juridiction explicitement désignée, peu important que d'autres puissent également être saisies ?
- en présence d'une pluralité de juridictions désignées, est-il possible de se référer au droit de la juridiction effectivement saisie ?
- enfin, eu égard au considérant n° 20 du règlement Bruxelles I bis, faut-il comprendre que le renvoi au droit de la juridiction de l'Etat membre désigné s'entend des règles matérielles de cet Etat ou de ses règles de conflit de lois ?
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE);
RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne les questions suivantes :
1°) En présence d'une clause attributive de juridiction asymétrique offrant à l'une seulement des parties la possibilité d'opter pour une juridiction de son choix, compétente selon les règles de droit commun, autre que celle mentionnée par cette même clause, si l'autre partie soutient que cette clause est illicite en raison de son imprécision et/ou de son caractère déséquilibré, cette question doit-elle être tranchée au regard de règles autonomes tirées de l'article 25, § 1, du règlement Bruxelles I bis et de l'objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par ce règlement, ou doit-elle être tranchée en faisant application du droit de l'Etat membre désigné par la clause ? Autrement dit, cette question relève-t-elle au sens de cet article, de la validité au fond de la clause ? Faut-il au contraire considérer que les conditions de validité au fond de la clause s'interprètent de manière restrictive et ne visent que les seules causes matérielles de nullité, et principalement la fraude, l'erreur, le dol, la violence et l'incapacité ?
2°) Si la question de l'imprécision ou du caractère déséquilibré de la clause doit être tranchée au regard de règles autonomes, l'article 25, § 1, du règlement Bruxelles I bis doit-il être interprété en ce sens qu'une clause qui n'autorise une partie à saisir qu'un seul tribunal, alors qu'elle permet à l'autre de saisir, outre ce tribunal, toute autre juridiction compétente selon le droit commun doit ou ne doit pas recevoir application ?
3°) Si l'asymétrie d'une clause relève d'une condition de fond, comment faut-il interpréter ce texte et particulièrement le renvoi au droit de l'Etat de la juridiction désignée lorsque plusieurs juridictions sont désignées par la clause, ou lorsque la clause désigne une juridiction tout en laissant une option à l'une des parties pour choisir une autre juridiction et que ce choix n'a pas été encore fait au jour où le juge est saisi :
- la loi nationale applicable est-elle celle de la seule juridiction explicitement désignée, peu important que d'autres puissent également être saisies ?
- en présence d'une pluralité de juridictions désignées, est-il possible de se référer au droit de la juridiction effectivement saisie ?
- enfin, eu égard au considérant n° 20 du règlement Bruxelles I bis, faut-il comprendre que le renvoi au droit de la juridiction de l'Etat membre désigné s'entend des règles matérielles de cet Etat ou de ses règles de conflit de lois ?
SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;
RESERVE les dépens ;
DIT que qu'une expédition du présent arrêt ainsi que le dossier de l'affaire seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffe de la Cour de justice de l'Union européenne.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454829.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 263 FS-B
Pourvoi n° M 22-16.060
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
Mme [F] [V], épouse [W], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-16.060 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant à la société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme [V], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit logement, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 janvier 2022), la société Crédit commercial de France (la banque) a consenti à M. [W] et à Mme [V], son épouse, un prêt garanti par le cautionnement solidaire de la société Crédit logement (la caution).
2. M. [W] ayant été placé en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance au passif, prononcé la déchéance du terme et assigné Mme [V] en paiement du solde. Un jugement réputé contradictoire du 20 février 2003, signifié le 28 mars 2003, a accueilli sa demande.
3. La caution, qui a réglé à la banque une première somme, selon quittance subrogatoire du 26 novembre 2002, et une seconde somme le 15 juillet 2003, a engagé une procédure de saisie des rémunérations de Mme [V] en se prévalant de la quittance subrogatoire et du jugement du 20 février 2003.
4. Mme [V] a saisi un tribunal d'instance en mainlevée de la saisie et en restitution des sommes perçues en invoquant l'absence de titre exécutoire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [W] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant rejeté ses demandes, alors « que la subrogation transmet, à la date du paiement qu'elle implique et dans la mesure de la somme ainsi versée, la créance et ses accessoires au subrogé ; que pour débouter Mme [W], qui faisait valoir le défaut de titre exécutoire, de ses demandes tendant à obtenir la mainlevée de la saisie de ses rémunérations et la restitution des sommes prélevées, l'arrêt retient que le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 20 février 2003, signifié le 28 mars 2003, constitue un titre de créance exécutoire au profit de la banque qui, n'ayant pas été remis en cause en temps utile, est aujourd'hui définitif, de sorte que la caution qui n'avait pas été associée au débat judiciaire à l'époque, est, "par l'effet d'une subrogation légale dans laquelle la chronologie des paiements n'a pas lieu d'être invoquée, [...] en tant que subrogataire, à même d'exercer les droits et actions du subrogé qu'il a désintéressé au titre d'une créance titrée en justice" ; qu'en statuant ainsi quand, à la date du premier paiement partiel avec subrogation, intervenu le 26 novembre 2002 à hauteur de 153 536,82 euros, la société Crédit commercial de France ne pouvait transmettre à la caution subrogée un titre dont elle n'était pas encore titulaire, le jugement invoqué n'ayant été rendu en faveur du subrogeant que le 20 février 2003, la cour d'appel a violé l'article 2029 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés applicable en la cause, ensemble les articles 1251 et 1252 du même code, dans leur version antérieure, respectivement, à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités et à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1251 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, et 2029 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 :
6. Selon le premier de ces textes, la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter.
7. Selon le second, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur.
8. Il en résulte que la subrogation investit le subrogé de la créance primitive, avec tous ses avantages et accessoires existant à la date du paiement.
9. Pour rejeter la demande en mainlevée de la saisie, l'arrêt retient que le jugement du 20 février 2003 signifié le 28 mars 2003 constitue un titre de créance exécutoire au profit de la banque, qui ne l'a pas remis en cause en temps utile, de sorte que la caution, qui n'avait pas été associée au débat judiciaire, par l'effet d'une subrogation légale dans laquelle la chronologie des paiements n'a pas lieu d'être invoquée, est, sur le fondement de l'article 2309 du code civil, à même d'exercer les droits et actions du subrogeant qu'elle a désintéressé au titre d'une créance titrée en justice.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le premier paiement subrogatoire avait eu lieu antérieurement au prononcé du jugement constitutif du titre exécutoire dont la caution se prévalait, de sorte qu'il ne pouvait avoir eu pour effet d'investir le subrogé du bénéfice de ce titre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Crédit logement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454839.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 278 F-B
Pourvoi n° Y 22-13.449
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
La société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-13.449 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2022 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Picardie Autotrans, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Picardie Autotrans, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 20 janvier 2022), le 6 juin 2015, alors qu'il circulait en Espagne, un camion appartenant à la société Picardie Autotrans, auquel était attelée une remorque assurée par la société Gan assurances, a endommagé un portique de lavage appartenant à une société espagnole.
2. Le 8 décembre 2020, après avoir, en exécution d'une transaction homologuée par une juridiction espagnole le 10 novembre 2016, indemnisé le propriétaire du bien endommagé et son assureur, la société Gan assurances a assigné en responsabilité et indemnisation la société Picardie Autotrans. Celle-ci a invoqué la prescription de l'action en application de la loi espagnole.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Gan assurances fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande formée à l'encontre de la société Picardie Autotrans, alors « que le recours subrogatoire institué par le second alinéa de l'article R. 211-4-1 du code des assurances a pour objet de voir déclarer l'auteur de l'accident de la circulation causé par un train routier responsable du dommage selon les règles du droit commun, afin qu'il soit condamné à rembourser, en tout ou partie, l'indemnisation prise en charge par l'assureur de l'un véhicule compris dans ce train routier ; que la Convention de La Haye du 4 mai 1971 est, en vertu de son article 2, inapplicable aux recours subrogatoires exercés par les assureurs ; qu'en énonçant cependant que l'action intentée par la société Gan assurances contre la société Autotrans sur le fondement de l'article R. 211-4-1 du code des assurances ne constituait pas un recours subrogatoire au sens de l'article 2 la Convention de La Haye du 4 mai 1974 dès lors qu'elle n'était pas soumise à un régime propre de responsabilité de plein droit mais renvoyait au droit commun de la responsabilité, la cour d'appel a violé les articles R. 211-4, 1, alinéa 2, du code des assurances et 2 de la Convention de La Haye du 4 mai 1974. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article 3 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière, la loi applicable à la responsabilité civile extracontractuelle découlant d'un accident de la circulation routière est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu.
6. Toutefois, selon l'article 2 de cette Convention, n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention les recours et les subrogations concernant les assureurs.
7. Il résulte de ce dernier texte qu'est exclue du champ d'application de la Convention la détermination de la loi applicable à l'obligation contractuelle en vertu de laquelle un assureur est tenu d'indemniser la victime d'un accident de la circulation routière.
8. En revanche, n'est pas exclue du champ d'application de la Convention la détermination de la loi applicable à l'obligation extracontractuelle en vertu de laquelle la personne responsable du dommage est tenue d'indemniser la victime ou l'assureur subrogé dans les droits de celle-ci.
9. Ayant constaté que la société Gan assurances, assureur de la remorque, agissait en tant que subrogée dans les droits de la victime contre le propriétaire du tracteur impliqué dans un accident survenu en Espagne, la cour d'appel en a exactement déduit que, conformément à l'article 2 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971, la loi espagnole soumettant l'action en responsabilité à un délai de prescription d'un an à compter de la découverte par la victime de la faute ayant causé le dommage était applicable, de sorte que l'action introduite par la société Gan assurances était irrecevable comme prescrite.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gan assurances aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gan assurances et la condamne à payer à la société Picardie Autotrans la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047454849.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président
Arrêt n° 400 F-B
Pourvoi n° M 21-23.163
Aide juridictionnelle totale en demande
pour M. [I].
Admission au bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 juillet 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
M. [X] [I], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 21-23.163 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Lancry protection sécurité, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société AG2R prévoyance, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société AG2R Réunica prévoyance,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Lancry protection sécurité, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société AG2R prévoyance, venant aux droits de la société AG2R Réunica prévoyance, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2020), M. [I] a relevé appel, le 14 novembre 2018, du jugement d'un conseil de prud'hommes ayant statué dans le litige l'opposant à la société Lancry protection sécurité et à l'organisme AG2R Réunica prévoyance, aux droits de laquelle vient la société AG2R prévoyance, après avoir sollicité, le 8 octobre 2018, le bénéfice de l'aide juridictionnelle, qui lui a été accordée le 26 décembre 2018.
2. Il a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel en application de l'article 908 du code de procédure civile, à défaut pour lui d'avoir signifié ses conclusions dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche,
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. M. [I] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel, alors :
« 1°/ Que si le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, les limitations appliquées ne doivent pas restreindre l'accès ouvert au justiciable d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même ; que les règles procédurales, telles que les délais régissant le dépôt des documents ou l'introduction de recours, ou l'application qui en est faite ne doivent pas empêcher le justiciable d'utiliser une voie de recours disponible ; que l'absence d'effet interruptif ou suspensif de la demande d'aide juridictionnelle régulièrement introduite avant qu'un appel a été formé, porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès à un tribunal ; qu'en déclarant caduc l'appel formé le 18 novembre 2018 par M. [I] contre un jugement rendu le 28 mai 2018, après avoir relevé que l'intéressé avait formé sa demande d'aide juridictionnelle le 8 octobre 2018, qu'il avait obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 26 décembre 2018 et qu'il avait notifié ses conclusions d'appelant le 1er mars 2019, la cour d'appel a violé l'article 6, §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ Que constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6, §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait que chaque partie ne se voie pas offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en retenant en l'espèce que « si le décret du 6 mai 2017 a rétabli l'effet interruptif s'agissant des délais pour conclure impartis à l'intimé, cela ne concerne pas les délais de l'appelant pour conclure », la cour d'appel a violé l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. La société Lancry protection sécurité soutient que le moyen, nouveau et mélangé de fait, n'est pas recevable.
6. Cependant, le moyen est de pur droit dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.
7. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien fondé du moyen
8. Il résulte de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, qui a rétabli, pour partie, le dispositif prévu par l'article 38-1 du décret du 19 décembre 1991 abrogé par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, que le point de départ d'un délai de recours est reporté, au profit de celui qui demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d'admission, à la date, si elle est plus tardive, du jour de la désignation d'un auxiliaire de justice en vue d'assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l'exercice de ce recours. Le point de départ des délais impartis pour conclure ou former appel incident est reporté de manière identique au profit des parties à une instance d'appel sollicitant le bénéfice de l'aide juridictionnelle au cours des délais mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile.
9. Ces règles, qui ne prévoient pas, au profit de l'appelant, un report du point de départ du délai pour remettre ses conclusions au greffe, en application de l'article 908 du code de procédure civile, poursuivent néanmoins un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles sont, en outre, accessibles et prévisibles, et ne portent par une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.
10. En effet, en se conformant à l'article 38 du décret, la partie qui entend former un appel avec le bénéfice de l'aide juridictionnelle est mise en mesure, de manière effective, par la désignation d'un avocat et d'autres auxiliaires de justice, d'accomplir l'ensemble des actes de la procédure.
11. Ce dispositif, dénué d'ambiguïté pour un avocat, permet de garantir un accès effectif au juge d'appel au profit de toute personne dont la situation pécuniaire la rend éligible au bénéfice d'une aide juridictionnelle au jour où elle entend former un appel.
12. Il ne place pas non plus l'appelant dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire dès lors qu'il bénéficie, lorsqu'il forme sa demande d'aide juridictionnelle avant de faire appel, du même report du point de départ de son délai de recours que celui dont bénéficient les intimés pour conclure ou former appel incident lorsqu'ils sollicitent le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
13. La cour d'appel ayant constaté que le salarié n'avait pas notifié ses conclusions aux intimés dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, c'est dès lors, sans méconnaître le droit d'accès au juge d'appel ni le principe d'égalité des armes, qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
2e Civ., 4 juin 2020, pourvoi n° 19-24.598, Bull. (rejet).
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 273 FS-B
Pourvoi n° W 21-25.771
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
La société publique locale du Velay, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-25.771 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2021 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [E] [D], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société publique locale du Velay, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Delbano, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. L'arrêt attaqué (Riom, 26 octobre 2021) fixe les indemnités revenant à M. [D] à la suite de l'expropriation, au profit de la société publique locale du Velay (la SPLV), de plusieurs lots de copropriété lui appartenant au sein d'un immeuble déclaré insalubre à titre irrémédiable.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La SPLV fait grief à l'arrêt de fixer comme elle le fait l'indemnité d'expropriation, alors « que dans le cadre de la procédure d'expropriation de locaux frappés d'insalubrité irrémédiable et d'une interdiction définitive d'habitation, l'indemnité due aux propriétaires est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition ; qu'en constatant en l'espèce que les locaux de M. [D] avaient été l'objet d'un arrêté du 21 décembre 2007 les déclarant insalubres à titre irrémédiable et en décidant, cependant, qu'il y avait lieu d'écarter la méthode dite de récupération foncière et d'estimer le bien selon la méthode classique des termes de comparaison, dès lors que la destruction de l'immeuble n'était qu'une possibilité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 511-1, 1°, dans sa rédaction applicable à la cause, L. 511-5 et L. 511-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
3. Selon le premier de ces textes, peut être poursuivie, dans les conditions prévues aux articles L. 511-2 à L. 511-9, l'expropriation des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique.
4. Aux termes du deuxième, pour les immeubles mentionnés à l'article L. 511-1, l'indemnité d'expropriation est fixée et calculée conformément aux dispositions des articles L. 242-1 à L. 242-7 et du livre III sous réserve des dispositions de l'article L. 511-6.
5. Aux termes du troisième, pour le calcul de l'indemnité due aux propriétaires, la valeur des biens est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l'habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu, déduction faite des frais entraînés par leur démolition, sauf lorsque les propriétaires occupaient eux-mêmes les immeubles déclarés insalubres ou frappés d'un arrêté de péril au moins deux ans avant la notification de la décision prévue à l'article L. 511-2 ou lorsque les immeubles ne sont ni insalubres, ni impropres à l'habitation, ni frappés d'un arrêté de péril.
6. Pour écarter la méthode d'évaluation prévue à l'article L. 511-6, dite de la « récupération foncière », l'arrêt énonce que la destruction complète du bien, seule à même de justifier l'application de ce texte, ne résulte que de la seule affirmation de l'expropriant, qui ne s'interdit pas de choisir une autre solution, et que, s'agissant d'une atteinte majeure au droit de propriété, la cour d'appel ne peut se satisfaire d'une simple possibilité.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'immeuble avait fait l'objet d'un arrêté préfectoral le déclarant insalubre à titre irrémédiable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
3e Civ., 7 septembre 2011, pourvoi n° 10-10.597, Bull. 2011, III, n° 143 (rejet).
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CASS/JURITEXT000047545782.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 mai 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 467 FS-B
Pourvoi n° P 21-16.863
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023
La caisse d'allocations familiales d'Eure-et-Loir, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-16.863 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant au conseil départemental d'Eure-et-Loir, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales d'Eure-et-Loir, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat du conseil départemental d'Eure-et-Loir, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur,
Mme Renault-Malignac, conseiller, Mme Coutou, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mme Vigneras, MM. Labaune, Montfort, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 février 2021), par décisions des 9 juillet 2008 et 27 juin 2011, un juge des enfants a confié provisoirement au service de l'aide sociale à l'enfance du département d'Eure-et-Loir les quatre enfants de Mme [K] (la mère).
2. Par jugement du 12 octobre 2015, un juge aux affaires familiales, saisi par le président du conseil départemental d'Eure-et-Loir (le conseil départemental), a délégué à ce dernier l'autorité parentale sur les enfants.
3. Par courrier du 13 septembre 2017, la caisse d'allocations familiales d'Eure-et-Loir (la caisse) a notifié au conseil départemental un indu d'allocations familiales versées sur la période d'octobre 2015 à juin 2017 au titre de ces enfants.
4. Le conseil départemental a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
6. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours, alors :
« 1°/ que le conseil départemental ne peut percevoir des allocations familiales au titre des enfants qui lui sont confiés que pour autant qu'il existe un allocataire qui ouvre les droits auxdites allocations ; qu'en cas de délégation totale au conseil départemental de l'autorité parentale initialement dévolue à l'allocataire, ce dernier perd la jouissance de l'autorité parentale et n'est donc plus éligible au versement d'allocations familiales ; que le conseil départemental ne peut donc plus les percevoir en ses lieu et place ; qu'en l'espèce, par jugement du 12 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Chartres a délégué totalement au président du conseil départemental l'autorité parentale initialement dévolue à la mère sur ses enfants ; que le conseil départemental ne pouvait dès lors se voir verser les allocations familiales aux lieu et place de la mère qui n'était plus allocataire des prestations familiales faute désormais pour elle d'exercer l'autorité parentale sur ses enfants ; qu'en affirmant néanmoins qu'en dépit de la délégation totale de l'autorité parentale judiciairement prononcée, l'allocataire des allocations demeurait la mère pour débouter la caisse de sa demande en répétition des allocations familiales versées au conseil départemental, la cour d'appel a violé l'article 377-1 du code civil ainsi que l'article L 521-2 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que les prestations familiales ne peuvent pas être versées à une personne morale ; qu'elles ne peuvent être versées qu'à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant ; que l'entité ayant la charge effective et permanentes des enfants est le conseil départemental représenté par son président en exercice ; qu'en estimant que cette personne morale pouvait percevoir les prestations familiales aux lieux et place de la mère à qui le juge avait retiré l'autorité parentale pour la déléguer au conseil départemental, la cour d'appel a violé les articles L 513-1, R 513-1, L 521-1 et L 521-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de la combinaison des articles L. 513-1 et R. 513-1 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction issue du décret n° 2007-550 du 13 avril 2007, applicable au litige, que la qualité d'allocataire des prestations familiales est reconnue à une personne physique.
8. Selon l'article L. 521-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, les allocations familiales sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant.
9. Selon le quatrième alinéa de ce même article, lorsqu'un enfant est confié à l'aide sociale à l'enfance, les allocations familiales continuent d'être évaluées en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et du ou des enfants confiés au service de l'aide sociale à l'enfance. La part des allocations familiales dues à la famille pour cet enfant est versée à ce service, sauf décision du juge de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer.
10. Selon l'article 377 du code civil, en cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant, ou un membre de la famille, peut saisir le juge aux affaires familiales aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale.
11. Il résulte de la combinaison de ces textes que la délégation, au profit du président du conseil départemental, de l'exercice de l'autorité parentale sur un enfant, confié au service de l'aide sociale à l'enfance, est, par elle-même, sans incidence sur le droit aux prestations familiales de la personne physique à qui est reconnue la qualité d'allocataire.
12. C'est, dès lors, à bon droit, que l'arrêt retient, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la deuxième branche, que la délégation de l'autorité parentale au profit du président du conseil départemental n'avait pas fait perdre à la mère des enfants la qualité d'allocataire, de sorte que la part des allocations familiales dues à celle-ci pour les enfants devait être versée au service de l'aide sociale à l'enfance, auquel ils avaient été confiés dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative, et que la caisse n'était pas fondée dans sa réclamation à ce titre d'un indu.
13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la caisse d'allocations familiales d'Eure-et-Loir aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois, et signé par lui et Mme Renault-Malignac, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur référendaire empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
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CASS/JURITEXT000047545780.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mai 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 462 F-B
Pourvoi n° V 21-17.007
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, a formé le pourvoi n° V 21-17.007 contre le jugement rendu le 23 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne (contentieux général et technique de la sécurité sociale et contentieux de l'admission à l'aide sociale), dans le litige l'opposant à l'[3] ([3]), dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de [Localité 4], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'[3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Saint-Etienne, 23 mars 2021), la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de [Localité 4] (l'URSSAF), a notifié à l'[3] (l'établissement public) une mise en demeure pour le paiement de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés au titre de l'année 2018.
2. L'établissement public a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en demeure, alors :
« 2°/ que la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés est due par les personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; qu'il appartient au juge de procéder à une analyse précise et concrète de l'activité de tout établissement public foncier, personne morale de droit public, afin de déterminer son caractère concurrentiel ; que l'URSSAF faisait valoir que l'essentiel des activités de l'établissement public a une nature concurrentielle, que ses activités lui procurent ou non des profits et qu'elles soient soumises ou non à la taxe sur la valeur ajoutée, l'établissement pouvant rivaliser avec d'autres entreprises et opérateurs privés susceptibles réaliser des opérations de même nature, en offrant un service ou une prestation équivalents, pouvant acheter des terrains ou des bâtiments en vue de leur réhabilitation ou de leur aménagement pour des opérations d'urbanisme menées par des collectivités locales, financer des études de faisabilité architecturale, procéder à des travaux d'aménagement, de démolition, de dépollution, de désamiantage, et revendre les terrains ou bâtiments aux collectivités ou aux opérateurs choisis par elles, contribuant ainsi à développer l'offre de logements neufs, notamment sur des secteurs où le rythme de construction ne suffit pas à répondre à la demande ou dans les zones où la rétention pèse sur le marché par manque de foncier disponible ; qu'en se contentant d'affirmer de manière générale que les éléments produits par l'URSSAF ne permettent pas de caractériser l'exercice d'une activité concurrentielle, sans procéder à une analyse précise et concrète de l'activité de l'établissement public aux fins de déterminer son caractère concurrentiel ou non, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale ;
3°/ que la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés est due par les personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; qu'en se référant aux seuls objectifs tels que prévus par le plan pluriannuel d'intervention de l'établissement public, établissement public foncier de l'Etat, pour écarter tout caractère concurrentiel de son activité et donc son assujettissement à la contribution sociale de solidarité des sociétés, sans caractériser concrètement que l'établissement public n'avait effectivement exercé aucune activité concurrentielle pour l'année concernée par la mise en demeure, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale ;
4°/ que l'absence de profits réalisés par un établissement public foncier de l'Etat, voire son déficit structurel, ne suffit pas à exclure le caractère concurrentiel de son activité ; qu'en décidant que le déficit structurel généré par l'établissement public durant l'année 2018 était de nature à exclure le caractère concurrentiel de son activité pour l'année considérée, le tribunal a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 651-1, 4°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018, applicable à la date d'exigibilité de la contribution litigieuse :
4. Selon ce texte, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle.
5. Constitue une activité concurrentielle exercée par une personne morale de droit public, au sens de ce texte, à l'exclusion de l'activité se rattachant par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise, à l'exercice de prérogatives de puissance publique ou répondant à des fonctions de caractère exclusivement social et à des exigences de solidarité nationale, toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné, sur lequel d'autres opérateurs interviennent ou, au regard des conditions concrètes de l'exploitation de cette activité, ont la possibilité réelle et non purement hypothétique d'entrer.
6. Pour retenir que l'exercice d'une activité concurrentielle par l'établissement public n'est pas caractérisé, le jugement constate que celui-ci s'est vu confier des missions légales et réglementaires et que le plan pluriannuel d'intervention pour les années 2015 à 2020 prévoit comme objectifs principaux le traitement des friches industrielles et des sols pollués, l'intervention dans des zones « atones », « où la notion même de marché a perdu une partie de son sens », la régulation aux côtés des collectivités des prix du marché foncier pour atténuer un effet d'exclusion et contrecarrer la vacance et l'obsolescence du parc de logement. Il ajoute que les états financiers de l'établissement font apparaître, pour 2018, un déficit structurel de fonctionnement.
7. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tenant au fait que l'établissement public s'est vu confier certaines missions d'intérêt général et à l'absence de rentabilité de son activité, le tribunal, qui constatait que ce dernier offrait des biens ou des services sur un marché, sans rechercher si cette activité économique était exercée dans des conditions excluant toute concurrence actuelle ou potentielle d'autres opérateurs, a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lyon.
Condamne l'[3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'[3] et le condamne à payer à l'URSSAF de [Localité 4], venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.
2e Civ., 26 janvier 2023, pourvoi n° 21-13.577, Bull., (cassation) ; 2e Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-20.760, Bull., (rejet).
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COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mai 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 452 F-B
Pourvoi n° P 21-22.981
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023
L'office public de l'habitat [Localité 3] (OPAC), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-22.981 contre l'arrêt n° RG 20/00743 rendu le 23 juillet 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'office public de l'habitat [Localité 3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de [Localité 4], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 juillet 2021), l'office public de l'habitat [Localité 3] (l'établissement public), ayant le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, a fait l'objet d'un contrôle de l'application de la législation sociale portant sur les années 2011 à 2013 à l'issue duquel l'URSSAF [Localité 4] (l'URSSAF) lui a adressé une lettre d'observations du 24 juin 2014 comportant notamment un chef de redressement relatif à l'assujettissement à la contribution d'assurance chômage des rémunérations versées aux fonctionnaires territoriaux exerçant leur activité professionnelle au sein de l'établissement public, suivie d'une mise en demeure du 4 décembre 2014.
2. L'établissement public a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'établissement public fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :
« 1°/ que l'adhésion au régime d'assurance chômage par les Offices Public de l'Habitat, devenus des établissements publics à caractère industriel et commercial, vise les seuls salariés de ces derniers, à l'exclusion des fonctionnaires titulaires soumis au statut de la fonction publique territoriale ; qu'en affirmant, pour en déduire que l'URSSAF avait à bon droit procédé à la réintégration des rémunérations des fonctionnaires territoriaux pour le calcul des cotisations d'assurance chômage, que l'option pratiquée par l'établissement public ayant adhéré au régime d'assurance chômage vaut nécessairement pour l'intégralité de ses effectifs, sans qu'il y ait lieu de discriminer en fonction du statut de ses salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 5424-1 3° et L. 5424-2 du code du travail, ensemble l'article 120, point IV et point V, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version issue de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 applicable au litige ;
2°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes de son titulaire manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en affirmant, après avoir reconnu que nul ne discute qu'en vertu de son statut d'employeur public, l'Office Public de l'Habitat peut garantir une auto-assurance en cas de perte d'emploi pour les agents ayant décidé de conserver leur statut de fonctionnaires territoriaux lors de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er février 2007, que l'établissement public y avait renoncé en adhérant au régime d'assurance chômage, sans caractériser autrement la renonciation non équivoque de l'établissement public à se prévaloir de l'exclusion légale des fonctionnaires territoriaux du régime d'assurance chômage, dès lors que le fait d'adhérer au régime d'assurance chômage pour ses salariés n'implique pas, à lui seul, la volonté de renoncer à invoquer une telle exclusion, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble les articles L. 5424-1 3° et L. 5424-2 du code du travail ;
3°/ qu'en tout état de cause, le juge ne peut, pour justifier sa décision, se fonder sur une directive de l'Unedic qui, dépourvue de force obligatoire, n'a pas de valeur juridique ; qu'en se fondant, pour dire que l'option pratiquée par l'établissement public ayant adhéré au régime d'assurance chômage vaut nécessairement pour l'intégralité de ses effectifs, sans qu'il y ait lieu de discriminer en fonction du statut de ses salariés en sorte que l'URSSAF avait à bon droit procédé à la réintégration des rémunérations des fonctionnaires territoriaux pour le calcul des cotisations d'assurance chômage, sur les dispositions d'une directive Unedic n° 2006-15 du 21 juillet 2006, reprises par celles d'une directive Unedic n° 2008-11 du 29 février 2008, précisant, quant à la « situation des offices de l'habitat au regard du régime d'assurance chômage », que leur adhésion irrévocable au régime d'assurance chômage « vise tous les personnels » « sans exclusive » « de l'office y compris les agents publics et les fonctionnaires », la cour d'appel s'est déterminée par référence à des directives Unedic dépourvues de valeur juridique et a ainsi violé les articles L. 5424-1 3° et L. 5424-2 du code du travail ;
4°/ que le juge ne peut, pour justifier sa décision, se fonder sur une réponse ministérielle qui, dépourvue de force obligatoire, n'a pas de valeur juridique ; qu'en se fondant, pour dire que l'option pratiquée par l'établissement public ayant adhéré au régime d'assurance chômage vaut nécessairement pour l'intégralité de ses effectifs, sans qu'il y ait lieu de discriminer en fonction du statut de ses salariés en sorte que l'URSSAF avait à bon droit procédé à la réintégration des rémunérations des fonctionnaires territoriaux pour le calcul des cotisations d'assurance chômage, sur une réponse ministérielle publiée au Journal officiel du 9 février 2010 confirmant que « les anciens OPHLM qui choisissent l'adhésion au régime d'assurance chômage doivent désormais verser des contributions d'assurance chômage pour leurs personnels fonctionnaires » n'étant « plus assujettis à la contribution exceptionnelle de solidarité » mais devant « contribuer au régime d'assurance chômage en dépit d'un risque de privation d'emploi très faible », la cour d'appel s'est déterminée par référence à une réponse ministérielle dépourvue de valeur juridique et a ainsi violé les articles L. 5424-1 3° et L. 5424-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. En application des articles 64 et 120, point IV, de la loi n° 84-3 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-23 du 25 mars 2009, applicable au litige, si les fonctionnaires territoriaux ont conservé leur qualité de fonctionnaire, lors de la transformation des anciens offices publics d'HLM et offices publics d'aménagement et de construction en offices publics de l'habitat, et continuent à bénéficier des possibilités d'avancement d'échelon et de grade ouvertes par leur statut, ils sont soumis aux règles régissant la fonction qu'ils exercent par l'effet de leur détachement au sein des nouveaux offices. Dès lors, la rémunération des fonctionnaires territoriaux dont le travail s'exerce au sein d'un établissement public à caractère industriel et commercial entrant dans le champ d'application de l'article L. 5424-, 3°, du code du travail est comprise dans l'assiette des contributions d'assurance chômage dues par cet établissement.
5. L'arrêt relève que l'établissement public a adhéré au régime d'assurance chômage mais n'a jamais versé de cotisations au titre de ses fonctionnaires territoriaux. Il énonce que l'option pratiquée par l'établissement public vaut nécessairement pour l'intégralité de ses salariés sans qu'il y ait lieu de distinguer en fonction de leur statut.
6. De ces constatations et énonciations, abstraction faite des motifs critiqués par les trois dernières branches du moyen qui sont surabondants, la cour d'appel a exactement déduit que les rémunérations des fonctionnaires territoriaux devaient être réintégrées dans l'assiette servant au calcul des cotisations d'assurance chômage dues par l'établissement public.
7. Le moyen, pour partie inopérant, n'est, dès lors, pas fondé, pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne l'office public de l'habitat [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'office public de l'habitat [Localité 3] et le condamne à payer à l'URSSAF [Localité 4] la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047545774.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 mai 2023
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 304 FS-B
Pourvoi n° P 21-17.737
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 décembre 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023
Mme [G] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-17.737 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [N] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [L], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de Mme [T], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 avril 2021), Mme [L] et Mme [T] se sont mariées le 29 août 2015.
2. Le 19 janvier 2016, Mme [L] a donné naissance à l'enfant [U].
3. Par requête du 28 avril 2016, Mme [T] a sollicité le prononcé de l'adoption plénière de [U], à laquelle Mme [L] avait consenti le 18 février 2016.
4. Un arrêt du 5 décembre 2018 a constaté son désistement de l'instance.
5. Par la suite, Mme [T] a de nouveau sollicité le prononcé de l'adoption plénière de [U].
6. Un jugement du 12 décembre 2019, frappé d'appel par Mme [L] qui avait initié l'instance par requête du 17 octobre 2016, a prononcé le divorce des épouses pour altération définitive du lien conjugal.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Mme [L] fait grief à l'arrêt de prononcer, avec toutes ses conséquences de droit, l'adoption plénière de [U] par Mme [T], alors « que lorsque la filiation d'un enfant n'est établie qu'à l'égard d'un de ses auteurs, celui-ci donne le consentement à l'adoption ; qu'en l'espèce, la rétractation par Mme [L] de son consentement par courrier du 19 octobre 2016 adressé au parquet civil du tribunal de grande instance de Bordeaux, suivie du retrait de sa demande en adoption par Mme [T], le 17 janvier 2017, a eu pour effet d'anéantir l'acte du 18 février 2016 ; qu'en conséquence, suite au dépôt d'une nouvelle requête en adoption par Mme [T], le consentement de Mme [L] devait être recueilli dans les conditions de l'article 348-3, alinéa 1, du code civil ; qu'en énonçant que "les termes du recueil du consentement tel que figurant dans l'acte authentique du 18 février 2016 portant déclaration de son consentement à l'adoption plénière de son enfant [U] par Mme [T], ne comporte aucune limite dans le temps ni ne se rattache à une instance particulière", la cour d'appel a violé les dispositions des articles 345-1, 348-1 et 353 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. Il résulte des articles 345-1, 1°, 348-1 et 348-3 du code civil, dans leur version alors applicable, que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois.
10. Après avoir constaté que le consentement de Mme [L], reçu par acte notarié dans les formes requises, n'avait pas été rétracté dans le délai de deux mois, la cour d'appel a justement retenu que celui-ci ne comportait aucune limite dans le temps ni ne se rattachait à une instance particulière, de telles réserves n'étant pas prévues par la loi, de sorte qu'il avait plein et entier effet.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
12. Mme [L] fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal judiciaire qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant ; que la réunion des conditions légales de l'adoption, prévues notamment par les articles 345-1, 348-1 du code civil, est vérifiée par le juge au moment où il statue ; qu'en se bornant à énoncer que "la qualité pour agir s'analyse au moment de la requête déposée, celle formalisée par l'appelante doit être déclarée recevable pour l'avoir été dans un temps où le couple était encore uni par les liens du mariage, soit le 25 février 2019", sans rechercher si, au jour où elle statuait les conditions légales de l'adoption étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 345-1, 348-1 et 353 du code civil. »
Réponse de la Cour
13. En application des articles 345-1, 348-1 et 353 du code civil, dans leur version alors applicable, le juge doit vérifier si les conditions légales de l'adoption de l'enfant du conjoint sont remplies au moment où il se prononce.
14. La cour d'appel a constaté qu'il avait été interjeté appel du jugement de divorce rendu le 12 décembre 2019 et que celui-ci était pendant, ce dont il se déduit que Mme [T] et Mme [L] étaient encore unies par les liens du mariage au moment où elle a statué.
15. Il en résulte que les conditions légales de l'adoption de l'enfant du conjoint étaient réunies au moment où la cour d'appel s'est prononcée.
16. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047545776.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 mai 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 449 F-B
Pourvoi n° U 21-17.788
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023
La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-17.788 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présentes Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 2021), la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne (la caisse) a pris en charge, au titre du tableau n° 57 B des maladies professionnelles, par décisions du 11 septembre 2018, l'affection des deux coudes (épicondylite) déclarée par une salariée de la société [3] (l'employeur).
2. L'employeur a contesté l'opposabilité de ces décisions devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
La caisse fait grief à l'arrêt de faire droit au recours de l'employeur, alors :
« 1°/ que le délai de prise en charge de 14 jours est le délai maximal entre la fin de l'exposition au risque et la première constatation médicale de la maladie ; qu'en considérant que le délai de 14 jours était « amplement dépassé » au motif que la salariée avait cessé le travail le 12 février 2018 tandis que le certificat médical initial avait été dressé le 14 mars 2018, après avoir constaté que la date initiale de constatation des pathologies était le 16 octobre 2017, date à laquelle la salariée était encore exposée au risque, la cour d'appel a violé l'article L.461-2 du code de la sécurité sociale et le tableau n°57 B des maladies professionnelles ;
2°/ que pour dénier au certificat médical du 16 octobre 2017 le caractère d'une première constatation de la maladie professionnelle, au motif que la caisse avait mis l'employeur et la cour dans l'impossibilité de vérifier que la date du 16 octobre 2017 puisse être considérée comme la date de première constatation de la pathologie sans prendre en considération l'avis favorable du médecin-conseil, qui fixait lui-même à la date du 16 octobre 2017 la première constatation médicale de l'affection déclarée en se fondant sur l'arrêt de travail prescrit à cette date, la cour d'appel a violé les articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale ;
3°/ qu'il appartient seulement aux juges du fond de vérifier, en cas de contestation sur la date d'apparition de la pathologie, si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l'employeur d'être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue, cette information pouvant résulter de colloques médico-administratifs au cours desquels le médecin-conseil a fixé la date de la première constatation médicale des affections en faisant référence à un arrêt de travail ; qu'en considérant que la décision de la caisse était inopposable à l'employeur au motif que la caisse n'aurait pas respecté le principe du contradictoire, ce qui aurait rendu impossible la moindre vérification d'une date, sans tenir compte des colloques médico-administratifs dont se prévalait la caisse, au cours desquels le médecin-conseil avait estimé que la date de première constatation des affections dont souffrait la victime devait être fixée au 16 octobre 2017 en faisant référence à un arrêt de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale, et le tableau n° 57 B des maladies professionnelles :
3. Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes que la première constatation médicale de la maladie professionnelle exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l'exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie, que la date de la première constatation médicale est celle à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi et qu'elle est fixée par le médecin conseil.
4. Pour accueillir le recours de l'employeur, l'arrêt relève que le médecin conseil de la caisse a fixé la date de première constatation médicale au 16 octobre 2017, en faisant référence à un arrêt de travail. Il retient que la caisse en refusant la communication du certificat médical ayant servi de base à l'arrêt de travail a mis l'employeur et la cour dans l'impossibilité de vérifier que la date fixée par le médecin conseil était bien celle de la première constatation médicale des maladies prises en charge, la mention d'un arrêt de travail à cette date sur les colloques médico-administratifs étant insuffisante. Après avoir relevé que la salariée avait cessé le travail le 12 février 2018 et que le certificat médical initial n'avait été dressé que le 14 mars 2018, il en déduit que le délai de prise en charge de 14 jours pour les épicondylites, prévu au tableau n° 57 des maladies professionnelles, était dépassé.
5. En statuant ainsi, sans prendre en considération les avis du médecin conseil qui fixaient au 16 octobre 2017 la date de la première constatation médicale des affections déclarées au vu de l'arrêt de travail prescrit à cette date, de sorte que le délai de prise en charge des pathologies déclarées n'était pas dépassé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [3] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.
2e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-17.786, Bull. 2011, II, n° 136 (rejet).
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CASS/JURITEXT000047635829.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Cassation partielle
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 508 FS-B
Pourvoi n° D 21-15.842
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
M. [M] [H], domicilié [Adresse 6], [Localité 3], a formé le pourvoi n° D 21-15.842 contre l'arrêt rendu le 4 janvier 2021 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au groupement d'intérêt économique Bureau commun d'assurances collectives, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 5],
2°/ à la société CNP assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4],
défendeurs à la cassation.
Le groupement d'intérêt économique Bureau commun d'assurances collectives a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur du pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le demandeur du pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [H], de la SCP Spinosi, avocat du groupement d'intérêt économique Bureau commun d'assurances collectives, de la SCP Ghestin, avocat de la société CNP assurances, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, MM. Martin, Pedron, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 4 janvier 2021), M. [H], en sa qualité d'agent mandataire puis de salarié de la société La Mondiale Groupe (la souscriptrice), a adhéré à un contrat de prévoyance à adhésion obligatoire souscrit par cette société au profit de ses salariés auprès du Groupement d'intérêt économique Bureau commun d'assurances collectives (le GIE).
2. Placé en invalidité par la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie du 1er février 2011, il a perçu, en complément de la rente servie par la sécurité sociale, une rente du GIE ainsi qu'une rente de la société CNP assurances, au titre d'un contrat conclu entre cette dernière et son employeur.
3. Licencié le 4 juillet 2012 pour inaptitude médicalement constatée, il a repris une activité professionnelle à temps partiel à compter du 1er juin 2014.
4. Se prévalant d'une clause issue de la modification du contrat de prévoyance à effet du 1er janvier 2014, résultant d'un accord collectif, le GIE a cessé de payer la rente qu'il versait à M. [H] à compter du 1er octobre 2014, entraînant l'arrêt du versement de celle de la société CNP assurances.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident formé par le GIE, qui est préalable
Enoncé du moyen
5. Le GIE fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes formulées en appel par M. [H], alors :
« 1°/ que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, notamment, et à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, ainsi que l'objet de la demande ; qu'en se fondant, pour écarter l'irrégularité de l'acte d'appel de M. [H], qui ne comportait aucune demande d'annulation ou de réformation des chefs du jugement de première instance entrepris et se bornait à recopier verbatim des dispositions de celui-ci, sur ce que l'appelant aurait « implicitement » entendu formuler devant elle, la cour d'appel a violé l'article 901du code de procédure civile, ensemble son article 58 et son article 562,
2°/ qu'en se fondant sur la circonstance selon laquelle aucune des demandes de M. [H] n'était formulée pour la première fois en cause d'appel pour les juger recevables, cependant que cette question ne faisait pourtant pas débat, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 564 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. En application de l'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d'appel doit contenir, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à la nullité du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
7. En application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du même décret, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.
8. Aucun de ces textes ni aucune autre disposition n'exige que la déclaration d'appel mentionne, s'agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu'il en est demandé l'infirmation.
9. Ayant constaté que l'appelant avait énuméré dans sa déclaration d'appel les chefs de jugement critiqués, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le moyen du pourvoi principal formé par M. [H], pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
11. M. [H] fait grief à l'arrêt de dire que la notice d'information du régime professionnel de prévoyance des personnels des sociétés d'assurances à effet au 1er janvier 2014 lui était opposable et de rejeter, en conséquence, l'ensemble de ses demandes, alors :
« 1°/ que le souscripteur est tenu d'informer par écrit les adhérents des modifications qu'il est prévu, le cas échéant, d'apporter à leurs droits et obligations ; qu'il en résulte que seules sont opposables à l'adhérent les modifications ayant fait l'objet d'une information écrite avant la date de leur entrée en vigueur ; qu'en retenant que les modifications du contrat entre l'assureur et le souscripteur produisaient de plein droit effet à l'égard des adhérents, en sorte que ses développements sur l'absence de communication par le souscripteur de la notice à effet du 1er janvier 2014 étaient inopérants, car sans incidence sur l'opposabilité de cette notice, la cour d'appel a violé l'article L. 141-4 du code des assurances (anciennement l'article L. 140-4 de ce même code) ;
2°/ que le souscripteur est tenu d'informer par écrit les adhérents des modifications qu'il est prévu, le cas échéant, d'apporter à leurs droits et obligations ; qu'il en résulte que seules sont opposables à l'adhérent les modifications ayant fait l'objet d'une information écrite avant la date de leur entrée en vigueur ; que le dépôt auprès du service compétent de l'accord collectif de branche dans le cadre duquel la modification des droits et obligations des adhérents a été négociée par les partenaires sociaux ne peut pallier l'absence d'information individuelle des adhérents ; qu'en retenant que le défaut de remise à l'adhérent de la nouvelle notice d'information portant modification de ses droits et obligations était sans incidence sur l'opposabilité de celle-ci, dès lors que cette notice avait été modifiée dans le cadre de négociations entre les partenaires sociaux et était applicable dans les conditions prévues au code du travail concernant l'applicabilité des accords de branches, la cour d'appel a violé l'article L. 141-4 du code des assurances (anciennement l'article L. 140-4 de ce même code). »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 141-4 du code des assurances :
12. Il résulte de ce texte que l'assureur et le souscripteur peuvent convenir de toute modification du contrat de groupe, à charge pour le souscripteur d'en informer par écrit les adhérents trois mois au minimum avant la date prévue de son entrée en vigueur.
13. Ce texte, qui concerne les contrats de groupe tant à adhésion facultative qu'obligatoire, ne prévoit pas d'exception à cette obligation d'information lorsque la modification apportée aux droits et obligations des adhérents au contrat résulte d'un accord collectif.
14. Il est jugé que la remise de la notice définissant les nouvelles garanties résultant d'une modification du contrat initial d'assurance collective obligatoire, est une condition de leur opposabilité à l'adhérent (2e Civ., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-22.780, publié et 2e Civ., 7 mars 2019, pourvoi n° 18-10.735).
15. Pour déclarer opposable à M. [H] la notice ayant pris effet au 1er janvier 2014, l'arrêt relève que, nonobstant leur absence de notification préalable, les modifications du contrat entre l'assureur et le souscripteur d'une assurance de groupe produisent de plein droit effet à l'égard des adhérents et que les développements de M. [H] sur l'absence de communication de cette notice sont inopérants.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes formées par M. [H], l'arrêt rendu le 4 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne le groupement d'intérêt économique Bureau commun d'assurances collectives et la société CNP Assurances aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par le groupement d'intérêt économique Bureau commun d'assurances collectives et la société CNP assurances et les condamne in solidum à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635828.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Cassation partielle
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 362 F-B
Pourvois n°
Y 22-12.299
G 22-12.469 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
I - 1°/ La société Universal Music Publishing, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ La société Universal Music Italia SRL, dont le siège est [Adresse 3] (Italie),
ont formé le pourvoi n° Y 22-12.299 contre un arrêt rendu le 10 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [W] [M], domicilié [Adresse 8],
2°/ à M. [O] [N], domicilié [Adresse 5],
3°/ à M. [V] [T], domicilié [Adresse 9] (Portugal),
4°/ à M. [P] [X], domicilié [Adresse 7],
5°/ à la société Première Music Group, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
6°/ à la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), dont le siège est [Adresse 4],
7°/ à la société Abramo Allione Edizioni Musicali SRL, dont le siège est [Adresse 6] (Italie),
défendeurs à la cassation.
II - M. [O] [N], a formé le pourvoi n° G 22-12.469 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [V] [T],
2°/ à M. [P] [X],
3°/ à la société Première Music Group, société à responsabilité limitée,
4°/ à la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM),
5°/ à la société Universal Music Italia SRL,
6°/ à la société Universal Music Publishing,
7°/ à la société Abramo Allione Edizioni Musicali SRL,
8°/ à M. [W] [M],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs au pourvoi n° Y 2212299 invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi n° G 2212469 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [N], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Universal Music Publishing et Universal Music Italia SRL, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [T] et de la société Première Music Group, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 2212299 et 2212469 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2021), l'oeuvre « Une Fille de France » est une composition musicale de M. [T] dont les paroles associées ont été coécrites par MM. [X] et [M] et qui est éditée par la société Première Music Group.
3. La chanson « On va s'aimer » est une composition musicale de M. [N] dont les paroles associées ont été écrites par M. [M]. Elle a été déclarée auprès de la Saccade Italiana degli Autori ed Editori (SIAE) et coéditée par les sociétés italiennes Abramo Allione Edizioni Musicali et Universal Music Italia. La société Universal Music Publishing a assuré la sous-édition de cette oeuvre en France.
4. Par arrêt confirmatif du 10 juin 2010, la cour d'appel de Milan a jugé que la chanson « On va s'aimer » constituait une contrefaçon de l'oeuvre musicale « Une Fille de France », condamné les sociétés Abramo Allione Edizioni Musicali et Universal Music Italia ainsi que MM. [N] et [M] à réparer les préjudices moraux et patrimoniaux subis par MM. [T] et [X] ainsi que par la société Première Music Group, et a interdit aux sociétés Abramo Allione Edizioni Musicali et Universal Music Italia ainsi qu'à MM. [N] et [M] la poursuite de toute utilisation et exploitation de cette chanson. Par arrêt du 11 mai 2012, la Cour de cassation italienne a rejeté le pourvoi principal formé par MM. [N] et [M] ainsi que les pourvois incidents des sociétés Universal Music Italia et Abramo Allione Edizioni Musicali.
5. Par décisions du tribunal de grande instance de Paris des 10 novembre 2015 et du 21 mars 2016, signifiées à la SACEM les 13 novembre 2015 et 12 avril 2016, les arrêts de ces juridictions ont été reconnus et déclarés exécutoires en France.
6. La société Première Music Group ainsi que MM. [T] et [X] ont assigné la SACEM, MM. [M] et [N] ainsi que les sociétés Abramo Allione Edizioni Musicali, Universal Music Italia et Universal Music Publishing devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir la modification de la documentation relative à la chanson « On va s'aimer » et la répartition à leur profit des droits produits par l'exploitation de celle-ci.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 22-12.469
Enoncé du moyen
7. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir tendant à voir déclarer irrecevables l'intégralité des demandes de la société Première Music Group, M. [T] et M. [X], d'ordonner à la SACEM de radier l'oeuvre « On va s'aimer » de sa documentation, d'enregistrer dans sa documentation, sous l'oeuvre « Une fille de France » le sous-titre « On va s'aimer » comme il est indiqué, d'enregistrer au crédit du compte de l'oeuvre « Une fille de France » l'ensemble des rémunérations de droit d'auteur générées par l'oeuvre « On va s'aimer » pour toute exploitation de l'oeuvre à partir du mois d'avril 2013 jusqu'au terme de la durée de protection de l'oeuvre, d'ordonner à la SACEM de procéder à la répartition des rémunérations des droits d'auteur non encore réparties par elle au titre de l'exploitation de l'oeuvre « On va s'aimer » postérieurement à la répartition du 5 avril 2013 ainsi que toutes rémunérations de droits d'auteur à venir générées par cette oeuvre, au profit des ayants-droit de l'oeuvre « Une fille de France » pour toute exploitation de l'oeuvre jusqu'au terme de la durée de protection, conformément aux quotes-parts mentionnées et de faire interdiction à la SACEM de répartir aux ayants-droit de l'oeuvre « On va s'aimer » toutes rémunérations de droits d'auteur résultant de l'exploitation de cette oeuvre postérieurement à la répartition du 5 avril 2013, alors « qu'une décision rendue dans un Etat membre de l'Union européenne ne peut être mise à exécution dans un autre Etat membre qu'après y avoir été déclarée exécutoire par une décision signifiée ou notifiée à la partie contre laquelle l'exécution est demandée ; qu'en jugeant, pour déclarer recevables les demandes de la société Première Music Group, de M. [T] et de M. [X], que les décisions rendues par le tribunal ordinaire de Milan le 6 août 2008, par la cour d'appel de Milan le 10 juin 2010 et par la Cour de cassation italienne le 11 mai 2012 dans un litige les opposant notamment à M. [N], qui constataient la contrefaçon de l'oeuvre « Une fille de France » par l'oeuvre « On va s'aimer », composée par M. [N], étaient exécutoires en France, tout en constatant que la SACEM, à qui la société Première Music Group, M. [T] et M. [X] demandaient de modifier sa base documentaire et la répartition des droits d'auteur en exécution des décisions précitées rendues en Italie relatives à la contrefaçon n'avait pas été partie à ces décisions et que les décisions rendues en France les déclarant exécutoires avaient été signifiées à la SACEM, et non à M. [N] qui en n'en avait eu connaissance que dans le cadre de la présente procédure, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que les décisions déclarant exécutoires les décisions rendues en Italie relatives à la contrefaçon de l'oeuvre « Une fille de France » par l'oeuvre « On va s'aimer » n'avaient pas été signifiées à la partie contre laquelle l'exécution était demandée, soit la partie jugée contrefactrice, mais uniquement à la personne tierce chargée d'en supporter l'exécution, soit la SACEM, organisme de gestion collective des droits d'auteur de l'oeuvre contrefaite et de l'oeuvre contrefaisante, et a ainsi violé les articles 38, 41 et 42 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable au litige, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 38, § 1, 42, § 2, 43, §§ 1 et 5, et 47, § 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale :
8. En application du premier de ces textes, les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.
9. Selon le deuxième, la déclaration constatant la force exécutoire est signifiée ou notifiée à la partie contre laquelle l'exécution est demandée, accompagnée de la décision si celle-ci n'a pas encore été signifiée ou notifiée à cette partie.
10. Conformément aux troisième et quatrième, cette partie peut former un recours contre cette déclaration dans le délai d'un mois à compter de sa signification, et ce délai est porté à deux mois et court à compter du jour où la signification a été faite à personne ou à domicile si la partie contre laquelle l'exécution est demandée est domiciliée sur le territoire d'un autre État membre que celui dans lequel la déclaration constatant la force exécutoire a été délivrée.
11. Aux termes du cinquième, pendant le délai du recours prévu à l'article 43, § 5, contre la déclaration constatant la force exécutoire et jusqu'à ce qu'il ait été statué sur celui-ci, il ne peut être procédé qu'à des mesures conservatoires sur les biens de la partie contre laquelle l'exécution est demandée.
12. Selon la Cour de justice des Communautés européennes, devenue la Cour de justice de l'Union européenne, l'exigence de signification de la décision qui autorise l'exécution a pour fonction, d'une part, de protéger les droits de la partie contre laquelle l'exécution est demandée et, d'autre part, de permettre, sur le plan probatoire, une computation exacte du délai de recours rigoureux et impératif ouvert à cette partie et que, si seule importait la connaissance par celle-ci de la décision qui autorise l'exécution, cela risquerait de vider de sa substance l'exigence d'une signification (CJCE, arrêt du 16 février 2006, Verdoliva, C-3/05).
13. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par MM. [N] et [M] tirée de l'absence de signification des décisions déclarant exécutoires en France les arrêts de la cour d'appel de Milan et de la Cour de cassation italienne, l'arrêt retient, d'une part, que ces décisions ont été portées à leur connaissance dans le cadre de la présente procédure et que ceux-ci ne peuvent arguer qu'ils n'ont pas été en mesure d'exercer le recours prévu à l'article 43 du règlement (CE) n° 44/2001, qui ne soumet pas l'ouverture du recours à la signification préalable de la décision, d'autre part, que MM. [M] et [N] ne soutiennent pas utilement que la SACEM n'est pas détentrice des droits leur appartenant alors que, en application de l'article 1 des statuts de cette société, l'auteur, par son adhésion, fait apport à celle-ci de l'exercice de ses droits patrimoniaux.
14. En statuant ainsi, alors que les décisions italiennes déclarées exécutoires déniaient à MM. [N] et [M] tout droit d'auteur sur l'oeuvre musicale « On va s'aimer » et que le litige avait pour objet la modification par la SACEM de la documentation relative à cette oeuvre en exécution de ces décisions, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° 22-12.469 et sur les moyens du pourvoi n° 22-12.299, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les fins de non recevoir de la société Première Music Group et de MM. [T] et [X], l'arrêt rendu le 10 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne in solidum la société Première Music Group ainsi que MM. [T] et [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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Audience publique du 25 mai 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 346 FS-B
Pourvoi n° A 21-23.015
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
La société Centre Pierre investissement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-23.015 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [P] associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [I] [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société du Domaine de la Veyssière, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Centre Pierre investissement, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [P] associés, ès qualités, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, M. Pons, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 6 juin 2019, pourvoi n° 17-23.777), le 17 juin 2005, M. et Mme [W] ont donné à bail rural un ensemble immobilier à la société civile d'exploitation agricole du Domaine de la Veyssière (la SCEA), dont ils étaient les seuls associés.
2. Le 26 mai 2009, au terme d'une procédure de saisie immobilière, la société Centre Pierre investissement (l'adjudicataire) a été déclarée adjudicataire de l'immeuble donné à bail.
3. Le 13 novembre 2013, la SCEA a été placée en liquidation judiciaire. La résiliation du bail rural a été constatée par le juge-commissaire le 14 avril 2014.
4. Le 29 juillet 2014, la société [P] associés (le liquidateur), agissant en qualité de liquidateur de la SCEA, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en condamnation de l'adjudicataire à lui payer l'indemnité due au preneur sortant au titre des améliorations apportées antérieurement à l'adjudication.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. L'adjudicataire fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au liquidateur une certaine somme au titre de l'indemnité due au preneur sortant, alors « que, dans le cas où les biens donnés à bail rural ont été vendus par adjudication et où le cahier des conditions de la vente de l'immeuble donné à bail rural ne fait pas mention de la nature, du coût et de la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime, le droit à indemnisation du preneur à bail rural prévu par les dispositions de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime est inopposable à l'adjudicataire ; qu'en énonçant, par conséquent, pour condamner la société Centre Pierre investissement à payer à M. [I] [P], ès qualités, la somme de 413 933,47 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de son arrêt, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil, en application des dispositions de l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime, que la circonstance que le cahier des charges de l'adjudication, établi sous la seule responsabilité de son rédacteur, ne portait aucune mention relative à la nature, au coût et à la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime devait demeurer sans incidence sur les droits du preneur à indemnité, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 411-69, L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article L. 411-69, alinéas 1 et 4, du code rural et de la pêche maritime, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail. Si la vente a eu lieu par adjudication, le cahier des charges doit mentionner la nature, le coût et la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 de ce code. Cette mention est établie par l'officier public ou ministériel chargé de la vente d'après les indications fournies par le bailleur et par le preneur ; en cas de désaccord entre les parties, elle fait état des éléments contestés.
8. Aux termes de l'article R. 322-11, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution, relatif à la saisie immobilière, le cahier des conditions de vente est élaboré sous la responsabilité du créancier poursuivant.
9. S'il résulte de ces textes que le preneur et le bailleur doivent, à la demande du rédacteur du cahier des conditions de vente, et sous leur responsabilité, fournir les indications précitées, leur défaut de mention ne peut avoir pour effet de priver le preneur de son droit de demander à l'adjudicataire, bailleur à l'expiration du bail, le paiement d'une indemnité au titre de ces améliorations.
10. La cour d'appel a donc, à bon droit, énoncé que la circonstance que le cahier des charges de l'adjudication ne porte aucune mention relative à la nature, au coût et à la date des améliorations apportées par le preneur dans les conditions prévues aux articles L. 411-71 et L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime doit demeurer sans incidence sur les droits du preneur à indemnité.
11. Elle en a exactement déduit que le liquidateur de la SCEA était fondé à demander à l'adjudicataire le paiement d'une indemnité au titre des travaux d'amélioration prévus par une clause du bail.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Centre Pierre investissement aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Centre Pierre investissement et la condamne à payer à la société [P] associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société civile d'exploitation agricole du Domaine de la Veyssière, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635848.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 351 FS-B
Pourvoi n° X 21-20.643
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
La société Hôtel le Bristol, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-20.643 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [L] [W], domicilié [Adresse 6], exerçant sous l'enseigne agence d'architecture [L] [W],
3°/ à M. [H] [I], domicilié [Adresse 4], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société COBATECO,
4°/ à la société TPF ingénierie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 9], anciennement Beterem, venant aux droits de Beterem ingénierie,
5°/ à la Mutuelle des architectes francais (MAF), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 2],
6°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 5],
7°/ à la société Bureau Veritas, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 8],
8°/ à la société QBE Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11],
9°/ à la société Vialatte ingénierie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
10°/ à M. [H] [I], domicilié [Adresse 4], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Est constructions,
défendeurs à la cassation.
La société AXA France IARD et la Mutuelle des architectes français ont, chacune, formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
M. [W] a formé également un pourvoi incident et un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La société TPF ingénierie a formé un pourvoi incident éventuel.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quinze moyens de cassation.
La société AXA France IARD et la Mutuelle des architectes français invoquent, chacune, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
M. [W] invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation pour son pourvoi incident et un moyen de cassation concernant son pourvoi incident éventuel.
La société TPF ingénierie invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Hôtel le Bristol, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Bureau Veritas et de la société QBE Europe, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la Mutuelle des architectes francais, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Vialatte ingénierie, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société TPF ingénierie, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [W], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Déchéance partielle du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol examinée d'office
1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi.
3. La société Hôtel le Bristol n'a pas signifié le mémoire ampliatif aux sociétés Est constructions et Construction bâtiment études et conception (COBATECO).
4. Il s'ensuit que la déchéance du pourvoi principal doit être constatée à l'égard de ces sociétés.
Faits et procédure
5. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juin 2021, rectifié par arrêt du 29 mars 2023) et les productions, la société anonyme Hôtel le Bristol a confié à M. [W], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de travaux d'extension de l'hôtel qu'elle exploite.
6. Sont intervenus à l'opération :
- pour l'ingénierie structure et génie civil, la société COBATECO, assurée auprès de la société AXA France IARD (la société AXA) ;
- pour les études portant sur les équipements techniques, la société Beterem, aux droits de laquelle vient la société TPF ingénierie ;
- pour le contrôle technique, la société Bureau Veritas, aux droits de laquelle vient la société Bureau Veritas construction, assurée auprès de la société QBE Insurance Europe Limited, aux droits de laquelle vient la société QBE Europe SA/NV (la société QBE Europe) et auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP) ;
- pour les lots gros oeuvre, maçonnerie, cloisons, doublages, couverture et charpente, la société Est constructions, assurée auprès de la SMABTP.
7. La société Est constructions a sous-traité des études techniques à la société Vialatte ingénierie.
8. La société Hôtel le Bristol a résilié les contrats de M. [W] et des sociétés Est constructions et COBATECO en cours de chantier.
9. La société COBATECO a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 15 février 2012. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 13 février 2013.
10. La société Est constructions a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 10 juillet 2013. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 26 septembre 2018.
11. Se plaignant de désordres et de retards, la société Hôtel le Bristol a assigné M. [W], la MAF, la SMABTP, M. [I], en sa qualité de liquidateur des sociétés COBATECO et Est constructions, et les sociétés AXA, Bureau Veritas, QBE Insurance, en indemnisation de ses préjudices.
Recevabilité des pourvois incidents examinée d'office
12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 1010 du même code.
Vu l'article 1010 du code de procédure civile :
13. Selon ce texte, le pourvoi incident, même provoqué, doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai prévu pour la remise du mémoire en réponse.
14. Le pourvoi incident de la société AXA n'a pas été signifié à la société Est constructions. Il a été signifié à M. [I], recherché comme mandataire liquidateur de la société COBATECO, à une date à laquelle ce mandat avait pris fin, en application du jugement ordonnant la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif.
15. Le pourvoi incident de M. [W] a été signifié à M. [I], recherché comme mandataire liquidateur de la société Est constructions et de la société COBATECO, à une date à laquelle ces mandats avaient pris fin en application des jugements ordonnant la clôture des procédures pour insuffisance d'actif.
16. A défaut de signification régulière dans le délai légal, les pourvois incidents de M. [W] et de la société AXA sont irrecevables en tant qu'ils sont dirigés contre les sociétés Est constructions et COBATECO.
Examen des moyens
Sur les quatrième à huitième moyens, neuvième moyen, pris en sa première branche, dixième à douzième moyens et quinzième moyen du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol et sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de M. [W]
17. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol
Enoncé du moyen
18. La société Hôtel le Bristol fait grief à l'arrêt de dire que la clause d'exclusion de solidarité figurant au contrat d'architecte de M. [W] était valable et applicable et de condamner M. [W], sous la garantie de la MAF, non pas in solidum avec les autres responsables des dommages auxquels il a contribué par ses manquements contractuels, mais uniquement à raison de sa part contributive aux dommages, alors « que l'exclusion de l'obligation in solidum de l'architecte en cas de dommage auquel il a contribué par son manquement contractuel, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, notamment lorsqu'il a été chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution comme en l'espèce selon les constatations de l'arrêt, en permettant à l'architecte de limiter les conséquences de sa responsabilité contractuelle et en faisant peser sur le maître d'ouvrage non professionnel le risque d'insolvabilité des coauteurs du dommage auquel l'architecte a contribué par ses manquements contractuels, de sorte qu'une clause prévoyant une telle exclusion est abusive et doit être réputée non écrite ; qu'en excluant l'obligation in solidum de l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
19. Les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, selon lesquelles sont réputées non écrites parce qu'abusives les clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne s'appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant (1re Civ., 24 janvier 1995, pourvoi n° 92-18.227, Bulletin 1995, I, n° 54 ; Com., 1 juin 1999, pourvoi n° 96-20.962).
20. La cour d'appel a constaté que la société Hôtel le Bristol avait conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre avec M. [W] pour étendre l'hôtel qu'elle exploitait.
21. Le contrat ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle du maître de l'ouvrage, celui-ci ne peut être considéré comme un non-professionnel dans ses rapports avec le maître d'oeuvre, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la construction, de sorte que les dispositions précitées ne sont pas applicables.
22. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol
Enoncé du moyen
23. La société Hôtel le Bristol fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'exclusion de l'obligation in solidum de l'architecte en cas de dommage auquel il a contribué par son manquement contractuel contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par l'architecte en lui permettant de limiter les conséquences de sa responsabilité contractuelle, notamment lorsqu'il a été chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution comme en l'espèce selon les constatations de l'arrêt, de sorte qu'une clause prévoyant une telle exclusion doit être réputée non écrite ; qu'en excluant l'obligation in solidum de l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
24. Ayant retenu que l'architecte restait tenu à réparation dans la mesure de sa part de responsabilité et devait ainsi assumer les conséquences de ses fautes et manquements, la cour d'appel a pu en déduire que la clause d'exclusion de solidarité devait être appliquée.
25. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol et sur le moyen du pourvoi incident de la société AXA, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
26. Par son premier moyen, la société Hôtel le Bristol fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'article IX A du contrat d'architecte conclu le 2 juin 2004 stipule que "L'Architecte assume la responsabilité de l'opération dans le cadre de la mission ci-dessus, tant sur le plan des études que sur celui de la direction des travaux, conformément aux lois et règlements en vigueur et notamment, aux articles 1792 et 2270 du code civil et, ce, dans la seule mesure de ses fautes personnelles éventuelles et sans aucune solidarité" ; que cette clause claire et précise visait uniquement la solidarité et n'excluait donc pas la possibilité de condamner l'architecte in solidum avec les coauteurs du même dommage, l'obligation in solidum étant distincte de la solidarité (Com., 28 mars 1995, pourvoi n° 93-16.748 ; 1re Civ., 13 novembre 1967, B. n° 327) ; qu'en statuant ainsi, la Cour a dénaturé cet écrit clair et précis et violé l'article 1103, anciennement 1134, du code civil. »
27. Par son moyen, la société AXA fait grief à l'arrêt de dire que la clause d'exclusion de solidarité figurant au contrat d'architecte de M. [W] est valable et applicable, de condamner M. [W], sous la garantie de la MAF, non pas in solidum avec les autres responsables des dommages auxquels il a contribué par ses manquements contractuels, mais uniquement à raison de sa part contributive aux dommages et de rejeter les recours de la société AXA contre M. [W] et la MAF, alors « que l'article IX A du contrat d'architecte conclu le 2 juin 2004 stipule que "L'Architecte assume la responsabilité de l'opération dans le cadre de la mission ci-dessus, tant sur le plan des études que sur celui de la direction des travaux, conformément aux lois et règlements en vigueur et notamment, aux articles 1792 et 2270 du code civil et, ce, dans la seule mesure de ses fautes personnelles éventuelles et sans aucune solidarité" ; que cette clause claire et précise visait uniquement la solidarité et n'excluait donc pas la possibilité de condamner l'architecte in solidum avec les coauteurs du même dommage, l'obligation in solidum étant distincte de la solidarité (Cass. Com. 28 mars 1995, pourvoi n° 93-16.748 ; Cass. 1ère Civ., 13 novembre 1967, Bull. n° 327) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé cet écrit clair et précis et violé l'article 1192, anciennement 1134, du code civil. »
Réponse de la Cour
28. C'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la clause litigieuse, que son ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu qu'elle ne portait pas sur les seules obligations solidaires, légales ou conventionnelles, mais sur la solidarité de manière générale, ce qui incluait les obligations solidaires et in solidum.
29. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol
Enoncé du moyen
30. La société Hôtel le Bristol fait grief à l'arrêt de dire que la MAF n'était tenue à garantie, au titre des condamnations prononcées à l'encontre de M. [W], que dans la limite d'un plafond de garantie unique de 3 048 908,34 euros pour l'ensemble des dommages qui lui sont imputables, alors « que selon les constatations de l'arrêt, l'article 1 des conditions générales de la police de la MAF stipule que les parties conviennent "que ne constituent qu'un seul et même sinistre les faits comportant dommages, même se produisant dans des édifices séparés, s'ils se rattachent à une même origine ou une même cause technique sous la condition que l'opération dirigée par l'architecte assuré soit faite pour le même client en application d'un même programme et soit exécutée par un même entrepreneur nanti d'un marché s'appliquant à l'ensemble des édifices susdits" ; qu'en estimant que la cause technique des dommages allégués est dans les deux cas la même, à savoir le manquement de l'architecte à ses obligations contractuelles, quand le manquement de l'architecte à ses obligations contractuelles ne peut pas constituer la cause technique du dommage, la Cour a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, méconnu la loi des parties et violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
31. La cour d'appel a constaté que selon les stipulations des conditions générales de la police souscrite par M. [W] auprès de la MAF, « ne constituent qu'un seul et même sinistre les faits comportant dommages, même se produisant dans des édifices séparés, s'ils se rattachent à une même origine ou une même cause technique sous la condition que l'opération dirigée par l'architecte assuré soit faite pour le même client en application d'un même programme et soit exécutée par un même entrepreneur nanti d'un marché s'appliquant à l'ensemble des édifices susdits ».
32. Par une interprétation souveraine, rendue nécessaire par l'ambiguïté des termes du contrat, la cour d'appel a retenu que les dommages qui trouvaient leur origine dans une mission unique de maîtrise d'oeuvre confiée par un même client, en application d'un même programme et qui avaient pour cause le manquement de l'architecte à ses obligations contractuelles, constituaient, au sens du contrat, un même sinistre pour l'application du plafond de garantie.
33. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol
Enoncé du moyen
34. La société Hôtel le Bristol fait grief à l'arrêt de dire la société AXA tenue à garantie, au titre de la responsabilité de la société COBATECO, dans la limite d'un plafond de garantie unique de 343 575 euros pour l'ensemble des dommages qui lui sont imputables, alors « que selon les constatations de l'arrêt, l'article 33.25 des conditions générales de la police de la compagnie AXA France IARD définit le sinistre comme "toutes conséquences dommageables pouvant mettre en jeu une ou plusieurs garanties du présent contrat", et que "constitue un seul et même sinistre l'ensemble des dommages résultant d'une même cause technique initiale : le sinistre est alors imputé à l'année d'assurance au cours de laquelle le premier dommage est survenu" ; qu'en estimant que c'est à bon droit que la compagnie AXA France, à l'instar de la MAF, soutient que le plafond de garantie fixé par sa police constitue la limite de l'indemnisation due au profit de la société COBATECO au titre de l'ensemble des désordres objet du litige, ayant une même cause génératrice, à savoir le manquement du bureau d'études à ses obligations contractuelles, quand le manquement du bureau d'études à ses obligations contractuelles ne peut pas constituer la cause technique du désordre, la Cour a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, méconnu la loi des parties et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
35. La cour d'appel a constaté que selon les stipulations des conditions générales de la police souscrite par la société COBATECO auprès de la société AXA, « constitue un seul et même sinistre l'ensemble des dommages résultant d'une même cause technique initiale : le sinistre est alors imputé à l'année d'assurance au cours de laquelle le premier dommage est survenu ».
36. Par une interprétation souveraine, rendue nécessaire par l'ambiguïté des termes du contrat, la cour d'appel a retenu que les désordres qui avaient pour même cause génératrice le manquement du bureau d'études à ses obligations contractuelles, constituaient, au sens du contrat, un même sinistre pour l'application du plafond de garantie.
37. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le quatrième moyen du pourvoi incident de M. [W] et sur les moyens du pourvoi incident de la MAF, réunis
Enoncé du moyen
38. Par son quatrième moyen, M. [W] fait grief à l'arrêt de le condamner au profit de la société Hôtel le Bristol in solidum avec la MAF et la société AXA aux dépens et au paiement de la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le contrat de maîtrise d'oeuvre liant M. [W] à la société Hôtel Le Bristol stipulait que "l'architecte assume la responsabilité de l'opération dans le cadre de la mission ci-dessus, tant sur le plan des études que sur celui de la direction des travaux, conformément aux lois et règlements en vigueur et notamment aux articles 1792 et 2270 du code civil et, ce, dans la seule mesure de ses fautes personnelles éventuelles et sans aucune solidarité", qu'une telle clause inclut les obligations solidaire et in solidum et qu'elle s'applique dans le cadre des relations entre le maître de l'ouvrage et l'architecte ; qu'il s'ensuivait nécessairement que de la même manière que, comme l'a retenu la cour d'appel, l'architecte ne pouvait être tenu responsable que de la part de responsabilité résultant de ses manquements, il ne pouvait se voir mettre à charge l'ensemble des frais et dépens pour une fraction dépassant la part que les juges ont imputé au titre de la contribution à la dette ; qu'ainsi, faute d'avoir limité à 15 % le montant des dépens et frais irrépétibles auquel M. [W] a été condamné, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en tout état de cause, l'obligation au paiement d'une somme d'argent n'est pas, par elle-même, indivisible ; qu'en prononçant une condamnation in solidum au titre des dépens et des frais non compris dans les dépens, la cour d'appel a violé l'article 1320, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles 696 et 700 du code de procédure civile. »
39. Par son premier moyen, la MAF fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. [W] et la société AXA, aux dépens de première instance et d'appel, dont les frais d'expertise à hauteur de 244 326 euros et de répartir la charge de cette dette, alors « que le juge est tenu de respecter les stipulations contractuelles excluant les conséquences de la responsabilité solidaire d'un constructeur à raison des dommages imputables à d'autres intervenants ; qu'en condamnant la MAF et M. [W], in solidum avec d'autres parties, à supporter les entiers dépens de l'instance, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
40. Par son second moyen, la MAF fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec M. [W] et la société AXA, à payer à la société Hôtel le Bristol la somme de 100 000 euros au titre des frais irrépétibles et de répartir la charge de cette dette, alors « que le juge est tenu de respecter les stipulations contractuelles excluant les conséquences de la responsabilité solidaire d'un constructeur à raison des dommages imputables à d'autres intervenants ; qu'en condamnant la MAF et M. [W], in solidum et d'autres parties, à payer à la société Hôtel Le Bristol la somme de 100 000 euros au titre des frais irrépétibles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
41. La répartition des dépens entre les parties qui succombent sur quelques chefs de leurs prétentions de même que l'application de l'article 700 du code de procédure civile relèvent du pouvoir discrétionnaire des juges du fond. Les conventions particulières des parties ne peuvent porter atteinte à ce pouvoir.
42. Dès lors que les juges peuvent mettre à la charge de plusieurs parties les mêmes frais, ils peuvent prononcer, de ce chef, une condamnation in solidum.
43. C'est dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire que la cour d'appel a condamné in solidum certaines parties succombantes aux dépens et à verser des indemnités au titre des frais non compris dans les dépens.
44. Les moyens ne sont donc pas fondés.
Mais sur le neuvième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol
Enoncé du moyen
45. La société Hôtel le Bristol fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre du poste A11 (escaliers), alors « que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en statuant ainsi, s'agissant des escaliers des 1er et 2ème sous-sols et du 1er sous-sol et rez-de-chaussée, et des escaliers d'honneurs des 6ème et 7ème étage, pour lesquels elle avait retenu la responsabilité de M. [W] et de la société Est constructions, motif pris qu'aucun élément de l'expertise et du dossier de la société Hotel le Bristol ne permettait de ventiler la somme retenue par l'expert et de l'imputer à l'un ou l'autre des désordres, quand il lui appartenait d'interroger l'expert ou de prescrire une autre expertise dès lors qu'elle estimait que le rapport était insuffisant, la cour d'appel a derechef violé l'article 4 du code civil, ensemble l'article 245 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
46. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il a constaté l'existence en son principe.
47. Pour rejeter la demande formée du chef des escaliers (poste A11), l'arrêt retient que les responsabilités sont distinctes et qu'aucun élément de l'expertise et du dossier du maître de l'ouvrage ne permet de ventiler la somme évaluée par l'expert entre les différents travaux de reprise des escaliers.
48. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que M. [W] et la société Est constructions étaient responsables de la non-conformité de certains escaliers, la cour d'appel, qui a refusé d'évaluer un préjudice dont elle avait constaté l'existence en son principe, a violé le texte susvisé.
Sur le treizième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol
Enoncé du moyen
49. La société Hôtel le Bristol fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. [W] et son assureur au titre des préjudices financiers liés au retard du chantier à la somme de 68 071,77 euros HT, de limiter la condamnation in solidum des sociétés COBATECO et Est constructions à la somme de 158 834,13 euros HT, de limiter la condamnation de la société AXA à la somme de 158 834,13 euros HT, de limiter la créance de la société Hôtel Le Bristol au passif de la société COBATECO à la somme de 158 834,13 euros HT et de limiter sa créance au passif de la société Est constructions à la somme de 158 834,13 euros HT, alors « que la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre des sixième à douzième moyens de cassation entraînera la cassation du chef de dispositif attaqué, par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
50. Selon ce texte, la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
51. La cassation des chefs de dispositif rejetant les demandes au titre du poste A11 (escaliers), ne s'étend pas au rejet de la demande formée de ce chef contre la société Est constructions ni à la limitation des sommes mises à la charge des sociétés Est constructions et COBATECO au titre des frais liés au retard, dès lors que la société Hôtel le Bristol est déchue de son pourvoi contre ces sociétés.
52. Elle s'étend, en revanche, aux dispositions de l'arrêt qui limitent la condamnation de M. [W] sous la garantie de la MAF au titre des préjudices financiers liés au retard du chantier à la somme de 68 071,77 euros HT et limitent la condamnation de la société AXA à la somme de 158 834,13 euros HT, dès lors que ces dispositions se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire. En effet, les indemnités dues au maître de l'ouvrage ont été en partie calculées par la cour d'appel proportionnellement au montant des travaux de reprise.
Sur le quatorzième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol
Enoncé du moyen
53. La société Hôtel le Bristol fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de sa demande indemnitaire dirigée contre la société TPF ingénierie au titre des surcoûts des travaux, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour a constaté que la responsabilité des sociétés Beterem, bureau d'études techniques, et Bureau Veritas à l'origine des "surcoûts de travaux" était mineure ; qu'en retenant par ailleurs qu'il n'était pas établi que la société Beterem, bureau d'études techniques, et la société Bureau Veritas, contrôleur technique "soient responsables, même partiellement, du retard pris par les travaux", quand le retard du chantier était dû aux désordres relevés dont certains (A1, 12 et A4) en partie imputables à la société Beterem selon les constatations de l'arrêt, la Cour s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
65. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.
54. Après avoir retenu que le retard du chantier était dû, notamment, aux travaux préparatoires et de reprise du gros oeuvre et des corps d'état secondaires et que la société Beterem était responsable d'une partie des désordres ayant rendu nécessaires ces travaux, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que cette société, dont la responsabilité à l'origine des surcoûts de travaux est mineure, soit responsable, même partiellement, du retard pris par les travaux.
55. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident de M. [W], en ce qu'il concerne l'implantation des gaines chauffage, ventilation, climatisation et désenfumage (CVCD B2)
Enoncé du moyen
56. M. [W] fait grief à l'arrêt, concernant les surcoûts liés à l'implantation des gaines CVCD (B2), de dire qu'il est tenu à réparation et de le condamner à verser à la société Hôtel le Bristol la somme de 253 487,35 euros, alors « qu'il appartient au créancier contractuel de démontrer que le dommage est imputable à son débiteur ; qu'il revenait au maître de l'ouvrage d'établir que l'implantation des gaines CVCD en méconnaissance des servitudes affectant l'immeuble était imputable à M. [W], ainsi qu'il le soutenait ; qu'en considérant qu'il appartenait pourtant à ce dernier de prouver que l'implantation des gaines litigieuses dans la cour avait été entreprise après la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre liant la société Hôtel Le Bristol à M. [W], la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en méconnaissance de l'article 1315, devenu 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, alinéa 1, devenu 1353, alinéa 1, du code civil :
57. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
58. Pour condamner l'architecte à payer une certaine somme incluant le coût du déplacement des gaines CVCD, l'arrêt retient que, si la lettre de l'architecte qui a succédé à M. [W] laisse entendre que l'implantation des gaines dans la cour commune a été entreprise postérieurement à la résiliation du contrat de ce dernier, M. [W] ne démontre pas que cette implantation n'était pas déjà prévue auparavant par la société Beterem, dont l'architecte ne pouvait valider le projet en méconnaissance du traité de cour commune.
59. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait au maître de l'ouvrage de démontrer que l'implantation des gaines en violation des règles d'occupation de la cour commune procédait d'un manquement de l'architecte à ses obligations de conception, vérification ou surveillance, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il concerne le plan de prévention des risques d'inondation, et le troisième moyen du pourvoi incident de M. [W], réunis
Enoncé du moyen
60. Par son deuxième moyen, M. [W] fait grief à l'arrêt, concernant les surcoûts liés au respect du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de [Localité 10] (A6) et de le condamner à verser à la société Hôtel le Bristol la somme de 253 487,35 euros, alors « que le coût de travaux nécessaires au respect de la réglementation en vigueur ne constitue pas un préjudice indemnisable, sauf à prouver que leur réalisation tardive a entrainé un surcoût pour le maître de l'ouvrage ; que M. [W] soutenait que les travaux litigieux, permettant la mise en conformité aux exigences du PPRI des travaux effectuées, consistant en la mise en sécurité des installations techniques, que le maître de l'ouvrage a souhaité initialement placer dans les sous-sols inondables, aurait en tout état de cause dû être engagés ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
61. Par son troisième moyen, M. [W] fait grief à l'arrêt, concernant le respect de la réglementation des établissements recevant du public (ERP B10), de dire qu'il est tenu à réparation, de fixer sa responsabilité à 80 % et de le condamner à verser à la société Hôtel le Bristol la somme de 12 244,80 euros HT, alors « que le coût de travaux nécessaires au respect de la réglementation en vigueur ne constitue pas un préjudice indemnisable, sauf à prouver que leur réalisation tardive a entrainé un surcoût pour le maître de l'ouvrage ; que M. [W] soutenait que la nécessité de modifier le sens d'ouverture de la porte cochère afin d'assurer le respect de la réglementation relative aux établissements recevant du public (ERP) s'imposait en tout état de cause et que son coût incombait au maître de l'ouvrage ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
62. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.
63. Pour condamner l'architecte à payer au maître de l'ouvrage une certaine somme au titre de la mise en conformité de l'ouvrage au plan de prévention des risques d'inondation, l'arrêt retient que le maître d'oeuvre est tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne l'application de la réglementation et qu'il appartenait expressément à M. [W], selon son contrat, d'examiner les servitudes et contraintes de toutes sortes affectant l'immeuble. Il ajoute que la responsabilité du maître de l'ouvrage ne peut être mise en cause car l'architecte ne justifie pas avoir réclamé la communication de l'avis du contrôleur technique mentionnant le choix à opérer quant à l'inondabilité du sous-sol et avoir ensuite renseigné le maître de l'ouvrage des conséquences de l'un ou l'autre choix ni avoir veillé, dans un cas comme dans l'autre, au respect du plan de prévention des risques d'inondation par le bureau d'études chargé des lots techniques.
64. Et pour condamner l'architecte à payer au maître de l'ouvrage une certaine somme au titre de la mise en conformité de la porte cochère avec la réglementation des établissements recevant du public, l'arrêt retient que M. [W] était tenu d'une obligation de résultat quant au respect de la réglementation et que, quand bien même la porte préexistait aux travaux d'extension et s'ouvrait alors vers l'intérieur, elle devait s'ouvrir vers l'extérieur dès lors qu'elle devenait une issue de secours.
65. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'architecte, qui soutenait que, même si les travaux avaient été prévus dès l'origine, le surcoût aurait été assumé par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
66. La cassation de la disposition condamnant M. [W] au titre de la porte cochère s'étend à la condamnation prononcée du même chef contre la société Bureau Veritas construction, en ce qu'elle est diminuée de la part incombant à l'architecte.
Mise hors de cause
67. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la SMABTP et la société Vialatte ingénierie, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal ni sur les pourvois incidents éventuels de la société TPF ingénierie et de M. [W], la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi principal de la société Hôtel le Bristol en tant qu'il est dirigé contre les sociétés Est constructions et Construction bâtiment études et conception (COBATECO) ;
DECLARE irrecevables les pourvois incidents de M. [W] et de la Mutuelle des architectes français en ce qu'ils sont dirigés contre les sociétés Est constructions et Construction bâtiment études et conception (COBATECO) ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- déboute la société Hôtel le Bristol de toute demande relative aux surcoûts dus aux désordres ayant affecté les escaliers ;
- limite la condamnation de M. [W] sous la garantie de la MAF au titre des préjudices financiers liés au retard du chantier à la somme de 68 071,77 euros HT ;
- limite la condamnation de la société AXA France IARD au titre des préjudices financiers liés au retard du chantier à la somme de 158 834,13 euros HT ;
- rejette les demandes formées contre la société TPF ingénierie au titre des préjudices financiers liés au retard de chantier ;
- condamne M. [W], sous la garantie de la Mutuelle des architectes français, à payer à la société Hôtel le Bristol la somme de 253 487,35 euros HT en indemnisation des surcoûts liés au non-respect du PPRI de [Localité 10] et de l'implantation de gaines CVCD dans une cour commune ;
- dit M. [W] tenu à indemnisation au profit de la société Hôtel le Bristol au titre du désordre affectant la porte cochère, et fixe le partage de responsabilité entre M. [W] et la Mutuelle des architectes français d'une part et la société Bureau Veritas construction sous la garantie de la société QBE d'autre part ;
- condamne M. [W], sous la garantie de la Mutuelle des architectes français, à, celle-ci dans les limites contractuelles de sa police, payer à la société Hôtel le Bristol, la somme de 12 244,80 euros HT au titre de la porte cochère ;
- limite la condamnation de la société Bureau Veritas construction, sous la garantie de la société QBE Europe SA/NV, à payer à la société Hôtel le Bristol la somme de 3 061,20 euros HT au titre de la porte-cochère ;
- dit les recours de M. [W], et de la société Bureau Veritas construction, entre eux, sans objet au titre de la porte-cochère ;
l'arrêt rendu le 2 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Met hors de cause la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et la société Vialatte ingénierie ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635843.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 348 FS-B
Pourvoi n° N 22-15.946
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
La société La Mangeoire, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 22-15.946 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 1], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société La Mangeoire, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune de [Localité 1], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. David, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 15 mars 2022) et les productions, pour loger son personnel, la société La Mangeoire, exploitant un commerce de piano-bar-restaurant, a conclu, avec la commune de [Localité 4], devenue la commune de [Localité 1], propriétaire d'un immeuble dans lequel avait été exploité un hôtel, successivement sept conventions qualifiées de « convention d'occupation précaire », la première du 9 novembre 2009, à effet du 15 novembre 2009 au 15 mai 2010, la dernière à effet du 1er novembre 2014 ayant pour terme le 31 octobre 2015.
2. Le 5 octobre 2015, la commune (la bailleresse) a adressé à la société La Mangeoire (la locataire) un projet de « bail de location saisonnière » pour l'année 2016, stipulant une durée de sept mois à l'issue de laquelle le preneur devra quitter les lieux.
3. La locataire restée, sans interruption, en possession des lieux depuis la date d'effet de la première convention, a, le 26 mai 2016, assigné la bailleresse, revendiquant l'existence d'un bail commercial et l'application du statut des baux commerciaux.
4. A titre reconventionnel, la bailleresse a sollicité son expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La locataire fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, d'ordonner son expulsion et de fixer une indemnité d'occupation, alors « que le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la conclusion du dernier contrat, conclu entre les parties, dont la requalification est demandée ; qu'en jugeant que le délai de prescription de l'action en requalification formée par la société La Mangeoire avait commencé à courir à la date à laquelle les parties avaient conclu leur premier contrat de bail, soit le 9 novembre 2009, et non à la date à laquelle avait été conclue la dernière convention en vertu de laquelle le local était mis à disposition du preneur, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L.145-60 du code de commerce :
6. Selon ce texte, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
7. Le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.
8. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de requalification de la convention en bail commercial, l'arrêt énonce, d'abord, que le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion de la convention initiale, y compris en cas de reconduction tacite ou de renouvellement par avenants successifs et qu'une telle solution s'impose également en cas de renouvellement par conclusion d'un nouveau contrat similaire.
9. Relevant, ensuite, que depuis la signature de la première convention en 2009, la relation contractuelle a été renouvelée dans les mêmes conditions, entre les mêmes parties et pour les mêmes locaux, la locataire n'ayant jamais quitté les lieux ni rendu les clefs à l'expiration de chaque période renouvelée pour la même période, il en déduit que le délai de prescription de l'action a commencé à courir à compter du 9 novembre 2009, date de conclusion du premier contrat entre les parties.
10. En statuant ainsi, alors que la locataire demandait la requalification du dernier contrat conclu entre les parties, en sorte que le point de départ de la prescription de son action courait à compter du 1er novembre 2014, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la commune de [Localité 1] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de [Localité 1] et la condamne à payer 3 000 euros à la société La Mangeoire.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635841.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 347 FS-B
Pourvoi n° S 21-23.007
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
La société Jungle Park, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], a formé le pourvoi n° S 21-23.007 contre l'arrêt rendu le 29 juillet 2021 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant au Groupement forestier de [X], dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Jungle Park, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du Groupement forestier de [X], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 juillet 2021), le 14 juin 2004, l'indivision de [V] [X], aux droits de laquelle est venu le Groupement forestier de [X] (le groupement forestier), a consenti à la société Jungle Park (la société) un « bail commercial de courte durée ». Le 1er mai 2006, a été conclu un nouveau bail ayant pour terme le 30 septembre 2006.
2. A l'échéance du contrat, la société est restée dans les lieux et a été laissée en possession, le groupement forestier émettant des quittances de loyer jusqu'au 31 décembre 2016, date à partir de laquelle il a facturé des indemnités d'occupation.
3. Le 19 avril 2017, la société a assigné le groupement forestier en constatation de l'existence d'un bail soumis au statut des baux commerciaux né du fait de son maintien en possession à l'issue du bail dérogatoire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
Mais sur le moyen relevé d'office
5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 :
6. Il résulte de ce texte que si, à l'expiration du bail dérogatoire conclu pour une durée au plus égale à deux ans le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.
7. Pour déclarer prescrite l'action de la société, l'arrêt retient que l'action en constatation de l'existence d'un bail soumis au statut des baux commerciaux est soumise aux dispositions de l'article 2224 du code civil et que, le premier bail ayant été signé le 14 juin 2004, la société aurait dû agir au plus tard dans un délai de cinq ans, soit le 14 juin 2009.
8. En statuant ainsi, alors que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail commercial statutaire, né du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à prescription, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande du Groupement forestier de [X] de communication sous astreinte des bilans comptables certifiés des dix dernières années mentionnant le chiffre d'affaire annuel, l'arrêt rendu le 29 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne le Groupement forestier de [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Groupement forestier de [X] et le condamne à payer à la société Jungle Park la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635845.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 349 FS-B
Pourvoi n° Y 21-25.083
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
1°/ Mme [Z] [Y], domiciliée [Adresse 2], [Localité 3],
2°/ la société [Y], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3],
ont formé le pourvoi n° Y 21-25.083 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige les opposant à M. [N] [C], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [Y], et de la société [Y], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [C], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 9 novembre 2021), M. et Mme [W] ont donné à bail rural à Mme [Y] deux parcelles en nature de terres qui ont été mises à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Y] (l'EARL).
2. Le 21 décembre 2015, M. et Mme [W] ont vendu ces parcelles à M. [C], neveu de M. [W], qui, les 2 et 4 mai 2016, a délivré congé aux fins de reprise au 10 novembre 2017.
3. Le 9 juin 2016, Mme [Y] et l'EARL ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de ce congé.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme [Y] et l'EARL font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'annulation du congé et de le valider à effet au 15 février 2021, alors :
« 1°/ que le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe ; qu'en se bornant à affirmer qu'à la distance de 14,9 km, l'habitation du repreneur est encore suffisamment proche des fonds considérés pour en permettre l'exploitation directe, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne s'agissait pas d'une exploitation laitière nécessitant une présence constante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que l'état de la réglementation des structures applicable à la reprise doit être apprécié à la date à laquelle le congé doit prendre effet ; qu'il relève du régime de l'autorisation ou de la déclaration, l'auteur de la reprise doit donc être en conformité avec le contrôle des structures au plus tard à la date d'effet du congé ; qu'en énonçant que la date d'effet du congé - le 15 février 2021 - est antérieure aux débats devant la cour, mais que le bénéficiaire de la reprise ne pourra mettre en valeur les biens qu'après validation du congé par la cour et après le départ du fermier en place, qu'il en résulte que M. [N] [C] n'est pas tenu, à ce stade et dans le cadre de la présente instance, de justifier avoir d'ores et déjà effectué la déclaration préalable prévue par les dispositions susvisées, quand l'auteur de la reprise du bien loué devait être en conformité avec le contrôle des structures au plus tard à la date d'effet du congé, soit le 15 février 2021, et justifier du dépôt de la déclaration, la cour d'appel a violé les articles L. 331-2 et R. 331-7 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
4. D'une part, la cour d'appel a souverainement retenu, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que l'habitation du repreneur située à 14,9 kilomètres des biens repris était suffisamment proche des fonds considérés pour en permettre l'exploitation directe.
5. D'autre part, selon l'article R. 331-7 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-713 du 22 juin 2015, la déclaration mentionnée à l'article L. 331-2, II, du même code doit être préalable à la mise en valeur des biens.
6. Il résulte de ce texte que le bénéficiaire d'un droit de reprise n'est pas tenu de justifier du dépôt de cette déclaration dès la date d'effet du congé, mais seulement avant de mettre en valeur les biens.
7. La cour d'appel, a relevé que l'opération envisagée était soumise au régime dérogatoire de la déclaration préalable bénéficiant à la reprise des biens de famille prévu par l'article L. 331-2, II, du code rural et de la pêche maritime et, a constaté, que si la date d'effet du congé, le 15 février 2021, était antérieure aux débats devant elle, le bénéficiaire de la reprise ne pourrait mettre en valeur les biens qu'après validation de ce congé et départ du fermier en place.
8. Elle en a déduit, à bon droit, que M. [C] n'était pas tenu de justifier, dans le cadre de l'instance en validation du congé, d'avoir effectué la déclaration préalable mentionnée à l'article L. 331-2, II, précité.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y] et l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Y] et l'exploitation agricole à responsabilité
limitée [Y] et les condamne in solidum à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635850.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 352 FS-B
Pourvoi n° F 22-13.410
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
1°/ la société MMA IARD, société anonyme,
2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° F 22-13.410 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [T] [Y],
2°/ à Mme [G] [N],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [Y] et de Mme [N], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er décembre 2021), M. [Y] et Mme [N] ont souscrit auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA) une assurance dommages-ouvrage pour la construction d'un immeuble d'habitation, dont la réception tacite est intervenue le 8 septembre 2003.
2. Le 24 juin 2013, M. [Y] et Mme [N] ont déclaré divers désordres à l'assureur dommages-ouvrage qui, après un rapport préliminaire du 14 août 2013, complété par un second rapport du 3 février 2014, a formulé, le 5 février 2014, une proposition d'indemnisation partielle.
3. M. [Y] et Mme [N] ont, après expertise, assigné l'assureur en réparation de leurs entiers préjudices. Les sociétés MMA leur ont, notamment, opposé l'exception de subrogation de l'article L. 112-12, alinéa 2, du code des assurances, au motif qu'ils avaient contracté avec une autre entreprise que celle initialement désignée, sans vérifier que celle-ci avait souscrit une assurance de responsabilité décennale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les condamner à payer diverses sommes à M. [Y] et Mme [N] en indemnisation de leurs préjudices matériels et immatériels, alors « que lorsque la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur dommages-ouvrage, celui-ci peut être déchargé en tout ou partie de sa responsabilité à l'égard de l'assuré ; que la cour d'appel a retenu, par ses motifs propres, qu'en l'état d'une garantie dommage-ouvrage qui expirait le 30 juin 2013, les consorts [Y]-[N] ayant déclaré leur sinistre avant l'expiration de ladite garantie, soit le 13 juin 2013, les MMA ne démontraient pas que le maître d'ouvrage avait laissé s'éteindre ses actions en responsabilité contre l'entreprise [L] pour la pose du carrelage, la disparition de cette entreprise n'étant pas du fait des consorts [Y]-[N] et n'empêchant pas le recours subrogatoire des assureurs, et aux motifs adoptés des premiers juges, que les MMA s'étaient abstenues d'appeler en la cause l'assureur de M. [L], à savoir la MAAF ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était conviée par les conclusions d'appel des MMA, sur la circonstance que l'entreprise [L] n'avait pas souscrit d'assurance de responsabilité décennale auprès de la MAAF, et sans rechercher si le fait, pour les consorts [Y]-[N], d'avoir omis de vérifier si cette entreprise avait dûment souscrit une assurance de responsabilité décennale, et/ou d'avoir omis d'indiquer aux MMA, que cette entreprise n'en avait pas contracté, ne constituait pas une faute des assurés ayant privé les MMA de la possibilité d'exercer leur recours subrogatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-12 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, qui a relevé que le maître de l'ouvrage avait déclaré le sinistre à l'assureur dommages-ouvrage le 24 juin 2013, soit avant l'expiration du délai de dix ans ayant couru à compter de la date de réception tacite du 8 septembre 2003, a constaté que le rapport préliminaire de l'assureur dommages-ouvrage, remis le 14 août 2013, avait été suivi d'un second rapport du 3 février 2014 et d'une proposition d'indemnisation du 5 février 2014.
6. Ayant ainsi fait ressortir que, le délai de garantie décennale étant alors expiré, l'impossibilité du recours subrogatoire était due aux seuls délais d'instruction de la déclaration de sinistre prévus à l'article L. 242-1 du code des assurances, elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à d'autres recherches, que les assureurs ne démontraient pas avoir été privés de leur recours subrogatoire du fait des assurés.
7. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les condamner à payer diverses sommes à M. [Y] et Mme [N] en indemnisation de leurs préjudices matériels et immatériels, alors :
« 1°/ que la mise en oeuvre de la garantie décennale exige que l'impropriété à destination ou l'atteinte à la solidité de l'ouvrage survienne avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans dont le point de départ est la date de réception de l'ouvrage ; que la cour d'appel ayant constaté que la réception de l'immeuble des consorts [Y]-[N] était intervenue le 8 septembre 2003 et que l'expert judiciaire avait constaté que le carrelage du rez-de-chaussée était fissuré cassé en différents endroits, a, pour retenir la garantie décennale des MMA, déclaré aux motifs adoptés des premiers juges que l'expert judiciaire avait indiqué que ce désordre était intrinsèque à la construction existant depuis la date de réalisation de l'ouvrage pour être imputable à la chape mal exécutée ; qu'en statuant ainsi, cependant que le rapport d'expertise judiciaire, sollicité par une demande en justice des consorts [Y]-[N] du 15 juillet 2014, avait été déposé le 4 juillet 2016, et sans constater que les fissures et bris du carrelage du rez-de-chaussée étaient survenus dans le délai décennal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil ;
2°/ que le désordre évolutif est celui qui, né après l'expiration du délai décennal, trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil a été dénoncé avant l'expiration du délai de garantie décennale ; que la cour d'appel a retenu que la chape ayant servi de support à la pose du carrelage était identique au 1er étage et au rez-de-chaussée, la maigreur de cette chape causant les mêmes effets (fissures et casse des carreaux), et tant par ses motifs propres qu'aux motifs adoptés des premiers juges, que devait être traité de même manière le désordre affectant le carrelage du rez-de-chaussée, survenu après expiration du délai de dix ans, et le désordre affectant le 1er étage apparu avant expiration de ce délai, au regard de la "jurisprudence opposée en matière de corbeaux d'un immeuble qui avait opéré une distinction entre ceux affectés d'un désordre avant le délai décennal et d'autres plus de dix ans après" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses constatations que les désordres affectant la chape du rez-de-chaussée et celle du 1er étage affectaient deux ouvrages distincts et indépendants, la cour d'appel a violé les articles 1792 et suivants du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel, qui a constaté que le désordre affectant le carrelage fissuré et cassé du premier étage avait été pris en charge par l'assureur dommages-ouvrage, a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'expertise diligentée par celui-ci avait conclu que deux carreaux sur trois du carrelage du rez-de-chaussée sonnaient creux et que l'expert judiciaire avait imputé ces désordres à un même défaut d'exécution lié au délitement de la chape résultant d'un insuffisant dosage de la colle et au passage de fourreaux dans la chape de support sans chape de ravoirage.
10. Ayant souverainement retenu que les pathologies affectant le carrelage du rez-de-chaussée étaient identiques à celles du premier étage, ce dont il résultait que les désordres constatés par l'expert affectant le carrelage du rez-de-chaussée trouvaient leur siège dans un même ouvrage où un désordre identique avait été constaté avant l'expiration du délai de garantie décennale, elle en a exactement déduit que la garantie de l'assureur dommages-ouvrage au titre des désordres du carrelage du rez-de-chaussée était due.
11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Les sociétés MMA font le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la mise en oeuvre de la garantie décennale exige que l'impropriété à destination ou l'atteinte à la solidité de l'ouvrage survienne avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans dont le point de départ est la date de réception de l'ouvrage ; que sur l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée, la cour d'appel a déclaré aux motifs adoptés des premiers juges que l'expert attribuait les traces de moisissure s'y trouvant à une saturation d'humidité de la chape, l'eau remontant par capillarité dans les cloisons périphériques et sur les plaques non hydrofuges et que ce désordre rendait l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'en statuant ainsi, cependant que le rapport d'expertise judiciaire, sollicité par une demande en justice des consorts [Y]-[N] du 15 juillet 2014, avait été déposé le 4 juillet 2016, et sans constater que l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée et la moisissure étaient survenues dans le délai décennal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants du code civil ;
2°/ que le désordre évolutif est celui qui, né après l'expiration du délai décennal trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil a été dénoncé avant l'expiration du délai de garantie décennale ; que sur l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée, la cour d'appel a déclaré que ce problème constaté provenait d'une saturation d'humidité de la chape, l'eau remontant par capillarité dans les cloisons périphériques et sur les plaques non hydrofuges et "rel[evait] donc du désordre affectant la chape et la pose du carrelage dans l'ensemble de la maison" ; que cependant, il résulte du premier moyen que les constatations de la cour d'appel ne permettaient pas de situer l'apparition du désordre affectant le carrelage du rez-de-chaussée avant l'expiration du délai d'épreuve de dix ans et qu'il résultait en revanche de ses constatations que les désordres affectant le carrelage du rez-de-chaussée ne trouvaient pas leur siège dans les désordres affectant le carrelage du premier étage constatés dans le délai décennal ; que par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du premier moyen devra entraîner la cassation de l'arrêt en ce qu'il a considéré que le désordre résidant dans l'humidité en pied de cloison du WC du rez-de-chaussée revêtait une nature décennale. »
Réponse de la Cour
13. En premier lieu, ayant retenu le caractère décennal du désordre affectant tant le carrelage du premier étage que celui du rez-de-chaussée, résultant du délitement de la chape lié à un défaut d'exécution d'origine, celle-ci s'apparentant à un simple lit de sable, la cour d'appel a relevé que les traces de moisissures en pied de cloison des WC du rez-de-chaussée, constatées par l'expert, provenaient d'une saturation d'humidité de la chape, l'eau remontant par capillarité dans les cloisons périphériques et sur les plaques non hydrofuges.
14. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le phénomène d'humidité relevait du désordre affectant la chape et la pose du carrelage dans l'ensemble de la maison, dont elle avait retenu le caractère décennal pour avoir été constaté avant l'expiration du délai d'épreuve.
15. En second lieu, le grief de la seconde branche, tiré, par suite d'une erreur matérielle dans l'énoncé du moyen, d'une annulation par voie de conséquence d'une éventuelle cassation à intervenir sur le premier moyen, alors que la cassation invoquée ne pouvait être que celle à intervenir que sur le deuxième moyen, est devenu sans portée, la cassation n'étant pas prononcée sur celui-ci.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635852.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 354 FS-B
Pourvoi n° A 22-17.246
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
M. [C] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-17.246 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 13), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société du Cherche Midi, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Immobilière Herran, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [T], de la SCP Duhamel-Rameix- Gury-Maitre, avocat de la société civile immobilière du Cherche Midi, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2022), MM. [C], [V] et [B] [T] étaient associés à parts égales de la société civile immobilière du Cherche Midi (la SCI).
2. M. [C] [T] a été autorisé à se retirer de la SCI par un vote de l'assemblée générale des 11 et 18 octobre 2010, puis a obtenu la désignation d'un expert, conformément à l'article 1843-4 du code civil, lequel, aux termes d'un rapport rendu le 1er août 2014, a évalué ses droits sociaux à la somme de 177 333 euros.
3. Par acte d'huissier du 17 septembre 2014, M. [C] [T] a fait notifier à la SCI et à ses associés son intention, valant demande d'agrément, de céder ses parts à la société Immobilière Herran. Le 23 septembre 2014, la SCI lui a notifié son refus.
4. Le 17 octobre 2014, il a mis en demeure la SCI d'avoir à lui payer la somme correspondant à l'évaluation de l'expert.
5. Par acte sous seing privé du 24 avril 2015, il a cédé à la société Immobilière Herran les parts sociales qu'il détenait au sein de la SCI.
6. La SCI l'a assigné, ainsi que la société Immobilière Herran, en annulation de cette cession.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. M. [C] [T] fait grief à l'arrêt d'annuler la cession des parts qu'il détenait dans la SCI à la société Immobilière Herran et de rejeter, en conséquence, sa demande de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que les conventions légalement formées s'imposent tant au juge qu'aux parties ; qu'en annulant la cession du 24 avril 2015 conclue entre M. [C] [T] et la SARL Immobilière Herran aux motifs que cette cession, notifiée à la SCI du Cherche Midi le 21 mai 2015 soit quelques jours après l'expiration du délai de six mois sans que la société ou les associés ne formulent d'offre de rachat, ne pouvait se substituer dans ces conditions à l'opération de retrait entreprise, après pourtant avoir constaté que l'article 12 des statuts de la SCI du Cherche Midi prévoit que "si aucune offre d'achat n'est faite au cédant dans un délai de six mois à compter de la dernière des notifications, l'agrément à la cession est réputé acquis à moins que les autres associés ne décident, dans ce même délai, la dissolution anticipée de la société" et que l'opération de retrait était restée inachevée du fait même de la SCI du Cherche Midi et des autres associés, MM. [B] et [V] [T], la cour d'appel n'a pas tiré toutes les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1134, devenu 1103, du code civil;
2°/ que la nullité est la sanction d'un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité ; qu'en annulant la cession du 24 avril 2015 conclue entre M. [C] [T] et la SARL Immobilière Herran aux motifs que cette cession, notifiée à la SCI du Cherche Midi le 21 mai 2015 soit quelques jours après l'expiration du délai de six mois sans que la société ou les associés ne formulent d'offre de rachat, ne pouvait se substituer dans ces conditions à l'opération de retrait entreprise, sans expliciter quelle condition de validité la cession du 24 avril 2015 n'aurait pas remplie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1108 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel a retenu que M. [C] [T] s'était engagé dans une procédure de retrait avec rachat de ses parts, acceptée par la SCI, dont l'échec n'avait pas été constaté et qu'il lui incombait de mener à son terme.
9. Elle en a déduit, à bon droit, que la procédure de cession desdites parts à un tiers, initiée par M. [C] [T] en méconnaissance de la procédure de retrait en cours acceptée par la SCI, devait être annulée.
10. Dès lors, le moyen ne saurait être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 350 FS-B
Pourvoi n° U 22-12.870
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
Mme [Z] [H], domiciliée [Adresse 5], [Localité 6], a formé le pourvoi n° U 22-12.870 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Michel Goisset, [O] [C], Denis Gilibert et Alexandre Lonchamp, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], devenue la SCP Denis Gilibert, Alexandre Lonchampt et Maxime Favre, société liquidée et représentée par M. [K] [W], pris en sa qualité de mandataire ad hoc et désigné par la présidente de la chambre des notaires de Savoie,
2°/ à la société Notalac, société civile immobilière,
3°/ à la société Notalac, société d'exercice libéral à responsabilité limitée,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 2], [Localité 3],
4°/ à Mme [X] [N], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [H], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société SCP Denis Gilibert, Alexandre Lonchampt et Maxime Favre et de Mme [N], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Delbano conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 octobre 2021), par acte authentique du 31 janvier 2012 reçu par M. [C], notaire, Mme [D] (la venderesse) a vendu à Mme [H] et M. [F] un terrain à bâtir.
2. Selon le certificat d'urbanisme obtenu le 9 janvier 2012, ce terrain était classé en zone Ui du plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 15 juin 2006 et mis en révision le 29 avril 2008.
3. A la suite de la liquidation des biens consécutive à son divorce, Mme [H] est devenue seule propriétaire du bien.
4. Ayant découvert que le terrain était classé en zone AN et AH du PLU tel que modifié par décision du 27 janvier 2012, et comme tel devenu inconstructible, elle a assigné la venderesse en paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de délivrance conforme et inapplicabilité de la clause limitative de responsabilité prévue au contrat, ainsi que la société civile professionnelle notariale Michel Goisset, [O] [C], Denis Gilibert et Alexandre Longchampt, pour manquement à son devoir de conseil.
Examen des moyens
Sur les troisième à cinquième moyens et sur le sixième moyen, pris en sa première branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Mme [H] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la venderesse à son obligation de délivrance , alors « que le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme à celle prévue au contrat ; que lorsque la vente porte sur un terrain à bâtir et qu'avant la signature de celle-ci il est devenu insusceptible d'être bâti à la suite d'une décision du conseil municipal ayant modifié le plan local d'urbanisme, l'acheteur peut se prévaloir d'un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, peu important que les formalités de publicité de la décision du conseil municipal aient été réalisées après la conclusion de la vente ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme [H] avait, par acte authentique du 31 janvier 2012, acquis de Mme [D] un « terrain à bâtir » sur la commune de [Localité 6], alors que par délibération du conseil municipal du 27 janvier 2012 le terrain avait été classé en zone AN et AH du plan local d'urbanisme, ce qui le rendait largement inconstructible; qu'en jugeant, pour débouter Mme [H] de ses demandes fondées sur le manquement de Mme [D] à son obligation de délivrance conforme, que c'est à compter de la date du 9 février 2012 que le plan local d'urbanisme modifié était devenu opposable et entré en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil . »
Réponse de la Cour
7. Ayant relevé que l'objet de la vente était un terrain à bâtir, la cour d'appel a exactement retenu que, le transfert de propriété s'étant opéré lors de la signature de l'acte de vente, il convenait de se situer à la date du 31 janvier 2012 pour apprécier si la venderesse avait satisfait à son obligation de délivrance.
8. Ayant constaté que le PLU modifié, adopté par délibération du conseil municipal du 27 janvier 2012, avait été publié le 9 février 2012, elle a retenu à bon droit que cette date étant celle à laquelle il était entré en vigueur et devenu opposable, le bien vendu était un terrain à bâtir au jour de sa délivrance.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. Mme [H] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande contre le notaire en garantie de la condamnation prononcée contre la venderesse au titre du manquement à son obligation de délivrance conforme, alors « que la cassation s'étend à tous les chefs de dispositif qui sont unis par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que, pour rejeter la demande en garantie formée contre la SCP notariale, la cour d'appel a relevé que les demandes formées contre Mme [D] étant rejetées, la demande en garantie de cette dernière par le notaire était privée d'objet ; que par conséquent, la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, qui expose que c'est à tort que la demande contre Mme [D] a été rejetée, justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans portée.
Sur le sixième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. Mme [H] fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 4 250 euros la condamnation du notaire au paiement de dommages-intérêts, alors « que chaque indivisaire étant censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot ou à lui échus sur licitation et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de l'indivision ; qu'en décidant d'allouer à Mme [H] une somme de 4 250 euros accessoires à la vente et non de 7 477,35 euros comme elle le demandait, au motif inopérant que le terrain litigieux avait été acquis avec son mari en indivision à hauteur de 50% chacun et que Mme [H] n'établissait pas que, lors de la liquidation du régime matrimonial et du partage des biens indivis avec son époux elle aurait rétroactivement assumé l'intégralité des frais accessoires à la vente, cependant qu'il s'inférait de ses propres constatations que dans le cadre de la liquidation de biens consécutive au divorce, Mme [H] était devenue seule propriétaire du terrain litigieux par acte du 10 octobre 2013, la cour d'appel a violé l'article 883 du code civil, ensemble le principe de l'effet déclaratif du partage. »
Réponse de la Cour
13. L'effet déclaratif du partage ne fixant que la date à laquelle chaque copartageant acquiert rétroactivement la propriété de son lot, le moyen est inopérant, les frais de notaire réclamés par Mme [H] constituant une créance autonome extérieure à son lot.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CIV. 2 / EXPTS
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Annulation partielle
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 537 F-B
Recours n° D 22-60.190
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
M. [P] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le recours n° D 22-60.190 en annulation d'une décision rendue le 4 novembre 2022 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Rennes.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [V] a sollicité son inscription initiale sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Rennes dans les rubriques « interprétariat en langue arabe » (H-01.02.01) et « traduction en langue arabe » (H-02.01.01).
2. Par décision du 4 novembre 2022, contre laquelle M. [V] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande au motif qu'il ne justifiait pas d'une adresse dans son ressort.
Examen du grief
Exposé du grief
3. M. [V] fait valoir qu'il habite dans le ressort de la cour d'appel de Rennes (plus précisément dans la commune de [Localité 2]) comme il l'avait indiqué dans son dossier de candidature. Il ajoute que la lettre de notification du rejet lui a été adressée à son ancienne adresse postale en Côte d'Or, et lui a été transférée à [Localité 2], conformément au contrat longue durée de réexpédition souscrit en janvier 2023.
Réponse de la Cour
Vu l'article 2, 8°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 :
4. Selon ce texte, une personne physique ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d' experts, dans une rubrique autre que la traduction, que si elle exerce son activité professionnelle principale dans le ressort de cette cour ou, lorsqu'elle n'exerce plus d'activité professionnelle, elle y a sa résidence.
5. Il en résulte qu'aucune condition de domiciliation dans le ressort de la cour d'appel n'est exigée pour l'inscription dans la rubrique « traduction ».
6. M. [V] qui a indiqué dans son dossier de candidature être au chômage, ne pouvait se prévaloir que du lieu de situation de sa résidence personnelle dans une commune dépendant du ressort de la cour d'appel de Rennes pour sa candidature en tant qu'interprète.
7. Il n'a produit comme justificatif de domicile dans la commune de [Localité 2] qu'une seule facture d'énergie très récente et ne mentionnant que peu de consommation.
8. Pour rejeter les demandes de M. [V], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient au vu des pièces du dossier et notamment de l'enquête de police laissant apparaître que son nom ne figure pas à l'adresse indiquée dans son dossier de candidature, qu'il ne remplit pas la condition de domiciliation dans son ressort.
9. Si l'assemblée générale n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande d'inscription de M. [V] dans la rubrique « interprétariat en langue arabe » (H-01.02.01), elle a méconnu le texte visé en lui opposant cette absence de domiciliation dans le ressort de la cour d'appel pour rejeter sa demande d'inscription en « traduction en langue arabe » (H-02.01.01).
10. La décision de cette assemblée générale doit, dès lors, être annulée, mais seulement en ce qui concerne la demande d'inscription de M. [V] dans la rubrique « traduction en langue arabe » (H-02.01.01).
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE la décision de l' assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Rennes du 4 novembre 2022, en ce qu'elle a refusé l'inscription de M. [V] dans la rubrique « traduction en langue arabe » (H-02.01.01) ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CIV. 2 / EXPTS
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Annulation partielle
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 550 F-B
Recours n° X 22-60.184
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
M. [N] [U], domicilié [Adresse 2], [Localité 1], a formé le recours n° X 22-60.184 en annulation d'une décision rendue le 14 novembre 2022 par l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Bastia.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [U] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Bastia dans les rubriques « Architecture-Ingéniérie » (C-01.02), « Enduits » (C-01.08), « Génie civil » (C-01.10), « Gestion de projet et de chantier » (C-01.11), « Gros-oeuvre - Structure » (C-01.12) et « Toiture » (C-01.27).
2. Par décision du 14 novembre 2022, contre laquelle M. [U] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande.
Examen du grief
Exposé du grief
3. M. [U] fait valoir que le métier de contrôleur technique qu'il exerce depuis 1996 est régi par la norme NFP 03-100 dont le chapitre 3.2. précise que cette activité impose aux contrôleurs « indépendance vis-à-vis des personnes physiques ou morales exerçant une activité de conception, d'exécution ou d'expertise dans le domaine de la construction ». Il ajoute que la société APAVE, qui l'emploie, impose à l'ensemble de ses personnels un code éthique qui, notamment, veille à l'absence de conflit d'intérêt dans l'exercice de leur activité. Il indique encore que le fait d'être toujours en activité lui aurait seulement imposé, si sa demande d'inscription avait été accueillie, de signaler toute situation où son indépendance aurait pu être mise en doute, de la même façon que sont conduits à le faire les experts inscrits qui continuent d'exercer leurs professions d'architecte, d'entrepreneur ou de bureau d'étude, notamment. Il soutient enfin que l'activité de contrôleur technique ne saurait être traitée différemment de celle des autres acteurs de la construction précités.
Réponse de la Cour
Vu l'article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 :
4. Selon ce texte, une personne physique ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d'experts dressée par une cour d'appel que si elle n'exerce aucune activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise.
5. Pour rejeter la demande de M. [U], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient que l'activité qu'il exerce au sein de l'agence de Corse du bureau de contrôle APAVE SudEurope est incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise.
6. En statuant ainsi, alors que le fait d'être salarié d'une société de contrôle technique dans le domaine de la construction ne constitue pas, en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise dans les spécialités considérées, l'assemblée générale des magistrats du siège a méconnu le texte susvisé.
7. La décision de cette assemblée générale doit donc être annulée en ce qui concerne M. [U].
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Bastia du 14 novembre 2022, en ce qu'elle a refusé l'inscription de M. [U] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 301 FS-B
Pourvoi n° Z 22-11.541
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
1°/ la société TÜV Rheinland France (TRF), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 41],
2°/ la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH (TRLP), société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1081] (Allemagne), venant aux droits de la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH,
ont formé le pourvoi n° Z 22-11.541 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige les opposant :
1°/ à la société EMI Importação e Distribuição Ltda, dont le siège est [Adresse 556] (Brésil),
2°/ à la société J&D Aestheticals, dont le siège est [Adresse 1076] (Roumanie),
3°/ à la société J&D Medicals, dont le siège est [Adresse 1093] (Bulgarie),
4°/ à Mme [WAP] [CZ], domiciliée [Adresse 27] (Bulgarie),
5°/ à Mme Kalina [VMI], domiciliée [Adresse 956] (Bulgarie),
6°/ à Mme [NXJ] [CTD], domiciliée [Adresse 749] (Colombie),
7°/ à Mme [NXJ] [YKP], domiciliée [Adresse 562] (Colombie),
8°/ à Mme [APY] [SYC], domiciliée [Adresse 841] (Colombie),
9°/ à Mme [VJO] [VBV], domiciliée [Adresse 1211] (Colombie),
10°/ à Mme [IAX] [EGN] [N], domiciliée [Adresse 625] (Venezuela),
11°/ à Mme [DDN] [G], domiciliée [Adresse 1033] (Venezuela),
12°/ à Mme [DUX] [HCP], domiciliée [Adresse 612] (Venezuela),
13°/ à Mme [HUN] [JMV] [T], domiciliée [Adresse 577] (Venezuela),
14°/ à Mme [HYB] [EYA] [X], domiciliée [Adresse 272] (Venezuela),
15°/ à Mme [BNJ] [UXF] [A], domiciliée [Adresse 1020] (Venezuela),
16°/ à Mme [OG] [WCB] [Y], domiciliée [Adresse 1199] (Venezuela),
17°/ à Mme [DTA] [E], domiciliée [Adresse 324] (Venezuela),
18°/ à Mme [VV] [VY] [IC], domiciliée [Adresse 946] (Venezuela),
19°/ à Mme [YAM] [BLX] [CF], domiciliée [Adresse 269] (Venezuela),
20°/ à Mme [DDN] [BD] [DC], domiciliée [Adresse 172] (Venezuela),
21°/ à Mme [EYA] [WBD], domiciliée [Adresse 1156] (Venezuela),
22°/ à Mme [PTO] [BD] [JXA], domiciliée [Adresse 162] (Venezuela),
23°/ à Mme [VV] [VY] [BD] [PJE], domiciliée [Adresse 641] (Venezuela),
24°/ à Mme [HHR] [O] [MK], domiciliée [Adresse 823] (Venezuela),
25°/ à Mme [HDZ] [WF] [FY], domiciliée [Adresse 274] (Venezuela),
26°/ à Mme [BT] [VY] [FY] [IP], domiciliée [Adresse 1141] (Venezuela),
27°/ à Mme [VZM] [GO] [FY] [JXA], domiciliée [Adresse 1185] (Venezuela),
28°/ à Mme [BMO] [FO] [FY] [VGV], domiciliée [Adresse 1119] (Venezuela),
29°/ à Mme [LR] [GH] [GWN], domiciliée [Adresse 1098] (Venezuela),
30°/ à Mme [YZV] [KPU] [FY] [GRY], domiciliée [Adresse 428] (Venezuela),
31°/ à Mme Siuly [FD] [JOV], domiciliée [Adresse 1115] (Venezuela),
32°/ à Mme Mariana [ROJ], domiciliée [Adresse 547] (Venezuela),
33°/ à Mme [MV] [YF] [NHV], domiciliée [Adresse 1137] (Venezuela),
34°/ à Mme [NMP] [SP] [FN], domiciliée [Adresse 834] (Venezuela),
35°/ à Mme [DC] [OUR] [UB] [LAY], domiciliée [Adresse 1142] (Venezuela),
36°/ à Mme [LRU] [IJ], domiciliée [Adresse 196] (Venezuela),
37°/ à Mme [DC] [EYA] [XK], domiciliée [Adresse 175] (Venezuela),
38°/ à Mme [DDN] [NX], domiciliée [Adresse 1182] (Venezuela),
39°/ à Mme [OUR] [PN] [YR], domiciliée [Adresse 287] (Venezuela),
40°/ à Mme [EYA] [MVH], domiciliée [Adresse 243] (Venezuela),
41°/ à Mme [UBB] [IUA] [CUI], domiciliée [Adresse 32] (Venezuela),
42°/ à Mme [EYA] [GYE] [NIN], domiciliée [Adresse 1215] (Venezuela),
43°/ à Mme [RRF] [RS], domiciliée [Adresse 165] (Venezuela),
44°/ à Mme [SX] [JL], domiciliée [Adresse 239] (Venezuela),
45°/ à Mme [KB] [EYA] [ZO], domiciliée [Adresse 571] (Venezuela),
46°/ à Mme [WF] [STL] [FJ], domiciliée [Adresse 554] (Venezuela),
47°/ à Mme [SRL] [VN], domiciliée [Adresse 922] (Venezuela),
48°/ à Mme [EPL] [HHM] [OT] [JXA], domiciliée [Adresse 596] (Venezuela),
49°/ à Mme [FX] [YCD] [OT] [WYK], domiciliée [Adresse 606] (Venezuela),
50°/ à Mme [LLP] [SFU] [GL], domiciliée [Adresse 215] (Venezuela),
51°/ à Mme [MFA] [JH], domiciliée Urb. [Adresse 1078] (États-Unis),
52°/ à Mme [NMZ] [JJ] [HN], domiciliée [Adresse 1162] (Venezuela),
53°/ à Mme [AUL] [GA], domiciliée [Adresse 236] (Venezuela),
54°/ à Mme [CBM] [ERY] [NF], domiciliée [Adresse 622] (Venezuela),
55°/ à Mme [VZ] [PTO] [YX], domiciliée [Adresse 923] (Venezuela),
56°/ à Mme [BOL] [AA] [EB], domiciliée [Adresse 385] (Venezuela),
57°/ à Mme [DMW] Marina [XD] [OT], domiciliée [Adresse 1152] (Venezuela),
58°/ à Mme [LMS] [EGN] [VK], domiciliée [Adresse 835] (Venezuela),
59°/ à Mme [LVV] [BZ] [XV], domiciliée [Adresse 232] (Venezuela),
60°/ à Mme [TY] [GF] [TF], domiciliée [Adresse 230] (Venezuela),
61°/ à Mme [DC] [MYB] [LIR], domiciliée [Adresse 638] (Venezuela),
62°/ à Mme [BPD] [OY], domiciliée [Adresse 177] (Venezuela),
63°/ à Mme [XLM] [KYN] [VJ], domiciliée [Adresse 647] (Venezuela),
64°/ à Mme [EYA] [SXS] [NP], domiciliée [Adresse 506] (Venezuela),
65°/ à Mme [CB] [ZI] [EA], domiciliée [Adresse 1116] (Venezuela),
66°/ à Mme [ZLU] [BM], domiciliée [Adresse 1192] (Venezuela),
67°/ à Mme [ODV] [UYN] [YY], domiciliée [Adresse 224] (Venezuela),
68°/ à Mme [CYY] [MI], domiciliée [Adresse 1022] (Venezuela),
69°/ à Mme [TBA] [NG], domiciliée [Adresse 235] (Venezuela),
70°/ à Mme [PW] [LLF] [NG] [RB], domiciliée [Adresse 1148] (Venezuela),
71°/ à Mme [AOW] [BRM] [SN], domiciliée [Adresse 836] (Venezuela),
72°/ à Mme [IAX] [LUI] [FC], domiciliée [Adresse 1167] (Venezuela),
73°/ à Mme [STR] [JMV] [KK], domiciliée [Adresse 1172] (Venezuela),
74°/ à Mme [OJ] [HSG], domiciliée [Adresse 591] (Venezuela),
75°/ à Mme [BEL] [KO], domiciliée [Adresse 195] (Venezuela),
76°/ à Mme [EYA] [FCP] [CG], domiciliée [Adresse 950] (Venezuela),
77°/ à Mme [KXZ] [EGN] [JA], domiciliée [Adresse 253] (Venezuela),
78°/ à Mme [LU] [NRR] [US], domiciliée [Adresse 1037] (Venezuela),
79°/ à Mme [CD] [GO] [DL], domiciliée [Adresse 963] (Venezuela),
80°/ à Mme [VV] [WBI], domiciliée [Adresse 1191] (Venezuela),
81°/ à Mme [GOG] [PE], domiciliée [Adresse 1229] (Venezuela),
82°/ à Mme [VZM] [GO] [TP], domiciliée [Adresse 619] (Espagne),
83°/ à Mme [TDB] [STL] [PC], domiciliée [Adresse 960] (Venezuela),
84°/ à Mme [GO] [PA], domiciliée [Adresse 794] (Venezuela),
85°/ à Mme Karina [EGN] [OA] [PCJ], domiciliée [Adresse 262] (Venezuela),
86°/ à Mme [EKW] Karina [MW], domiciliée [Adresse 1201] (Venezuela),
87°/ à Mme [JVN] [IE], domiciliée [Adresse 583] (Venezuela),
88°/ à Mme [DUX] [AW], domiciliée [Adresse 180] (Venezuela),
89°/ à Mme [TSK] [WH], domiciliée [Adresse 828] (Venezuela),
90°/ à Mme [KKV] [EU], domiciliée [Adresse 1197] (Venezuela),
91°/ à Mme [KIG] [TT], domiciliée [Adresse 1169] (Venezuela),
92°/ à Mme [HGE] Karina [KA], domiciliée [Adresse 624] (Venezuela),
93°/ à Mme [AA] [KE], domiciliée [Adresse 1131] (Venezuela),
94°/ à Mme [DNA] [FKE] [ES], domiciliée [Adresse 263] (Venezuela),
95°/ à Mme [EWG] [BZ] [NI] [XKJ], domiciliée [Adresse 184] (Venezuela),
96°/ à Mme [FIK] [NUP], domiciliée [Adresse 1173] (Venezuela),
97°/ à Mme Margil [HBS] [MY], domiciliée [Adresse 1121] (Venezuela),
98°/ à Mme [MV] [AA] [DY] [ZXP], domiciliée [Adresse 260] (Venezuela),
99°/ à Mme Mariam [EKE] [EJJ], domiciliée [Adresse 1165] (Venezuela),
100°/ à Mme [V] [GO] [EV], domiciliée [Adresse 637] (Venezuela),
101°/ à Mme [HXJ] [XL], domiciliée [Adresse 974] (Venezuela),
102°/ à Mme [HUN] [VNZ] [LO], domiciliée [Adresse 1063] (Venezuela),
103°/ à Mme [OJX] [WTV] [NN], domiciliée [Adresse 174] (Venezuela),
104°/ à Mme [TK] [VVV] [IN], domiciliée [Adresse 155] (Venezuela),
105°/ à Mme [V] [HLE] [LJ], domiciliée [Adresse 234] (Venezuela),
106°/ à Mme [DSI] [AY], domiciliée [Adresse 1193] (Venezuela),
107°/ à Mme [KXZ] [AY] [IEW], domiciliée [Adresse 1111] (Venezuela),
108°/ à Mme [PLJ] [JZ] [XT], domiciliée [Adresse 240] (Venezuela),
109°/ à Mme [HLE] [BEL] [YV], domiciliée [Adresse 1180] (Venezuela),
110°/ à Mme [NMZ] [CAV] [LZ], domiciliée [Adresse 976] (Venezuela),
111°/ à Mme [UTA] [IO] [UX], domiciliée [Adresse 237] (Venezuela),
112°/ à Mme [EYA] [HRK], domiciliée [Adresse 29] (Venezuela),
113°/ à Mme [OUR] [HBH], domiciliée [Adresse 1050] (Venezuela),
114°/ à Mme [V] [EYA] [JF], domiciliée [Adresse 935] (Venezuela),
115°/ à Mme [IAX] [PLJ] [UM], domiciliée [Adresse 159] (Venezuela),
116°/ à Mme [EYA] [LDD] [JX], domiciliée [Adresse 1181] (Venezuela),
117°/ à Mme [MHZ] [UC], domiciliée [Adresse 231] (Venezuela),
118°/ à Mme [PI] [RH], domiciliée [Adresse 164] (Venezuela),
119°/ à Mme [AYU] [RZ], domiciliée [Adresse 1056] (Venezuela),
120°/ à Mme [PTO] [IY], domiciliée [Adresse 206] (Venezuela),
121°/ à Mme [PEK] [ZPG] [VE], domiciliée [Adresse 1149] (Venezuela),
122°/ à Mme [EYA] [ZPG] [KP], domiciliée [Adresse 426] (Venezuela),
123°/ à Mme [EYA] [GO] [HT], domiciliée [Adresse 1057] (Venezuela),
124°/ à Mme [UYN] [EJ], domiciliée [Adresse 1219] (Venezuela),
125°/ à Mme [AA] [VY] [BW], domiciliée [Adresse 189] (Venezuela),
126°/ à Mme [RHF] [CT], domiciliée [Adresse 1011] (Venezuela),
127°/ à Mme Mariana [LS], domiciliée [Adresse 1060] (Venezuela),
128°/ à Mme [CVV] [ZPG] [ON], domiciliée [Adresse 949] (Venezuela),
129°/ à Mme [OJS] [SGI] [XS], domiciliée [Adresse 1125] (Venezuela),
130°/ à Mme Karina [KUH] [IA], domiciliée [Adresse 528] (Venezuela),
131°/ à Mme [UD] [BK], domiciliée [Adresse 1047] (Venezuela),
132°/ à Mme [RX] [CXO] [FE], domiciliée [Adresse 83] (États-Unis),
133°/ à Mme [SO] [NKF] [UJ], domiciliée [Adresse 203] (Venezuela),
134°/ à Mme [FIS] [AC], domiciliée [Adresse 277] (Venezuela),
135°/ à Mme [RGR] [BB] [MP] [GR], domiciliée [Adresse 585] (Venezuela),
136°/ à Mme [DX] [MP] [XKO], domiciliée [Adresse 20] (Canada),
137°/ à Mme [EYA] [VY] [TE], domiciliée [Adresse 220] (Venezuela),
138°/ à Mme [BCH] [LK], domiciliée [Adresse 1189] (Venezuela),
139°/ à Mme [BI] [RY], domiciliée [Adresse 1144] (Venezuela),
140°/ à Mme [KV] [DC] [MP] [NNN], domiciliée [Adresse 1139] (Venezuela),
141°/ à Mme [DCB] [LN] [MP] [NIE], domiciliée [Adresse 217] (Venezuela),
142°/ à Mme [VV] [GO] [MP] [XUZ], domiciliée [Adresse 167] (Venezuela),
143°/ à Mme [UDC] [AM], domiciliée [Adresse 1099] (Venezuela),
144°/ à Mme [HCU] [VI] [TH], domiciliée [Adresse 266] (Venezuela),
145°/ à Mme [MHZ] [EYA] [OG] [SLH], domiciliée [Adresse 168] (Venezuela),
146°/ à Mme [UBG] [FO] [OG] [PBG], domiciliée [Adresse 563] (Venezuela),
147°/ à Mme [CBC] [ETD], domiciliée [Adresse 275] (Venezuela),
148°/ à Mme [LV] [ZD], domiciliée [Adresse 293] (Venezuela),
149°/ à Mme [AUL] [HKP] [HA], domiciliée [Adresse 597] (Venezuela),
150°/ à Mme [JJ] [REG], domiciliée [Adresse 617] (Venezuela),
151°/ à Mme [PI] [OZV], domiciliée [Adresse 1129] (Venezuela),
152°/ à Mme [TIO] [PTO] [WJP], domiciliée [Adresse 162] (Venezuela),
153°/ à Mme [CAV] [JK] [VV], domiciliée [Adresse 267] (Venezuela),
154°/ à Mme [BOT] [KLT] [KYX], domiciliée [Adresse 251] (Venezuela),
155°/ à Mme [ZVB] [FCP] [ZHX], domiciliée [Adresse 514] (Venezuela),
156°/ à Mme [RP] [BAY] [KHS], domiciliée [Adresse 1015] (Venezuela),
157°/ à Mme [BZ] [JED] [ZOI], domiciliée [Adresse 1207] (Venezuela),
158°/ à Mme [OJ] [JJ] [YGY], domiciliée [Adresse 616] (Venezuela),
159°/ à Mme [JJ] [LZW] [BGF], domiciliée [Adresse 1094] (Venezuela),
160°/ à Mme [KKC] [WCB] [KDL] [FPZ], domiciliée [Adresse 1151] (Venezuela),
161°/ à Mme [FOR] [CTV] [XD], domiciliée [Adresse 261] (Venezuela),
162°/ à Mme Karia [CWG] [RJ] [TLI], domiciliée [Adresse 1163] (Venezuela),
163°/ à Mme [CK] [BJ], domiciliée [Adresse 1138] (Venezuela),
164°/ à Mme [BB] [CGM], domiciliée [Adresse 56] (États-Unis),
165°/ à Mme [LRU] [AKY], domiciliée [Adresse 1135] (Venezuela),
166°/ à Mme [GAI] [BA], domiciliée [Adresse 120] (Afrique du Sud),
167°/ à Mme [EYA] [GO] [UNF], domiciliée [Adresse 202] (Venezuela),
168°/ à Mme [LUI] [KF] [SJ], domiciliée [Adresse 1158] (Venezuela),
169°/ à Mme [CFK] [EGN] [SWK] [UI], domiciliée [Adresse 226] (Venezuela),
170°/ à Mme [IYL] [OUR] [CZM], domiciliée [Adresse 222] (Venezuela),
171°/ à Mme [EKW] [OO] [SWK] [TZK], domiciliée [Adresse 1023] (Venezuela),
172°/ à Mme [LR] [V] [SWK] [GWN], domiciliée [Adresse 1204] (Venezuela),
173°/ à Mme [EYA] [PTO] [IRE], domiciliée [Adresse 1209] (Venezuela),
174°/ à Mme [LVV] [AEW] [MXM] [SWK], domiciliée [Adresse 50],
175°/ à Mme [GGZ] [VY] [JLP], domiciliée [Adresse 829] (Venezuela),
176°/ à Mme [V] [FCP] [SWK] [GAT], domiciliée [Adresse 633] (Venezuela),
177°/ à Mme [BOT] [XE] [XXN], domiciliée [Adresse 1109] (Venezuela),
178°/ à Mme [FIK] [HM], domiciliée [Adresse 613] (Venezuela),
179°/ à Mme [PTO] [GO] [DSW], domiciliée [Adresse 264] (Venezuela),
180°/ à Mme [LV] [UEY] [OML], domiciliée [Adresse 213] (Venezuela),
181°/ à Mme [UD] [YXJ] [VDD], domiciliée [Adresse 1226] (Italie),
182°/ à Mme [EKO] [GO] [WKN] [YEE], domiciliée [Adresse 1079] (Venezuela),
183°/ à Mme [V] [GDH] [GSY], domiciliée [Adresse 611] (Venezuela),
184°/ à Mme [ZTK] [OC], domiciliée [Adresse 942] (Venezuela),
185°/ à Mme [HUV] [EG], domiciliée [Adresse 198] (Venezuela),
186°/ à Mme [VV] [EGN] [TMG], domiciliée [Adresse 1123] (Venezuela),
187°/ à Mme [KLT] [GO] [RDI] [NB], domiciliée [Adresse 983] (Venezuela),
188°/ à Mme [KXZ] [ZPG] [RUN], domiciliée [Adresse 108] (Canada),
189°/ à Mme [AGT] [LYJ] [RDI] [HHY], domiciliée [Adresse 218] (Venezuela),
190°/ à Mme [EYA] [GO] [SWB], domiciliée [Adresse 594] (Venezuela),
191°/ à Mme [XG] [GO] [CHW], domiciliée [Adresse 402] (Venezuela),
192°/ à Mme [PLJ] [FCP] [TKK], domiciliée [Adresse 1150] (Venezuela),
193°/ à Mme [ZYT] [TS], domiciliée [Adresse 199] (Venezuela),
194°/ à Mme [MCK] [JJ] [GZA], domiciliée [Adresse 193] (Venezuela),
195°/ à Mme [CKK] [SBE], domiciliée [Adresse 1070] (Venezuela),
196°/ à Mme [VV] [ZLJ], domiciliée [Adresse 1066] (Venezuela),
197°/ à Mme [CH] [DXT], domiciliée [Adresse 1] (Venezuela),
198°/ à Mme [YEJ] [GG], domiciliée [Adresse 1184] (Venezuela),
199°/ à Mme [LR] [SDO], domiciliée [Adresse 1145] (Venezuela),
200°/ à Mme Mariana [OFL] [NFB], domiciliée [Adresse 635] (Venezuela),
201°/ à Mme [BDJ] [GCC] [HOA], domiciliée [Adresse 941] (Venezuela),
202°/ à Mme [SM] [OUR] [ATU] [KMW], domiciliée [Adresse 479] (Venezuela),
203°/ à Mme [RX] [ID], domiciliée [Adresse 1178] (Venezuela),
204°/ à Mme [XE] [BZ] [YYM] [YFC], domiciliée [Adresse 584] (Venezuela),
205°/ à Mme [KXZ] [GO] [NCR], domiciliée [Adresse 1107] (Venezuela),
206°/ à Mme [YVA] [CN], domiciliée [Adresse 933] (Venezuela),
207°/ à Mme [IAX] [HLE] [CNN], domiciliée [Adresse 1096] (Venezuela),
208°/ à Mme [RP] [ZJT] [XED] [DEI], domiciliée [Adresse 369] (Venezuela),
209°/ à Mme Maruam [FCP] [LVG], domiciliée [Adresse 1175] (Venezuela),
210°/ à Mme [DSI] [ZN], domiciliée [Adresse 1067] (Venezuela),
211°/ à Mme [NIA] [CY] [ZTY], domiciliée [Adresse 618] (Venezuela),
212°/ à Mme Karla [EGN] [XAL], domiciliée [Adresse 1210] (Venezuela),
213°/ à Mme [KVY] [FI], domiciliée [Adresse 1036] (Venezuela),
214°/ à Mme [WME] [C] [FLV], domiciliée [Adresse 1164] (Venezuela),
215°/ à Mme [ZYT] [OOR] [IWZ], domiciliée [Adresse 627] (Venezuela),
216°/ à Mme [UHM] [GDA], domiciliée [Adresse 276] (Venezuela),
217°/ à Mme [MA] [MD] [IFU], domiciliée [Adresse 1217] (Venezuela),
218°/ à Mme [WO] [XFZ] [YUV], domiciliée [Adresse 1069] (Venezuela),
219°/ à Mme [UEY] [NA], domiciliée [Adresse 1170] (Venezuela),
220°/ à Mme [IT] [EGN] [EOM], domiciliée [Adresse 160] (Venezuela),
221°/ à Mme [HTP] [GO] [MDE], domiciliée [Adresse 153] (Venezuela),
222°/ à Mme [UA] [ZPG] [WRZ], domiciliée [Adresse 590] (Venezuela),
223°/ à Mme [BJB] [JMV] [GHX], domiciliée [Adresse 1113] (Venezuela),
224°/ à Mme [KKC] [AO], domiciliée [Adresse 271] (Venezuela),
225°/ à Mme [SMU] [IOZ] [MCV], domiciliée [Adresse 1071] (Venezuela),
226°/ à Mme [EYA] [NL] [YSB] [NIN], domiciliée [Adresse 797] (Venezuela),
227°/ à Mme [LFS] [OO] [JLX], domiciliée [Adresse 1091] (Venezuela),
228°/ à Mme [HH] [KDC] [XGX] [FS], domiciliée [Adresse 1120] (Venezuela),
229°/ à Mme [MYG] [OOR] [AKG], domiciliée [Adresse 605] (Venezuela),
230°/ à Mme [VY] [PS] [LFN], domiciliée [Adresse 229] (Venezuela),
231°/ à Mme [VY] [WG] [UTT], domiciliée [Adresse 1040] (Venezuela),
232°/ à Mme [HLE] [NZY] [UTT], domiciliée [Adresse 1040] (Venezuela),
233°/ à Mme [HUV] [ZPG] [VV] [PJ], domiciliée [Adresse 615] (Venezuela),
234°/ à Mme [UA] [ABH] [LJF] [KEO], domiciliée [Adresse 270] (Venezuela),
235°/ à Mme [LRJ] [EYA] [VV] [LCA], domiciliée [Adresse 603] (Venezuela),
236°/ à Mme [XHP] [XA] [XBJ], domiciliée [Adresse 1200] (Venezuela),
237°/ à Mme [EKW] [BAY] [DZF], domiciliée [Adresse 631] (Venezuela),
238°/ à Mme [CFK] [GDH] [YVT] [YFV], domiciliée [Adresse 1025] (Venezuela),
239°/ à Mme [ECP] [GDH] [CPS], domiciliée [Adresse 698] (Venezuela),
240°/ à Mme [TBA] [PO] [WIM], domiciliée [Adresse 1225] (Venezuela),
241°/ à Mme [OYS] [ONY], domiciliée [Adresse 31] (Venezuela),
242°/ à Mme [FL] [MZX] [MPI], domiciliée [Adresse 1049] (Venezuela),
243°/ à Mme [CL] [XBE] [ZA], domiciliée [Adresse 691] (Venezuela),
244°/ à Mme [ECP] [OX], domiciliée [Adresse 1122] (Venezuela),
245°/ à Mme [LVV] [VBH] [MLC] [JE], domiciliée [Adresse 92] (Venezuela),
246°/ à Mme [JHY] [BPV] [PP], domiciliée [Adresse 573] (Venezuela),
247°/ à Mme [IMD] [ICN] [JFN], domiciliée [Adresse 214] (Venezuela),
248°/ à Mme [CJP] [GO] [KRX], domiciliée [Adresse 1114] (Venezuela),
249°/ à Mme [JJ] [EYA] [LIC], domiciliée [Adresse 279] (Venezuela),
250°/ à Mme [XLM] [VCA] [AB] [EVZ] [EY], domiciliée [Adresse 1195] (Venezuela),
251°/ à Mme [CAV] [BOT] [MUT], domiciliée [Adresse 227] (Venezuela),
252°/ à Mme [NXJ] [ZJT] [WVW], domiciliée [Adresse 1019] (Venezuela),
253°/ à Mme [XLM] [FUN] [ISJ], domiciliée [Adresse 1206] (Venezuela),
254°/ à Mme [YC] [FO] [WAK], domiciliée [Adresse 589] (Venezuela),
255°/ à Mme [MFY] [WTV] [OGJ] [NIE], domiciliée [Adresse 259] (Venezuela),
256°/ à Mme [TES] [EYA] [SXX], domiciliée [Adresse 1130] (Venezuela),
257°/ à Mme [HUV] [XIY] [MWF], domiciliée [Adresse 1214] (Venezuela),
258°/ à Mme [OG] [XIT] [TVN], domiciliée [Adresse 1202] (Venezuela),
259°/ à Mme [OUR] [EYA] [WKI] [OG], domiciliée [Adresse 1104] (Venezuela),
260°/ à Mme [DDN] [GMM], domiciliée Urb. [Adresse 1003] (Venezuela),
261°/ à Mme [NL] [HWH], domiciliée [Adresse 1100] (Venezuela),
262°/ à Mme [RBS] [C] [YNE], domiciliée [Adresse 1190] (Venezuela),
263°/ à Mme [EYA] [UU], domiciliée [Adresse 955] (Venezuela),
264°/ à Mme [SZ] [RWY], domiciliée [Adresse 223] (Venezuela),
265°/ à Mme [TFP] [YXU] [RFT], domiciliée [Adresse 975] (Venezuela),
266°/ à Mme Miriam [GWS], domiciliée [Adresse 1208] (Venezuela),
267°/ à Mme [EXT] [ZU], domiciliée [Adresse 1072] (Venezuela),
268°/ à Mme [VV] [OUR] [XLH], domiciliée [Adresse 791] (Venezuela),
269°/ à Mme [V] [EYA] [XLH] [XZ], domiciliée [Adresse 593] (Venezuela),
270°/ à Mme [HLE] [EGN] [HNL], domiciliée [Adresse 586] (Venezuela),
271°/ à Mme [VV] [VY] [XLH] [ND], domiciliée [Adresse 265] (Venezuela),
272°/ à Mme [OHW] [JY], domiciliée [Adresse 990] (Venezuela),
273°/ à Mme [ZE] [JJ] [GVI], domiciliée [Adresse 602] (Venezuela),
274°/ à Mme [HUV] [IK], domiciliée [Adresse 800] (Suisse),
275°/ à Mme [VY] [GO] [CMW], domiciliée [Adresse 649] (Venezuela),
276°/ à Mme [LFS] [GO] [CMW], domiciliée [Adresse 58] (Venezuela),
277°/ à Mme Mariana [UN], domiciliée [Adresse 1108] (Venezuela),
278°/ à Mme [KV] [MST] [OK], domiciliée [Adresse 1216] (Venezuela),
279°/ à Mme [PLJ] [PTO] [YPF], domiciliée [Adresse 156] (Venezuela),
280°/ à Mme [GO] [EYA] [KJE], domiciliée [Adresse 1188] (Venezuela),
281°/ à Mme [HHM] [PX] [DKH], domiciliée [Adresse 187] (Venezuela),
282°/ à Mme [HGE] [CCW] [EVB] [MP], domiciliée [Adresse 595] (Venezuela),
283°/ à Mme [SP] [FO] [EVB] [ISV], domiciliée [Adresse 639] (Venezuela),
284°/ à Mme [IH] [MCP], domiciliée [Adresse 799] (Venezuela),
285°/ à Mme [WF] [NIJ], domiciliée [Adresse 1174] (Venezuela),
286°/ à Mme [GSR] [XF], domiciliée [Adresse 576] (Venezuela),
287°/ à Mme [VZH] [JMV] [FRD] [AF], domiciliée [Adresse 984] (Venezuela),
288°/ à Mme [MSE] Marina [WJK], domiciliée [Adresse 1102] (Venezuela),
289°/ à Mme [O] [GO] [HCU] [HU], domiciliée [Adresse 788] (Venezuela),
290°/ à Mme [GEK] [KKR] [HCU] [GD], domiciliée [Adresse 792] (Venezuela),
291°/ à Mme [AJO] Mariana [HCU] [PBG], domiciliée [Adresse 1124] (Venezuela),
292°/ à Mme [OJM] [LA], domiciliée [Adresse 943] (Venezuela),
293°/ à Mme [EMP] [MCK] [VXL] [WZN], domiciliée [Adresse 169] (Venezuela),
294°/ à Mme [XFB] [KIG] [YAH], domiciliée [Adresse 1089] (Venezuela),
295°/ à Mme [PLJ] [VY] [KZC], domiciliée [Adresse 289] (Venezuela),
296°/ à Mme [HAM] [FCP] [ZHS], domiciliée [Adresse 257] (Venezuela),
297°/ à Mme [V] [KVY] [KBB], domiciliée [Adresse 1106] (Venezuela),
298°/ à Mme [EYA] [NKF] [BVK], domiciliée [Adresse 1160] (Venezuela),
299°/ à Mme [TDB] [RR] [DND], domiciliée [Adresse 192] (Venezuela),
300°/ à Mme [UA] [PTO] [KFH], domiciliée [Adresse 33] (Venezuela),
301°/ à Mme [DC] [OPK] [MVC], domiciliée [Adresse 581] (Venezuela),
302°/ à Mme [NXE] [NL] [EJJ] [NIN], domiciliée [Adresse 166] (Venezuela),
303°/ à Mme [EPL] [EYA] [WRG] [FOU], domiciliée [Adresse 982] (Venezuela),
304°/ à Mme [AA] [PWN] [TNT] [XED], domiciliée [Adresse 1112] (Venezuela),
305°/ à Mme [WUT] [AS] [PF] [TAL], domiciliée [Adresse 1176] (Venezuela),
306°/ à Mme [PNZ] [UYI], domiciliée [Adresse 1038] (Venezuela),
307°/ à Mme [DH] [EGN] [UMC], domiciliée [Adresse 188] (Venezuela),
308°/ à Mme [MXW] [MCK] [FFL], domiciliée [Adresse 789] (Venezuela),
309°/ à Mme [KIG] [FO] [JDI], domiciliée [Adresse 252] (Venezuela),
310°/ à Mme [EYA] [BTR] [OZG] [SDA], domiciliée [Adresse 93] (Venezuela),
311°/ à Mme [WHO] [MNR] [RDI], domiciliée [Adresse 640] (Venezuela),
312°/ à Mme [LPL] [GO] [NEW], domiciliée [Adresse 212] (Venezuela),
313°/ à Mme [HNT] [IYL] [VNG], domiciliée [Adresse 59] (Venezuela),
314°/ à Mme [KXZ] [TDF], domiciliée [Adresse 207] (Venezuela),
315°/ à Mme [PLJ] [WUN], domiciliée [Adresse 1090] (Venezuela),
316°/ à Mme [GSJ] [CFA] [HSK], domiciliée [Adresse 163] (Venezuela),
317°/ à Mme [PI] [WTV] [IIP], domiciliée [Adresse 1016] (Venezuela),
318°/ à Mme [AEW] [IR] [WOF], domiciliée [Adresse 1213] (Venezuela),
319°/ à Mme [WAF] [NPE], domiciliée [Adresse 178] (Venezuela),
320°/ à Mme [EEC] [TBF] [AG], domiciliée [Adresse 1032] (Venezuela),
321°/ à Mme [JZ] [AJ] [DXI], domiciliée [Adresse 1034] (Venezuela),
322°/ à Mme [RHF] [GO] [DID] [DYN], domiciliée [Adresse 598] (Venezuela),
323°/ à Mme [CDR] [GDH] [RWO], domiciliée [Adresse 600] (Venezuela),
324°/ à Mme [TPY] [VF], domiciliée [Adresse 144] (Venezuela),
325°/ à Mme [VV] [DE], domiciliée [Adresse 148] (Venezuela),
326°/ à Mme [BH] [YL] [WNC], domiciliée [Adresse 1045] (Venezuela),
327°/ à Mme [EYA] [NKF] [GXP], domiciliée [Adresse 292] (Venezuela),
328°/ à Mme [O] [VY] [BFY], domiciliée [Adresse 1153] (Venezuela),
329°/ à Mme [WY] [GO] [INM], domiciliée [Adresse 1004] (Venezuela),
330°/ à Mme [O] [FKB] [JES], domiciliée [Adresse 1110] (Venezuela),
331°/ à Mme [LPL] [ZXV] [FEC], domiciliée [Adresse 205] (Venezuela),
332°/ à Mme [OUR] [OGY] [JVX], domiciliée [Adresse 981] (Venezuela),
333°/ à Mme [EYA] [HI], domiciliée [Adresse 176] (Venezuela),
334°/ à Mme [VHN] [GAX], domiciliée [Adresse 608] (Venezuela),
335°/ à Mme [KDC] [MHK], domiciliée [Adresse 75] (Venezuela),
336°/ à Mme [TWL] [ZCE] [XZJ], domiciliée [Adresse 582] (Venezuela),
337°/ à Mme [DC] [XRC] [CSO], domiciliée Urb. [Adresse 1232]),
338°/ à Mme [XLS] [GO] [MCZ], domiciliée [Adresse 1097] (Venezuela),
339°/ à Mme [DPO] [ZDH] [CFV], domiciliée [Adresse 182] (Venezuela),
340°/ à Mme Martina [ESP] [WSE], domiciliée [Adresse 87] (États-Unis),
341°/ à Mme [EPL] [RV], domiciliée [Adresse 219] (Venezuela),
342°/ à Mme [XIT] [VY] [AUE], domiciliée [Adresse 1059] (Venezuela),
343°/ à Mme [LG] [ZPG] [BWM], domiciliée [Adresse 1126] (Venezuela),
344°/ à Mme [XIT] [ZZL] [UOI], domiciliée [Adresse 1187] (Venezuela),
345°/ à Mme [VAE] [PWS], domiciliée [Adresse 238] (Venezuela),
346°/ à Mme [HX] [EYA] [TTX], domiciliée [Adresse 34] (Venezuela),
347°/ à Mme [VV] [ZTK] [RRB], domiciliée [Adresse 210] (Espagne),
348°/ à Mme [EYA] [OO] [TPT] [SWK], domiciliée [Adresse 985] (Venezuela),
349°/ à Mme [NDK] [SDT], domiciliée [Adresse 1161] (Venezuela),
350°/ à Mme [BEW] [ECB], domiciliée [Adresse 1177] (Venezuela),
351°/ à Mme [OHM] [XP] [GX], domiciliée [Adresse 592] (Venezuela),
352°/ à Mme [LRU] [ZPG] [PAE] [LL], domiciliée [Adresse 297] (Venezuela),
353°/ à Mme [VCY] [LFS] [PAE] [YKK], domiciliée [Adresse 1028] (Venezuela),
354°/ à Mme [VV] [JG], domiciliée [Adresse 1005] (Venezuela),
355°/ à Mme [ECP] [UK] [CTY], domiciliée [Adresse 1186] (Venezuela),
356°/ à Mme Miriam [BZ] [MXI], domiciliée [Adresse 1168] (Venezuela),
357°/ à Mme [JSZ] [PI] [MBX] [ALI], domiciliée [Adresse 1073] (Venezuela),
358°/ à Mme [FT] [XE] [KPG], domiciliée [Adresse 1205] (Venezuela),
359°/ à Mme [PTO] [VY] [JZB], domiciliée [Adresse 1183] (Venezuela),
360°/ à Mme [YRW] [EGN] [CAA], domiciliée [Adresse 201] (Venezuela),
361°/ à Mme [HLE] [CRM], domiciliée [Adresse 609] (Venezuela),
362°/ à Mme [VY] [SFO], domiciliée [Adresse 200] (Venezuela),
363°/ à Mme [KU] [FVW] [FFE] [UL], domiciliée [Adresse 620] (Venezuela),
364°/ à Mme [BG] [UE] [NVD], domiciliée [Adresse 1048] (Venezuela),
365°/ à Mme [AVN] [GAP], domiciliée [Adresse 208] (Venezuela),
366°/ à Mme María [VP], domiciliée [Adresse 197] (Venezuela),
367°/ à Mme [AIC] [HLE] [NIE] [TG], domiciliée [Adresse 629] (Venezuela),
368°/ à Mme [XCC] [Z] [NZJ] [JJD], domiciliée [Adresse 1196] (Venezuela),
369°/ à Mme [AS] [O] [GWN], domiciliée [Adresse 1042] (Venezuela),
370°/ à Mme Karina [OWR], domiciliée [Adresse 830] (Venezuela),
371°/ à Mme [ZJT] [STL] [IDL], domiciliée [Adresse 242] (Venezuela),
372°/ à Mme [XWP] [MFO], domiciliée [Adresse 1039] (Venezuela),
373°/ à Mme [VZM] [GO] [GFI], domiciliée [Adresse 185] (Venezuela),
374°/ à Mme [BOT] [UCE] [BAD], domiciliée [Adresse 273] (Venezuela),
375°/ à Mme [EYA] [NL] [OUV], domiciliée [Adresse 1054] (Portugal),
376°/ à Mme [AEW] [NRR] [UVU], domiciliée [Adresse 587] (Venezuela),
377°/ à Mme [PI] [OD], domiciliée [Adresse 626] (Espagne),
378°/ à Mme [OUR] [FMC] [VV], domiciliée [Adresse 822] (Venezuela),
379°/ à Mme [HEV] [TZ] [LFN], domiciliée [Adresse 1118] (Venezuela),
380°/ à Mme [EYA] [ARP] [GWN], domiciliée [Adresse 170] (Venezuela),
381°/ à Mme [AA] [BAN] [UDV], domiciliée [Adresse 30] (Venezuela),
382°/ à Mme [SHU] [PT] [FJU], domiciliée [Adresse 221] (Venezuela),
383°/ à Mme [MCK] [BZ] [UAI] [TPF], domiciliée [Adresse 151] (Venezuela),
384°/ à Mme [UAD] [UPU] [STC], domiciliée [Adresse 632] (Venezuela),
385°/ à Mme [LSH] [YYS] [SNS] [CIG], domiciliée [Adresse 183] (Venezuela),
386°/ à Mme [CD] [DV] [GFM], domiciliée [Adresse 1171] (Venezuela),
387°/ à Mme [DPZ] [XVX] [OEJ], domiciliée [Adresse 936] (Venezuela),
388°/ à Mme [GEK] [FCP] [RGH], domiciliée [Adresse 937] (Venezuela),
389°/ à Mme [DDN] [IHN], domiciliée [Adresse 831] (Venezuela),
390°/ à Mme [LRU] [GO] [RCB], domiciliée [Adresse 1065] (Venezuela),
391°/ à Mme [HWA] [UET], domiciliée [Adresse 1134] (Venezuela),
392°/ à Mme [OG] [EYA] [ERG], domiciliée [Adresse 1077] (Venezuela),
393°/ à Mme Miriam [EYA] [OUR] [YUC], domiciliée [Adresse 610] (Venezuela),
394°/ à Mme [WMJ] [MJ], domiciliée [Adresse 1235] (Chili),
395°/ à Mme [ANU] [GLK], domiciliée [Adresse 291] (Venezuela),
396°/ à Mme Karina [KPK] [YKK] [LL], domiciliée [Adresse 1075] (Venezuela),
397°/ à Mme [GTW] [FRZ], domiciliée [Adresse 1179] (Venezuela),
398°/ à Mme [PWN] [LN] [ZSV], domiciliée [Adresse 216] (Venezuela),
399°/ à Mme [YXJ] [IMY] [JUZ], domiciliée [Adresse 621] (Venezuela),
400°/ à Mme [YZK] Marian [YKK] [CLC], domiciliée [Adresse 1146] (Venezuela),
401°/ à Mme [AIU] Karina [ENV], domiciliée [Adresse 1154] (Venezuela),
402°/ à Mme [TPJ] [EF], domiciliée [Adresse 1127] (Venezuela),
403°/ à Mme [O] [ME] [EJJ], domiciliée [Adresse 636] (Venezuela),
404°/ à Mme [V] [WMJ] [XNN], domiciliée [Adresse 790] (Venezuela),
405°/ à Mme [XVM] [HJ], domiciliée [Adresse 1143] (Venezuela),
406°/ à Mme [JJ] [MO] [I], domiciliée [Adresse 1117] (Venezuela),
407°/ à Mme [SNI] [ZGZ], domiciliée [Adresse 1017] (Venezuela),
408°/ à Mme [MKE] [AD] [RU], domiciliée [Adresse 1024] (Venezuela),
409°/ à Mme [IMK] [OEX], domiciliée [Adresse 1012] (Venezuela),
410°/ à Mme [NU] [TYS] [VKS], domiciliée [Adresse 1068] (Venezuela),
411°/ à Mme [RP] [NW], domiciliée [Adresse 194] (Venezuela),
412°/ à Mme [EYA] [ZZ], domiciliée [Adresse 186] (Venezuela),
413°/ à Mme [IBE] [YI] [NNN], domiciliée [Adresse 630] (Venezuela),
414°/ à Mme [TIO] [TBA] [SIE] [B], domiciliée [Adresse 1140] (Venezuela),
415°/ à Mme [KU] [JC], domiciliée [Adresse 60] (Venezuela),
416°/ à Mme [RLG] [EYA] [CGC], domiciliée [Adresse 1212] (Venezuela),
417°/ à Mme [YYS] [UTY], domiciliée [Adresse 837] (Venezuela),
418°/ à Mme [RPW] [CAV] [EZJ], domiciliée [Adresse 1074] (Venezuela),
419°/ à Mme [THR] [STL] [FPO], domiciliée [Adresse 54] (Venezuela),
420°/ à Mme [SW] [UD] [VV] [HW], domiciliée [Adresse 181] (Venezuela),
421°/ à Mme [OLX] [HGL] [LLU], domiciliée [Adresse 588] (Venezuela),
422°/ à Mme [KB] [FCP] [VFS], domiciliée [Adresse 233] (Venezuela),
423°/ à Mme Karla [OSG] [XD], domiciliée [Adresse 599] (Venezuela),
424°/ à Mme [OOR] [BVV] [NVD], domiciliée [Adresse 1044] (Venezuela),
425°/ à Mme [VV] [EX], domiciliée [Adresse 1157] (Venezuela),
426°/ à Mme [DC] [PDW], domiciliée [Adresse 1203] (Venezuela),
427°/ à Mme [FCP] [EGN] [JJH], domiciliée [Adresse 241] (Venezuela),
428°/ à Mme [CAV] [WWO], domiciliée [Adresse 1061] (Venezuela),
429°/ à Mme [HUV] [DDN] [ASA] [EVB], domiciliée [Adresse 1159] (Venezuela),
430°/ à Mme [CBC] [ASA] [EVB], domiciliée [Adresse 258] (Venezuela),
431°/ à Mme [VDW] [DB], domiciliée [Adresse 634] (Venezuela),
432°/ à Mme [KZL] [VW], domiciliée [Adresse 579] (Venezuela),
433°/ à Mme [DWN] [EGN] [ZUW], domiciliée [Adresse 67] (États-Unis),
434°/ à Mme [BOT] [GTW] [NDA], domiciliée [Adresse 1035] (Venezuela),
435°/ à Mme [LRU] [OZK] [BPK], domiciliée [Adresse 1095] (Venezuela),
436°/ à Mme [ABH] [ZPG] [ELG] [RDI], domiciliée [Adresse 1021] (Venezuela),
437°/ à Mme [YYS] [LDD] [BCA], domiciliée [Adresse 211] (Venezuela),
438°/ à Mme [UP] [UWS], domiciliée [Adresse 173] (Venezuela),
439°/ à Mme [JJA] [AA] [EDK] [OS], domiciliée [Adresse 246] (Venezuela),
440°/ à Mme [MCK] [PTO] [ENS], domiciliée [Adresse 209] (Venezuela),
441°/ à Mme [WHU] [GRN] [JXA], domiciliée [Adresse 1043] (Venezuela),
442°/ à Mme Marian [CM], domiciliée [Adresse 1132] (Venezuela),
443°/ à Mme [PGP] [PLU], domiciliée [Adresse 690] (Venezuela),
444°/ à Mme [RX] [YDZ] [OVO], domiciliée [Adresse 1088] (Venezuela),
445°/ à Mme [IMY] [EM], domiciliée [Adresse 157] (Venezuela),
446°/ à Mme [EWG] [GO] [NNE], domiciliée [Adresse 1166] (Venezuela),
447°/ à Mme [RP] [OJ] [YH], domiciliée [Adresse 938] (Venezuela),
448°/ à Mme [LNV] [O] [WTP], domiciliée [Adresse 939] (Venezuela),
449°/ à Mme [KB] [BYR], domiciliée [Adresse 1041] (Venezuela),
450°/ à Mme [R] [OSB], domiciliée [Adresse 1103] (Venezuela),
451°/ à Mme [HEV] [STL] [APG], domiciliée [Adresse 979] (Venezuela),
452°/ à Mme [AS] [XA] [GFP], domiciliée [Adresse 944] (Venezuela),
453°/ à Mme [DJF] [HTI], domiciliée [Adresse 988] (Venezuela),
454°/ à Mme [ITM] [CO] [MVW], domiciliée [Adresse 1227] (Italie),
455°/ à Mme [RGR] [GTW] [XOB], domiciliée [Adresse 448] (Venezuela),
456°/ à Mme [SRL] [KW], domiciliée [Adresse 1133] (Venezuela),
457°/ à Mme [CAV] [XOZ] [WXS], domiciliée, [Adresse 986] (Venezuela),
458°/ à Mme [V] [JJS] [KKG], domiciliée [Adresse 793] (Venezuela),
459°/ à Mme [LGG] [HPF], domiciliée [Adresse 1031] (Venezuela),
460°/ à Mme [PTO] [YS], domiciliée [Adresse 424] (Venezuela),
461°/ à Mme [SZA] [ZV], domiciliée [Adresse 1020] (Venezuela),
462°/ à Mme [HRS] [LFS] [WHB], domiciliée [Adresse 161] (Venezuela),
463°/ à Mme [PLJ] [GPL], domiciliée [Adresse 204] (Venezuela),
464°/ à Mme [UTA] Marina [ODZ], domiciliée [Adresse 648] (Venezuela),
465°/ à Mme Candelaria [GYT] [VLP] [VLF], domiciliée [Adresse 1101] (Venezuela),
466°/ à Mme [UGO] [PWX], domiciliée [Adresse 1147] (Venezuela),
467°/ à Mme [TBA] [GO] [TIU], domiciliée [Adresse 578] (Venezuela),
468°/ à Mme [FHF] [JZ] [RYA], domiciliée [Adresse 150] (Venezuela),
469°/ à Mme [VV] [VY] [FFH], domiciliée [Adresse 1105] (Venezuela),
470°/ à Mme [MKE] [YML] [EOC], domiciliée [Adresse 1128] (Venezuela),
471°/ à Mme [ZE] [EGN] [CRJ], domiciliée [Adresse 940] (Venezuela),
472°/ à Mme [LRU] [OOR] [TVT], domiciliée [Adresse 798] (Venezuela),
473°/ à Mme [EYA] [VY] [DCL], domiciliée [Adresse 1155] (Venezuela),
474°/ à Mme [RYF] [EDA], domiciliée [Adresse 1064] (Venezuela),
475°/ à Mme [TZF] [VTO], domiciliée [Adresse 228] (Venezuela),
476°/ à Mme [YZK] [HLE] [PCA], domiciliée [Adresse 1194] (Venezuela),
477°/ à Mme [YZ] [HC], domiciliée [Adresse 225] (Venezuela),
478°/ à Mme [VV] [BI] [PEY] [MLC], domiciliée [Adresse 978] (Venezuela),
479°/ à Mme [NMK] Margin [UKR] [SS], domiciliée [Adresse 1136] (Venezuela),
480°/ à Mme [PTO] [KVY] [UKR] [FBD], domiciliée [Adresse 158] (Venezuela),
481°/ à Mme Karina [FCP] [UKR] [LSH], domiciliée [Adresse 69] (Canada),
482°/ à Mme [JJ] [ST], domiciliée [Adresse 623] (Venezuela),
483°/ à Mme [IXG] [JB], domiciliée [Adresse 86],
484°/ à Mme [VYJ] [RM], domiciliée [Adresse 52],
485°/ à Mme [TN] [BF], domiciliée [Adresse 77],
486°/ à Mme [OUL] [SD], domiciliée [Adresse 89] (Royaume-Uni),
487°/ à Mme [EZU] [FV], domiciliée chez M. [LTF] [EDV], [Adresse 138],
488°/ à Mme [FSX] [ZH], domiciliée [Adresse 124] (Royaume-Uni),
489°/ à Mme [STL] [ICC], épouse [NY], domiciliée [Adresse 96],
490°/ à Mme [LVV] [GU], domiciliée bâtiment [Adresse 98],
491°/ à Mme [LDM] [JP], domiciliée [Adresse 987],
492°/ à Mme [NKF] [VHT], épouse [XJ], domiciliée [Adresse 5],
493°/ à Mme [RE] [YB], domiciliée [Adresse 1029],
494°/ à Mme Karine [NK], domiciliée [Adresse 140],
495°/ à Mme [DHB] [NXJ], épouse [RG], domiciliée [Adresse 21],
496°/ à Mme [LVV] [KL], domiciliée [Adresse 134],
497°/ à Mme [HPM] [BYG], domiciliée [Adresse 117],
498°/ à Mme [SO] [IWB], domiciliée [Adresse 125] (Royaume-Uni),
499°/ à Mme [GZ] [WRB], domiciliée [Adresse 70] (Royaume-Uni),
500°/ à Mme [VV] [PM], épouse [NAL], domiciliée [Adresse 65] (Royaume-Uni),
501°/ à Mme [IOK] [USV], domiciliée [Adresse 94],
502°/ à Mme [ZM] [MPS], domiciliée [Adresse 1231],
503°/ à Mme [FL] [EAE], domiciliée [Adresse 19] (Royaume-Uni),
504°/ à Mme [ZTA] [SIS], épouse [PYE], domiciliée [Adresse 121] (Royaume-Uni),
505°/ à Mme [INI] [JAJ], domiciliée [Adresse 114],
506°/ à Mme [LT] [PZH], domiciliée [Adresse 1228] (Italie),
507°/ à Mme [LRU] [AHA], domiciliée [Adresse 796] (Royaume-Uni),
508°/ à Mme [LRU] [XSF], domiciliée [Adresse 137]),
509°/ à Mme [YYS] [KEY], domiciliée [Adresse 126] (Royaume-Uni),
510°/ à Mme [SBN] [TSZ], domiciliée [Adresse 37] (Royaume-Uni),
511°/ à Mme [ZTF] [JBO], épouse [FOM], domiciliée [Adresse 122],
512°/ à Mme [FB] [ISY], épouse [RBW], domiciliée [Adresse 68],
513°/ à Mme [NMZ] [HGH], domiciliée [Adresse 91] (Royaume-Uni),
514°/ à Mme [DBJ] [PRJ], domiciliée [Adresse 76],
515°/ à Mme [CV] [CLU], domiciliée [Adresse 1008] (Royaume-Uni),
516°/ à Mme [MF] [WNC], épouse [EAW], domiciliée [Adresse 57],
517°/ à Mme [FPB] [DJX], épouse [ITF], domiciliée [Adresse 51],
518°/ à Mme [UEY] [HXU], épouse [UKG], domiciliée [Adresse 133],
519°/ à Mme [YAM] [NOZ], domiciliée [Adresse 15] (Royaume-Uni),
520°/ à Mme [NYH] [EFW], domiciliée [Adresse 82] (Royaume-Uni),
521°/ à Mme [DUX] [OI], épouse [CEP], domiciliée [Adresse 55],
522°/ à Mme [BB] [ANM], domiciliée [Adresse 39] (Royaume-Uni),
523°/ à Mme [JYW] [ELR], domiciliée [Adresse 945] (Royaume-Uni),
524°/ à Mme [RKX] [UXP], domiciliée [Adresse 97],
525°/ à Mme [RLL] [GI], domiciliée [Adresse 878] (Colombie),
526°/ à Mme [CU] [TV], domiciliée [Adresse 132] (Nouvelle-Zélande),
527°/ à Mme [EP] [UV], domiciliée [Adresse 53] (Royaume-Uni),
528°/ à Mme [GO] [DVH], domiciliée [Adresse 429] (Colombie),
529°/ à Mme [EYA] [ZPG] [W], domiciliée [Adresse 918] (Colombie),
530°/ à Mme [DOF] [J], domiciliée [Adresse 969] (Colombie),
531°/ à Mme [BC] [U], domiciliée [Adresse 865] (Colombie),
532°/ à Mme [GY] [S], domiciliée [Adresse 909]. [Adresse 80] (Colombie),
533°/ à Mme [VD] [YJ], domiciliée [Adresse 801]. [Adresse 42] (Colombie),
534°/ à Mme [UT] [KY], domiciliée [Adresse 473] (Colombie),
535°/ à Mme [BR] [UW], domiciliée Cra. [Adresse 73] (Colombie),
536°/ à Mme [MVR] [AL], domiciliée [Adresse 249] (Colombie),
537°/ à Mme [EGY] [NC], domiciliée [Adresse 1087] (Colombie),
538°/ à Mme [JS] [FG], domiciliée [Adresse 679] (Colombie),
539°/ à Mme [RLL] [ZL], domiciliée [Adresse 502] (Colombie),
540°/ à Mme [VM] [GI], domiciliée [Adresse 879] (Colombie),
541°/ à Mme [GSJ] [OW], domiciliée [Adresse 685] (Colombie),
542°/ à Mme [IB] [HK], domiciliée [Adresse 858] (Colombie),
543°/ à Mme [JW] [CP], domiciliée [Adresse 896] (Colombie),
544°/ à Mme [YO] [YU], domiciliée [Adresse 359] (Colombie),
545°/ à Mme [FF] [MS], domiciliée [Adresse 642] (Colombie),
546°/ à Mme [MB] [TC], domiciliée [Adresse 395] (Colombie),
547°/ à Mme [DU] [LI], domiciliée [Adresse 409] (Colombie),
548°/ à Mme [IGB] [OL], domiciliée [Adresse 329] (Colombie),
549°/ à Mme [RD] [RI], domiciliée [Adresse 688] (Colombie),
550°/ à Mme [TI] [JO], domiciliée [Adresse 1230] (Colombie),
551°/ à Mme [UEY] [IU], domiciliée [Adresse 470] (Colombie),
552°/ à Mme [TDP] [WI], domiciliée [Adresse 1080] (Colombie),
553°/ à Mme [ILW] [HV], domiciliée [Adresse 544] (Colombie),
554°/ à Mme [SCC] [VG], domiciliée [Adresse 804] (Colombie),
555°/ à Mme [FR] [XH], domiciliée [Adresse 628] (Espagne),
556°/ à Mme [VD] [DF], domiciliée [Adresse 430] (Colombie),
557°/ à Mme [ZIP] [XO], domiciliée [Adresse 513] (Colombie),
558°/ à Mme [ZF] [VR], domiciliée [Adresse 842] (Colombie),
559°/ à Mme [ONA] [GB], domiciliée [Adresse 679] (Colombie),
560°/ à Mme [DDN] [WX], domiciliée [Adresse 679] (Colombie),
561°/ à Mme Mariana [IX], domiciliée [Adresse 713] (Colombie),
562°/ à Mme [GO] [EL], domiciliée [Adresse 322] (Colombie),
563°/ à Mme [JU] [BP], domiciliée [Adresse 905] (Colombie),
564°/ à Mme [CAK] [HD], domiciliée [Adresse 504] (Colombie),
565°/ à Mme [BFD] [LF], domiciliée [Adresse 306] (Colombie),
566°/ à Mme [MCK] [GO] [UO], domiciliée [Adresse 443] (Colombie),
567°/ à Mme [JJ] [OB], domiciliée [Adresse 848] (Colombie),
568°/ à Mme [XXT] [RT], domiciliée [Adresse 897] (Colombie),
569°/ à Mme [NZ] [CI], domiciliée [Adresse 437]),
570°/ à Mme [VEZ] [PV], domiciliée [Adresse 351] (Colombie),
571°/ à Mme [HP] [OZ], domiciliée [Adresse 349] (Colombie),
572°/ à Mme [SXS] [AN], domiciliée [Adresse 315] (Colombie),
573°/ à Mme [ZG] [PD], domiciliée [Adresse 255] (Espagne),
574°/ à Mme [TKF] [PR], domiciliée [Adresse 406] (Colombie),
575°/ à Mme [NJ] [KD], domiciliée Cr 40a # 40 f sur 40 Apt. [Adresse 44] (Colombie),
576°/ à Mme [HS] [EH], domiciliée [Adresse 1014] (Colombie),
577°/ à Mme [NTD] [TR], domiciliée [Adresse 675] (Colombie),
578°/ à Mme [BET] [DJ], domiciliée [Adresse 13] (Royaume-Uni),
579°/ à Mme [NFP] [MZ], domiciliée [Adresse 111] (Canada),
580°/ à Mme [KU]-del-[XSA], domiciliée [Adresse 775] (Colombie),
581°/ à Mme [VUX] [LB], domiciliée [Adresse 776] (Colombie),
582°/ à Mme [KHD] [YM], domiciliée [Adresse 245] (Colombie),
583°/ à Mme [H] [WT], domiciliée [Adresse 997] (Colombie),
584°/ à Mme [GO] [LX], domiciliée [Adresse 679] (Colombie),
585°/ à Mme [TBA] [TX], domiciliée [Adresse 384] (Colombie),
586°/ à Mme [YGF] [SV], domiciliée [Adresse 372] (Colombie),
587°/ à Mme [MB] [OH], domiciliée [Adresse 507] (Colombie),
588°/ à Mme [ZW] [DP], domiciliée [Adresse 499] (Colombie),
589°/ à Mme [O] [EYA] [NR], domiciliée [Adresse 1234] (Costa Rica),
590°/ à Mme [JT] [HZ], domiciliée [Adresse 951] (Colombie),
591°/ à Mme [TFP] [GX], domiciliée [Adresse 926] (Colombie),
592°/ à Mme [AHK] [WM], domiciliée [Adresse 495] (Colombie),
593°/ à Mme [MJP] [FU], domiciliée [Adresse 989] (Colombie),
594°/ à Mme [TNE] [AZ], domiciliée [Adresse 668] (Colombie),
595°/ à Mme [WA] [SE], domiciliée [Adresse 439] (Colombie),
596°/ à Mme [FF] [LM], domiciliée [Adresse 795] (Colombie),
597°/ à Mme [ZAN] [MN], domiciliée [Adresse 520] (Colombie),
598°/ à Mme [VOE] [WL], domiciliée [Adresse 1026] (Espagne),
599°/ à Mme [VYO] [GW], domiciliée [Adresse 127] (Canada),
600°/ à Mme [JV] [DR], domiciliée [Adresse 545] (Colombie),
601°/ à Mme [GO] [HO], domiciliée [Adresse 336] (Colombie),
602°/ à Mme [VY] [RL], domiciliée [Adresse 532] (Colombie),
603°/ à Mme [VKM] [JI], domiciliée [Adresse 303] (Colombie),
604°/ à Mme [UEY] [BS], domiciliée [Adresse 890] (Colombie),
605°/ à Mme [O] [GM], domiciliée [Adresse 890] (Colombie),
606°/ à Mme [ZEF] [IG], domiciliée [Adresse 845] (Colombie),
607°/ à Mme [GO] [VA], domiciliée [Adresse 549] (Colombie),
608°/ à Mme [PUS] [VU], domiciliée [Adresse 967] (Colombie),
609°/ à Mme [CBF] [VU], domiciliée [Adresse 511] (Colombie),
610°/ à Mme [UEY] [GE], domiciliée [Adresse 682] (Colombie),
611°/ à Mme [TDP] [YN], domiciliée [Adresse 819] (Colombie),
612°/ à Mme [TVX] [LC], domiciliée [Adresse 378] (Colombie),
613°/ à Mme [UEY] [FK], domiciliée [Adresse 751] (Colombie),
614°/ à Mme [VTU] [DI], domiciliée [Adresse 895] (Colombie),
615°/ à Mme [LBR] [ZP], domiciliée [Adresse 477] (Colombie),
616°/ à Mme [DG] [EI], domiciliée [Adresse 994]),
617°/ à Mme [GO] [RW], domiciliée [Adresse 771] (Colombie),
618°/ à Mme [PJJ] [AT], domiciliée [Adresse 432] (Colombie),
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620°/ à Mme [PY] [CJ], domiciliée [Adresse 683] (Colombie),
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622°/ à Mme [STR] [HG], domiciliée [Adresse 555] (Colombie),
623°/ à Mme [JSK] [ZS], domiciliée [Adresse 436] (Colombie),
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628°/ à Mme [UIP] [GC], domiciliée [Adresse 25] (États-Unis),
629°/ à Mme [AP] [VS], domiciliée [Adresse 405] (Colombie),
630°/ à Mme [IAX] [XN], domiciliée [Adresse 403] (Colombie),
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633°/ à Mme [EYA]-[LY], domiciliée [Adresse 1224]),
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639°/ à Mme [DZM] [KM], domiciliée [Adresse 813] (Colombie),
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641°/ à Mme [FVL] [AX], domiciliée [Adresse 855]),
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659°/ à Mme [YJS] [SR], domiciliée [Adresse 917] (Colombie),
660°/ à Mme [TTI] [ZK], domiciliée [Adresse 564] (Colombie),
661°/ à Mme [NVS] [GJ], domiciliée [Adresse 947]),
662°/ à Mme [KKR] [KX], domiciliée [Adresse 699]),
663°/ à Mme [BI] [YK], domiciliée [Adresse 661]),
664°/ à Mme [EKO] [KZ], domiciliée [Adresse 107] (Colombie),
665°/ à Mme [VD] [FH], domiciliée [Adresse 722] (Colombie),
666°/ à Mme [KGF] [HB], domiciliée [Adresse 1222] (Colombie),
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669°/ à Mme [HDB] [EN], domiciliée [Adresse 332]),
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671°/ à Mme [UBZ] [WZ], domiciliée [Adresse 658]),
672°/ à Mme [JXJ] [VO], domiciliée [Adresse 853] (Colombie),
673°/ à Mme [K] [XR], domiciliée [Adresse 524] (Colombie),
674°/ à Mme [FW] [DD], domiciliée [Adresse 856] (Colombie),
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676°/ à Mme [TFV] [IL], domiciliée [Adresse 16]),
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680°/ à Mme [F] [FZ], domiciliée [Adresse 375]. [Adresse 113] (Colombie),
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685°/ à Mme [MKT] [LH], domiciliée [Adresse 716]),
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693°/ à Mme [JXJ] [SC], domiciliée [Adresse 894]. [Adresse 1055] (Colombie),
694°/ à Mme [COF] [JR], domiciliée [Adresse 327] (Colombie),
695°/ à Mme [OO] [PL], domiciliée [Adresse 509]. [Adresse 135] (Colombie),
696°/ à Mme [XHV] [IS], domiciliée [Adresse 719] (Colombie),
697°/ à Mme [ZKR] [AH], domiciliée [Adresse 355] (Colombie),
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699°/ à Mme [OR] [WK], domiciliée [Adresse 459] (Colombie),
700°/ à Mme [DUX] [GV], domiciliée [Adresse 932] (Colombie),
701°/ à Mme [MBI] [AK], domiciliée [Adresse 680]),
702°/ à Mme [VY] [WD], domiciliée [Adresse 522]. [Adresse 145] (Colombie),
703°/ à Mme [DDN] [XC], domiciliée [Adresse 354] (Colombie),
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705°/ à Mme [ZFD] [AE], domiciliée [Adresse 680]),
706°/ à Mme [LPL] [VB], domiciliée [Adresse 386] (Colombie),
707°/ à Mme [OUC] [VT], domiciliée [Adresse 817] (Colombie),
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710°/ à Mme [WHU] [PI] [DM], domiciliée [Adresse 921] (Colombie),
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715°/ à Mme Marina [AJE], domiciliée [Adresse 449]),
716°/ à Mme [SUA] [DFA], domiciliée [Adresse 806]),
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728°/ à Mme [COI] [EWN], domiciliée [Adresse 900] (Colombie),
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732°/ à Mme [KBP] [GIE], domiciliée [Adresse 700]),
733°/ à Mme [MB] [NPT], domiciliée [Adresse 268] (Colombie),
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736°/ à Mme [SND] [VVP], domiciliée [Adresse 680]),
737°/ à Mme [ALP] [SAZ], domiciliée [Adresse 680]),
738°/ à Mme [JJ] [JGL], domiciliée [Adresse 851] (Colombie),
739°/ à Mme [VZM] [FCI], domiciliée [Adresse 686]),
740°/ à Mme [MB] [AUW], domiciliée [Adresse 530]),
741°/ à Mme [VBC] [TSU], domiciliée [Adresse 1001]),
742°/ à Mme [TFP] [ROA], domiciliée [Adresse 825]),
743°/ à Mme [KJ] [TBO], domiciliée [Adresse 678] (Colombie),
744°/ à Mme [RSX] [SFF], domiciliée [Adresse 783] (Colombie),
745°/ à Mme [PGZ] [SKJ], domiciliée [Adresse 680]),
746°/ à Mme [DK] [SGD], domiciliée [Adresse 356] (Colombie),
747°/ à Mme [SPI] [TAR], domiciliée [Adresse 863] (Colombie),
748°/ à Mme [VUX] [ROY], domiciliée [Adresse 971] (Colombie),
749°/ à Mme [AUL] [TRW], domiciliée [Adresse 884] (Colombie),
750°/ à Mme [PEF] [PYT], domiciliée [Adresse 466] (Colombie),
751°/ à Mme [IGB] [UZG], domiciliée [Adresse 680]),
752°/ à Mme [HZK] [BKD], domiciliée [Adresse 488]),
753°/ à Mme [WHU] [FBK], domiciliée [Adresse 331] (Colombie),
754°/ à Mme [RLZ] [IRE], domiciliée [Adresse 422] (Colombie),
755°/ à Mme [WPW] [HZZ], domiciliée [Adresse 281]),
756°/ à Mme [JTX] [PUM], domiciliée [Adresse 298]),
757°/ à Mme [HF] [UMH], domiciliée [Adresse 247] (Colombie),
758°/ à Mme [BJT] [OMC], domiciliée [Adresse 876]. [Adresse 78] (Colombie),
759°/ à Mme [MFJ] [VUS], domiciliée [Adresse 973] (Colombie),
760°/ à Mme [NO] [CWU], domiciliée [Adresse 833] (Colombie),
761°/ à Mme [UEY] [GNB], domiciliée [Adresse 580]),
762°/ à Mme [HNT] [HEG], domiciliée [Adresse 440] (Colombie),
763°/ à Mme [YG] [OZB], domiciliée [Adresse 460] (Colombie),
764°/ à Mme [ZSH] [WPD], domiciliée [Adresse 882] (Colombie),
765°/ à Mme [TDP] [EIK], domiciliée [Adresse 911] (Colombie),
766°/ à Mme [TM] [HZS], domiciliée [Adresse 725] (Colombie),
767°/ à Mme [VUX] [IPX], domiciliée [Adresse 438]),
768°/ à Mme [UEY] [JLI], domiciliée [Adresse 480] (Colombie),
769°/ à Mme [MCK] [KCN], domiciliée [Adresse 490]),
770°/ à Mme [JZZ] [KCN], domiciliée [Adresse 492]. [Adresse 43] (Colombie),
771°/ à Mme [LSW] [EGG], domiciliée [Adresse 754] (Colombie),
772°/ à Mme [UEY] [MAU], domiciliée [Adresse 1223]),
773°/ à Mme [YW] [KTT], domiciliée [Adresse 646] (Colombie),
774°/ à Mme [LWE] [YGA], domiciliée [Adresse 846] (Colombie),
775°/ à Mme [NS] [CZF], domiciliée [Adresse 465]),
776°/ à Mme [RF] [KTJ], domiciliée [Adresse 714] (Colombie),
777°/ à Mme [CHE] [ZNK], domiciliée [Adresse 715] (Colombie),
778°/ à Mme [WDX] [XOL], domiciliée [Adresse 680]),
779°/ à Mme [D] [KGU], domiciliée [Adresse 924] (Colombie),
780°/ à Mme [SA] [XSY], domiciliée [Adresse 12] (Royaume-Uni),
781°/ à Mme [JT] [HJD], domiciliée [Adresse 774]. [Adresse 143] (Colombie),
782°/ à Mme [IM] [GIL], domiciliée [Adresse 680]),
783°/ à Mme [MDN] [CSE], domiciliée [Adresse 404]),
784°/ à Mme [EO] [VPC], domiciliée [Adresse 527] (Colombie),
785°/ à Mme [UEY] [VPC], domiciliée [Adresse 526] (Colombie),
786°/ à Mme [UE] [ORS], domiciliée [Adresse 680]),
787°/ à Mme [PXG] [UHS], domiciliée [Adresse 350]),
788°/ à Mme [LP] [PZC], domiciliée [Adresse 664] (Colombie),
789°/ à Mme [DHL] [IVU], domiciliée [Adresse 362]),
790°/ à Mme [XOG] [FNA], domiciliée [Adresse 552] (Colombie),
791°/ à Mme [SKY] [EWV], domiciliée [Adresse 814] (Colombie),
792°/ à Mme [CHE] [BFN], domiciliée [Adresse 316] (Colombie),
793°/ à Mme [ER] [UUR], domiciliée [Adresse 452] (Colombie),
794°/ à Mme Myriam [PMD], domiciliée [Adresse 680]),
795°/ à Mme [NMB] [SKT], domiciliée [Adresse 335] (Colombie),
796°/ à Mme [BY] [EBJ], domiciliée [Adresse 529] (Colombie),
797°/ à Mme [CBC] [UJI], domiciliée [Adresse 697] (Colombie),
798°/ à Mme [GSJ] [TIA], domiciliée [Adresse 709] (Colombie),
799°/ à Mme [M] [RYU], domiciliée [Adresse 680]),
800°/ à Mme [DA] [ACP] [SAP], domiciliée [Adresse 680]),
801°/ à Mme [YW] [TGE], domiciliée [Adresse 891] (Colombie),
802°/ à Mme [DDN] [RJK], domiciliée [Adresse 826] (Colombie),
803°/ à Mme [JD] [TXJ], domiciliée [Adresse 434] (Colombie),
804°/ à Mme [AUL] [AZL], domiciliée [Adresse 497] (Colombie),
805°/ à Mme [CDG] [FGY], domiciliée [Adresse 254] (Colombie),
806°/ à Mme [VYE] [JBW], domiciliée [Adresse 99] (Royaume-Uni),
807°/ à Mme [RRK] [RWJ], domiciliée [Adresse 1002] (Colombie),
808°/ à Mme [CD] [OP], domiciliée [Adresse 525] (Colombie),
809°/ à Mme [EE] [AGI], domiciliée [Adresse 832] (Colombie),
810°/ à Mme [PG] [AMA], domiciliée [Adresse 672]),
811°/ à Mme [TA] [OCI], domiciliée [Adresse 970] (Colombie),
812°/ à Mme [PGU] [WVR], domiciliée [Adresse 654]),
813°/ à Mme [RJF] [YDB], domiciliée [Adresse 1220] (Colombie),
814°/ à Mme [ISC] [GDO], domiciliée [Adresse 1086]. [Adresse 63] (Colombie),
815°/ à Mme [YW] [WIS], domiciliée [Adresse 680]),
816°/ à Mme [SJC] [JRW], domiciliée [Adresse 662] (Colombie),
817°/ à Mme [WF]-[NE], domiciliée [Adresse 368] (Colombie),
818°/ à Mme [DU] [YLN], domiciliée [Adresse 656]),
819°/ à Mme [WRU] [YRI], domiciliée [Adresse 557]),
820°/ à Mme [HVC] [LEB], domiciliée [Adresse 414] (Colombie),
821°/ à Mme [GJJ] [BLF], domiciliée [Adresse 539]),
822°/ à Mme [K]-[KI], domiciliée [Adresse 296] (Colombie),
823°/ à Mme [RLZ] [KMH], domiciliée [Adresse 998]),
824°/ à Mme [PEO] [KIP], domiciliée [Adresse 116]),
825°/ à Mme [XEW] [KRN], domiciliée [Adresse 516]),
826°/ à Mme [OJ] [YHW], domiciliée [Adresse 733] (Colombie),
827°/ à Mme [FFT] [LYY], domiciliée [Adresse 695]),
828°/ à Mme [GO] [MPD], domiciliée [Adresse 645] (Colombie),
829°/ à Mme [MNH] [XMK], domiciliée [Adresse 657] (Colombie),
830°/ à Mme [NUU] [NKO], domiciliée [Adresse 770] (Colombie),
831°/ à Mme [AXS] [WFA], domiciliée [Adresse 919] (Colombie),
832°/ à Mme [NJ] [OBU], domiciliée [Adresse 899] (Colombie),
833°/ à Mme [WF] [BNR], domiciliée [Adresse 785] (Colombie),
834°/ à Mme [RX] [HKI], domiciliée [Adresse 147] (Colombie),
835°/ à Mme [RJF] [GUD], domiciliée [Adresse 694] (Colombie),
836°/ à Mme [TTI] [OXF], domiciliée [Adresse 667] (Colombie),
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839°/ à Mme [GON] [VWN], domiciliée [Adresse 1221] (Colombie),
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841°/ à Mme [WUY] [BRF], domiciliée [Adresse 760]),
842°/ à Mme [RLZ] [UOD], domiciliée [Adresse 859] (Colombie),
843°/ à Mme [VBC] [TXY], domiciliée [Adresse 877] (Colombie),
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847°/ à Mme [DDN] [RDX], domiciliée [Adresse 442]),
848°/ à Mme [NSO] [UCX], domiciliée [Adresse 723] (Colombie),
849°/ à Mme [FIK]-[RN], domiciliée [Adresse 929] (Colombie),
850°/ à Mme [JNJ] [YFC], domiciliée [Adresse 692] (Colombie),
851°/ à Mme [JXY] [YOH], domiciliée [Adresse 915] (Colombie),
852°/ à Mme [DBX] [DNN], domiciliée [Adresse 889] (Colombie),
853°/ à Mme [JDB]-[KAX] [NVI], domiciliée [Adresse 543] (Colombie),
854°/ à Mme [RNL] [OLN], domiciliée [Adresse 717]),
855°/ à Mme [SGS] [VEB], domiciliée [Adresse 179] (Colombie),
856°/ à Mme [ZBL] [PCT], domiciliée [Adresse 680]),
857°/ à Mme [SPS] [PYE], domiciliée [Adresse 24] (Royaume-Uni),
858°/ à Mme [PLJ] [RKI], domiciliée [Adresse 481] (Colombie),
859°/ à Mme [ZSC] [BCS], domiciliée [Adresse 370] (Colombie),
860°/ à Mme [PU] [IVM], domiciliée [Adresse 604] (Colombie),
861°/ à Mme [KDC] [FNH], domiciliée [Adresse 445] (Colombie),
862°/ à Mme [CCO] [XPE], domiciliée [Adresse 781] (Colombie),
863°/ à Mme [HLE] [MAK], domiciliée [Adresse 840] (Colombie),
864°/ à Mme [DRR] [YXO], domiciliée [Adresse 388] (Colombie),
865°/ à Mme [DLJ] [XWV], domiciliée [Adresse 992] (Colombie),
866°/ à Mme [VBC] [ZRE], domiciliée [Adresse 769] (Colombie),
867°/ à Mme [JT] [LYA], domiciliée [Adresse 680]),
868°/ à Mme [OJ] [NFK], domiciliée [Adresse 423]),
869°/ à Mme [CR] [FKX], domiciliée [Adresse 447]),
870°/ à Mme [DU] [NJR], domiciliée [Adresse 803] (Colombie),
871°/ à Mme [NT] [WFY], domiciliée [Adresse 966] (Colombie),
872°/ à Mme [VKM] [WFY], domiciliée [Adresse 741] (Colombie),
873°/ à Mme [VMD] [OAW], domiciliée [Adresse 601]),
874°/ à Mme [ANC] [GVB], domiciliée [Adresse 454] (Colombie),
875°/ à Mme [XXT] [GVB], domiciliée [Adresse 412] (Colombie),
876°/ à Mme [HXR] [UKL], domiciliée [Adresse 1053] (Royaume-Uni),
877°/ à Mme [JU] [VSW], domiciliée [Adresse 128] (États-Unis),
878°/ à Mme [ZZL] [NXT], domiciliée [Adresse 777] (Colombie),
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884°/ à Mme [XXT] [XVS], domiciliée [Adresse 755] (Colombie),
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893°/ à Mme [ZWS] [KAS], domiciliée [Adresse 115],
894°/ à Mme [PRT] [DAS], domiciliée [Adresse 541] (Colombie),
895°/ à Mme [DU] [ZLO], domiciliée [Adresse 353] (Colombie),
896°/ à Mme [TFP] [KEA], domiciliée [Adresse 962] (Colombie),
897°/ à Mme [GZY] [TRH], domiciliée [Adresse 1007]),
898°/ à Mme [P] [PVB], domiciliée [Adresse 338] (Colombie),
899°/ à Mme [UEY] [HFC], domiciliée [Adresse 323] (Colombie),
900°/ à Mme [LRU] [UPZ], domiciliée [Adresse 518] (Colombie),
901°/ à Mme [AHK] [OIK], domiciliée [Adresse 381] (Colombie),
902°/ à Mme [DZM] [NSF], domiciliée [Adresse 773] (Colombie),
903°/ à Mme [MU] [ORD], domiciliée [Adresse 394]. [Adresse 142] (Colombie),
904°/ à Mme [JYM] [UZL], domiciliée [Adresse 711] (Colombie),
905°/ à Mme [TFG] [PHI], domiciliée [Adresse 450] (Colombie),
906°/ à Mme [PI] [FNO], domiciliée [Adresse 689] (Colombie),
907°/ à Mme [TTI] [VLK], domiciliée [Adresse 724]. [Adresse 6] (Colombie),
908°/ à Mme [DU] [PLO], domiciliée [Adresse 95]),
909°/ à Mme [ZYT] [UEA], domiciliée [Adresse 1085]),
910°/ à Mme [CYG] [TMV], domiciliée [Adresse 250] (Colombie),
911°/ à Mme [EBR] [RTZ], domiciliée [Adresse 471]),
912°/ à Mme [MB] [IZL], domiciliée [Adresse 750]),
913°/ à Mme [RO] [XLH], domiciliée [Adresse 373] (Colombie),
914°/ à Mme [WDE] [XLH], domiciliée [Adresse 374] (Colombie),
915°/ à Mme [OCX] [OOW], domiciliée [Adresse 1013] (Colombie),
916°/ à Mme [UGU] [IER], domiciliée [Adresse 348] (Colombie),
917°/ à Mme [VJJ] [VRY], domiciliée [Adresse 1198]),
918°/ à Mme [UEY] [NHL], domiciliée [Adresse 849] (Colombie),
919°/ à Mme [LNG] [CMW], domiciliée [Adresse 972] (Colombie),
920°/ à Mme [RLZ] [YGT], domiciliée [Adresse 427]),
921°/ à Mme [FKP] [DXB], domiciliée [Adresse 510] (Colombie),
922°/ à Mme [YDL] [YMR], domiciliée [Adresse 346] (Colombie),
923°/ à Mme [GKO] [YZP], domiciliée [Adresse 300] (Colombie),
924°/ à Mme [TBA] [JNT], domiciliée [Adresse 391] (Colombie),
925°/ à Mme [WB] [WJV], domiciliée [Adresse 868] (Colombie),
926°/ à Mme [GO] [IXN], domiciliée [Adresse 740]. [Adresse 146] (Colombie),
927°/ à Mme [EZ] [EPB], domiciliée [Adresse 325] (Colombie),
928°/ à Mme [XTW] [NKA], domiciliée [Adresse 931] (Colombie),
929°/ à Mme [AR] [GXX], domiciliée [Adresse 418]),
930°/ à Mme [SCC] [VFX], domiciliée [Adresse 857]. [Adresse 283] (Colombie),
931°/ à Mme [JYM] [PSC], domiciliée [Adresse 396] (Colombie),
932°/ à Mme [VEU] [TYM], domiciliée [Adresse 154] (Colombie),
933°/ à Mme [PNZ]-del-[MG], domiciliée [Adresse 1010] (Argentine),
934°/ à Mme [XHV] [FRD], domiciliée [Adresse 343]),
935°/ à Mme [ZEF] [AEO], domiciliée [Adresse 680]),
936°/ à Mme [ZB] [PEU], domiciliée [Adresse 728] (Colombie),
937°/ à Mme [ILW] [EZY], domiciliée [Adresse 650] (Colombie),
938°/ à Mme [WV] [GLO], domiciliée [Adresse 319]. [Adresse 8] (Colombie),
939°/ à Mme [UZ] [BSZ], domiciliée [Adresse 811] (Colombie),
940°/ à Mme [DAA] [BWF], domiciliée [Adresse 119]),
941°/ à Mme [KWD] [OJI], domiciliée [Adresse 106] (États-Unis),
942°/ à Mme [OZP] [MKE] [FUJ], domiciliée [Adresse 914] (Colombie),
943°/ à Mme [DU] [FDE], domiciliée [Adresse 484]),
944°/ à Mme [ZWS] [WSX], domiciliée [Adresse 191] (Colombie),
945°/ à Mme [TDP] [MXS], domiciliée [Adresse 860] (Colombie),
946°/ à Mme [DOF] [MGM], domiciliée [Adresse 614],
947°/ à Mme [RMJ] [LPH], domiciliée [Adresse 371] (Colombie),
948°/ à Mme [LG]-[MC] [EHT], domiciliée [Adresse 550] (Colombie),
949°/ à Mme [RYF] [XNI], domiciliée [Adresse 508] (Colombie),
950°/ à Mme [BKV] [ZON], domiciliée [Adresse 411] (Colombie),
951°/ à Mme [ZZR] [LLB], domiciliée [Adresse 820] (Colombie),
952°/ à Mme [IGB] [LIL], domiciliée [Adresse 681] (Colombie),
953°/ à Mme [IZ] [YHD], domiciliée [Adresse 910] (Colombie),
954°/ à Mme [IGZ] [KWM], domiciliée [Adresse 401]),
955°/ à Mme [BMZ] [YIU], domiciliée [Adresse 376] (Colombie),
956°/ à Mme [NAV] [JIF], domiciliée [Adresse 738]),
957°/ à Mme [WUA] [ZGB], domiciliée [Adresse 904] (Colombie),
958°/ à Mme [GT] [MID], domiciliée Cra. [Adresse 136] (Colombie),
959°/ à Mme [IXG] [EYA] [BJL], domiciliée [Adresse 680]),
960°/ à Mme [HIW] [FWA], domiciliée [Adresse 307] (Colombie),
961°/ à Mme [BE] [HWO], domiciliée [Adresse 680]),
962°/ à Mme [CXB] [HFJ], domiciliée [Adresse 282]),
963°/ à Mme [VIL] [EFH], domiciliée [Adresse 366] (Colombie),
964°/ à Mme [YDG]-[JM]-[XIT] [XDF], domiciliée [Adresse 469] (Colombie),
965°/ à Mme [VUX] [XDF], domiciliée [Adresse 762] (Colombie),
966°/ à Mme [DWN] [RNV], domiciliée [Adresse 309] (Colombie),
967°/ à Mme [WC] [IUH], domiciliée [Adresse 285]. [Adresse 993] (Colombie),
968°/ à Mme [VD] [JKM], domiciliée [Adresse 383] (Colombie),
969°/ à Mme [VD] [RTB], domiciliée [Adresse 815] (Colombie),
970°/ à Mme [DTV]-[DUX] [SXN], domiciliée [Adresse 742]),
971°/ à Mme [EYA]-[ZJ], domiciliée [Adresse 305] (Colombie),
972°/ à Mme [JTI] [UVO], domiciliée [Adresse 308]),
973°/ à Mme [EKO] [OVA], domiciliée [Adresse 680]),
974°/ à Mme [DUC] [DWG], domiciliée [Adresse 666]. [Adresse 79]),
975°/ à Mme [PTO]-[TW], domiciliée [Adresse 561]. [Adresse 81] (Colombie),
976°/ à Mme [XIT] [IZE], domiciliée [Adresse 486] (Colombie),
977°/ à Mme [YJS] [WLL], domiciliée [Adresse 462]),
978°/ à Mme [VY] [JPJ], domiciliée [Adresse 888] (Colombie),
979°/ à Mme [KYI] [JPJ], domiciliée [Adresse 379]),
980°/ à Mme [KNU] [ETK], domiciliée [Adresse 907] (Colombie),
981°/ à Mme [RWA] [MMY], domiciliée [Adresse 852] (Colombie),
982°/ à Mme [TKU] [ZJA], domiciliée [Adresse 680]),
983°/ à Mme [TAC] [ZBG], domiciliée [Adresse 872]),
984°/ à Mme [KT] [DGU], domiciliée [Adresse 684]),
985°/ à Mme [EKO] [YNO], domiciliée [Adresse 734] (Colombie),
986°/ à Mme [SW] [XTD], domiciliée [Adresse 732] (Colombie),
987°/ à Mme [MB] [IHG], domiciliée [Adresse 862] (Colombie),
988°/ à Mme [YNJ] [MSX], domiciliée [Adresse 712]),
989°/ à Mme [VZM] [NJC], domiciliée [Adresse 607]. [Adresse 28]),
990°/ à Mme [PI] [OAH], domiciliée [Adresse 493] (Colombie),
991°/ à Mme [GO] [VPH], domiciliée [Adresse 503]. [Adresse 45]),
992°/ à Mme [YCI] [ORM], domiciliée [Adresse 674] (Colombie),
993°/ à Mme [HMN] [GVP], domiciliée [Adresse 660] (Colombie),
994°/ à Mme [WP] [XJR], domiciliée [Adresse 420]),
995°/ à Mme [WS] [AJW], domiciliée [Adresse 757] (Colombie),
996°/ à Mme [NEM] [WCG], domiciliée [Adresse 288]),
997°/ à Mme [JDB]-[V] [OEN], domiciliée [Adresse 655]),
998°/ à Mme [ZZW] [ESI], domiciliée [Adresse 407]),
999°/ à Mme [GF] [UUW], domiciliée [Adresse 886] (Colombie),
1000°/ à Mme [OE] [PLY], domiciliée [Adresse 702]),
1001°/ à Mme [SK] [FIZ], domiciliée [Adresse 415] (Colombie),
1002°/ à Mme [DMT] [AVY], domiciliée [Adresse 364]),
1003°/ à Mme [CX] [PRE], domiciliée [Adresse 18]),
1004°/ à Mme [MB] [RHJ], domiciliée [Adresse 875] (Colombie),
1005°/ à Mme [RZD] [TIF], domiciliée [Adresse 1083] (Colombie),
1006°/ à Mme [BUI] [RYO], domiciliée [Adresse 326] (Colombie),
1007°/ à Mme [ITC] [BIJ], domiciliée [Adresse 763] (Colombie),
1008°/ à Mme [JKU] [SIN], domiciliée [Adresse 687] (Colombie),
1009°/ à Mme Mariana [SYG], domiciliée [Adresse 743] (Colombie),
1010°/ à Mme [ED] [RBD], domiciliée [Adresse 766] (Colombie),
1011°/ à Mme [YW] [UFR], domiciliée [Adresse 505] (Colombie),
1012°/ à Mme [ZIV] [PJY], domiciliée [Adresse 827] (Colombie),
1013°/ à Mme [CDR] [PJY], domiciliée [Adresse 512] (Colombie),
1014°/ à Mme [ZJT] [AWP], domiciliée [Adresse 435] (Colombie),
1015°/ à Mme [PGK] [GGK], domiciliée [Adresse 474] (Colombie),
1016°/ à Mme [JJ] [ICJ], domiciliée [Adresse 786] (Colombie),
1017°/ à Mme [NWV] [DKO], domiciliée [Adresse 461] (Colombie),
1018°/ à Mme [MMO] [FZN], domiciliée [Adresse 130] (États-Unis),
1019°/ à Mme [FZG] [YYH], domiciliée [Adresse 753]. [Adresse 10] (Colombie),
1020°/ à Mme [AFG] [GPT], domiciliée [Adresse 703] (Colombie),
1021°/ à Mme [ADH] [NCW], domiciliée [Adresse 485]. [Adresse 46] (Colombie),
1022°/ à Mme [K] [XDY], domiciliée [Adresse 816] (Colombie),
1023°/ à Mme [EC] [LRF], domiciliée [Adresse 400] (Colombie),
1024°/ à Mme [RSX] [LRF], domiciliée [Adresse 400] (Colombie),
1025°/ à Mme [LFS] [ZGU], domiciliée [Adresse 344] (Colombie),
1026°/ à Mme [URX] [AZB], domiciliée Cra. [Adresse 131] (Colombie),
1027°/ à Mme [EKO] [KAD], domiciliée [Adresse 948] (Colombie),
1028°/ à Mme [ZSC] [ZPL], domiciliée [Adresse 523] (Colombie),
1029°/ à Mme [BBP], domiciliée [Adresse 380] (Colombie),
1030°/ à Mme [EOX] [KRI], domiciliée [Adresse 566]),
1031°/ à Mme [BZT] [DSL], domiciliée [Adresse 893] (Colombie),
1032°/ à Mme [FXF] [XMP], domiciliée [Adresse 873] (Colombie),
1033°/ à Mme [RJF] [EZR], domiciliée [Adresse 314] (Colombie),
1034°/ à Mme [VKM] [WFF], domiciliée [Adresse 1000] (Colombie),
1035°/ à Mme [DZM] [FPW], domiciliée [Adresse 339] (Colombie),
1036°/ à Mme [PI] [XZO], domiciliée [Adresse 1027]),
1037°/ à Mme [FTE] [MYK], domiciliée [Adresse 892] (Colombie),
1038°/ à Mme [M] [CVA], domiciliée [Adresse 706] (Colombie),
1039°/ à Mme [TUV] [HXM], domiciliée [Adresse 398] (Colombie),
1040°/ à Mme [EZC] [HCM], domiciliée [Adresse 730] (Colombie),
1041°/ à Mme [HH] [VWT], domiciliée [Adresse 574]. [Adresse 22]),
1042°/ à Mme [CC] [OKB], domiciliée [Adresse 26] (Royaume-Uni),
1043°/ à Mme [OJ] [FUR], domiciliée [Adresse 559] (Colombie),
1044°/ à Mme [RYF] [RMX], domiciliée [Adresse 416] (Colombie),
1045°/ à Mme [RJF] [JJO], domiciliée [Adresse 744]),
1046°/ à Mme [VBC] [EZF], domiciliée [Adresse 361] (Colombie),
1047°/ à Mme [MFA] [CXL], domiciliée [Adresse 912] (Colombie),
1048°/ à Mme [RLL] [SYL], domiciliée [Adresse 467] (Colombie),
1049°/ à Mme [OHH] [SII], domiciliée [Adresse 310] (Colombie),
1050°/ à Mme [OG] [BUB], domiciliée [Adresse 739] (Colombie),
1051°/ à Mme [FM] [CWJ], domiciliée [Adresse 643] (Colombie),
1052°/ à Mme [CBC] [TDU], domiciliée [Adresse 464] (Colombie),
1053°/ à Mme [MB] [RLV], domiciliée [Adresse 680]),
1054°/ à Mme [IJN] [TUZ], domiciliée [Adresse 1082] (Colombie),
1055°/ à Mme [O] [ULE], domiciliée [Adresse 916] (Colombie),
1056°/ à Mme [XU] [FVT], domiciliée [Adresse 844] (Colombie),
1057°/ à Mme [GSJ] [VGP], domiciliée [Adresse 1018] (Colombie),
1058°/ à Mme [IUO] [NSU], domiciliée [Adresse 410] (Colombie),
1059°/ à Mme [XCH] [NSU], domiciliée [Adresse 704] (Colombie),
1060°/ à Mme [SJG] [CZX], domiciliée [Adresse 670] (Colombie),
1061°/ à Mme [TOV] [XWK], domiciliée [Adresse 758] (Colombie),
1062°/ à Mme [ACV] [ABD], domiciliée [Adresse 680]),
1063°/ à Mme [MHO] [BXO], domiciliée [Adresse 491]),
1064°/ à Mme [IIL] [HHJ], domiciliée [Adresse 908] (Colombie),
1065°/ à Mme [IUO] [HBK], domiciliée Cra. [Adresse 1030] (Colombie),
1066°/ à Mme [RLZ] [BRP], domiciliée [Adresse 171] (Colombie),
1067°/ à Mme [BRX] [OET], domiciliée [Adresse 996] (Colombie),
1068°/ à Mme [JTI] [XJL], domiciliée [Adresse 912] (Colombie),
1069°/ à Mme [TTI] [AMK], domiciliée [Adresse 417] (Colombie),
1070°/ à Mme [TVI] [AFY], domiciliée [Adresse 680]),
1071°/ à Mme [DAA] [WXM], domiciliée [Adresse 928] (Colombie),
1072°/ à Mme [DW] [MTC], domiciliée [Adresse 930] (Colombie),
1073°/ à Mme [TDP] [YEX], domiciliée [Adresse 778] (Colombie),
1074°/ à Mme [HKB] [BHH], domiciliée [Adresse 397] (Colombie),
1075°/ à Mme [RBM] [LKS], domiciliée [Adresse 558] (Colombie),
1076°/ à Mme [SVW] [JOL], domiciliée [Adresse 546] (Colombie),
1077°/ à Mme [DZM] [KFR], domiciliée [Adresse 536] (Colombie),
1078°/ à Mme [DZM] [DCI], domiciliée [Adresse 756] (Colombie),
1079°/ à Mme [PUD] [LGL], domiciliée [Adresse 390]),
1080°/ à Mme [TNX] [ZAI], domiciliée [Adresse 572]),
1081°/ à Mme [XM] [ZWX], domiciliée [Adresse 991]),
1082°/ à Mme [LSW] [LBC], domiciliée [Adresse 903] (Colombie),
1083°/ à Mme [VY] [YOM], domiciliée [Adresse 190] (Colombie),
1084°/ à Mme [PZ] [KLA], domiciliée [Adresse 968] (Colombie),
1085°/ à Mme [FF] [ZVU], domiciliée [Adresse 340] (Colombie),
1086°/ à Mme [CBC] [JUV], domiciliée [Adresse 487] (Colombie),
1087°/ à Mme [WB] [XUB], domiciliée [Adresse 1062] (Argentine),
1088°/ à Mme [TDK] [MMT], domiciliée [Adresse 408] (Colombie),
1089°/ à Mme [LNP] [GRV], domiciliée [Adresse 248] (Colombie),
1090°/ à Mme [MSN] [WYP], domiciliée [Adresse 861] (Colombie),
1091°/ à Mme Mariana [DVZ], domiciliée [Adresse 413] (Colombie),
1092°/ à Mme [XXT] [VRF], domiciliée [Adresse 352]. [Adresse 101] (Colombie),
1093°/ à Mme [XU] [HMG], domiciliée [Adresse 463] (Colombie),
1094°/ à Mme [PCE] [GWN], domiciliée [Adresse 705] (Colombie),
1095°/ à Mme [PI] [PLA], domiciliée [Adresse 812] (Colombie),
1096°/ à Mme [IAX] [RCF], domiciliée [Adresse 902] (Colombie),
1097°/ à Mme Margie [RCF], domiciliée [Adresse 850] (Colombie),
1098°/ à Mme [GO] [TNJ], domiciliée [Adresse 284] (Colombie),
1099°/ à Mme [DDV] [RTK], domiciliée [Adresse 1058]),
1100°/ à Mme [XXT] [IYX], domiciliée [Adresse 1084] (Colombie),
1101°/ à Mme [EW] [FJX], domiciliée [Adresse 334] (Colombie),
1102°/ à Mme [GMU] [ETS], domiciliée [Adresse 337] (Colombie),
1103°/ à Mme [FTL] [UAI], domiciliée [Adresse 478] (Colombie),
1104°/ à Mme [EW] [RGL], domiciliée [Adresse 1006] (Colombie),
1105°/ à Mme [PI] [TJD], domiciliée [Adresse 720] (Colombie),
1106°/ à Mme [VCF] [RXR], domiciliée [Adresse 455] (Colombie),
1107°/ à Mme [DLC] [SSY], domiciliée [Adresse 299] (Colombie),
1108°/ à Mme [ULJ] [CET], domiciliée [Adresse 389] (Colombie),
1109°/ à Mme [UD] [AMS], domiciliée [Adresse 565]. 302, Bogota, Cundinamarca (Colombie),
1110°/ à Mme [YPA] [SNW], domiciliée [Adresse 7] (États-Unis),
1111°/ à Mme [KTY] [DYK], domiciliée [Adresse 85]),
1112°/ à Mme [DTK] [ATC], domiciliée [Adresse 360]. [Adresse 101] (Colombie),
1113°/ à Mme [O] [URS], domiciliée [Adresse 419]. [Adresse 104] (Colombie),
1114°/ à Mme [KR] [ETW], domiciliée [Adresse 870] (Colombie),
1115°/ à Mme [MBI] [NZF], domiciliée [Adresse 802] (Colombie),
1116°/ à Mme [OOM] [III], domiciliée [Adresse 839] (Colombie),
1117°/ à Mme [VBC] [GAL], domiciliée [Adresse 433]),
1118°/ à Mme [UJN] [NUZ], domiciliée [Adresse 663] (Colombie),
1119°/ à Mme [NXJ] [XDA], domiciliée [Adresse 367] (Colombie),
1120°/ à Mme [O] [LWJ], domiciliée [Adresse 48] (États-Unis),
1121°/ à Mme [UPB] [MII], domiciliée [Adresse 553] (Colombie),
1122°/ à Mme [FAW] [KLE], domiciliée [Adresse 652] (Colombie),
1123°/ à Mme [AS] [XYL], domiciliée [Adresse 838] (Colombie),
1124°/ à Mme [TTI] [DHW], domiciliée [Adresse 707] (Colombie),
1125°/ à Mme [WU] [BOI], domiciliée [Adresse 425] (Colombie),
1126°/ à Mme [VRA] [JZF], domiciliée [Adresse 393] (Colombie),
1127°/ à Mme [MB] [ZRJ], domiciliée [Adresse 498] (Colombie),
1128°/ à Mme [XUU] [DCE], domiciliée [Adresse 680]),
1129°/ à Mme [CE] [YTX], domiciliée [Adresse 476] (Colombie),
1130°/ à Mme [CD] [TI] [LXV], domiciliée [Adresse 901] (Colombie),
1131°/ à Mme [DU] [EDH], domiciliée [Adresse 818] (Colombie),
1132°/ à Mme [MB] [EDH], domiciliée [Adresse 881] (Colombie),
1133°/ à Mme [PI] [XBO], domiciliée [Adresse 659] (Colombie),
1134°/ à Mme [BEB] [JOH], domiciliée [Adresse 752] (Colombie),
1135°/ à Mme [JTI] [YVY], domiciliée [Adresse 533] (Colombie),
1136°/ à Mme [PJJ] [LKW], domiciliée [Adresse 457] (Colombie),
1137°/ à Mme [ASS] [MTG], domiciliée [Adresse 290] (Colombie),
1138°/ à Mme [VD] [ICR], domiciliée [Adresse 444]. [UH] [MIM], Medellin, Antioquia (Colombie),
1139°/ à Mme [DRR] [HLL], domiciliée [Adresse 392] (Colombie),
1140°/ à Mme [YW] [ELJ], domiciliée [Adresse 399]),
1141°/ à Mme [ZPB] [L] [WTC], domiciliée [Adresse 531]),
1142°/ à Mme [TJ] [DKH], domiciliée [Adresse 680]),
1143°/ à Mme [ZKL] [HBO], domiciliée [Adresse 680]),
1144°/ à Mme [IOS] [GRA], domiciliée [Adresse 780] (Colombie),
1145°/ à Mme [DDN] [AOL], domiciliée [Adresse 883]),
1146°/ à Mme [DU] [VXR], domiciliée [Adresse 651] (Colombie),
1147°/ à Mme [PRA] [UPG], domiciliée [Adresse 696] (Colombie),
1148°/ à Mme [DN] [PRN], domiciliée [Adresse 680]),
1149°/ à Mme [LW] [INF], domiciliée [Adresse 761] (Colombie),
1150°/ à Mme [YWR] [FVO], domiciliée [Adresse 333]),
1151°/ à Mme [JGT] [JEK], domiciliée [Adresse 72]),
1152°/ à Mme [HOY] [FEJ], domiciliée [Adresse 312] (Colombie),
1153°/ à Mme [UIV], domiciliée [Adresse 347]. [Adresse 103] (Colombie),
1154°/ à Mme [KN] [ARI], domiciliée [Adresse 377]),
1155°/ à Mme [XU] [TPO], domiciliée [Adresse 568] (Colombie),
1156°/ à Mme [ZJT] [SYP], domiciliée [Adresse 304] (Colombie),
1157°/ à Mme [NAG] [RRZ], domiciliée [Adresse 451]),
1158°/ à Mme [CD] [GJR], domiciliée [Adresse 330] (Colombie),
1159°/ à Mme [TTI] [DPH], domiciliée [Adresse 898] (Colombie),
1160°/ à Mme [EEM] [DPE], domiciliée [Adresse 1218]),
1161°/ à Mme [YW] [LPW], domiciliée Cra. [Adresse 2] (Colombie),
1162°/ à Mme [LSW] [YPY], domiciliée [Adresse 913]. [Adresse 112] (Colombie),
1163°/ à Mme [LXL] [YYX], domiciliée [Adresse 357] (Colombie),
1164°/ à Mme [O] [YPK], domiciliée [Adresse 958] (Colombie),
1165°/ à Mme [EUU] [XIA], domiciliée [Adresse 9] (Royaume-Uni),
1166°/ à Mme [VL] [JEN], domiciliée [Adresse 679] (Colombie),
1167°/ à Mme [RJF] [FEG], domiciliée [Adresse 318] (Colombie),
1168°/ à Mme [OF] [WMO], domiciliée [Adresse 358]. [Adresse 112] (Colombie),
1169°/ à Mme [STH] [NUF], domiciliée [Adresse 767] (Colombie),
1170°/ à Mme [ET] [VFE], domiciliée [Adresse 560]),
1171°/ à Mme [DUX] [PBP], domiciliée [Adresse 517]),
1172°/ à Mme [CKS] [WEC], domiciliée [Adresse 959] (Colombie),
1173°/ à Mme [ZSC] [RBH], domiciliée [Adresse 680]),
1174°/ à Mme [TU] [STW], domiciliée Cra. 1k # 59B26 Apto. [Adresse 102] (Colombie),
1175°/ à Mme [YE] [SMY], domiciliée [Adresse 567]),
1176°/ à Mme [TFG] [RYK], domiciliée [Adresse 824] (Colombie),
1177°/ à Mme [DZM] [TIJ], domiciliée [Adresse 729] (Colombie),
1178°/ à Mme [XHV] [EAZ], domiciliée [Adresse 311]),
1179°/ à Mme [NM] [CCE], domiciliée [Adresse 244] (Colombie),
1180°/ à Mme [JYM] [HLZ], domiciliée [Adresse 710] (Colombie),
1181°/ à Mme [ZTK] [GWV], domiciliée [Adresse 570] (Colombie),
1182°/ à Mme [GO] [BMA], domiciliée [Adresse 821] (Colombie),
1183°/ à Mme [FYI] [WGR], domiciliée [Adresse 999]),
1184°/ à Mme [BX] [ERD], domiciliée [Adresse 768] (Colombie),
1185°/ à Mme [SI] [IHK], domiciliée [Adresse 575]),
1186°/ à Mme [LSW] [IYP], domiciliée [Adresse 680]),
1187°/ à Mme [DZM] [ETZ], domiciliée [Adresse 809] (Colombie),
1188°/ à Mme [DU] [MNM], domiciliée [Adresse 468] (Colombie),
1189°/ à Mme [LOE] [LXH], domiciliée [Adresse 736] (Colombie),
1190°/ à Mme [GGS] [YJM], domiciliée [Adresse 765] (Colombie),
1191°/ à Mme [LRU] [LGC], domiciliée [Adresse 843] (Colombie),
1192°/ à Mme [AAL] [ZRX], domiciliée [Adresse 548] (Colombie),
1193°/ à Mme [WN] [JUB], domiciliée [Adresse 1009] (Colombie),
1194°/ à Mme [LFS] [ZFI], domiciliée [Adresse 501] (Colombie),
1195°/ à Mme [CBC] [LBL], domiciliée [Adresse 482] (Colombie),
1196°/ à Mme [GO] [AFR], domiciliée C/ [Adresse 1051] (Espagne),
1197°/ à Mme [YA] [LBW], domiciliée [Adresse 453]),
1198°/ à Mme [UG] [ZEY], domiciliée [Adresse 494] (Colombie),
1199°/ à Mme [TTI] [JUL], domiciliée [Adresse 456] (Colombie),
1200°/ à Mme [JRH] [YSZ], domiciliée [Adresse 871] (Colombie),
1201°/ à Mme [O] [YJX], domiciliée [Adresse 952]),
1202°/ à Mme [GBV] [CLX], domiciliée [Adresse 925] (Colombie),
1203°/ à Mme [ZSC] [MNC], domiciliée [Adresse 551] (Colombie),
1204°/ à Mme [GN] [XCM], domiciliée [Adresse 152] (Colombie),
1205°/ à Mme [RJF] [JPF], domiciliée [Adresse 382] (Colombie),
1206°/ à Mme [UWM] [IZA], domiciliée [Adresse 920] (Colombie),
1207°/ à Mme [MNH] [YWW], domiciliée [Adresse 286] (Colombie),
1208°/ à Mme [BLP] [MSI], domiciliée [Adresse 538]),
1209°/ à Mme [IDT] [NZT], domiciliée [Adresse 521]. [Adresse 141] (Colombie),
1210°/ à Mme [KRE] [GFF], domiciliée [Adresse 708] (Colombie),
1211°/ à Mme [BV] [IDO], domiciliée [Adresse 854] (Colombie),
1212°/ à Mme [UXK] [GWK], domiciliée [Adresse 280] (Colombie),
1213°/ à Mme [ZVZ] [HMJ], domiciliée [Adresse 129] (États-Unis),
1214°/ à Mme [ZMM] [YBK], domiciliée [Adresse 665] (Colombie),
1215°/ à Mme [WNH] [DWC], domiciliée [Adresse 721]),
1216°/ à Mme [HL] [OVE], domiciliée [Adresse 537] (Colombie),
1217°/ à Mme [FWY] [URE], domiciliée [Adresse 483] (Colombie),
1218°/ à Mme [RYF] [AIM], domiciliée [Adresse 321] (Colombie),
1219°/ à Mme [RYF] [RGV], domiciliée [Adresse 680]),
1220°/ à Mme [VM]-de-[MKN], domiciliée [Adresse 701]),
1221°/ à Mme [TI] [RLB], domiciliée [Adresse 934] (Colombie),
1222°/ à Mme [JGT] [ASH], domiciliée [Adresse 671]),
1223°/ à Mme [PJJ]-[LGP] [UWH], domiciliée [Adresse 681] (Colombie),
1224°/ à Mme [PJO] [WDS], domiciliée [Adresse 14]),
1225°/ à Mme [AEW] [PGG], domiciliée [Adresse 88] (Royaume-Uni),
1226°/ à Mme [LSW] [VTB], domiciliée [Adresse 737] (Colombie),
1227°/ à Mme [PGU]-[GK], domiciliée [Adresse 965] (Colombie),
1228°/ à Mme [VBC] [PWD], domiciliée [Adresse 431]. [Adresse 123] (Colombie),
1229°/ à Mme [TDP] [TUK], domiciliée [Adresse 515]),
1230°/ à Mme [BU] [KG], domiciliée [Adresse 74],
1231°/ à Mme [VIR] [ZT], domiciliée [Adresse 61],
1232°/ à M. [UFW] [PK], domicilié [Adresse 139],
1233°/ à Mme [PTY] [HY], domiciliée [Adresse 35],
1234°/ à Mme [DEP] [JDP], épouse [HY], domiciliée [Adresse 953],
1235°/ à Mme [BOB] [RC], épouse [DMI], domiciliée [Adresse 38],
1236°/ à Mme [GS] [DZ], épouse [JAR], domiciliée [Adresse 11],
1237°/ à Mme [RE] Martin, épouse [XYR], domiciliée [Adresse 36],
1238°/ à Mme [UNK] [LCO], domiciliée [Adresse 17],
1239°/ à M. [HGO] [CPA], domicilié [Adresse 47],
1240°/ à Mme [KOI] [PMM], domiciliée [Adresse 980],
1241°/ à Mme [RKX] [RDS], domiciliée [Adresse 110],
1242°/ à Mme [GZ] [RIH], domiciliée [Adresse 49],
1243°/ à Mme [KDC] [LTU], épouse [NOP], domiciliée [Adresse 4],
1244°/ à Mme [SIX] [GLH], domiciliée [Adresse 23],
1245°/ à Mme [MM] [APN], domiciliée [Adresse 977],
1246°/ à Mme [IF] [OAD], domiciliée [Adresse 100],
1247°/ à Mme [ACF] [MJZ], épouse [ETO], domiciliée [Adresse 40],
1248°/ à Mme [HAF] [KVU], épouse [NMU], domiciliée [Adresse 109],
1249°/ à Mme [CS] [SF], domiciliée [Adresse 957]),
1250°/ à Mme [MH] [EYA] [ENA], domiciliée [Adresse 1092]),
1251°/ à Mme [JJK] [LBH], domiciliée [Adresse 1052]),
1252°/ à Mme [DCB] [OPB], domiciliée [Adresse 295] (Pays-Bas),
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Mme [N] et mille-cent-cinquante-cinq autres parties, Mme [MXM] [SWK] et dix autres parties, représentées par la SCP Spinosi, avocat, ont formé, respectivement, un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt et invoquent, respectivement, à l'appui de leur recours, un moyen unique commun de cassation.
La société EMI Importação e Distribuição Ltda et trente-cinq autres parties, représentées par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt et invoquent, à l'appui de leur recours, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
[VSD] le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer et les plaidoiries de Me Périer, avocat des sociétés TÜV Rheinland France et TÜV Rheinland LGA Products GmbH, de la SAS Buk Lament-Robillot et les plaidoires de Me Robillot, avocat de la société EMI Importação e Distribuição Ltda et de cinquante-neuf autres parties, de la SCP Spinosi et les plaidoiries de Me Spinosi, avocat de Mme [N] et mille-cent-cinquante-cinq autres parties, Mme [MXM] [SWK] et dix autres parties, et Mme [ZT] et quinze autres parties, et l'avis écrit et oral de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2021) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvois n° 16-19.430, n° 17-14.401, n° 15-26.093, n° 15-28.891, n° 15-28.531, n° 15-26.115 et n° 15-26.388), la société Poly implant prothèse (la société PIP), qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires, a demandé à la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH (la société TRLP), de procéder à l'évaluation du système de qualité mis en place pour la conception, la fabrication et le contrôle final, ainsi qu'à l'examen du dossier de conception de ces dispositifs médicaux, en sa qualité d'organisme notifié par les Etats membres à la Commission européenne et aux autres Etats membres, au sens de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux.
2. Une première inspection de certification a été réalisée auprès de la société PIP, suivie d'audits visant à renouveler la première certification. Ainsi, le 22 octobre 1997, la société TRLP a rendu une décision d'approbation du système de qualité de la société PIP, qu'elle a renouvelée les 17 octobre 2002, 15 mars 2004 et 13 décembre 2007. Le 25 février 2004, à la suite de la nouvelle classification des implants mammaires en classe III de la directive 93/42, la société PIP a soumis la conception du dispositif médical dénommé « implants mammaires pré-remplis de gel de silicone à haute cohésivité (IMGHC) » à la société TRLP, qui a délivré, le 15 mars 2004, un certificat d'examen CE valable jusqu'au 14 mars 2009 et, le 27 mai 2009, saisie d'une nouvelle demande de la société PIP, un second certificat.
3. Ces audits ont été réalisés par ou avec les auditeurs de la société TÜV Rheinland France (la société TRF), également membre du groupe TÜV en application d'un contrat cadre conclu le 30 avril 1999 avec la société TRLP.
4. A la suite d'une inspection, les 16 et 17 mars 2010, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d'un gel de silicone différent du gel de marque [MAZ] qui figurait dans le dossier de marquage CE de conformité aux dispositions de la directive. En raison du risque de rupture précoce des implants fabriqués par la société PIP et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la santé français et différentes autorités sanitaires étrangères ont recommandé aux femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à leur explantation.
5. Le 30 mars 2010, la société PIP a été placée en liquidation judiciaire et, par arrêt du 2 mai 2016, ses dirigeants ont été déclarés coupables des délits de tromperie aggravée et d'escroquerie et condamnés, l'enquête pénale ayant établi que la société PIP avait utilisé ce gel à compter du mois d'octobre 2002.
6. La société Allianz, assureur de la société PIP, a assigné celle-ci en annulation des contrats d'assurance par elle souscrits. Les sociétés GF Electromedics Srl, EMI Importaçao E Distribuiçao Ltda et J & D Medicals, distributeurs d'implants mammaires, sont intervenues volontairement à l'instance pour soutenir que l'assureur devait sa garantie et ont assigné en intervention forcée les sociétés TRLP et TRF en responsabilité et indemnisation.
7. D'autres distributeurs et de nombreuses personnes physiques, porteuses d'implants de la société PIP, de nationalité française ou étrangère, sont intervenus volontairement à l'instance aux mêmes fins.
Examen des moyens
[VSD] les premier à quatrième moyens du pourvoi incident de la société J & D Medicals et autres
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a lieu de statuer par une décision spécialement motivée ni sur le premier moyen, qui est irrecevable, ni sur les deuxième à quatrième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
[VSD] le premier moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF
Enoncé du moyen
9. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de retenir que la société TRLP, en sa qualité d'organisme notifié, a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission, de les déclarer in solidum responsables, pour la période du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, au titre de leurs manquements et abstention fautifs à leurs missions et obligations dans la surveillance du système de qualité de la société PIP, de les condamner in solidum à réparer les dommages résultant du maintien sur le marché, entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, des dispositifs médicaux fabriqués par la société PIP, de les condamner, en conséquence, à verser différentes indemnités aux personnes physiques déclarées recevables et à certains distributeurs et d'ordonner une expertise à l'égard de certaines personnes physiques, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'annexe II de la directive du 93/42/CEE du 14 juin 1993, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (C-219/15) et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 10 octobre 2018 (Civ.1re, 10 oct. 2018, n° 15-26.093), que l'obligation de vigilance à laquelle est tenu l'organisme notifié ne lui impose d'entreprendre des mesures additionnelles, telles qu'une visite inopinée, qu'en présence d'indices suggérant que les dispositifs concernés sont susceptibles d'être non conformes aux exigences découlant de cette
directive ; que l'organisme notifié détermine librement les mesures pertinentes pour le contrôle de la mise en oeuvre par le fabricant du système de qualité approuvé, et ne peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir effectué de visite inopinée dans les locaux dudit fabricant qu'à la condition non seulement qu'aient été portés à sa connaissance des indices suggérant que les dispositifs médicaux concernés étaient susceptibles d'être non conformes aux exigences posées par la directive, mais aussi que ces indices aient, du fait de leur nature et de leur objet, spécifiquement imposé le recours à de telles visites, à l'exclusion de toute autre mesure additionnelle ; qu'en l'espèce, après avoir recensé divers événements concernant les dispositifs médicaux survenus entre 1997 et 2006 et relevé que les audits de surveillance du système de qualité de PIP effectués au cours de cette période avaient conclu à l'existence de points d'amélioration ou d'écarts par rapport au référentiel applicable, la cour d'appel a conclu, sans autre forme de motivation, qu'au 1er septembre 2006, les indices connus de TRLP auraient dû la conduire à effectuer une visite inopinée dans les locaux de la société PIP ; qu'en se prononçant de la sorte, sans identifier les indices qui, à cette date précisément, auraient imposé à l'organisme notifié TRLP, au regard des règles précitées, de procéder à une telle visite inopinée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;
2°/ en toute hypothèse que le constat de l'existence d'écarts du système de qualité approuvé par rapport au référentiel applicable ne justifie le recours à une visite inopinée dans les locaux du fabricant que lorsqu'ils portent sur des circonstances suggérant des non-conformités du produit concerné aux exigences découlant de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 et imposent, au regard de leur nature et de leur consistance, une telle visite ; qu'en se fondant sur le fait que les audits réalisés par les auditeurs de TRLP entre 1997 et 2006 avaient révélé l'existence d'écarts du système de qualité approuvé sur des éléments tels que la production de l'eau déminéralisée alimentant la machine à laver des prothèses, la gestion des réclamations clients, ou le non-respect de certains aspects du processus de stérilisation, points qui, compte tenu de leur objet, ne caractérisaient pas des indices de non-conformité imposant le recours à une visite inopinée à l'exclusion de toute autre mesure, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;
3°/ en outre, que, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir qu'il résultait de la lecture des rapports d'audit que chaque écart, non critique, du système de qualité par rapport au référentiel applicable, avait fait l'objet de mesures correctives et/ou préventives appropriées qui avaient été mises en oeuvre par le fabricant dans des conditions garantissant le respect des exigences prévues par la directive 93/42/CEE et la bonne application du système de qualité approuvé, ce dont il résultait que le recours à une visite inopinée ne s'imposait pas à l'époque des faits ; qu'en affirmant, pour retenir que l'absence de visite inopinée engageait la responsabilité de TRLP, que les "satisfécits" figurant dans les rapports d'audit étaient "totalement inopérants", que les auditeurs auraient procédé à "une appréciation erronée de l'incidence, en termes d'indices de non conformité des écarts constatés sur la capacité de la société PIP à se conformer à son système qualité et aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE", ou encore que "les sociétés TÜV ne sauraient utilement se retrancher derrière la méthode de sondage utilisée pendant les audits, le suivi des actions correctives et la levée des déviations constatées pour nier l'accumulation de difficultés importantes et récurrentes au sein de la société PIP dont elles connaissaient la place majeure en tant que fournisseur mondial d'implants mammaires", sans rechercher si les mesures correctives et/ou préventives adoptées par le fabricant PIP n'avaient pas répondu, dans des délais appropriés, à l'ensemble des écarts relevés par l'organisme notifié, écartant ainsi l'obligation de mettre en oeuvre une quelconque mesure additionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;
4°/ en outre, que les visites inopinées auxquelles procèdent les organismes notifiés ne consistent pas dans des mesures d'investigation générale ni dans des mesures de perquisition mais ont pour seul objet de procéder aux vérifications additionnelles rendues nécessaires par les indices qui les ont provoquées ; que pour dire que la visite inopinée qu'aurait dû pratiquer l'organisme notifié TRLP en l'état des écarts que la cour d'appel a pu relever aurait abouti à la révélation de la fraude, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun indice relatif à une impropriété du gel de remplissage autorisé, a relevé que "la fabrication d'implants mammaires était particulièrement importante et la découverte par l'organisme notifié des fûts et des commandes de gel industriel ne fait nul doute en l'absence de temps pour les employés pour s'organiser de quelque façon que ce soit" ; qu'en retenant ainsi qu'une visite inopinée pratiquée par TRLP sur la base des indices qu'elle relevait aurait nécessairement révélé la fraude, la cour d'appel, qui a statué par voie de pure affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que, en se fondant encore, pour reprocher à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir procédé, en septembre 2006, à une visite inopinée dans les locaux de la société PIP, sur le fait qu'en 2000, la FDA avait adressé à PIP une lettre d'avertissement concernant des prothèses salines dont TRLP indiquait, sans être démentie par l'arrêt, n'avoir pas eu connaissance, que cette même année, la MDA avait adressé un courrier à PIP sur le devenir métabolique des implants en hydrogel, et sur le fait qu'en 2003, le TGA Australien avait relevé des "non conformités" consistant dans l'existence de trous dans le sol ou à l'ouverture simultanée de portes, circonstances également insusceptibles de constituer, par leur nature, leur date ou leur objet, des indices de non-conformité qui auraient imposé à l'organisme notifié TRLP de procéder en 2006 à une visite inopinée, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;
6°/ qu'il résulte de l'annexe II de la directive du 93/42/CEE du 14 juin 1993, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (C-219/15) et par la Cour de cassation dans ses arrêts du 10 octobre 2018 (Civ.1re, 10 oct. 2018, n° 15-26.093), que l'obligation de vigilance à laquelle est tenu l'organisme notifié ne lui impose d'entreprendre des mesures additionnelles qu'en présence d'indices suggérant que les dispositifs concernés sont susceptibles d'être non conformes aux exigences découlant de cette directive ; que pour la vérification de l'application des processus d'achat faisant partie du système de qualité approuvé, l'organisme notifié est uniquement tenu de procéder, lors des audits périodiques, à des vérifications réalisées par sondage, c'est-à-dire par la revue de certains documents, le questionnement de certains salariés, ou le suivi de certain(s) lot(s) d'implants sélectionné(s) selon le principe du sondage, que les matières premières sont commandées, réceptionnées, contrôlées et stockées conformément au système de qualité approuvé ; qu'en retenant, pour faire grief à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir relevé l'insuffisance des achats de la matière première [MAZ] MED3-6300 par PIP pour alimenter sa production totale de prothèses IMGHC en 2004, qu'une "simple vérification des commandes" aurait révélé cette insuffisance, quand le contrôle de la suffisance des achats de matières premières effectués par PIP concernant une matière première déterminée, à savoir celle ayant précisément fait l'objet d'une fraude, ne s'imposait pas par principe à l'organisme notifié et ne se serait imposé à lui qu'en présence d'indices suggérant spécifiquement une non-conformité des implants IMGHC en gel de silicone de PIP aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE en lien avec le gel de remplissage que la cour d'appel n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
7°/ en outre que le constat de l'insuffisance d'achats par un fabricant de l'une des matières premières composant un dispositif médical suppose l'exercice d'un contrôle de cohérence qui, par sa nature et son ampleur, excède les missions ordinaires d'un organisme notifié ; que les sociétés TRLP et TRF faisaient valoir que la révélation de l'insuffisance des achats de la matière première [MAZ] MED3-6300 ne pouvait résulter du simple constat de la faiblesse ou de l'absence de commandes à un instant T de ladite matière première, mais aurait imposé, à chaque audit, de recenser les commandes correspondant spécifiquement à une matière première particulière (le gel NuSil MED3-6300) parmi les différentes matières premières commandées par PIP pour l'ensemble de sa production d'implants, y compris celles relatives aux commandes des sept autres gels de silicone produits par [MAZ] et achetés par PIP, d'isoler les quantités d'implants IMGHC produits (parmi tous les produits fabriqués par PIP) pour en déduire la quantité de matière première correspondante nécessaire, et de procéder à un rapprochement entre ces données, en tenant compte notamment, pour une période donnée, des stocks précédemment constitués ou d'éventuelles annulations de commandes, ce qui ne se serait imposé, en tant que mesure additionnelle, qu'en présence d'indices de non-conformité des implants IMGHC en gel de silicone de PIP aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE portant spécifiquement sur une impropriété du gel de remplissage utilisé ; qu'en reprochant dès lors à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir constaté qu'en 2004, la société PIP s'était suffisamment approvisionnée en gel [MAZ] MED3600 pour alimenter sa production totale de prothèses IMGHC, quand ce constat ne pouvait résulter d'"une simple vérification des commandes", mais supposait la mise en oeuvre d'une mesure additionnelle qui ne se serait imposée à l'organisme notifié qu'en présence d'indices de non-conformité des implants IMGHC en gel de silicone de PIP aux exigences essentielles de la directive 93/42/CEE portant sur le gel de remplissage, que la cour d'appel n'a pas caractérisés, la cour d'appel a violé derechef les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;
8°/ que l'audit du système de qualité et la vérification, par l'organisme notifié, de l'application par le fabricant du système de qualité approuvé constitue une mission différente de l'analyse documentaire du dossier de conception ; que la vérification de l'application par le fabricant du système de qualité approuvé s'effectue par référence aux exigences posées par la directive 93/42/CEE, aux normes le cas échéant mises en oeuvre et au système de qualité préalablement certifié par l'organisme notifié, sans que les auditeurs ne soient tenus de prendre connaissance ou, plus encore, de détenir le dossier de conception du produit au cours de l'audit du système de qualité ; qu'en jugeant par hypothèse qu'une faute avait été commise par TRLP et/ou TRF au motif que les auditeurs n'avaient pas "détenu" le dossier de conception, que cette méconnaissance du dossier de conception serait de nature à expliquer "leur ignorance des préconisations de l'utilisation du gel [MAZ]" (présomption, durée de la garantie, et proportion de chacun des composants), et que les appelants objectaient vainement l'absence de nécessité pour les auditeurs de connaître le dossier de conception dans le cadre de l'évaluation du système de qualité, la cour d'appel a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;
9°/ de même que la directive 93/42/CEE n'impose pas à l'organisme notifié de procéder à des audits selon une périodicité déterminée, et en particulier, de procéder à des audits annuels ; qu'en l'espèce, l'organisme notifié TRLP faisait précisément valoir qu'aucune obligation de cette sorte ne s'imposait à lui aux termes de la directive, et que l'absence de réalisation des audits selon un rythme annuel n'était d'ailleurs pas révélatrice d'une absence de vigilance de l'organisme notifié, treize audits ayant en l'espèce été réalisés selon une périodicité moyenne de 11,5 mois ; qu'en reprochant à l'organisme notifié TRLP de ne pas avoir procédé à un audit en 2005 et en relevant qu'aucune surveillance n'avait par conséquent été effectuée cette même année la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser l'existence d'une faute commise par l'organisme notifié TRLP, et a violé les articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;
10°/ qu'en imputant l'absence de recours à une visite inopinée dans les locaux de PIP dès le mois de septembre 2006 à une "trop grande implication laissée à la société TRF", qui aurait méconnu son obligation objective d'indépendance dans ses rapports avec PIP, quand les éléments qu'elle relevait pour caractériser le manquement allégué de TRF à son obligation objective d'indépendance ne concernaient pas la période incriminée mais essentiellement une période postérieure à 2006, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
11°/ en outre qu'en se bornant, pour caractériser un prétendu manquement de TRF à son obligation d'indépendance, à relever d'une part que deux auditeurs avaient à la fois participé aux audits et géré les relations financières relatives à la certification, d'autre part que TRF avait diffusé une publication proposant des formations effectuées par elle-même ou par l'organisme notifié TRLP sur la préparation des entreprises à une inspection de la FDA, de troisième part qu'un auditeur salarié de TRF avait participé à une formation dispensée par un expert au sein de l'entreprise PIP et que cette dernière avait de ce fait obtenu une réduction de 31 %, de quatrième part que des audits de surveillance avaient été reportés en 2009 et 2010, de cinquième part que le 26 mars 2010, M. [CA] aurait, dans un premier temps, qualifié la fraude d'écart au dossier de conception auprès de TRLP avant de se raviser, de sixième part qu'un audit avait été reporté sans explication et enfin que les relations entre TRF et PIP avaient débuté en 1997 et étaient pérennes, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un quelconque manquement des auditeurs concernés ou des sociétés TRLP et TRF à leur obligation d'indépendance et a violé les articles 2 et 3 de l'annexe XI de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article R. 5211-56 du code de la santé publique ;
12°/ que l'organisme notifié, qui détermine librement les mesures pertinentes pour le contrôle de la mise en oeuvre par le fabricant du système de qualité approuvé, ne peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir effectué une visite inopinée dans les locaux dudit fabricant qu'à la condition, non seulement qu'aient été portés à sa connaissance des indices suggérant que les dispositifs médicaux concernés étaient susceptibles d'être non conformes aux exigences posées par la directive, mais aussi que ces indices aient, du fait de leur nature et de leur objet, spécifiquement imposé le recours à une telle visite, à l'exclusion de toute autre mesure additionnelle ; qu'en se bornant, pour énoncer que le défaut de vigilance de TRLP aurait perduré postérieurement au 1er septembre 2006, à relever que des écarts avaient été constatés sur des éléments tenant par exemple au fait qu'il n'était pas garanti que les notices soient disponibles dans toutes les langues de l'Union européenne, que les boîtes de carton n'étaient pas suffisamment identifiées dans les zones de stockage, ou qu'en 2007, l'autorité allemande ZLG avait transmis à TRLP une interrogation sur la "lenteur" du traitement des déclarations de matériovigilance, points dont elle relevait au demeurant à nouveau qu'ils avaient tous donné lieu à des mesures correctives, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'indices qui auraient spécifiquement imposé à l'organisme notifié TRLP de procéder à une visite inopinée dans les locaux de PIP, en violation des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;
13°/ qu'en relevant, par motifs à les supposer adoptés des premiers juges d'une part qu'en 1995, une société américaine dénommée Dow Corning s'était rendue coupable d'une fraude, d'autre part que l'organisme notifié TRLP savait que les certificats délivrés étaient utilisés par PIP pour sa déclaration de conformité, de troisième part qu'un moratoire avait été ordonné en 2001 à l'égard de tous les fabricants de prothèses en gel de silicone avant que ces dernières ne soient à nouveau autorisées sur le marché français, et enfin qu'en décembre 2000 l'AFSSAPS avait pris une décision individuelle suspendant la mise sur le marché et l'utilisation des prothèses mammaires de marque PIP pour des motifs liés à l'absence de remise de documents avant que cette suspension ne soit levée dans les mois suivants du fait de la remise de cette documentation jugée conforme par l'autorité de santé française, la cour d'appel s'est de nouveau fondée sur des circonstances insusceptibles, par leur nature, leur objet et leur date, de constituer des indices de non-conformité des prothèses IMGHC de PIP imposant le recours à une visite inopinée, en violation des articles R. 5211-40 du code de la santé publique, 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et 1382 (devenu 1240) du code civil ;
14°/ qu'en relevant, par motifs à les supposer adoptés des premiers juges, que "des affaires judiciaires ont opposé en Grande Bretagne la SA P.I.P. à de nombreuses porteuses britanniques d'implants victimes" et que ce fait "n'a pu en aucun cas échapper à la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des "Notifiés" de la Commission de Bruxelles", sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que la société TRLP aurait eu connaissance de ces plaintes, ni répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir à hauteur d'appel que le tribunal n'avait fait que reprendre une affirmation non étayée de certaines demanderesses selon laquelle des "centaines de plaintes" auraient été déposées au Royaume-Uni, alors qu'il résultait au contraire du rapport établi par l'AFSSAPS et la Direction générale de la santé à la suite de la révélation de la fraude que seule une vingtaine de plaintes isolées avaient au total été déposées au Royaume-Uni, sans que les autorités de santé britanniques ou européennes n'en soient informées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
15°/ qu'en affirmant, par motifs à les supposer adoptés des premiers juges, que "les multiples déclarations de matériovigilance concernant les produits de la SA P.I.P" n'avaient également pu échapper à "la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des "Notifiés" de la Commission de Bruxelles", sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que l'organisme notifié TRLP avait eu connaissance de ces données, alors qu'elle n'en était pas légalement destinataire et que TRLP faisait valoir qu'elles ne les lui avaient pas été retransmises, ni répondre aux conclusions d'appel par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir que tout dispositif médical génère nécessairement un taux incompressible de déclarations, que seul le constat d'une hausse subite des déclarations ou le dépassement du taux moyen est de nature à laisser présumer une non-conformité d'un dispositif médical, et que contrairement aux affirmations du jugement, il résultait du rapport établi par l'AFSSAPS et la Direction générale de la santé que sur la période allant de 2002 à 2007, le taux cumulé de rupture des implants mammaires en gel de silicone de PIP, qui oscillait autour de 0,04 %, était demeuré dans la moyenne des taux cumulés de rupture des implants mammaires en gel de silicone d'autres fabricants, qu'une augmentation de ce taux n'avait été constatée par l'AFSSAPS qu'à la fin de l'année 2009, et que dès lors, à supposer même que l'organisme notifié TRLP ait eu connaissance du taux relatif de déclarations de matériovigilance de PIP, ce qui n'était pas le cas, la connaissance de ce taux n'aurait pas même justifié le recours à des mesures additionnelles, mais aurait au contraire conforté l'organisme notifié dans l'absence d'indices de non-conformité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
10. Aux termes de l'annexe II des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et de l'article R. 5211-40 du même code, transposant en droit interne l'annexe II de la directive 93/42, modifiée par le règlement n° 1882/2003 du 29 septembre 2003, successivement applicables, le fabricant fournit à l'organisme habilité les informations utiles pour s'assurer du respect des obligations attachées à son système de qualité et il l'autorise à effectuer toutes les inspections nécessaires, et cet organisme procède périodiquement aux inspections et évaluations appropriées et il peut, lors de visites inopinées, réaliser ou faire réaliser des essais pour vérifier le fonctionnement du système de qualité.
11. Selon la Cour de justice de l'Union européenne, les dispositions de l'annexe II de la directive 93/42 telle que modifiée par le règlement n° 1882/2003, doivent être interprétées en ce sens que, si l'organisme notifié n'est pas tenu, de manière générale, de faire des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs et/ou d'examiner les documents commerciaux du fabricant, cet organisme, en présence d'indices suggérant qu'un dispositif
médical est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de cette directive telle que modifiée, doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s'acquitter de ses obligations au titre de l'article 16, paragraphe 6, de ladite directive et des points 3.2, 3.3, 4.1 à 4.3 et 5.1 de l'annexe II de celle-ci (CJUE, 16 février 2017, [BBF], C-219/15).
12. Il résulte de cette décision que, en présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvoi n° 15-26.093).
13. En premier lieu, après avoir retenu que le contrôle des matières premières avait été effectué par les auditeurs au moyen de l'examen des bons de commande, la cour d'appel a constaté que les achats de gel [MAZ] à compter de 2002 par la société PIP ne correspondaient pas aux quantités nécessaires à la fabrication des implants mammaires et qu'aucun achat de ce gel n'avait été effectué au cours de l'année 2004.
14. En second lieu, elle a relevé qu'au cours des nombreux audits effectués exclusivement par les sociétés TRLP et TRF, dont un des 24 au 26 novembre 2004, soit huit mois après l'examen du dossier de conception, des écarts importants et récurrents avec le système de qualité approuvé avaient été constatés, lesquels concernaient, d'une part, la stérilisation lors de la fabrication des produits en raison des insuffisances du procédé employé, d'autre part, la matériovigilance et le traitement des réclamations en raison des insuffisances du système de surveillance des incidents avec des effets indésirables pour le patient et de l'impossibilité à laquelle s'étaient heurtés les auditeurs de procéder à des vérifications sur une base de données créée le 6 février 2006 et enregistrant les réclamations.
15. Elle a retenu que les sociétés TRLP et TRF ne sauraient utilement se retrancher derrière la méthode de sondage utilisée pendant les audits, le suivi des actions correctives et la levée des déviations constatées pour nier l'accumulation de difficultés importantes et récurrentes au sein de la société PIP.
16. Elle a retenu encore qu'à compter du 1er septembre 2006, les indices suggérant des non-conformités dont disposait la société TRLP justifiaient une visite inopinée des locaux de fabrication et de stockage des matières premières de la société PIP et l'examen des documents commerciaux relatifs aux produits afin de s'acquitter de ses obligations au titre de la directive 93/42 transposée, qu'à cette date, la découverte des fûts et des commandes de gel industriel ne faisait nul doute, en l'absence du temps nécessaire pour cacher les fûts ou containers de gel non autorisés et qu'aucune précaution particulière n'avait été prise pour dissimuler les commandes de produits non autorisés, hormis lors des audits, et que la société TRLP avait fait preuve d'inertie fautive en n'estimant pas utile d'approfondir ses diligences par une telle visite inopinée.
17. Elle n'a pu qu'en déduire que la société TRLP avait manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité, à tout le moins à compter du 1er septembre 2006.
18. Inopérant en ses cinquième et dixième à quinzième branches critiquant des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
[VSD] le deuxième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF
Enoncé du moyen
19. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de déclarer la société TRF responsable, pour la période du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, au titre de ses abstention et manquements fautifs à ses missions et obligations dans l'exécution de la surveillance du système qualité de la société PIP, de condamner la société TRF à réparer les dommages consécutifs au maintien sur le marché, entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, des dispositifs médicaux fabriqués par la société PIP, de la condamner, en conséquence, à verser diverses indemnités, et d'ordonner une expertise, alors :
« 1°/ qu'en relevant, pour juger la société TRF responsable, solidairement avec TRLP, des préjudices causés aux demanderesses, que les auditeurs de TRLP salariés de TRF avaient émis un avis favorable au maintien de la certification de PIP et qu'ils auraient fait preuve d'un défaut de vigilance à ce sujet en minorant la portée des écarts constatés lors des audits du système de qualité de PIP (ibid), quand l'analyse de la portée des écarts du système de qualité, la définition des éventuelles mesures additionnelles à réaliser et la reconduite de la certification relevaient de la seule responsabilité de l'organisme notifié TRLP, la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence d'une faute commise par la société TRF, a violé les articles R. 5211-40 et R. 5211-56 du code de la santé publique, les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que la cour d'appel a elle-même relevé que la responsabilité de décider de recourir à des mesures additionnelles telle qu'une visite inopinée relevait de la responsabilité exclusive de l'organisme notifié ; qu'en jugeant néanmoins que la responsabilité de TRF était engagée au motif que les auditeurs de TRLP salariés de TRF avaient émis un avis favorable au maintien de la certification de PIP et qu'ils auraient fait preuve d'un défaut de vigilance à ce sujet en minorant la portée des écarts constatés lors des audits du système de qualité de PIP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles R. 5211-40 et R. 5211-56 du code de la santé publique, les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. »
Réponse de la Cour
20. Conformément au point 2, de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et à l'article R. 5211-56, du même code, successivement applicables, d'une part, un organisme habilité peut confier à un sous-traitant des travaux spécifiques portant sur la constatation et la vérification de faits, à condition de s'assurer préalablement que les dispositions du livre V bis du code précité, dans sa rédaction applicable en la cause, et, en particulier, de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47, laquelle fixe les critères minimaux pour la désignation des organismes habilités, soient respectées par le sous-traitant, d'autre part, le personnel chargé du contrôle doit exécuter les opérations d'évaluation et de vérification avec la plus grande compétence requise dans le secteur des dispositifs médicaux et son indépendance est garantie.
21. Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
22. En premier lieu, après avoir relevé que le contrat cadre conclu le 30 avril 1999 entre les sociétés TRLP et TRF, en conformité avec les exigences de la directive 93/42 transposée, confiait à la société TRF la réalisation d'audits du système de gestion de la qualité, des contrôles du produit, des contrôles sur des aspects partiels, ainsi que la réalisation de contrôles d'efficacité et d'essais en rapport avec les produits médicaux, la cour d'appel a constaté que les audits de certification et de surveillance avaient été effectués uniquement par des auditeurs de la société TRF ou avec leur participation et que ceux-ci avaient été signataires des rapports finaux, à l'exception de celui de l'audit des 16 au 18 juillet 2002.
23. Elle a retenu que ceux-ci avaient minoré l'importance des écarts qu'ils avaient relevés sur la capacité de la société PIP à se conformer à son système de qualité et recommandé le maintien de la certification, faisant ainsi preuve d'un manque de vigilance, et que, lors des audits, leurs diligences avaient été insuffisantes quant aux indices suggérant des non-conformités.
24. En second lieu, elle a relevé que la société TRF, en relation commerciale avec la société PIP depuis 1997, avait fait preuve à son égard d'une proximité qui s'était progressivement accrue et notamment traduite par la gestion des relations commerciales de celle-ci avec la société TRLP, en particulier en fixant la rémunération de l'organisme notifié.
25. La cour d'appel n'a pu qu'en déduire que la société TRF avait manqué aux engagements inhérents à sa mission et engagé ainsi sa responsabilité.
26. Le moyen n'est donc pas fondé.
[VSD] le troisième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF
Enoncé du moyen
27. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de les déclarer in solidum responsables, pour la période du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, au titre de leurs manquements et abstention fautifs à leurs missions et obligations dans la surveillance du système de qualité de la société PIP, de les condamner à réparer les dommages consécutifs au maintien sur le marché, entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, des dispositifs médicaux fabriqués par la société PIP, de les condamner, en conséquence, à régler des indemnités aux sociétés J&D Aestheticals, J&D Medicals, Emi Importaçao E D Distribuiçao Ltd, enseigne EMI, ainsi qu'à des personnes physiques, intervenantes volontaires en première instance et domiciliées à l'extérieur de l'Union européenne et d'ordonner une expertise à l'égard de telles personnes physiques, alors :
« 1°/ que le marquage CE prévu par la directive 93/42/CEE a pour objet de permettre la libre circulation du dispositif médical marqué sur le marché de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, selon les règles fixées par le législateur européen, dans l'intérêt du marché européen ; que l'apposition du marquage CE ne permet pas la commercialisation d'un dispositif médical sur les marchés en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, l'importation et la circulation d'un dispositif médical sur ces marchés dépendant exclusivement des règles de police sanitaire édictées par chaque Etat et des décisions souveraines prises par les autorités étrangères dans la mise en oeuvre de ces règles sur leur propre marché ; qu'en jugeant qu'il existait un lien de causalité entre la faute imputée à l'organisme notifié TRLP au regard de la directive 93/42/CEE et les dommages allégués par les personnes physiques et sociétés domiciliées à l'extérieur de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, au motif que la règlementation européenne avait pour objet "de garantir un niveau de protection élevé pour la santé", qu'une confiance était attachée de fait au marquage CE, ou encore que la suspension de certificat par l'organisme notifié TRLP aurait de fait mis fin à l'exportation des prothèses IMGHC de PIP en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, cependant que l'apposition du marquage CE, qui avait pour objet de permettre la circulation du dispositif médical au sein de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, était sans lien causal avec la commercialisation des dispositifs en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen et donc avec les préjudices subis par les parties ayant acquis ou ayant été implantées avec ces dispositifs en
dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble l'article 1er de la directive 93/42/CEE ;
2°/ en outre que, en se prononçant de la sorte, quand les dommages subis par les personnes physiques et les distributeurs sur les marchés se situant en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen trouvaient leur cause directe et adéquate dans la fraude de PIP et dans les décisions souveraines prises par les autorités compétentes de leur pays, pour l'application des règles spécifiques concernant l'importation et la circulation des produits sur leurs propres marchés, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble l'article 1er de la directive 93/42/CEE ;
3°/ enfin qu'en jugeant que des personnes physiques et sociétés domiciliées hors de l'Union européenne ou des pays de l'Espace économique européen étaient fondées à se prévaloir de manquements qui auraient été commis par l'organisme notifié TRLP dans l'application de la législation communautaire relative à l'apposition du marquage CE au sein de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, quand cette législation n'avait pour objet de garantir un niveau de protection élevé pour la santé qu'en faveur des personnes domiciliées sur le marché de l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen et qu'elle n'avait ni territorialement ni matériellement pour objet de protéger les intérêts des personnes physiques ou morales intervenant sur les marchés étrangers qui étaient soumis à leur propre réglementation sanitaire, la cour d'appel a violé l'article 1er de la directive 93/42/CEE. »
Réponse de la Cour
28. Selon la CJUE, la directive 93/42 doit être interprétée en ce sens que l'intervention de l'organisme notifié dans le cadre de la procédure relative à la déclaration CE de conformité vise à protéger les destinataires finaux des dispositifs médicaux et les conditions dans lesquelles un manquement fautif de cet organisme aux obligations qui s'imposent à lui en vertu de cette directive, dans le cadre de cette procédure, peut être de nature à engager sa responsabilité à l'égard de ces destinataires, relèvent du droit national, sous réserve des principes d'équivalence et d'effectivité (CJUE, arrêt du 16 février 2017, précité).
29. La cour d'appel a retenu, d'une part, que la réglementation européenne relative au marquage CE s'imposait au fabricant dès lors que sa fabrication était en tout ou partie destinée au territoire de l'Union européenne, que ce marquage apposé sur des dispositifs médicaux, en ce qu'il a pour finalité d'assurer que la fabrication des produits a été soumise à des contrôles stricts notamment en termes de sécurité sanitaire, suscite la confiance des utilisateurs, y compris de ceux résidant en dehors de l'Union européenne,
que, dans les contrats passés avec les distributeurs liés à la société PIP par un contrat de distribution exclusive, il constituait également une caractéristique du produit vendu, d'autre part, qu'au vu de l'alerte de l'AFSSAPS fondée sur le non-respect des exigences essentielles de la directive 93/42, les autorités sanitaires colombienne, brésilienne et mexicaine avaient diffusé des alertes sanitaires, suspendu la commercialisation sur leur territoire ou recommandé aux distributeurs son arrêt.
30. La cour d'appel a pu en déduire qu'en l'absence de manquements des sociétés TRLP et TRF ayant permis la poursuite de la commercialisation des prothèses IMGHC dans les pays tiers du 1er septembre 2006 au 6 avril 2010, la suspension de leur commercialisation serait intervenue à compter du 1er septembre 2006 et que le préjudice subi au cours de cette période par les personnes physiques et les distributeurs résidant ou implantés en dehors de l'Union européenne, en lien causal avec ces manquements, ouvrait droit à indemnisation.
31. Le moyen n'est donc pas fondé.
[VSD] le quatrième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF
Enoncé du moyen
32. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt d'ordonner le paiement d'une indemnité de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral, au profit des personnes physiques, intervenantes volontaires en première instance, à l'exclusion de celles dont l'action a été déclarée irrecevables et de celles dont l'intégralité des demandes a été rejetée, en y ajoutant, de condamner les sociétés TRLP et TRF à verser à certaines personnes physiques une somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice moral, de les condamner à verser à ces personnes une somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété, et de les condamner à verser à certaines personnes physiques la somme de 6 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices moral et d'anxiété, alors :
« 1°/ que la seule atteinte portée au droit fondamental à la santé ne présente pas le caractère d'un préjudice indemnisable, indépendamment des préjudices concrets susceptibles d'en résulter ; qu'en allouant à chacune des personnes physiques demanderesses déclarées recevables et non déboutées de leurs demandes, une indemnité de 3 000 euros au motif qu'elles avaient appris dans les suites de la découverte de la fraude PIP qu'elles étaient susceptibles d'être porteuses de prothèses mammaires remplies d'un gel non déclaré et que cette substitution leur aurait causé par elle-même « un préjudice moral dans la mesure où elle constituait une atteinte au respect qui était dû à leur droit fondamental à la santé reconnu en droit communautaire et international », la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
2°/ en outre qu'en allouant aux demanderesses personnes physiques déclarées recevables et non déboutées de leurs demandes une indemnité provisionnelle de 3 000 euros en raison de l'atteinte portée à leur droit fondamental à la santé, quand il résultait de ses propres constatations que certaines demanderesses personnes physiques ne subiront jamais d'atteinte à la santé, puisqu'il était établi que l'utilisation du gel non déclaré ne concernait qu'une partie de la production des prothèses IMGHC de PIP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
3°/ qu'en justifiant en outre le versement de cette indemnité provisionnelle de 3 000 euros par le fait que les porteuses concernées « avaient appris dans les suites de la découverte de la fraude PIP qu'elles étaient porteuses de prothèses mammaires remplies d'un gel non autorisé », la cour d'appel a statué par des motifs qui ne permettent pas de s'assurer qu'elle n'a pas indemnisé deux fois le même préjudice, dès lors qu'elle indemnisait également pour la quasi-totalité des personnes physiques concernées un préjudice d'anxiété résultant de la crainte exprimée par les porteuses de prothèses IMGHC de PIP, compte tenu de l'aléa que cela représenterait pour leur santé, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
4°/ enfin, que, même au stade de la provision, le demandeur qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice spécifique d'anxiété doit justifier de l'existence d'un préjudice qui lui est personnel par la production de pièces médicales et/ou objectives attestant d'une angoisse lui causant des troubles dans ses conditions d'existence (Ass. Plèn. 5 avril 2019, n° 18-17.442) ; qu'en allouant une provision de 3.000 euros à la quasi-totalité des demanderesses personnes physiques jugées recevables, sans rechercher, comme elle y était invitée, si chacune des personnes considérées justifiait d'un préjudice d'anxiété personnel par la production de pièces attestant personnellement d'un syndrome d'angoisse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble du principe de réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
33. En premier lieu, la cour d'appel, qui a retenu qu'à la suite des recommandations des autorités sanitaires prônant un contrôle médical systématique et régulier et dans certains pays une explantation des prothèses commercialisées par la société PIP même en l'absence de signe clinique décelable, les patientes porteuses de telles prothèses se trouvaient dans une situation d'incertitude et étaient exposées à des incidents plus précoces et à un risque de complications pouvant nécessiter une
explantation, a caractérisé le préjudice d'anxiété subi individuellement par chaque patiente qu'elle a indemnisée sans être tenue de procéder à d'autres constatations.
34. En second lieu, elle a caractérisé l'existence d'un préjudice moral distinct, tenant à la révélation d'une fraude, tardivement découverte, commise par la société PIP dans la fabrication des implants au moyen d'un gel à usage industriel et portant ainsi atteinte au droit au respect de la santé des patientes porteuses des prothèses.
35. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
[VSD] le cinquième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF, en ce qu'il concerne la société J&D Aestheticals
Enoncé du moyen
36. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de les condamner à réparer le préjudice immatériel de perte d'image de la société J&D Aestheticals et à lui payer la somme de 3 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice, alors « qu'en allouant à la société J&D Aestheticals, distributeur de prothèses mammaires IMGHC de PIP, une indemnité correspondant au préjudice d'image qui résulterait de son association avec la fraude commise par l'entreprise PIP, sans expliquer en quoi ce préjudice résultait non de cette seule fraude mais également de la négligence fautive imputée à l'organisme notifié TRLP et à la société TRF, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ».
Réponse de la Cour
37. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé que la société J&D Aestheticals avait subi, en vendant à compter de 2008 les prothèses mammaires de la société PIP, une détérioration de son image qui n'aurait pas été éprouvée si, en l'absence de manquements des société TRLP et TRF, la suspension de leur commercialisation était intervenue en 2006.
38. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le cinquième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident de la société J & D Medicals et autres
Enoncé du moyen
39. La société J & D Medicals fait grief à l'arrêt de condamner in solidum les sociétés TRLP et TRF à lui payer, en réparation de son préjudice immatériel de perte d'image, ainsi que des préjudices relatifs à des impayés ou remises et à des frais liés à la décision de retrait des prothèses mammaires, la seule
somme de 10 000 euros à valoir sur ces postes de préjudices, alors « que l'absence de cohérence entre les achats de matière première et la production d'un dispositif médical constitue un indice suggérant que le dispositif est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de la directive 93/42/CEE, et justifiant que l'organisme notifié prenne toutes mesures nécessaires pour s'acquitter de ses obligations ; que dès lors en
retenant que les sociétés TRLP et TRF ne pouvaient être tenues de recourir à des visites inopinées qu'à partir du 1er septembre 2006, après avoir constaté que dès 2002 les quantités de gel [MAZ] achetées et non dissimulées étaient tout à fait insuffisantes à la production des prothèses et que le volume des commandes de gel [MAZ] constituait un indice de nature à retenir l'attention des sociétés TRLP et TRF et à accroître leur devoir de prudence et de vigilance, circonstance qui justifiait à elle seule une obligation de contrôle renforcé et la réalisation de visites inopinées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles R. 5221 et suivants du code de la santé publique, ensemble les articles 3.2 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 et l'article 1382, devenu 1340 du code civil ».
Réponse de la Cour
Vu le point 5.1 de l'annexe II des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et l'article R. 5211-40 du même code, transposant en droit interne le point 5.1 de l'annexe II de la directive 93/42, successivement applicables en la cause, et l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
40. Il résulte de l'arrêt rendu le 16 février 2017 par la CJUE, précité, que, en présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées.
41. Pour limiter à la somme de 10 000 euros la condamnation in solidum des sociétés TRLP et TRF à payer à la société J&D Medicals en réparation de ses préjudices immatériels de perte d'image, d'impayés ou remises et frais liés à la décision de retrait des prothèses mammaires, l'arrêt retient que celles-ci ne pouvaient être tenues de recourir à des visites inopinées des locaux de la société PIP qui auraient permis de découvrir la fraude qu'à partir du 1er septembre 2006.
42. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que, antérieurement au 1er septembre 2006, les volumes de gel [MAZ] achetés et non dissimulés dans la comptabilité à laquelle les auditeurs avaient eu accès, étaient insuffisants à la production des prothèses et même nuls en 2004 et que ces
volumes constituaient un indice suggérant une non-conformité aux exigences de la directive 93/42 transposée, de nature à justifier une visite inopinée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ni sur les pourvois incidents de Mme [N] et autres et de Mme [MXM] [SWK] et autres, qui ne sont qu'éventuels, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les sociétés TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue TÜV Rheinland LGA Products GmbH et TÜV Rheinland France responsables in solidum des préjudices causés à la société J & D Medicals par le maintien des prothèses IMGHC sur le marché seulement entre le 1er septembre 2006 et le 6 avril 2010, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne les sociétés TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue TÜV Rheinland LGA Products GmbH et TÜV Rheinland France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635827.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 354 F-B
Pourvoi n° T 22-16.848
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
1°/ M. [O] [C], domicilié [Adresse 2],
2°/ la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° T 22-16.848 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 5]-[Localité 6], dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [C] et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 mars 2022), après avoir subi, le 21 mai 2013, une réparation de la coiffe associée à une acromioplastie sous arthroscopie, réalisée par M. [C], chirurgien orthopédique, (le chirurgien), assuré auprès de la Société hospitalière d'Assurance mutuelle (l'assureur), M. [D] a présenté une atteinte de la branche terminale du nerf supra-scapulaire.
2. Après avoir saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France et conformément à l'avis émis par celle-ci le 12 mai 2015, il a été indemnisé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) à hauteur de 124 652,30 euros.
3. Le 10 septembre 2018, l'ONIAM a assigné le chirurgien et son assureur en remboursement des sommes versées à M. [D]. La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 6] (la caisse) est intervenue à l'instance afin d'obtenir le remboursement de ses débours.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le chirurgien et son assureur font grief à l'arrêt de dire que M. [C] a commis une faute lors du geste chirurgical, de le déclarer responsable du préjudice subi par M. [D] et de les condamer in solidum à payer à l'ONIAM les sommes de 124 652,30 euros et de 1 750 euros au titre des frais d'expertise amiable et à la caisse la somme en capital de 45 115,93 euros représentant les prestations versées et les arrérages échus de la rente accident du travail au 8 septembre 2021, outre des intérêts ainsi que les arrérages à échoir, au fur et à mesure de leur échéance, d'une rente dont le capital constitutif est de 39 067,80 euros, outre des intérêts et une indemnité forfaitaire de gestion, alors :
« 1°/ que l'atteinte portée par un chirurgien à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas est jugée fautive en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique ; que la mise en oeuvre de cette présomption de faute implique toutefois qu'il soit tenu pour certain que l'atteinte a été causée par le chirurgien lui-même en accomplissant son geste chirurgical ; qu'en l'espèce, pour mettre en oeuvre cette présomption de faute, la cour d'appel a retenu qu'"il importe peu que le mécanisme exact de la lésion soit défini, dès lors que l'alternative présentée par les experts entre deux mécanismes conduit nécessairement à retenir l'une d'entre elles" et en a déduit que "dès lors que l'anesthésie n'a pu causer une telle lésion, seule une maladresse commise par le chirurgien au cours de l'intervention litigieuse doit être retenue, quelle que soit les modalités pratiques d'une telle maladresse" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres, en l'état d'une intervention considérée par les experts avoir été exécutée dans les règles de l'art médical, à caractériser de façon certaine que l'atteinte avait été causée par le chirurgien lui-même en accomplissant son geste chirurgical, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et L. 1142-1, I, alinéa 1, du code de la santé publique ;
2°/ subsidiairement, que l'atteinte portée par un chirurgien à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas, est jugée fautive en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique ; qu'en retenant, pour écarter tout aléa thérapeutique, que "la faible probabilité de la lésion ne résulte en réalité pas de la faible fréquence du risque de survenue d'une telle lésion dans le cadre de ce type de chirurgie, mais de la fréquence limitée d'une faute identique à celle commise par le chirurgien dans le cadre d'une intervention qui aurait dû exclure une telle erreur", la cour d'appel, statuant par voie de simple affirmation, s'est prononcée par des motifs impropres à exclure la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relevait de l'aléa thérapeutique, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 1142-1, I, alinéa 1, du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute dont la preuve incombe, en principe, au demandeur.
6. Cependant l'atteinte portée par un chirurgien, en accomplissant son geste chirurgical, à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas, est fautive, en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique .
7. Dès lors qu'elle a retenu que les experts n'avaient envisagé que deux mécanismes susceptibles d'expliquer l'atteinte du nerf, l'un imputable à l'anesthésie, qui avait été exclu en raison des aiguilles utilisées et de l'étendue de l'atteinte, et l'autre imputable à une lésion directe du nerf sus-épineux lors de l'arthrolyse des adhérences entre la coiffe et la face profonde du deltoïde, que, s'ils n'expliquaient pas une telle lésion et estimaient peu plausible un tel mécanisme, l'alternative présentée conduisait nécessairement à retenir la seconde éventualité, qu'aucun risque n'avait été identifié par les experts pour expliquer la survenance d'une telle lésion et que l'étude de la littérature médicale ne rapportait pas de complication de ce type de sorte que l'atteinte était due à une maladresse technique, la cour d'appel a caractérisé la cause de l'atteinte et l'exclusion d'un aléa thérapeutique, justifiant ainsi légalement sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et la Société hospitalière d'assurances mutuelles et les condamne à payer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047635833.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 534 F-B
Pourvois n°
U 21-22.158
M 21-23.876 Jonction
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
I. M. [J] [I], domicilié [Adresse 8], [Localité 5], a formé le pourvoi n° U 21-22.158 contre l'arrêt n° RG : 19/08564 rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'institution de prévoyance Apicil prévoyance, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], venant aux droits de la société Gresham, nouvellement dénommée Apicil épargne retraite,
2°/ à la société Groupama Gan vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], [Localité 4],
3°/ à la société Buffet Crampon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 6],
défenderesses à la cassation.
II. L'institution de prévoyance Apicil prévoyance, venant aux droits de la société Gresham, nouvellement dénommée Apicil épargne retraite, a formé le pourvoi n° M 21-23.876 contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [J] [I],
2°/ à la société Groupama Gan vie, société anonyme,
3°/ à la société Buffet Crampon, société par actions simplifiée,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur au pourvoi n° U 21-22.158 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° M 21-23.876 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [I], de la SCP Spinosi, avocat de l'institution de prévoyance Apicil prévoyance, nouvellement dénommée Apicil épargne retraite, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Groupama Gan vie, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 21-22.158 et M 21-23.876 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à M. [I] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Buffet Crampon.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 juin 2021), M. [I], paraplégique depuis un accident survenu en 1993, a été placé par la sécurité sociale en invalidité de première catégorie à compter du 23 janvier 2002, puis de deuxième catégorie à compter du 1er mai 2005 et enfin de troisième catégorie à compter du 1er octobre 2014.
4. Il a travaillé au sein de plusieurs sociétés et a bénéficié d'un régime de prévoyance collective obligatoire auprès de la société Groupama Gan vie pour la période de janvier 1999 à novembre 2002 et de novembre 2002 à mars 2004, contrats souscrits par ses deux employeurs successifs, puis alors qu'il était salarié d'un autre employeur, auprès de la société Groupama Gan vie d'avril 2009 au 31 décembre 2013 et enfin auprès de la société Legal & General, devenue la société Gresham, aux droits de laquelle vient l'institution de prévoyance Apicil prévoyance, nouvellement dénommée Apicil épargne retraite, à compter du 1er janvier 2014.
5. À l'issue de son arrêt de travail pour la période du 5 janvier 2015 au 28 février 2015, il a été déclaré inapte par le médecin du travail le 20 avril 2015 et licencié le 18 mai suivant.
6. À compter de la reconnaissance de son invalidité en troisième catégorie, il a demandé à bénéficier de la garantie invalidité de troisième catégorie complémentaire prévue par l'un des deux derniers contrats de prévoyance.
7. Se heurtant au refus des assureurs, il a saisi un tribunal de grande instance aux fins de paiement de l'indemnité d'assurance.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° U 21-22.158 formé par M. [I] et sur le moyen du pourvoi n° M 21-23.876 formé par la société Gresham aux droits de laquelle se trouve l'institution de prévoyance Apicil prévoyance
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi n° U 21-22.158
Enoncé du moyen
9. M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la société Gresham à lui verser une pension d'invalidité de troisième catégorie, alors :
« 1°/ que lorsqu'en application des dispositions de la loi n° 89-1009 en date du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, plusieurs contrats d'assurance de groupe garantissent, sans fraude, les mêmes risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le même risque de décès ou les mêmes risques d'incapacité ou d'invalidité, chacun de ces contrats produit ses effets dans les limites des garanties qu'il prévoit, quelle que soit la date à laquelle ces contrats ont été souscrits, et, dans ces limites, le bénéficiaire des contrats d'assurance peut obtenir la mise en oeuvre des garanties prévues par le contrat d'assurance de son choix en s'adressant à l'assureur auprès duquel ce contrat a été souscrit ; qu'en énonçant, par conséquent, après avoir relevé que le chef de dispositif du jugement de première instance rejetant la demande de la société Gresham tendant à l'annulation du contrat de prévoyance n° 3 n'était pas discuté devant elle et devait être confirmé et, donc, écarté toute fraude, pour rejeter la demande formée par lui tendant à la condamnation de la société Gresham à lui verser une pension d'invalidité complémentaire de troisième catégorie, qu'il résulte de l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 que les prestations liées à la réalisation d'un sinistre survenu pendant la période de validité d'une police d'assurance de groupe ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de celle-ci, que l'expertise médicale diligentée à la suite de sa déclaration d'invalidité de troisième catégorie avait la même cause que l'arrêt de travail du 17 novembre 2000 déclaré par la société Becom experts conseil et pour lequel des prestations avaient été versées par la société Groupama Gan vie au titre du contrat de prévoyance n° 1, que la société Groupama Gan vie faisait à raison observer qu'il existait une continuité de l'indemnisation par la sécurité sociale au titre du versement des indemnités journalières depuis l'arrêt de travail du 17 novembre 2000, puis de la rente d'invalidité de première, de deuxième puis de troisième catégorie, que sa situation d'invalidité était donc bien consécutive à l'incapacité de travail du 17 novembre 2000 et constituait une prestation différée, relevant de l'exécution du contrat de prévoyance n° 1, souscrit auprès de la société Groupama Gan par la société Becom experts conseil, en cours d'exécution lors de la relation de travail entre lui et la société Becom experts conseil, de mois de janvier 1999 au mois de novembre 2002, que l'invocation par lui de l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 n'était pas pertinente, qu'en effet, si aux termes de cet article, il est fait interdiction à l'assureur de refuser la prise en charge des états pathologiques antérieurs à la souscription du contrat d'assurance, cette interdiction ne vaut que pour autant que ces états pathologiques ne sont pas indemnisés par un autre assureur, que l'application de l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 ne s'envisage que si l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 ne trouve pas à s'appliquer, que la société Gresham rappelait à ce sujet avec pertinence que c'est l'assureur qui a versé les prestations immédiates qui a l'obligation légale de constituer les provisions nécessaires à l'indemnisation de cet état pathologique et que la société Groupama Gan vie versait à M. [I] une rente annuelle en conformité avec ses obligations contractuelles prévues par le contrat de prévoyance n° 1, quand, en se déterminant de la sorte, elle retenait que, lorsqu'en application des dispositions de la loi n° 89-1009 en date du 31 décembre 1989, plusieurs contrats d'assurance de groupe garantissent, sans fraude, les mêmes risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le même risque de décès ou les mêmes risques d'incapacité ou d'invalidité, ce sont les garanties prévues par le contrat d'assurance qui était en vigueur à la date de l'événement à l'origine de l'état d'invalidité du bénéficiaire de ces contrats d'assurance, et non les garanties prévues par le contrat d'assurance choisies par ce dernier, qui doivent seules être mises en oeuvre, et quand, en l'espèce, M. [I] demandait, à titre principal, la mise en oeuvre des garanties relatives au versement d'une pension d'invalidité complémentaire de troisième catégorie prévues par le contrat de prévoyance n° 3 souscrit auprès de la société Gresham, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2 et 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ;
2°/ qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, lorsque des salariés sont garantis collectivement contre le risque de décès, contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou contre les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'assureur qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat d'assurance, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration ; que l'application de ces dispositions d'ordre public n'est pas subordonnée à la condition que les états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat d'assurance ne soient pas indemnisés par un autre assureur ou à celle que les dispositions de l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, selon lesquelles, lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, contre le risque de décès ou contre les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution, ne trouvent pas à s'appliquer ; qu'en retenant le contraire, pour rejeter la demande formée par M. [I] tendant à la condamnation de la société Gresham à lui verser une pension d'invalidité complémentaire de troisième catégorie, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2 et 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques. »
Réponse de la Cour
10. Selon l'article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, lorsque des salariés sont garantis collectivement, soit sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, soit à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par décision unilatérale de l'employeur, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, l'organisme qui délivre sa garantie prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l'adhésion à ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues en cas de fausse déclaration.
11. Selon l'article 7 de ce texte, lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre ces risques, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution.
12. Par ailleurs, la Cour de cassation juge qu'il résulte de l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale que lorsque les salariés sont garantis collectivement contre ces mêmes risques, la cessation de la relation de travail est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant cette relation (2e Civ., 17 avril 2008, pourvoi n° 07-12.064, publié et 2e Civ., 17 avril 2008, pourvoi n° 07-12.088, publié) et qu'il ne peut être dérogé à ce principe par une stipulation contractuelle (2e Civ., 5 mars 2015, pourvoi n° 13-26.892, publié).
13. Si, par application des dispositions d'ordre public du premier des textes précités, l'organisme qui délivre sa garantie ne peut opérer une sélection médicale en refusant d'assurer une personne du groupe ou de prendre en charge des risques dont la réalisation trouvait son origine dans l'état de santé antérieur de l'assuré, il résulte de ce qui précède, qu'en cas de succession de contrats de prévoyance, il appartient à l'organisme, dont le contrat était en cours à la date où s'est produit l'événement ouvrant droit aux prestations, de verser celles-ci, qu'elles soient immédiates ou différées.
14. Après avoir rappelé qu'il appartient au demandeur d'établir que l'événement à l'origine de l'état d'invalidité invoqué est survenu pendant la période de validité du contrat qui le liait à l'organisme de prévoyance, la cour d'appel a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, notamment au regard de l'expertise médicale produite, que la situation d'invalidité de M. [I] était consécutive à l'incapacité de travail du 17 novembre 2000, ce dont elle a exactement déduit que la rente invalidité réclamée constituait une prestation différée relevant du premier contrat de prévoyance.
15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. [I] aux dépens du pourvoi n° U 21-22.158 ;
Condamne l'institution de prévoyance Apicil prévoyance aux dépens du pourvoi n° M 21-23.876 ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Cassation sans renvoi
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 346 FS-B
Pourvoi n° R 22-12.108
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
M. [W] [C], [Adresse 3], actuellement hospitalisé au GHU [4], [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-12.108 contre l'ordonnance rendue le 22 décembre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur du groupe hospitalier universitaire (GHU) [4], dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [C], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur du groupe hospitalier universitaire [4], et l'avis écrit et oral de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [C] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Paris.
Faits et procédure
2. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 22 décembre 2021), le 25 décembre 2020, M. [C] a été admis en urgence en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du directeur d'établissement et à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique. Le 8 mars 2021, le directeur a mis fin à la mesure d'hospitalisation complète et décidé d'un programme de soins. Le 26 novembre 2021, M. [C] a sollicité la mainlevée de ce programme de soins.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [C] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa demande, alors « que, selon l'article L. 3211-3, alinéa 3, du code de la santé publique, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement doit être informée le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa de ce texte, ainsi que des raisons qui les motivent ; qu'en retenant qu'aucune disposition législative ne prévoit qu'une décision maintenant un programme de soins, sans en modifier substantiellement le contenu, soit notifiée au patient dès lors que les dispositions de l'article L. 3211-3 alinéa 2, ont été respectées, l'ordonnance attaquée a violé les dispositions de l'article L. 3211-3, alinéa 3, ensemble les articles L. 211-2 et L. 221-8 du code des relations entre le public et les administrations, lesquelles prescrivent que ces décisions soient notifiées à la personne. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3211-3, alinéa 3, L. 3211-12 et L. 3216-1 du code de la santé publique :
4. Il résulte du premier texte que, si toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement, quelle que soit la forme de sa prise en charge, est, dans la mesure où son état le permet, informée par le psychiatre du projet visant à maintenir les soins ou à définir la forme de la prise en charge et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état, elle est aussi informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission prise par le directeur d'établissement ou le représentant de l'Etat dans le département, ainsi que de chacune des décisions de maintien et des raisons qui les motivent.
5. Lorsque, sur le fondement du deuxième, le patient saisit le juge des libertés et de la détention aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, quelle qu'en soit la forme, il peut, conformément au troisième, contester la régularité des décisions administratives relatives à cette mesure.
6. Pour rejeter la demande de mainlevée de la mesure du programme de soins, l'ordonnance retient qu'aucune disposition législative ne prévoit une notification au patient d'une décision maintenant un programme de soins, sans en modifier substantiellement le contenu, dès lors qu'il a été informé du projet de décision et mis à même de faire valoir ses observations, et constate que les décisions mensuelles de maintien des soins ont été formalisées le jour même ou le lendemain des certificats médicaux établis par le psychiatre à la suite d'entretiens avec M. [C], au cours desquels celui-ci a été informé du maintien de la mesure.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses constatations que M. [C] n'avait pas été informé des décisions prises par le directeur d'établissement, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
10. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 22 décembre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois, signé par lui et Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 514 F-B
Pourvoi n° D 21-21.523
Aide juridictionnelle totale en défense
pour M. [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 28 janvier 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
M. [I] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-21.523 contre l'ordonnance n° RG : 20/01673 rendue le 30 juin 2021 par la première présidente de la cour d'appel d'Orléans, dans le litige l'opposant à M. [M] [P], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [D], de Me Balat, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par la première présidente d'une cour d'appel (Orléans, 30 juin 2021), M. [P] a confié à M. [D], avocat, la défense de ses intérêts dans un litige relatif à une procédure d'expulsion.
2. M. [P] a effectué le 20 novembre 2019 une demande d'aide juridictionnelle.
3. Le 23 décembre 2019, une convention d'honoraires a été établie entre les parties, laquelle stipulait notamment que le client « déclare que ses ressources et/ou son patrimoine l'excluent du bénéfice [du mécanisme de l'aide juridictionnelle ou qu'il entend expressément renoncer [...] à solliciter le bénéfice de cette aide ».
4. Le 17 février 2020, l'aide juridictionnelle a été accordée à M. [P].
5. Le 3 mars 2020, M. [P] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Blois aux fins d'obtenir la restitution du montant des honoraires versés à son conseil.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. M. [D] fait grief à l'ordonnance de lui ordonner de rembourser à son client la somme de 1 500 euros TTC perçue au titre d'honoraires facturés, alors :
« 1°/ que la renonciation expresse au bénéfice de l'aide juridictionnelle emporte le droit pour l'avocat d'obtenir le paiement de ses honoraires ; que l'ordonnance attaquée a constaté que le client avait conclu le 23 décembre 2019 une convention d'honoraires avec son conseil stipulant qu'il déclarait être exclu du mécanisme de l'aide juridictionnelle ou entendait expressément renoncer à en solliciter le bénéfice, stipulation insérée postérieurement à la demande d'aide juridictionnelle datée du 20 novembre 2019 ; qu'en déniant l'applicabilité de cette clause de renonciation au motif inopérant que l'exercice, en cours de procédure, de la liberté de choix de son avocat par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle n'emporte pas renonciation rétroactive à cette aide, quand elle avait relevé l'existence d'une renonciation expresse et rétroactive du client à sa demande d'aide juridictionnelle, la juridiction du premier président n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 32 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 1103 du code civil ;
2°/ qu'en présence d'une renonciation expresse du client au bénéfice de l'aide juridictionnelle, l'avocat a droit au paiement de l'intégralité des honoraires convenus, peu important que ses diligences aient été accomplies avant ou après la demande d'aide juridictionnelle ; que l'ordonnance attaquée a constaté que, dans une convention intervenue postérieurement à la demande d'aide juridictionnelle, le client avait expressément renoncé au bénéfice de cette aide ; qu'en condamnant néanmoins l'avocat à rembourser le client du chef d'honoraires indûment perçus prétexte pris que les diligences de l'exposant avaient été exécutées postérieurement à la demande d'aide juridictionnelle, la juridiction du premier président a violé ensemble les articles 32 de la loi du 10 juillet 1991 et 1103 du code civil ;
3°/ que la règle selon laquelle l'avocat ne peut réclamer au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale que la rémunération des diligences qu'il a accomplies avant la demande d'aide, à l'exclusion de celles faites postérieurement, ne s'applique que s'il est établi que l'avocat en charge du dossier a été informé d'une telle demande ; qu'en l'espèce l'ordonnance attaquée a constaté que l'exposant avait objecté n'avoir jamais été informé de la demande d'aide étatique formée par son client avant que celui-ci n'y renonce expressément ; qu'en déboutant néanmoins l'avocat de sa prétention sans avoir constaté qu'il aurait été informé de la demande d'aide, la juridiction du premier président a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 32 de la loi du 10 juillet 1991. »
Réponse de la Cour
7. Après avoir constaté que l'aide juridictionnelle avait été accordée à M. [P] postérieurement à la convention qui stipulait qu'il entendait expressément y renoncer, le premier président en a exactement déduit que cette convention était privée d'effets et que M. [D] ne pouvait, en l'absence de renonciation rétroactive du client au bénéfice de l'aide juridictionnelle ou de décision de retrait de celle-ci, lui réclamer une quelconque rémunération au titre des diligences accomplies après la demande d'aide juridictionnelle, peu important que son client ne l'ait pas informé de cette demande.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2023
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 345 FS-B
Pourvoi n° M 22-10.954
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
M. [JC] [C], domicilié [Adresse 12], a formé le pourvoi n° M 22-10.954 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant :
1°/ au Conseil national des barreaux (CNB), dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à M. [ZT] [N] [UN], domicilié [Adresse 15],
3°/ à M. [BJ] [I], domicilié [Adresse 21],
4°/ à Mme [DX] [K], domiciliée [Adresse 5],
5°/ à M. [V] [R], domicilié [Adresse 9],
6°/ à M. [W] [E], domicilié [Adresse 22],
7°/ à Mme [S] [A], domiciliée [Adresse 7],
8°/ à M. [OJ] [Y], avocat, domicilié [Adresse 24],
9°/ à M. [M] [Z], domicilié [Adresse 11],
10°/ à M. [ZX] [T], domicilié [Adresse 2],
11°/ à M. [DZ] [G], domicilié [Adresse 19],
12°/ à Mme [ZU] [L], domiciliée [Adresse 25],
13°/ à Mme [US] [O], domiciliée [Adresse 6],
14°/ à Mme [H] [D], domiciliée [Adresse 13],
15°/ à Mme [DX] [F], domiciliée [Adresse 20],
16°/ à Mme [ZV] [UP], domiciliée [Adresse 18],
17°/ à Mme [ZV] [DY], domiciliée [Adresse 17],
18°/ à Mme [J] [ZW], domiciliée [Adresse 8],
19°/ à Mme [X] [OI], domiciliée [Adresse 14],
20°/ à M. [ZY] [OK], domicilié [Adresse 26],
21°/ à Mme [B] [JD], domiciliée [Adresse 23],
22°/ à M. [P] [UR], domicilié [Adresse 10],
23°/ à Mme [UO] [DW], domiciliée [Adresse 16],
24°/ à M. [JE] [U], domicilié [Adresse 3],
25°/ à M. [OL] [JF], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [C], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Conseil national des barreaux, de MM. [N] [UN], [I], [R], [E], [Y], [Z], [T], [G], [OK], [UR], [U] et [JF], de Mmes [K], [A], [L], [O], [D], [F], [UP], [DY], [ZW], [OI], [JD] et [DW], et l'avis écrit et oral de M. Poirret, premier avocat général, de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Chauvin, président, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2021) et les pièces de la procédure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 décembre 2020, adressée au greffier en chef de la cour d'appel de Paris et réceptionnée le 8 décembre 2020 par le « service courrier » de la cour, M. [C], avocat, a formé un recours contre l'élection des membres de la circonscription nationale du collège ordinal du conseil national des barreaux (CNB) qui s'est déroulée le 24 novembre 2020, afin d'en obtenir l'annulation.
2. Le procureur général, le CNB et les avocats élus ont opposé l'irrecevabilité de ce recours.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [C] fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors « qu'en vertu des articles 16 et 33 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le recours introduit contre l'élection des membres du conseil national des barreaux doit être formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef ; que la finalité poursuivie par ces textes consiste à s'assurer que le greffier en chef est informé du recours déposé ; qu'ainsi, un recours formé par lettre recommandée adressée au greffier en chef, et non au secrétariat-greffe, est recevable dès lors qu'il a nécessairement été porté à la connaissance du greffier en chef ; que pour déclarer irrecevable le recours formé par M. [C], la cour d'appel a retenu qu'il avait été formé par lettre recommandée adressée au greffier en chef, et non au secrétariat-greffe, et qu'il s'ensuivait que le recours, dans sa forme choisie par M. [C], n'avait pas été adressé au destinataire spécialement prévu par l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16 et 33 de ce décret. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 16 et 33 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1258 du 26 septembre 2022 :
4. Il résulte de ces textes que le recours formé par tout avocat à l'encontre de l'élection des membres du CNB est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel de Paris ou remis contre récépissé à son greffier en chef.
5. Pour déclarer le recours de M. [C] irrecevable, l'arrêt retient qu'ayant été formé par lettre recommandée envoyée au greffier en chef et non au secrétariat-greffe, ce recours n'a pas été adressé au destinataire prévu au premier de ces textes.
6. En statuant ainsi, alors que cette lettre avait été réceptionnée par le greffe de la cour d'appel de Paris, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS,et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne le Conseil national des barreaux aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois, par lui et Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 373 FS-B
Pourvoi n° D 21-18.257
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2023
Mme [Y] [S], épouse [F], domiciliée [Adresse 3], chez Mme [C] [S], [Adresse 1] (Espagne), a formé le pourvoi n° D 21-18.257 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Dijon (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [T] [F], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [S], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [F], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 1er avril 2021), M. [F] et Mme [S] se sont mariés le 5 mai 2006 à [Localité 4] (Espagne). De cette union, sont nées [R], le 3 mars 2008, et [J], le 1er juin 2012, à [Localité 5] (République tchèque).
2. Après avoir fixé leur résidence au Costa Rica, les époux se sont séparés à la fin de l'année 2018. M. [F] s'est installé en France en décembre 2018, tandis que Mme [S] est allée vivre avec les enfants aux Etats-Unis.
3. Le 26 juin 2019, M. [F] a saisi un juge aux affaires familiales d'une demande en divorce.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [S] fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence internationale de la juridiction française, de fixer la résidence habituelle de [R] et [J] au domicile de M. [F] et d'ordonner, sous astreinte, la remise immédiate de [R] et [J] à leur père, alors « que lorsque la résidence habituelle de l'enfant ne peut être établie et que la compétence ne peut être déterminée sur la base de l'article 12 du règlement Bruxelles II bis, les juridictions de l'État membre dans lequel l'enfant est présent sont compétentes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la résidence habituelle des enfants se situe désormais en Espagne et qu'ils y sont présents depuis 18 mois ; qu'en considérant néanmoins, pour rejeter l'exception d'incompétence internationale de la juridiction française, qu'aucune juridiction d'un État membre n'est compétente en vertu des articles 8 à 13 du règlement dès lors que la résidence habituelle des enfants n'était pas encore établie en Espagne au moment où la juridiction a été saisie, sans rechercher si la compétence des juridictions espagnoles n'était pas, à tout le moins, établie au regard de la présence des enfants en Espagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8, 13 et 14 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, dit Bruxelles II bis. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 8, § 1, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit Bruxelles II bis, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.
6. Aux termes de l'article 13, § 1, lorsque la résidence habituelle de l'enfant ne peut être établie et que la compétence ne peut être déterminée sur la base de l'article 12, les juridictions de l'État membre dans lequel l'enfant est présent sont compétentes.
7. L'article 13 prévoit ainsi une règle de compétence subsidiaire fondée sur la seule présence de l'enfant dans l'hypothèse où il s'avère impossible d'établir l'Etat dans lequel se trouve sa résidence habituelle.
8. Ayant constaté que les enfants avaient leur résidence habituelle aux Etats-Unis au moment où le juge aux affaires familiales avait été saisi, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche sur l'application de l'article 13 du règlement Bruxelles II bis que ses constatations rendaient inopérante et a légalement justifié sa décision de rejeter l'exception d'incompétence internationale de la juridiction française en application de l'article 14 du règlement.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636284.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 571 F-B
Pourvoi n° T 21-21.329
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2023
La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-21.329 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 juin 2021), la société [3] (la société) ayant fait l'objet d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) lui a adressé une lettre d'observations du 21 août 2013, suivie d'une mise en demeure du 8 novembre 2013.
2. Après avoir contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable, la société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours portant sur la lettre d'observations et la mise en demeure, à l'exclusion du chef de redressement n° 9, alors « que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non de celui de la décision ultérieure de cette commission, d'autre part que la commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d'un redressement, même en l'absence de motivation de la réclamation ; que la cour d'appel qui a constaté qu'en l'espèce, la société appelante avait saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF par une lettre de réclamation dans laquelle elle annonçait « contester l'intégralité du redressement dont elle a fait l'objet, tant sur la forme que sur le fond », ne pouvait considérer que la société n'avait saisi cette commission que d'une contestation des chefs de redressement n° 9, n° 14 et n° 15, seuls motivés dans cette lettre de réclamation, sans méconnaître la portée de ses énonciations et violer les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
4. Il résulte du premier de ces textes, d'une part, que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés et de non-salariés, se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non en considération de la décision ultérieure de cette commission et, d'autre part, que la commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d'un redressement même en l'absence de motivation de la réclamation sur certains chefs du redressement.
5. Pour déclarer irrecevable la contestation des chefs de redressement autres que le chef de redressement n° 9, l'arrêt relève que si la société a saisi la commission de recours amiable, par courrier du 11 décembre 2013, mentionnant contester l'intégralité du redressement, tant sur la forme que sur le fond, elle précisait maintenir ses observations concernant les chefs de redressement n° 9, n° 14 et n° 15 et se réserver la possibilité de contester la forme et les autres chefs de redressement dans un mémoire complémentaire. Il retient que, faute d'avoir adressé le mémoire complémentaire susceptible d'étendre la réclamation, la société n'a saisi la commission de recours amiable que des chefs de redressement n° 9, n° 14 et n° 15.
6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le recours amiable de la société portait sur l'ensemble des chefs de redressement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, annule l'entier redressement opéré au point 9 de la lettre d'observations du 21 août 2013 et condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes à rembourser à la société [3] la somme restante de 285 euros (deux cent quatre-vingt cinq euros) indûment versée, avec intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon ;
Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636278.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation sans renvoi
Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 377 F-B
Pourvoi n° F 21-14.924
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2023
M. [W] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-14.924 contre l'arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 3e chambre famille), dans le litige l'opposant à Mme [R] [D], épouse [S] [P], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 février 2021), par ordonnance de non-conciliation du 12 mai 2014, un juge aux affaires familiales a attribué à M. [F] la jouissance à titre onéreux du domicile conjugal, bien indivis en nue-propriété avec Mme [D], son épouse séparée de biens.
2. Un jugement du 26 mai 2016 a prononcé le divorce.
3. Le 10 avril 2018, Mme [D] a assigné M. [F] en liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. M. [F] fait grief à l'arrêt de le dire redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision à compter du 12 mai 2014, alors :
« 2°/ qu'une indemnité due au titre de l'occupation d'un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère ; que l'usufruitier a seul le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit ; qu'en l'espèce, pour dire M. [F], indivisaire, redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision en nue-propriété, la cour d'appel a retenu que "la seule privation de jouissance subie par le coïndivisaire génère un droit à indemnité" ; qu'en statuant ainsi, tandis que, la privation de jouissance subie par le coïndivisaire ne génère de droit à indemnité que si l'indivision a droit aux fruits, ce qui n'est pas le cas lorsque celle-ci ne porte que sur la nue-propriété du bien, la cour d'appel a violé, par une fausse application, l'article 815-9 du code civil et, par refus d'application, l'article 582 de ce code ;
3°/ qu'une indemnité due au titre de l'occupation d'un bien indivis, a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère ; que l'usufruitier a seul le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit ; qu'en l'espèce, pour dire M. [F], indivisaire, redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision en nue-propriété, la cour d'appel a retenu que "le démembrement de propriété entre les époux et Mme [V] [L], veuve [F], mère, usufruitière est indifférent dès lors que M. [F] occupe effectivement le bien indivis qui constituait le domicile conjugal occupé par les époux malgré ledit démembrement de propriété et que ce démembrement de propriété est sans incidence sur la privation de jouissance subie par l'épouse" ; qu'en statuant ainsi, quand l'existence d'un usufruit grevant les biens indivis prive l'indivision de tout droit aux fruits et, par voie de conséquence, de tout droit à une indemnité d'occupation, la cour d'appel a violé, par une fausse application, l'article 815-9 du code civil et, par refus d'application, l'article 582 de ce code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 815-9 et 582 du code civil :
5. Il résulte du premier de ces textes, que l'indemnité due au titre de l'occupation d'un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère.
6. Aux termes du second, l'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit.
7. Pour dire M. [F], indivisaire, redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision à compter du 12 mai 2014, l'arrêt retient qu'en vertu de l'ordonnance de non-conciliation, celui-ci jouit privativement du bien indivis qui constituait le domicile conjugal et que la seule privation de jouissance subie par Mme [D], coïndivisaire, génère un droit à indemnité, peu important l'existence d'un démembrement de propriété entre les époux et la mère de M. [F], usufruitière.
8. En statuant ainsi, alors qu'il n'existait pas d'indivision en jouissance entre les époux nus-propriétaires, de sorte qu'aucune indemnité d'occupation n'était due par M. [F] envers l'indivision, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement en ce qu'il dit que M. [F] est redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision à compter du 12 mai 2014 ;
Dit que M. [F] n'est pas redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation pour l'utilisation privative du bien indivis, sis sur la commune de [Localité 3] (07) ;
Condamne Mme [D] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [D] à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636282.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 570 F-B
Pourvoi n° N 21-12.630
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2023
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société [4], a formé le pourvoi n° N 21-12.630 contre le jugement rendu le 2 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes (contentieux de la protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Languedoc-Roussillon, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Languedoc-Roussillon, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Nîmes, 2 décembre 2020), rendu en dernier ressort, et les productions, la société [4], devenue la société [3] (la société), a formé opposition à une contrainte signifiée le 21 mai 2019 par l'URSSAF du Languedoc-Roussillon.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société fait grief au jugement de déclarer irrecevable l'opposition, alors « que l'opposition à une contrainte doit être formée dans un délai de quinze jours suivant sa notification ou sa signification ; que la date de notification du recours par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition figurant sur le cachet du bureau d'émission ; qu'en jugeant le recours irrecevable comme ayant été formé hors délai, après avoir relevé que l'opposition avait été formée par la société par un courrier expédié le 4 juin 2019 et que le délai de recours expirait le 5 juin suivant, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 668 et 669 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 133-3 du code de la sécurité sociale et 668 du code de procédure civile :
3. Il résulte de ces textes que la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et que le délai imparti par le premier pour former opposition à une contrainte est interrompu par l'envoi au secrétariat du tribunal de la lettre recommandée contenant le recours du cotisant.
4. Pour déclarer irrecevable l'opposition formée par la société à l'encontre de la contrainte litigieuse, le jugement, après avoir constaté que la contrainte a été signifiée par huissier de justice le 21 mai 2019 et que l'opposition a été formée par courrier daté du 3 juin suivant, pris en charge par le service de la poste le 4 juin et reçu au greffe du tribunal le 6 juin, retient que le délai a commencé à courir le 21 mai 2019 pour expirer le 5 juin 2019, soit la veille de la réception de l'opposition à contrainte au greffe.
5. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'opposition avait été formée dans le délai imparti, le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Nîmes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Montpellier ;
Condamne l'URSSAF du Languedoc-Roussillon aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Languedoc-Roussillon et la condamne à payer à la société [3], anciennement dénommée société [4], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636280.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 380 F-B
Pourvoi n° F 21-22.951
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2023
Mme [E] [B], épouse [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-22.951 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [K] [L], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk-Lament Robillot, avocat de Mme [B], de la SCP Duhamel Rameix Gury Maitre, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Antoine, conseiller, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 juin 2021), un jugement du 25 mars 2019 a prononcé le divorce de Mme [B] et de M. [L].
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses sept premières branches
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa huitième branche
Enoncé du moyen
3. Mme [B] fait grief à l'arrêt de condamner M. [L] à lui payer une somme de 160 000 euros à titre de prestation compensatoire dont il pourra s'acquitter par versements mensuels sur une durée maximum de 4 ans, alors « que le juge qui autorise le débiteur d'une prestation compensatoire à s'acquitter de celle-ci par des versements périodiques dans la limite de huit années doit fixer tant la périodicité que le montant desdits versements qu'en autorisant M. [L] à s'acquitter du montant total de la prestation compensatoire par des versements mensuels sur une durée maximum de quatre ans, sans fixer le montant minimum desdits versements mensuels, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 275 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 275, alinéa 1, du code civil :
4. Aux termes de ce texte, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.
5. L'arrêt condamne M. [L] à payer à Mme [B] une somme de 160 000 euros à titre de prestation compensatoire, en prévoyant qu'il pourra s'acquitter par versements mensuels sur une durée maximum de quatre ans.
6. En statuant ainsi, sans fixer le montant des versements mensuels, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. La cassation partielle prononcée n'emporte pas celle du chef de dispositif relatifs aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
8. Tel que suggéré par le mémoire en défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, M. [L] ne s'opposant pas à un règlement en une seule fois de la somme de 160 000 euros mise à sa charge à titre de prestation compensatoire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il dit que M. [L] pourra s'acquitter de la prestation compensatoire mise à sa charge par versements mensuels sur une durée de maximum de quatre ans, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois
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CASS/JURITEXT000047483061.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 avril 2023
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 417 F-B
Pourvoi n° Y 21-20.644
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2023
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-20.644 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [V] [H], veuve [L], domiciliée [Adresse 3], prise tant à titre personnel qu'en qualité d'ayant droit de [Y] [L],
2°/ à Mme [V] [H], veuve [L], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de représentante légale de ses deux filles mineures [P] et [K] [L], tant à titre personnel qu'en qualité d'ayants droit de [Y] [L],
3°/ à M. [U] [L], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SARL Corlay, avocat de Mme [H], veuve [L], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses deux filles mineures [P] et [K] [L], ayants droit de [Y] [L], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 mai 2021), [Y] [L] a été assassiné, ainsi qu'un de ses amis, dans l'enceinte de sa propriété devant sa maison d'habitation. Saisie par Mme [L], sa veuve, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de leurs deux enfants mineures [P] et [K] [L], ainsi que par M. [U] [L], son père, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) a, notamment, indemnisé le préjudice économique de Mme [L].
2. Statuant sur l'appel interjeté par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), une cour d'appel a alloué à Mme [L], agissant à titre personnel et ès qualités, une certaine somme pour l'indemniser du préjudice lié à la dépréciation des biens immobiliers dépendant de la succession de [Y] [L] qui résultait de son assassinat dans ces lieux.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le FGTI fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande formée par Mme [L] aux fins d'indemnisation de la dépréciation de ces biens, à la suite de l'assassinat de [Y] [L] dans ces lieux, de lui allouer la somme de 47 444,48 euros en réparation de ce préjudice, alors « que l'article 706-3 du code de procédure pénale ne prévoit la réparation que des seuls dommages résultant des atteintes à la personne ; qu'en jugeant que « les dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale permettent aux proches de la victime décédée à la suite d'une infraction d'être indemnisés de leurs préjudices par ricochet selon les règles du droit commun, sans que la réparation soit limitée aux atteintes à la personne » et en indemnisant un préjudice, invoqué par Mme [L] caractérisé par la perte de la valeur vénale de la maison dans laquelle [Y] [L] et l'un de ses amis ont été assassinés, cependant que la réparation du préjudice matériel n'entre pas dans les prévisions de l'article susvisé, la cour d'appel l'a violé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale :
4. Il résulte de ce texte que, sous certaines conditions, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.
5. La réparation des dommages matériels qui ne résultent pas des atteintes à la personne de la victime directe n'entre pas dans les prévisions de ce texte.
6. Pour déclarer recevable la demande formée par Mme [L] aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de la dépréciation de l'ensemble immobilier dépendant de la succession de [Y] [L] à la suite de son assassinat dans ces lieux, l'arrêt énonce que les dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale permettent aux proches de la victime décédée à la suite d'une infraction d'être indemnisés de leurs préjudices par ricochet selon les règles du droit commun, sans que la réparation soit limitée aux atteintes à la personne, ni aux postes de préjudices figurant dans la nomenclature simplement indicative du rapport du groupe de travail dirigé par M. Dintilhac, la CIVI devant reconnaître au cas par cas l'existence de tel ou tel préjudice quel qu'il soit, dès lors qu'il est en lien de causalité avec l'atteinte à la personne de la victime directe.
7. En statuant ainsi, alors que la perte de valeur alléguée du bien immobilier dans lequel les faits avaient été commis ne résulte pas d'une atteinte à la personne de la victime directe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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QUESTION PRIORITAIRE
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________
Audience publique du 21 juin 2023
IRRECEVABILITÉ
M. SOMMER, président
Arrêt n° 801 FS-B
Affaire n° M 23-40.007
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 JUIN 2023
La cour d'appel de Versailles (6e chambre civile) a transmis à la Cour de cassation, suite à l'ordonnance rendue le 30 mars 2023 (ordonnance du conseiller de la mise en état rectifiée par ordonnance du 20 avril 2023), la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 3 avril 2023, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
1°/ la société LRMD, nouvellement dénommée Monoprix Holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Monoprix, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ la société Aux Galeries de la Croisette, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ la société Monoprix exploitation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ la société SMC et compagnie, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1],
D'autre part,
1°/ la Fédération CGT commerce distribution services, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ la Fédération des employés et cadres force ouvrière, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ l'établissement Fédération des services CFDT, dont le siège est [Adresse 5],
4°/ la Fédération nationale CFE-CGC de l'encadrement du commerce et des services, dont le siège est [Adresse 4],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Monoprix Holding, Monoprix, Aux Galeries de la Croisette, Monoprix exploitation, SMC et compagnie, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération CGT commerce distribution services, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Le 11 décembre 2019, un accord relatif au travail de nuit entre 21 heures et 22 heures 30 a été signé entre les syndicats CFDT et CFE-CGC et certains établissements de l'UES Monoprix, composée des sociétés LRMD, nouvellement dénommée Monoprix Holding, Monoprix, Aux Galeries de la Croisette, Monoprix exploitation, et SMC et compagnie (les sociétés de l'UES Monoprix).
2. Le 7 février 2020, les syndicats Fédération CGT commerce distribution services et Fédération des employés et cadres force ouvrière ont fait assigner les signataires de l'accord devant la juridiction civile à l'effet d'obtenir son annulation et l'interdiction, sous astreinte, aux sociétés de l'UES Monoprix d'employer des salariés après 21 heures au sein des magasins situés hors zones touristiques internationales (ZTI) qu'elles exploitent.
3. Par jugement du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a annulé l'accord litigieux et fait interdiction aux sociétés composant l'UES Monoprix d'employer, en application de cet accord, des salariés après 21 heures au sein des magasins qu'elles exploitent, situés hors ZTI, sous astreinte provisoire.
4. Le 10 mars 2021, les sociétés de l'UES Monoprix ont interjeté appel.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
5. Par ordonnance du 30 mars 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a déclaré la question prioritaire de constitutionnalité recevable et a ordonné la transmission de la question suivante :
« La jurisprudence constante depuis 2014 de la chambre criminelle et de la chambre sociale de la Cour de cassation, retenant une interprétation de l'article L. 3122-1 (ancien article L. 3122-32) du code du travail, qui interdit de facto le recours au travail de nuit aux entreprises du secteur de la distribution et du commerce alimentaire s'agissant de l'ouverture au public de nuit, est-elle conforme à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
6. L'article L. 3122-1 du code du travail est applicable au litige, qui concerne la validité d'un accord collectif relatif au travail de nuit dans des sociétés exerçant l'activité de commerce alimentaire souhaitant ouvrir au public la nuit.
7. L'article L. 3122-32 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, devenu l'article L. 3122-1 du même code après cette loi, a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014 rendue par le Conseil constitutionnel.
8. Depuis cette décision, aucun changement de circonstances de droit n'est intervenu dans la mesure où les arrêts de la Cour de cassation (Crim., 2 septembre 2014, pourvoi n° 13-83.304 ; Soc., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-24.851, Bull. 2014, V, n° 205 ; Crim., 4 septembre 2018, pourvoi n° 17-83.674 ; Crim., 7 janvier 2020, pourvoi n° 18-83.074, Bull. ; Crim., 10 mars 2020, pourvoi n° 18-85.832 ; Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18-24.130) n'ont fait que tirer les conséquences s'inférant des limitations encadrant le recours au travail de nuit.
9. Sous le couvert de critiquer l'interprétation de l'article L. 3122-1 (ancien article L. 3122-32) donnée par la Cour, la question posée se borne à contester ces arrêts.
10. Il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 juin 2023
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 654 FS-B
Pourvoi n° S 21-23.743
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUIN 2023
La Mutualité française Grand Sud, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 21-23.743 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [O] [Y], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Mutualité française Grand Sud, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [Y], et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen et rapporteur, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 septembre 2021) et les productions, M. [Y] a été engagé le 1er juillet 2013 en qualité d'aide-soignant par la Mutualité française Grand Sud qui relève de la convention collective nationale de la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs.
2. Prétendant se trouver, au titre de la qualité d'ayant droit de son épouse salariée, dans un cas de dispense d'adhésion au régime obligatoire de complémentaire santé mis en place par l'employeur et réclamant la restitution des cotisations prélevées sur ses bulletins de salaire de ce chef pour l'année 2017, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié remplit les conditions de dispense, d'ordonner la prise en compte de la dispense à compter du 1er janvier 2017 et de le condamner à verser à ce dernier une somme au titre des sommes prélevées à tort sur ses bulletins de salaire, alors :
« 1°/ qu'un salarié peut être dispensé d'adhérer à la couverture collective et obligatoire de son entreprise s'il justifie bénéficier, à titre obligatoire, en qualité d'ayant droit de la couverture de son conjoint, salarié dans une autre entreprise ; qu'en l'espèce, il résultait de la décision unilatérale de la clinique [4] du 1er décembre 2015 employeur de l'épouse de M. [Y], que l'adhésion des ayants droits des salariés aux garanties était facultative ; qu'en affirmant que l'adhésion de M. [Y] à ce régime lui permettait d'être dispensé d'adhérer à la couverture collective et obligatoire mise en place dans son entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 911-7, D. 911-2 et R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2.2 de l'avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 relatif à la généralisation de la couverture de frais de santé de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ;
2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient pour affirmer que le régime frais de santé de la clinique [4] dont bénéficiait l'épouse de M. [Y] ne prévoyait pas l'adhésion obligatoire des ayants droit des salariés ; qu'en affirmant que le salarié bénéficiait à titre obligatoire, en qualité d'ayant droit, du contrat collectif et obligatoire de son épouse, tel que cela résultait du certificat d'adhésion de la clinique [4], la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, était versée aux débats la décision unilatérale de la clinique [4] instituant une couverture collective et obligatoire dans l'entreprise, précisant que "l'adhésion au régime est obligatoire pour tous les salariés à compter du 1er janvier 2016" et que "l'adhésion des ayants droit du salarié sera facultative. La part de cotisation relative à la couverture de ces derniers sera à la charge exclusive du salarié" et établissant ainsi que l'adhésion à la complémentaire santé au sein de l'entreprise de l'épouse du salarié en qualité d'ayant droit était facultative ; qu'en se bornant à affirmer que le certificat d'adhésion établi par le directeur des ressources humaines de la clinique [4] indiquait l'inscription à compter du 1er janvier 2016 de Mme [Y] à un régime complémentaire de santé dans le cadre d'un contrat collectif et obligatoire ainsi que ses ayants droit, pour en déduire que le salarié bénéficiait d'une dispense d'adhésion à la couverture obligatoire mise en place dans son entreprise, sans à aucun moment viser ni analyser, serait-ce sommairement, la décision unilatérale susvisée, dument versée aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'un salarié peut être dispensé d'adhérer à la couverture collective et obligatoire de son entreprise lorsqu'il bénéficie d'une couverture individuelle au moment de la mise en place des garanties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que le salarié avait été dispensé d'adhérer à la complémentaire santé obligatoire mise en place dans son entreprise au titre de l'année 2016 puisqu'il bénéficiait déjà, au moment de sa mise en place, d'une mutuelle ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur avait accepté la demande du salarié de dispense d'adhésion à la complémentaire collective mise en place dans l'entreprise au titre de l'année 2016, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la dispense d'adhésion du salarié à la couverture collective et obligatoire de son entreprise n' était pas justifiée par le bénéfice d'une couverture individuelle au moment de la mise en place des garanties dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 911-7, D. 911-2 et R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2.2 de l'avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 relatif à la généralisation de la couverture de frais de santé de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article D. 911-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1883 du 30 décembre 2015, l'acte mentionné à l'article L. 911-1 instituant une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursement complémentaire de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident peut prévoir la faculté pour les salariés relevant de certaines catégories d'être dispensés de l'adhésion au dispositif, sous réserve que ces catégories correspondent à tout ou partie de celles définies à l'article R. 242-1-6, sous les conditions définies à ce même article.
5. Selon l'article R. 242-1-6, 2°, f), du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-786 du 8 juillet 2014, une faculté de dispense d'adhésion est prévue au bénéfice des salariés, lorsque les garanties ont été mises en place dans les conditions fixées à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale et que l'acte qui met en place ces garanties prévoit, quelle que soit leur date d'embauche, les cas de dispense des salariés qui bénéficient par ailleurs, y compris en tant qu'ayants droit, d'une couverture collective relevant d'un dispositif de prévoyance complémentaire conforme à un de ceux fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, à condition de le justifier chaque année.
6. Aux termes de l'article 2.2 de l'avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 relatif à la généralisation de la couverture de frais de santé de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, par dérogation au caractère obligatoire, conformément aux dispositions de l'article R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale, peuvent à leur initiative se dispenser d'affiliation au présent régime frais de santé complémentaire en fournissant régulièrement à leur employeur les justificatifs correspondants, les salariés qui bénéficient par ailleurs pour les mêmes risques, y compris en tant qu'ayants droit, d'une couverture collective relevant d'un dispositif de protection sociale complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire, sous réserve de le justifier chaque année.
7. Il en résulte que la dispense d'adhésion au régime complémentaire collectif et obligatoire mis en place dans l'entreprise du salarié n'est pas subordonnée à la justification qu'il bénéficie en qualité d'ayant droit à titre obligatoire de la couverture collective relevant d'un dispositif de protection sociale complémentaire présentant un caractère collectif et obligatoire de son conjoint.
8. L'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que le salarié justifiait bénéficier, en qualité d'ayant droit de son épouse, d'une couverture collective relevant d'un dispositif de prévoyance complémentaire obligatoire conforme au dispositif obligatoire mis en place par son employeur.
9. La cour d'appel en a exactement déduit que le salarié remplissait les conditions de dispense prévue par les textes précités.
10. Le moyen, qui manque en fait en ses deuxième et troisième branches et est inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Mutualité française Grand Sud aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutualité française Grand Sud et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636313.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 648 FS-B
Pourvoi n° Q 22-13.303
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2023
La fédération des syndicats de travailleurs du rail solidaires unitaires démocratiques, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 22-13.303 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société SNCF gares et connexions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au comité social et économique gares et connexions (comité central d'entreprise), dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la Fédération nationale des travailleurs cadres et techniciens des chemins de fer français CGT, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ à l'Union nationale des syndicats autonomes-ferroviaire, dont le siège est [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la fédération des syndicats de travailleurs du rail solidaires unitaires démocratiques, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société SNCF gares et connexions, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat du comité social et économique gares et connexions et de l'Union nationale des syndicats autonomes-ferroviaire, et l'avis de Mme Berriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Bouvier, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2022), le Groupe public ferroviaire, créé par la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, était initialement constitué de trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), dont l'EPIC SNCF mobilités en charge des missions d'exploitation des services de transport ferroviaire, lequel comprenait en son sein l'entité « Gares et connexions » chargée de la gestion, de la modernisation et du développement des 3 000 gares ferroviaires sur le réseau et employant environ 3 100 salariés.
2. Dans la perspective de la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) instaurés par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, des négociations se sont engagées au plan national avec les organisations syndicales représentatives, ces négociations portant à la fois sur la détermination des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques et sur la mise en place de représentants de proximité.
3. Faute d'accord, la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques a été faite par décision unilatérale et le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), sur recours, a validé cette décision et la reconnaissance de trente-trois établissements distincts. Par jugement du 11 octobre 2018, le tribunal d'instance de Saint-Denis, saisi d'un recours contre cette décision, a fixé le nombre d'établissements distincts à trente-trois comités sociaux et économiques, dont un établissement « Gares et connexions ». Par arrêt du 19 décembre 2018 (Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-23.655, Bull.), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre ce jugement.
4. A la suite des élections professionnelles s'étant déroulées le 22 novembre 2018, un accord d'établissement, prévoyant en son chapitre 4 la désignation de vingt-cinq représentants de proximité, a été signé le 25 janvier 2019 au sein de l'établissement « Gares et connexions » par l'Union nationale des syndicats autonomes ferroviaire (l'UNSA ferroviaire), l'une des deux organisations syndicales représentatives au niveau de cet établissement.
5. Lors de la première réunion du comité social et économique d'établissement de la SNCF gares et connexions, le 29 janvier 2019, l'UNSA ferroviaire a désigné vingt-et-un représentants de proximité, la CGT cheminot désignant quatre représentants de proximité lors de la réunion suivante du 28 février 2019.
6. Contestant la validité des dispositions de l'accord du 25 janvier 2019 et du règlement intérieur adopté par le comité social et économique d'établissement relatives à la mise en place des représentants de proximité, la fédération des syndicats de travailleurs solidaires unitaires démocratiques (la fédération Sud Rail), autorisée par ordonnance du 14 mars 2019 à procéder à jour fixe, a fait assigner devant le tribunal de grande instance l'EPIC SNCF mobilités, le comité social et économique gares et connexions, la fédération nationale des travailleurs cadres et techniciens des chemins de fer français CGT et l'UNSA ferroviaire en demandant au tribunal, notamment, de juger illicites les dispositions contenues au chapitre 4 de « l'accord relatif à la mise en place du comité social économique de SNCF gares et connexions en date du 25 janvier 2019 » et en conséquence en prononcer l'annulation, juger illicites les dispositions contenues aux termes de l'article 7.3.4.3 du règlement intérieur adopté le 25 janvier 2019 par le comité social et économique de l'établissement gares et connexions et en conséquence en prononcer l'annulation, et annuler les désignations des représentants de proximité.
7. En application de la loi n° 2018-515 pour un nouveau pacte ferroviaire du 27 juin 2018 et de son ordonnance d'application n° 2019-552 du 3 juin 2019, les trois EPIC constituant le groupe public ferroviaire ont été remplacés, le 1er janvier 2020, par cinq sociétés, composant le nouveau Groupe public unifié, parmi lesquelles la société SNCF gares et connexions, en charge des activités de prestations et services en gares, l'établissement « gares et connexions » déterminé pour la mise en place d'un des trente-trois comités sociaux et économiques d'établissement relevant de cette dernière société.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. La fédération Sud Rail fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes - dont celle tendant à voir juger illicites les dispositions contenues au chapitre 4 de l'accord relatif à la mise en place du comité social et économique de la SNCF gares et connexions en date du 25 janvier 2019 ainsi que celles contenues à l'article 7.3.4.3 du règlement intérieur adopté par le comité social et économique d'établissement gares et connexions et à l'annulation de ces dispositions, alors :
« 1°/ qu'afin d'assurer la cohérence et l'homogénéité de la désignation des représentants de proximité entre les différents établissements d'une entreprise ainsi que l'égalité entre ses salariés, notamment au regard du principe constitutionnel de participation, seul l'accord d'entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts visé par l'article L. 2313-2 du code du travail peut mettre en place des représentants de proximité et définir leur nombre, leurs attributions, notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, les modalités de leur désignation ainsi que leurs modalités de fonctionnement ; qu'en l'espèce, la fédération Sud Rail faisait valoir que l'accord d'établissement conclu le 25 janvier 2019 entre l'employeur et l'UNSA ferroviaire, pour la mise en place de représentants de proximité au sein de l'établissement gares et connexions, en lieu et place de l'accord d'entreprise prévu par l'article L. 2313-2 du code du travail, était, partant, illicite et encourait donc l'annulation, et qu'il en allait de même, par suite, des dispositions du règlement intérieur adopté par le CSE d'établissement ; que pour écarter la contestation de la fédération, les juges d'appel ont toutefois jugé, après voir relevé qu'il n'était pas fait de distinction, par la loi, sur les conditions de validité qui sont identiques qu'il s'agisse d'un accord d'entreprise ou d'un accord d'établissement, que la signature de cet accord d'établissement était régulière et portait sur des prérogatives relevant du domaine de la négociation ; qu'ils ont également retenu que, contrairement à ce que soutenait la fédération Sud Rail, aucune disposition légale ou conventionnelle ne s'opposait à la mise en place de représentants de proximité au niveau de l'établissement gares et connexions, au seul motif que cette instance de représentation n'avait pas été prévue par l'accord d'entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements de la SNCF mobilités ; qu'en statuant ainsi, quand la loi prévoit expressément que seul l'accord d'entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts peut mettre en place des représentants de proximité, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-7 du code du travail, ensemble les articles L. 2313-2 et L. 2232-12 du même code, le principe d'égalité et le principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, consacré par le 8e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
2°/ qu'afin d'assurer la cohérence et l'homogénéité de la désignation des représentants de proximité entre les différents établissements d'une entreprise ainsi que l'égalité entre ses salariés, notamment au regard du principe constitutionnel de participation, seul un accord d'entreprise peut prévoir la mise en place de représentants de proximité et définir leur nombre, leurs attributions, leurs modalités de désignation et leurs modalités de fonctionnement ; que pour écarter la contestation de la fédération Sud Rail portant sur la signature de l'accord d'établissement gares et connexions du 25 janvier 2019, les juges d'appel ont retenu qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne s'opposait à la mise en place de représentants de proximité au niveau de l'établissement gares et connexions, en raison de l'échec de la négociation au niveau de l'entreprise de l'accord relatif au fonctionnement des CSE en décembre 2018, qui s'est soldée par la signature, le 8 février 2019, d'un accord technique ne reprenant pas les dispositions proposées par la direction du groupe ferroviaire, sur les représentants de proximité ; qu'en statuant ainsi, quand les articles L. 2313-2, L. 2313-7 et L. 2232-12 du code du travail, qui doivent être interprétés en conformité avec le principe constitutionnel d'égalité et le principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le 8e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, impose que l'accord mettant en place les représentants de proximité soit, en toute hypothèse, un accord d'entreprise et non un accord d'établissement, la cour d'appel a violé les articles L. 2313-2, L. 2313-7 et L. 2232-12 du code du travail, ensemble les principes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2313-7, L. 2313-2 et L. 2232-12 du code du travail :
9. Aux termes de l'article L. 2313-7 du code du travail, l'accord d'entreprise défini à l'article L. 2313-2 peut mettre en place des représentants de proximité. L'accord définit également :1° Le nombre de représentants de proximité ; 2° Les attributions des représentants de proximité, notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ; 3° Les modalités de leur désignation ; 4° Leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d'heures de délégation dont bénéficient les représentants de proximité pour l'exercice de leurs attributions. Les représentants de proximité sont membres du comité social et économique ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.
10. Aux termes de l'article L. 2313-2 du même code, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.
11. Le premier alinéa de l'article L. 2232-12 du code du travail dispose que la validité d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa signature par, d'une part, l'employeur ou son représentant et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants.
12. Il résulte des textes susvisés que les représentants de proximité ne peuvent être mis en place que par l'accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.
13. Toutefois, dans le cas où le nombre et le périmètre des établissements distincts ont été déterminés par décision unilatérale de l'employeur conformément à l'article L. 2313-4 du code du travail ou sur recours contre celle-ci par application de l'article L. 2313-5 du même code, un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 de ce code peut prévoir pour l'ensemble de l'entreprise la mise en place de représentants de proximité rattachés aux différents comités sociaux et économiques d'établissement.
14. Pour rejeter les demandes en annulation, l'arrêt retient que, selon l'article L. 2232-12 du code du travail, il n'est pas fait de distinction par la loi sur les conditions de validité qui sont identiques qu'il s'agisse d'un accord d'entreprise ou d'un accord d'établissement, que la signature d'un accord le 25 janvier 2019 par l'UNSA ferroviaire, ayant obtenu 59% des voix lors des élections professionnelles au comité social et économique d'établissement, est par suite régulière au sein de cet établissement sur des prérogatives qui relèvent du domaine de la négociation, dont celle de mettre en place des représentants de proximité en application de l'article L. 2313-7 du code du travail, lequel précise que l'accord définit également leur nombre, leurs attributions, les modalités de leur désignation et de leur fonctionnement.
15. L'arrêt ajoute qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne s'oppose à la mise en place de représentants de proximité au niveau de l'établissement gares et connexions au seul motif que cette instance de représentation n'avait pas été prévue par l'accord d'entreprise qui a déterminé le nombre et le périmètre des établissements de la SNCF mobilités ou en raison de l'échec de la négociation au niveau de l'entreprise de l'accord relatif au fonctionnement des comités sociaux et économiques en décembre 2018 qui s'est soldée par la signature le 8 février 2019 d'un accord technique ne reprenant pas les dispositions sur les représentants de proximité proposées par la direction du groupe ferroviaire.
16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les représentants de proximité avaient été instaurés par un accord d'établissement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes en annulation du chapitre 4 de « l'accord relatif à la mise en place du comité social et économique SNCF gares et connexions » en date du 25 janvier 2019 et des dispositions de l'article 7.3.4.3 du règlement intérieur adopté le 25 janvier 2019 par le comité social et économique de l'établissement gares et connexions entraîne la cassation du chef de dispositif, visé par le second moyen, rejetant la demande de déclarer sans effet les désignations des représentants de proximité effectuées dans l'établissement dès lors que la nullité du chapitre 4 de l'accord d'établissement précité emporte la caducité des mandats de représentants de proximité.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable l'action de la fédération des syndicats des travailleurs du rail solidaires unitaires et démocratiques Sud Rail, l'arrêt rendu le 13 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société SNCF gares et connexions aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047636301.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 633 FS-B
Pourvois n°
D 21-22.857
H 21-22.860
G 21-22.861
Q 21-22.867
W 21-22.873
X 21-22.874
A 21-22.877
B 21-22.878
F 21-22.882
H 21-22.883
M 21-22.887
Q 21-22.890
D 21-22.903
K 21-22.909
M 21-22.910 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2023
1°/ La société Bosal holding France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 20],
2°/ la société Bosal Nederland BV, société de droit néerlandais, dont le siège est [Adresse 22] (Pays-Bas),
ont formé les pourvois n° D 21-22.857, H 21-22.860, G 21-22.861 Q 21-22.867, W 21-22.873, X 21-22.874, A 21-22.877, B 21-22.878, F 21-22.882, H 21-22.883, M 21-22.887, Q 21-22.890, D 21-22.903, K 21-22.909 et M 21-22.910 contre quinze arrêts rendus le 7 juillet 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale) dans les litiges les opposant respectivement à :
1°/ M. [VM] [Z], domicilié [Adresse 13],
2°/ M. [I] [Y], domicilié [Adresse 1],
3°/ M. [UA] [R], domicilié [Adresse 6],
4°/ M. [E] [M], domicilié [Adresse 19],
5°/ M. [U] [H], domicilié [Adresse 3],
6°/ M. [NC] [O], domicilié [Adresse 18],
7°/ M. [A] [X], domicilié [Adresse 7],
8°/ Mme [XH] [T], domiciliée [Adresse 16],
9°/ M. [ZP] [D], domicilié [Adresse 12],
10°/ M. [LP] [P], domicilié [Adresse 11],
11°/ M. [B] [C], domicilié [Adresse 2],
12°/ M. [IR] [CX], domicilié [Adresse 14],
13°/ M. [V] [HE], domicilié [Adresse 17],
14°/ M. [L] [W], domicilié [Adresse 9],
15°/ M. [N] [J], domicilié [Adresse 15],
16°/ la société [K] Barault Maigrot, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 8], représentée par M. [G] [K], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bosal Le Rapide,
17°/ la société [F] [BK], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par Mme [F] [BK], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bosal Le Rapide,
18°/ l'UNÉDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 21], dont le siège est [Adresse 10],
19°/ Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 4],
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leurs pourvois, trois moyens de cassation communs.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z] et des quatorze autres salariés, de la SCP Lyon-Caen et Thiriet, avocat des sociétés [K] Barault Maigrot et [F] [BK], toutes deux prises en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société Bosal Le Rapide, les plaidoiries de Me Célice, Me Lyon-Caen et Me Grévy, ainsi que l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mme Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-22.857, 21-22.860, 21-22.861, 21-22.867, 21-22.873, 21-22.874, 21-22.877, 21-22.878, 21-22.882, 21-22.883, 21-22.887, 21-22.890, 21-22.903, 21-22.909 et 21-22.910, sont joints.
Déchéance partielle des pourvois
2. Il résulte de l'article 978 du code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi.
3. Les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV se sont pourvues en cassation le 22 septembre 2021 contre des décisions rendues le 7 juillet 2021 par la cour d'appel de Reims, lesquelles ont condamné l'une des parties au remboursement de sommes à Pôle emploi. Les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV n'ont pas signifié à Pôle emploi, qui n'a pas constitué avocat, le mémoire ampliatif.
4. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance des pourvois en tant qu'ils sont dirigés contre Pôle emploi.
Faits et procédure
5. Selon les arrêts attaqués (Reims, 7 juillet 2021), la société Bosal le Rapide, filiale de la société Bosal holding France, appartenait au groupe Bosal dont la société tête de groupe est la société Bosal Nederland BV.
6. Par jugement du 24 septembre 2013, un tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Bosal le Rapide, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 25 février 2014.
7. Par décision du 7 mars 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui lui était soumis par les mandataires judiciaires. Ces derniers ont notifié aux salariés protégés leur licenciement pour motif économique, le 8 avril 2014, après autorisation de l'inspection du travail.
8. Par arrêt du 9 décembre 2014, une cour administrative d'appel a annulé le jugement du tribunal administratif du 8 juillet 2014 et la décision de la DIRECCTE du 7 mars 2014. Les recours formés à l'encontre de cette décision ont été rejetés par arrêt du Conseil d'Etat du 15 mars 2017.
9. M. [Z] et quatorze autres salariés, ayant exercé des mandats représentatifs au sein de la société Bosal le Rapide, ont saisi la juridiction prud'homale en contestation du bien-fondé de leur licenciement, puis en reconnaissance de la qualité de coemployeurs des sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France (les sociétés) et, subsidiairement, en responsabilité extracontractuelle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, qui est préalable
Enoncé du moyen
11. Les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, alors « que le principe de séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité d'une autorisation administrative de licenciement et sur le caractère réel et sérieux du motif du licenciement fondé sur une telle autorisation ; qu'en l'espèce, il est constant que les salariés, qui avaient la qualité de salariés protégés, n'ont pas contesté l'autorisation de licenciement sur laquelle leur licenciement était fondé ; qu'en jugeant néanmoins qu'ils devaient bénéficier d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de l'insuffisance des recherches de reclassement des liquidateurs judiciaires de la société Bosal le Rapide, ainsi que d'une indemnité d'éviction, au motif erroné que l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi emporte annulation de l'autorisation de licenciement, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790. »
Réponse de la Cour
12. Si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal (Tribunal des conflits, 17 octobre 2011, pourvoi n° 11-03.828, Bull. 2011, T. conflits, n° 24).
13. Selon une jurisprudence constante du Conseil d'État (CE, 19 juillet 2017, n° 291849, publié au recueil Lebon) lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. Il en résulte que l'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des autorisations de licenciement accordées, à la suite de cette validation ou de cette homologation, pour l'opération concernée.
14. La cour d'appel, qui a constaté que la décision de la DIRECCTE du 7 mars 2014 d'homologation du document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde de l'emploi avait été annulée par arrêt devenu définitif du 9 décembre 2014, ce dont il ressortait que les autorisations de licenciement des salariés protégés accordées par l'inspecteur du travail étaient illégales, en a exactement déduit qu'elle pouvait se prononcer sur la cause réelle et sérieuse de leur licenciement.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en ses troisième à septième branches
Enoncé du moyen
16. Les sociétés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à écarter leur responsabilité extracontractuelle respective, de les condamner in solidum, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, de les condamner in solidum à payer à chaque salarié une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à l'AGS CGEA d'[Localité 21] des dommages-intérêts représentant le montant des avances consenties aux salariés, et le montant de l'indemnité d'éviction, alors :
« 3°/ que le juge doit caractériser le lien entre la méconnaissance de l'engagement de la société mère à l'égard de sa filiale et la déconfiture de cette dernière, pour pouvoir lui imputer les conséquences préjudiciables de cette déconfiture ; qu'en l'espèce, il est constant que l'ensemble des coûts générés par le PSE mis en oeuvre en 2011 et 2012 par la société Bosal le Rapide a été couvert par les sommes avancées par le groupe et qu'aucune société du groupe n'avait jamais demandé le remboursement de ces sommes à la société Bosal le Rapide ; que, lorsque la société Bosal le Rapide s'est retrouvée en état de cessation des paiements, elle a simplement inscrit à son passif la créance des sociétés du groupe ; qu'en se bornant à affirmer, à la suite du conseil de prud'hommes, que la société Bosal holding France a "porté l'estocade à sa filiale, la conduisant à sa déconfiture, puis à sa liquidation judiciaire" "en procédant à l'inscription d'une créance de 4 800 991 euros au passif exigible déclaré de la société Bosal le Rapide, contrairement à son précédent engagement", sans faire ressortir le lien entre l'inscription d'une créance, existant dans les comptes de la société Bosal le Rapide, au passif de cette dernière et la déconfiture puis la liquidation judiciaire de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°/ que l'état de cessation des paiements résulte de l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, il ressort de la déclaration de cessation des paiements établie le 20 septembre 2013 par la société Bosal le Rapide que sa trésorerie s'élevait à seulement 130 539 euros, tandis que son passif exigible s'élevait, hors dettes à l'égard du groupe, à la somme de 1 179 795 euros ; qu'en conséquence, l'inscription de la créance du groupe au titre du passif exigible avait été sans incidence sur l'état de cessation des paiements de la société Bosal le Rapide et, partant, sur l'engagement d'une procédure de redressement judiciaire, puis sur la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide ; qu'en se fondant par motifs adoptés, sur le bilan économique, social et environnemental établi par l'administrateur qui comparait la totalité de "l'actif déclaré", et non seulement l'actif disponible, au passif exigible, hors créance à l'égard du groupe, pour conclure que l'inscription de la créance du groupe avait eu une incidence sur l'ouverture d'une procédure collective, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à caractériser le lien entre le prétendu reniement de l'engagement allégué de la société Bosal holding France de financer le PSE de 2011/2012 avec l'ouverture de la procédure collective de la société Bosal le Rapide ; qu'elle a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 ;
5°/ que le juge doit caractériser le lien entre la méconnaissance de l'engagement de la société mère à l'égard de sa filiale et la déconfiture de cette dernière, pour pouvoir lui imputer les conséquences préjudiciables de cette déconfiture ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes soulignaient qu'il ressort du bilan économique, social et environnemental établi par les administrateurs judiciaires de la société Bosal le Rapide, comme du jugement du tribunal de commerce de Reims du 24 février 2014, que la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide a été prononcée en raison d'une part, de l'insuffisance du chiffre d'affaires entraînant des pertes de plus de 900 000 euros au titre des neuf premiers mois de l'exercice 2013 et de l'absence de perspective de retournement qui plaçaient la société Bosal Le Rapide dans l'incapacité de présenter un plan de redressement, et, d'autre part, de l'absence d'offre de reprise satisfaisante ; que le tribunal correctionnel avait ainsi retenu, pour écarter les délits de banqueroute et de complicité de banqueroute dont la société mère du groupe et ses dirigeants étaient prévenus, que "la situation de Bosal le Rapide s'est dégradée au cours de l'année 2013 du fait de la situation du marché de l'automobile et de la perte de deux contrats avec les groupes Renault et Peugeot", et non des agissements prêtés aux dirigeants du groupe ; que la dette de la société Bosal le Rapide à l'égard du groupe Bosal n'a en conséquence eu aucune incidence sur la décision du tribunal de prononcer sa liquidation judiciaire ; qu'en se bornant cependant à reprendre l'affirmation péremptoire du premier juge selon laquelle l'inscription d'une créance de 4,8 millions d'euros au passif exigible déclaré de la société Bosal le rapide avait "provoqué" non seulement l'état de cessation des paiement de la société Bosal le Rapide, mais aussi "la déconfiture et la liquidation judiciaire" de cette dernière, sans expliquer en quoi l'inscription au passif exigible de la société Bosal le Rapide de cette créance, dont aucune des sociétés du groupe n'a jamais demandé le remboursement, avait pu provoquer ou même concourir à provoquer la liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
6°/ que le juge doit caractériser le caractère fautif des agissements de la société mère à l'égard de sa filiale, la seule affirmation que des décisions sont prises dans le seul intérêt de la société mère étant insuffisant à l'établir ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes soutenaient, en s'appuyant notamment sur les pièces de la procédure pénale et le jugement du tribunal correctionnel de Reims du 8 septembre 2017, que la cession intervenue en décembre 2012 d'une partie de l'outil de production de la société Bosal le Rapide, puis la location d'une partie de ces machines à cette dernière, avaient été décidées dans l'intérêt exclusif de la société Bosal le Rapide, pour lui fournir des liquidités ; qu'elles soulignaient que le prix de rachat des machines (400 000 euros) était bien supérieur à la valeur du matériel cédé, qui avait été évalué moins d'un an plus tard par le commissaire-priseur désigné à l'ouverture de la procédure collective à 105 500 euros et que les loyers fixés, qui constituaient une charge déductible pour la société Bosal le rapide, n'étaient pas déraisonnables ; qu'en se bornant cependant à relever, pour affirmer que "les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France ont, dans leur seul intérêt respectif d'actionnaire, préjudiciable à la société Bosal le Rapide, concouru à la déconfiture de leur filiale", qu'elles ont "racheté à la société Bosal le Rapide l'ensemble de ses machines, le 22 décembre 2012, pour la somme de 400 000 euros pour établir quelques jours plus tard un bail à son profit, portant sur le même matériel de production, à raison de 6 000 euros mensuels", sans expliquer en quoi ces mesures auraient été prises dans leur seul intérêt et auraient été préjudiciables à leur filiale, ce qui aurait supposé de mettre en évidence le caractère vil du prix de cession ou le montant excessif du loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
7°/ qu'en relevant encore, pour affirmer que "les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France ont, dans leur seul intérêt respectif d'actionnaire, préjudiciable à la société Bosal le Rapide, concouru à la déconfiture de leur filiale", qu'au loyer des machines louées à la société Bosal le Rapide s'ajoutaient "les créances du groupe liées notamment aux fournitures de matières premières, honoraires de prestations de services, prêts de trésorerie et intérêts", sans faire ressortir le caractère injustifié ou excessif de ces facturations, ni leur incidence sur la situation économique de la société Bosal le Rapide, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
17. Selon l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
18. La cour d'appel a, d'abord, constaté que lors de l'établissement du précédent plan de sauvegarde de l'emploi de 2012 au sein de la société Bosal le Rapide, établi à l'occasion de la restructuration de son activité, la société Bosal holding France s'était engagée, par courrier du 16 novembre 2011, auprès du commissaire aux comptes, à compléter la trésorerie de sa filiale, afin de couvrir les coûts du PSE pour un maximum de 5 000 000 euros. Elle a, ensuite, relevé qu'en procédant à l'inscription d'une créance de 4 800 991 euros au passif exigible déclaré de la société Bosal le Rapide, contrairement à ce précédent engagement, la société Bosal Nederland BV via la société Bosal holding France avait porté l'estocade à sa filiale, la conduisant à sa déconfiture, puis à sa liquidation judiciaire.
19. De ces constatations et appréciations, elle a pu déduire, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les sixième et septième branches, que ces deux sociétés avaient ainsi commis une faute ayant concouru à la liquidation judiciaire de leur filiale et à la disparition des emplois qui en était résultée, et qui ouvrait droit à indemnisation.
20. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
21. Les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV font grief aux arrêts de les condamner in solidum, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, alors « que le principe de la réparation intégrale interdit de mettre à la charge de l'auteur d'une faute délictuelle l'indemnisation d'un préjudice sans lien de causalité avec cette faute ; que le tiers qui, par sa faute, concourt à la déconfiture d'une société ne peut avoir à réparer l'ensemble des conséquences préjudiciables de cette liquidation, mais uniquement celles qui découlent de sa faute ; que s'il est tenu de réparer la perte de chance, pour les salariés, de conserver un emploi, il ne peut être tenu de réparer la perte injustifiée de leur emploi résultant des irrégularités de la procédure suivie par le liquidateur judiciaire ou d'un manquement du liquidateur à l'obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations des arrêts attaqués que les licenciements des salariés étaient entachés d'une double irrégularité, en raison, d'une part, de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi fondée sur une irrégularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise menée par les liquidateurs de la société Bosal le Rapide et, d'autre part, du manque de précision des recherches de reclassement effectuées par ces mêmes liquidateurs judiciaires ; qu'en condamnant cependant les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV, qui n'avaient pas la qualité de coemployeur, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, quand la faute qui leur était reprochée était d'avoir "concouru" à la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide, de sorte qu'elles ne pouvaient tout au plus avoir à réparer qu'une perte de chance pour les salariés de conserver leur emploi, et non la perte injustifiée de leur emploi résultant des fautes commises par les liquidateurs, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
22. Il résulte des articles 1147, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du code civil, que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, peu important que leurs responsabilités résultent d'obligations distinctes et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il peut être procédé entre eux, qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.
23. La cour d'appel, qui a relevé que la faute commise par les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France en inscrivant une créance au passif exigible de la société Bosal le Rapide avait concouru à la liquidation judiciaire de leur filiale et à la disparition des emplois qui en était résultée, en a exactement déduit que la responsabilité extracontractuelle des sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France étant établie, celles-ci étaient redevables à l'endroit des salariés de dommages-intérêts, en réparation du préjudice fondé sur la perte injustifiée de leur emploi, quand bien même cette demande reposerait sur un fondement juridique différent de ceux retenus à l'endroit de l'employeur.
24. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen relevé d'office
25. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article L. 2422-4 du code du travail :
26. Aux termes de ce texte, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.
27. Il en résulte que ces dispositions ne sont pas applicables quand la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif ou lorsque le juge judiciaire accueille, au vu d'une jurisprudence établie, la contestation du salarié portant sur la légalité de l'autorisation de licenciement. Il appartient dans ce cas au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence d'une faute de l'employeur.
28. Après avoir retenu que les salariés avaient été licenciés en vertu d'une autorisation administrative illégale ensuite de l'annulation, par arrêt d'une cour administrative d'appel du 9 décembre 2014, de la décision de la DIRECCTE du 7 mars 2014 d'homologation du PSE, les arrêts fixent, pour chacun d'eux, au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide une somme à titre d'indemnité d'éviction pour la période s'étendant du licenciement jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt du 9 décembre 2014 et condamnent in solidum les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV à payer à l'AGS CGEA d'[Localité 21], des dommages-intérêts représentant le montant de l'indemnité d'éviction.
29. En statuant ainsi, alors que l'autorisation administrative de licenciement définitive n'avait pas été annulée mais était illégale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
30. Les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum à payer à l'AGS CGEA d'[Localité 21] des dommages-intérêts représentant le montant des avances consenties aux salariés, alors « qu'en condamnant les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV à réparer le préjudice subi par l'AGS CGEA, correspondant au montant des avances consenties aux salariés, après avoir pourtant écarté la demande des salariés tendant à voir attribuer la qualité de coemployeur à ces deux sociétés, la cour d'appel a ainsi fait peser sur les sociétés exposantes la réparation d'un préjudice sans lien de causalité direct avec les fautes qui leur étaient imputées, et a violé les articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
31. Les liquidateurs de la société Bosal le Rapide contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau.
32. Cependant le moyen fondé sur le lien de causalité entre la faute imputée aux sociétés et le préjudice invoqué par l'AGS CGEA était inclus dans le débat devant la cour d'appel.
33. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
34. Après avoir relevé que la société Bosal Nederland BV, par l'entremise de la société Bosal holding France, avait manqué à son engagement de financer le plan social de l'emploi de 2012 de la société Bosal le Rapide, et par cette faute contribué à la déconfiture de l'employeur et à la perte des emplois, les arrêts retiennent que les créances fixées au profit de chaque salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide doivent être garanties par l'AGS CGEA. Ils ajoutent que les avances consenties à chaque salarié par l'AGS CGEA constituent le montant des dommages-intérêts au paiement desquels elles sont condamnées in solidum avec l'employeur, en indemnisation du préjudice effectivement subi par l'AGS CGEA, de sorte que, in fine, les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France prendront, in solidum entre elles, en charge l'intégralité de la contribution à la dette.
35. En statuant ainsi, en se fondant sur la responsabilité extracontractuelle des sociétés sans caractériser ni le préjudice subi par l'AGS CGEA ni, à le supposer établi, le lien de causalité entre ce préjudice et la faute retenue à l'encontre des sociétés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
36. La cassation du chef de dispositif des arrêts condamnant in solidum les sociétés à payer à l'AGS CGEA des dommages-intérêts représentant le montant de l'indemnité d'éviction et des avances consenties aux salariés, emporte la cassation du chef de dispositif fixant au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide, pour chacun des salariés, une somme au titre de l'indemnité d'éviction, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
37. En revanche, elle n'emporte pas cassation des chefs de dispositif des arrêts condamnant les sociétés aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à leur l'encontre et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CONSTATE la déchéance des pourvois en tant qu'ils sont dirigés contre Pôle emploi ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils fixent au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide, pour chacun des salariés, une somme au titre de l'indemnité d'éviction et condamne in solidum les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV à payer à l'AGS CGEA d'[Localité 21] des dommages-intérêts représentant le montant de l'indemnité d'éviction allouée à chacun des salariés et des dommages-intérêts représentant le montant des avances consenties à chacun d'eux, les arrêts rendus le 7 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
CONDAMNE les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV et l'AGS CGEA d'[Localité 21] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV et les condamne à payer à Mme [T], MM. [Z], [M], [H], [O], [X], [D], [P], [C], [CX], [HE], [W], [J], [Y] et [S] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
N2 >Sur l'exclusion de l'application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail lorsque la décision administrative autorisant le licenciement est déclarée illégale, à rapprocher : Soc., 26 septembre 2007, pourvoi n° 05-45.665, Bull. 2007, V, n° 137 (cassation partielle) ; Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-12.471, Bull., (2) (cassation partielle sans renvoi). N1 > N2 >Sur l'illégalité des autorisations de licenciement en cas d'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, cf :CE, 19 juillet 2017, n° 391849, publié au Recueil Lebon. Sur la possibilité pour le juge judiciaire de ne pas saisir le juge administratif par voie de question préjudicielle en cas de contestation de la légalité d'un acte administratif : Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-12.471, Bull., (1) (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité.
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CASS/JURITEXT000047852415.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juillet 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 805 FS-B
Pourvoi n° E 21-23.387
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023
M. [U] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-23.387 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Alpha mandataires judiciaires, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Lehericy Hermont, prise en qualité de liquidateur de la société CF Management Holding,
2°/ à la société Alpha mandataires judiciaires, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Lehericy Hermont, prise en qualité de liquidateur de la société Astriam régions,
3°/ à la société V&V, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Astriam régions,
4°/ à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 5], dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La société Alpha mandataires judiciaires, prise en qualité de liquidateur de la société CF Management Holding, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, huit moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [R], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Alpha mandataires judiciaires, ès qualités, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 1er septembre 2021), M. [R] a été engagé en qualité de directeur général du développement et marketing, à compter du 1er novembre 2016, par la société CF Management Holding, appartenant au groupe Astriam, suivant contrat de travail « à forfait réduit », soumis à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999.
2. Se plaignant des conditions d'exécution de son contrat de travail et invoquant une situation de co-emploi avec la société Astriam régions, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 9 octobre 2017 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul.
3. Le 12 février 2018, il a été licencié.
4. Par jugements des 4 mars et 15 juillet 2020, les sociétés Astriam régions et CF Management Holding, respectivement, ont été placées en liquidation judiciaire et la société Lehericy-Hermont, aux droits de laquelle se trouve la société Alpha mandataires judiciaires, a été désignée en qualité de liquidatrice de chacune.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal du salarié
Énoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à fixer au passif de la société CF Management Holding un rappel de salaire au titre du minimum conventionnel pour la période comprise entre novembre 2016 et mars 2017, alors « que M. [R] faisait valoir que pour la période comprise entre le 1er novembre 2016 et le 30 mars 2017, la rémunération qu'il avait perçue, d'un montant de 1 460 euros en contrepartie d'un forfait jour réduit de 147 jours, était inférieure au minimum conventionnel rapporté à ce nombre de jours ; qu'en le déboutant de sa demande de rappel de salaire fondée sur les minima conventionnels sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel n'ayant pas statué sur ce chef de demande, le moyen dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.
8. En conséquence, le moyen n'est pas recevable.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement ayant jugé que la convention de forfait en jours n'était pas opposable et de le débouter de ses demandes tendant à juger la convention de forfait en jours nulle ou à tout le moins privée d'effet, à fixer au passif de la société CF Management Holding diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, de contrepartie en repos et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail et des droits au repos, d'indemnité au titre de ses temps de trajet excédentaires, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour harcèlement moral, et à juger nul son licenciement, avec les conséquences indemnitaires afférentes, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en jugeant que tel était le cas de l'accord de branche du 11 avril 2000 pris dans le cadre de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999, lorsque ce dernier se borne à rappeler en son article 2.8.3 que les cadres soumis à un forfait jours doivent bénéficier d'un repos quotidien de 11 heures consécutives et d'un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives, et à prévoir qu'un contrôle du nombre de jours travaillés sera effectué par l'établissement d'un document récapitulatif pouvant être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur, et qu'un entretien aura lieu avec leur supérieur hiérarchique au cours duquel sera évoqué l'organisation du travail, l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail en résultant, lesquelles devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés, afin de permettre un équilibre satisfaisant entre la vie professionnelle et la vie personnelle du cadre concerné, ce qui ne permet pas de garantir au salarié un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article L. 3121-64, II, du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail, alors en vigueur, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
10. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
11. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
12. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
13. Pour dire la convention de forfait en jours opposable au salarié et débouter ce dernier de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de contrepartie en repos et de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail et non-respect du droit au repos, l'arrêt retient qu'il n'est pas utilement contesté que la convention collective applicable prévoit notamment un rappel du repos quotidien de onze heures consécutives, un rappel du temps de repos hebdomadaire égal à trente-cinq heures consécutives, un contrôle du nombre de jours travaillés, l'établissement d'un document récapitulatif par le salarié des jours de repos, la mise en place d'un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoqués l'organisation du travail, l'amplitude des journées d'activité et la charge de travail en résultant, ainsi que l'obligation de respecter un équilibre satisfaisant entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Il conclut que l'ensemble de ces dispositions, contrairement à ce qui est soutenu par le salarié, est conforme aux exigences jurisprudentielles et légales.
14. En statuant ainsi, alors que l'article 2.8.3. de l'accord du 11 avril 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, attaché à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999, qui se borne à prévoir que l'employeur est tenu de mettre en place des modalités de contrôle du nombre des journées ou demi-journées travaillées par l'établissement d'un document récapitulatif faisant en outre apparaître la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de réduction du temps de travail, ce document pouvant être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur, et que les cadres concernés par un forfait jours bénéficient chaque année d'un entretien avec leur supérieur hiérarchique, au cours duquel il sera évoqué l'organisation du travail, l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail en résultant, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes tendant à la fixation de sa créance au titre des dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail et à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, disant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, limitant la créance du salarié à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, ordonnant la remise de documents de fin de contrat conformes et fixant la créance de remboursement des indemnités de chômage, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
MISE HORS DE CAUSE
16. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Astriam régions, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi, le pourvoi principal ne formulant aucune critique contre le chef de l'arrêt l'ayant mise hors de cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [R] de ses demandes tendant à juger la convention de forfait en jours nulle ou à tout le moins privée d'effet, à fixer au passif de la société CF Management Holding sa créance à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de contrepartie en repos, outre congés payés afférents, de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail et des droits au repos, d'indemnité au titre de ses temps de trajet excédentaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail, à prononcer la résiliation judiciaire et à juger nul son licenciement pour inaptitude, avec les conséquences indemnitaires afférentes, en ce qu'il dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu'il limite la créance de M. [R] fixée au passif de la société CF Management Holding aux sommes de 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 14 389,88 euros à titre d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, en ce qu'il ordonne la remise de documents de fin de contrat conformes, en ce qu'il fixe au passif de la société CF Management Holding la créance de remboursement des indemnités de chômage, et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et que le salarié et le liquidateur de la société CF Management Holding conserveront chacun la charge de ses propres dépens, l'arrêt rendu le 1er septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Met hors de cause la société Astriam régions ;
Remet, sur les points objet de la cassation, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Alpha mandataires judiciaires en qualité de liquidatrice judiciaire de la société CF Management Holding aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alpha mandataires judiciaires ès qualités et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
Sur les conditions de validité des conventions de forfait en jours au regard de la durée du travail et des repos, journaliers et hebdomadaires, à rapprocher : Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-20.561, Bull., (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 14 décembre 2022, pourvoi n° 20-20.572, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités.
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CASS/JURITEXT000047781201.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 juin 2023
M. SOMMER, président
Arrêt n° 760 FS-B
Pourvois n°
D 22-14.834
E 22-14.835
F 22-14.836
H 22-14.837
G 22-14.838
J 22-14.839
K 22-14.840
M 22-14.841
P 22-14.843
Q 22-14.844
R 22-14.845
S 22-14.846
T 22-14.847
U 22-14.848
V 22-14.849 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 JUIN 2023
1°/ M. [H] [C], domicilié [Adresse 4],
2°/ M. [R] [X], domicilié [Adresse 11],
3°/ M. [JM] [W], domicilié [Adresse 7] (États-Unis),
4°/ M. [B] [M], domicilié [Adresse 12],
5°/ M. [V] [K], domicilié [Adresse 13],
6°/ M. [J] [T], domicilié [Adresse 5],
7°/ M. [E] [U], domicilié [Adresse 9],
8°/ M. [I] [Z], domicilié [Adresse 2],
9°/ M. [J] [S], domicilié [Adresse 14],
10°/ M. [TN] [L], domicilié [Adresse 15],
11°/ M. [P] [Y], domicilié [Adresse 10],
12°/ M. [EZ] [F], domicilié [Adresse 3],
13°/ M. [G] [N], domicilié [Adresse 6],
14°/ M. [E] [D], domicilié [Adresse 1],
15°/ M. [A] [O], domicilié [Adresse 8],
ont formé respectivement les pourvois n° D 22-14.834, E 22-14.835, F 22-14.836, H 22-14.837, G 22-14.838, J 22-14.839, K 22-14.840, M 22-14.841, P 22-14.843, Q 22-14.844, R 22-14.845, S 22-14.846, T 22-14.847, U 22-14.848 et V 22-14.849 contre quinze arrêts rendus le 18 février 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre civile, section 1, chambre sociale), dans les litiges les opposant à la société Intel Corporation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs aux pourvois principaux invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens communs de cassation.
La demanderesse aux pourvois incidents éventuels invoque, à l'appui de ses recours, un moyen commun de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de MM. [C], [X] , [W], [M], [K], [T], [U], [Z], [S], [L], [Y], [F], [N], [D] et [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Intel Corporation, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-14.834, 2-14.835, 22-14.836, 22-14.837, 22-14.838, 22-14.839, 22-14.840, 22-14.841, 22-14.843, 22-14.844, 22-14.845, 22-14.846, 22-14.847, 22-14.848 et 22-14.849 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Toulouse, 18 février 2022), MM. [C], [W], [M], [K], [T], [U], [Z], [S], [L], [Y], [F], [N], [D] et [O] ont été engagés par la société Intel Corporation (Intel). M. [X] a été engagé par la société Intel Mobile Communications France (IMC).
3. Les sociétés Intel et IMC appartenaient au groupe Intel lequel a procédé, courant 2016, à une réorganisation de ses activités au niveau mondial. Compte tenu des suppressions d'emplois envisagées, un plan de sauvegarde de l'emploi a été mis en oeuvre au sein des deux sociétés françaises.
4. Le 1er juillet 2017, l'activité de recherche et développement des logiciels embarqués, exploitée par les sociétés IMC et Intel Corp, a été reprise par la société Newco, créée pour cette opération puis devenue la société Renault Software Labs, appartenant au groupe Renault.
5. Les contrats de travail de quatre-cent-soixante salariés employés par les sociétés IMC et Intel ont été transférés à la société Newco.
6. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour contester l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail et obtenir la condamnation de leur employeur à leur payer diverses sommes liées à la rupture injustifiée de leur contrat de travail ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte d'une prime projet et d'actions gratuites.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. Les salariés font grief aux arrêts de juger l'article L. 1224-1 du code du travail applicable et de les débouter de leurs demandes fondées sur la contestation de la validité du transfert des contrats de travail, notamment celles visant à condamner l'employeur au paiement de différentes sommes à titre de dommages-intérêts liés à la perte du bénéfice de l'indemnité du plan de sauvegarde de l'emploi ou à la perte du bénéfice de l'indemnité de reclassement dans le cadre de ce plan, indemnité sur préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité pour licenciement irrégulier, alors :
« 1° / que le transfert de plein droit du contrat de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail suppose l'existence et le transfert à un nouvel employeur d'une entité économique autonome, définie comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que l'existence d'une entité économique autonome ne peut être caractérisée et admise qu'au sein d'une même société et non par référence à l'activité exercée au niveau d'un groupe de sociétés ; qu'en jugeant au contraire que le fait que l'activité transférée provienne de deux entreprises juridiquement distinctes mais faisant partie d'un même groupe de sociétés ne fait pas obstacle par principe à l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et en retenant en conséquence l'existence d'une entité économique autonome correspondant à l'activité "Recherche & Développement des logiciels embarqués" au sein des sociétés IMC et Intel Corporation, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
2° / que le transfert de plein droit du contrat de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail suppose l'existence et le transfert à un nouvel employeur d'une entité économique autonome, définie comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que le transfert d'une entité économique autonome suppose ainsi l'identification d'une entité avant son transfert ; qu'en l'espèce, les salariés faisaient valoir et démontraient que les organigrammes des sociétés IMC et Intel Corporation avaient été modifiés à plusieurs reprises en 2016 et 2017 afin d'exclure certains salariés du champ du transfert des contrats de travail et que certains salariés affectés à des fonctions support essentielles n'avaient pas été transférées à la société Newco, notamment l'équipe Ressources Humaines, qui a fait l'objet d'un recrutement extérieur ultérieur de la part du nouvel exploitant de l'activité R&D des logiciels embarqués ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer que des moyens en personnel, corporels et incorporels de l'activité Recherche & Développement des logiciels embarqués ont été effectivement transférés à la société Newco, notamment 460 salariés, ce qui permettait à l'activité R&D des logiciels embarqués de fonctionner de façon autonome, sans rechercher ni vérifier, d'une part, si les sociétés Intel Corporation et IMC avaient procédé à des changements d'organigramme modifiant l'identité de l'entité salariale pour créer artificiellement un ensemble de salariés "sur mesure", ce qui était de nature à exclure la condition d'un transfert concernant un ensemble organisé préexistant et autonome et si, d'autre part, l'équipe Ressources Humaines non transférée avait fait l'objet d'un recrutement extérieur ultérieur, quand il s'agissait d'une fonction support essentielle au fonctionnement de l'entité, de sorte qu'il en résultait que tous les contrats de travail des salariés nécessaires au fonctionnement de l'entité n'avaient pas été transférés à la société Newco, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
3° / qu'en cas de litige, le juge doit vérifier que les conditions d'un transfert légal au sens de l'article L 1224-1 du code du travail sont réunies ; qu'en l'espèce, après avoir constaté tout d'abord que les salariés transférés étaient rattachés à deux business units internationales différentes et que 15 salariés d'entre eux avaient perdu leur ancien manager de premier niveau, ce dont il se déduisait que tous les contrats de travail rattachés à l'entité économique autonome n'avaient pas été transférés au nouvel exploitant, et ensuite que, d'autres des salariés attachés à l'activité avaient artificiellement été sortis du périmètre et n'avaient pas été transférés à Newco, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que, nonobstant l'intitulé de la fonction occupée, Intel Corp "explique" que les salariés non transférés "étaient affectés soit sur des postes concernant le hardware, c'est-à-dire hors périmètre, soit sur des postes mixtes sofware/hardware ou firmware avec une prédominance de ce dernier, ce qui justifie l'exclusion du périmètre", sans viser la moindre pièce qui aurait été produite par Intel, qui avait la charge de cette preuve, justifiant une telle affirmation, ni vérifier elle-même cette réalité, contestée par les exposants ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
4° / que le transfert d'une entité économique autonome suppose la transmission des moyens corporels et/ou incorporels significatifs et nécessaires à la poursuite de l'activité ; qu'en l'espèce, les salariés faisaient valoir et démontraient que seule une minorité des éléments d'actifs des sociétés IMC et Intel Corporation avait été transférée à la société Newco, à l'exclusion du matériel le plus coûteux et le plus important pour l'exercice de l'activité R&D des logiciels embarqués et l'effacement des données sur les PC des ingénieurs affectés aux projets Intel, ce qui établissait l'absence de poursuite d'activité chez le cessionnaire et ce qui avait eu pour conséquence de priver d'activité plusieurs salariés postérieurement à leur transfert, de sorte que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que des moyens en personnel, corporels et incorporels de l'activité Recherche & Développement des logiciels embarqués ont été transférés à la société Newco et que des moyens significatifs, nécessaires et suffisants permettaient à l'activité R&D des logiciels embarqués de fonctionner de façon autonome et qu'il importait peu que les données informatiques aient été effacées dès lors que les serveurs et logiciels avaient été transférés, mais sans constater que ces données essentielles l'avaient été également ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ni constater, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si l'exclusion d'une grande partie du matériel attachée à l'activité litigieuse avait privé de nombreux salariés de toute activité, ce qui était de nature à remettre en cause la réalité du transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
5° / que l'entité transférée doit conserver son identité chez le nouvel exploitant ; qu'en l'espèce, les salariés démontraient par de nombreuses pièces qu'aucune entité économique autonome réelle n'avait été transférée à la société Newco puisque, préalablement à la reprise, l'activité économique des salariés avait été transférée à d'autres sociétés du groupe Intel à l'étranger ou à des sous-traitants, qu'ils n'avaient plus eu aucune activité pendant six mois à un an, que les conditions d'exploitation de l'activité avaient radicalement changé après le transfert, que l'activité R&D des logiciels embarqués avait en réalité été reprise par plusieurs repreneurs autres que Renault ; qu'en se bornant en l'espèce à affirmer que "les productions établissent que la société Newco, devenue Renault Software Labs, a continué à exploiter l'activité de R&D des logiciels embarqués des sociétés IMC et Intel Corp, dans des conditions analogues, avec une organisation des équipes basée sur l'encadrement de 1er niveau issu du transfert d'actif partiel de ces deux sociétés" et que peu importait la réorganisation ultérieure, quand le transfert était insuffisant à caractériser la poursuite, à l'identique, de l'activité dans les mêmes conditions, sans vérifier si l'absence de travail avérée de nombreux salariés transférés démontrait qu'il n'y avait pas de poursuite de la même activité, ce dont il se déduisait que l'entité économique transférée avait perdu son identité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
6° / qu'en affirmant en l'espèce que "l'arrêt de projets Intel ou le transfert de projets Intel dans d'autres sociétés du groupe, associé à l'interruption temporaire de l'activité du salarié, n'est pas incompatible avec la validité du transfert ultérieur de l'entité économique autonome", que "l'activité R&D logiciels embarqués concerne en effet des projets qui se succèdent dans le temps", que "le fait que l'activité s'exerce désormais dans le cadre du projet de voiture autonome et non plus majoritairement sur des téléphones et tablettes, ne modifie pas l'activité exercée, laquelle reste bien la recherche et le développement des logiciels embarqués" et que "l'adaptation des salariés transférés à l'environnement spécifique de l'automobile et aux outils informatiques et langages de programmation utilisés chez Renault est similaire au déroulement d'un nouveau projet comportant un environnement différent du projet précédent", quand il résultait au contraire de ces constats que l'activité des salariés après le transfert à la société 843 Corporation n'était pas identique à celle exercée au sein des sociétés Intel Corporation et IMC, ce qui était de nature à remettre en cause le transfert de plein droit des contrats de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
7° / que la fraude corrompt tout ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté, s'agissant de l'activité, l'arrêt de projets Intel ou le transfert dans d'autres sociétés, mais aussi, s'agissant des contrats de travail, l'absence de transfert d'une dizaine d'ingénieurs affectés à l'activité transférée et des mutations effectuées en amont ; s'agissant de la poursuite de l'activité, qu'après le transfert, il y avait eu à la fois l'effacement de données informatiques sur les projets Intel mais aussi des formations chez Renault aux outils informatiques et à la programmation, ce dont il résultait que l'activité n'était pas identique, elle ne pouvait exclure la fraude à l'article L. 1224-1, en analysant séparément chacune des conditions exigées pour permettre d'imposer un transfert automatique des contrats de travail alors surtout qu'elle constatait elle-même aussi, que les valeurs des actifs transférés par les sociétés IMC et Intel Corporation s'élevaient respectivement à 32 millions et à 34 millions d'euros, quand leur prix de cession a été fixé à seulement 2 euros au profit du cessionnaire apparent, la société Newco, utilisée pour masquer que le groupe Renault était le véritable bénéficiaire de l'opération, et elle ne pouvait pas plus retenir qu'Intel établit "qu'elle n'a pas fait d'économies en transférant les salariés à Renault au lieu de les licencier pour cause économique" ce qui était inopérant en l'absence de constat que les conditions d'un tel licenciement économique collectif étaient effectivement réunies, et alors surtout qu'elle a elle-même constaté que la société Renault Sofware Labs a été en outre "indemnisée" à hauteur de 55 millions d'euros, "compte tenu de la charge financière représentée par l'ancienneté, les droits à congés payés, les jours de repos et la rémunération variable des salariés transférés" ; qu'il en résultait que c'est le cessionnaire final, en réalité Renault, qui a bénéficié de la part des sociétés cédantes, d'une valeur de 121 millions d'euros (dont 118 millions de trésorerie et 3 millions de matériels) à l'occasion des apports partiels d'actifs litigieux ; qu'en cet état, la cour d'appel qui n'a pas tenu compte de l'ensemble de ces éléments constatés ou prouvés dans l'examen du moyen fondé sur la fraude à la loi d'ordre public française et aux droits des salariés n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé en conséquence l'article L. 1224-1 du code du travail ainsi que le principe selon lequel la fraude corrompt tout. »
Réponse de la Cour
8. Il résulte de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que l'entité économique autonome dont le transfert entraîne la poursuite de plein droit avec le cessionnaire des contrats de travail des salariés qui y sont affectés s'entend d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.
9. Il s'en déduit que l'existence d'une entité économique autonome est indépendante des règles d'organisation, de fonctionnement et de gestion du service exerçant une activité économique, en sorte qu'une entité économique autonome au sens des dispositions du texte susvisé peut résulter de deux parties d'entreprises distinctes d'un même groupe.
10. La cour d'appel a constaté que l'activité de recherche et développement sur les logiciels embarqués, développée par les sociétés IMC et Intel, constituait une activité autonome, distincte des autres activités exercées par le groupe Intel France relatives à la conception de circuits intégrés, vente/marketing, support client, que cette activité était dotée d'équipes de salariés dédiées dont l'expertise était spécifique et poursuivant un objectif propre, que les fonctions supports - services finances, services généraux, administration générale des sites - nécessaires à l'exercice de cette activité avaient été transférées, ainsi que les moyens corporels et incorporels spécifiquement affectés à l'activité de recherche et développement des logiciels embarqués, tels les équipements et les licences informatiques, le matériel de laboratoire audio encore utilisé, les baux et les contrats de maintenance, de sous-traitance ainsi que les contrats conclus avec les fournisseurs.
11. Elle a également relevé que l'activité de recherche et de développement des logiciels embarqués transférée à la société Newco en vue de sa reprise ultérieure par la société Renault Software Labs avait conservé son identité et avait été effectivement poursuivie dans des conditions analogues, la modification ultérieure de l'organisation des équipes au sein de Renault Software Labs ne remettant pas en cause le transfert de droit.
12. Elle a enfin estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la fraude alléguée par les salariés n'était pas établie.
13. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire le transfert d'une entité économique autonome dont l'activité de recherche et développement des logiciels embarqués développée par les sociétés IMC et Intel était poursuivie par le cessionnaire et, par voie de conséquence, le maintien de plein droit des contrats de travail des salariés relevant de cette activité avec le nouvel employeur.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
15. Les salariés font grief aux arrêts de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts pour perte de chance d'obtenir des « restricted stocks units » (RSU) au titre de l'année 2017, alors « que par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen de cassation entraînera nécessairement la censure de l'arrêt s'agissant des chefs de dispositif ayant débouté les salariés de leurs demandes de dommages-intérêts au titre des RSU. »
Réponse de la Cour
16. Le rejet du premier moyen rend sans portée la demande de cassation par voie de conséquence du second moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les pourvois incidents, qui ne sont qu'éventuels, la Cour :
REJETTE les pourvois principaux ;
Condamne MM. [C], [W], [M], [K], [T], [U], [Z], [S], [L], [Y], [F], [N], [D], [O] et [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047781205.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 juin 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 763 FS-B
Pourvoi n° D 21-18.142
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 JUIN 2023
M. [D] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-18.142 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Dimomix, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Dimomix, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 15 mars 2021), M. [O] a été engagé par la société Dimomix (la société) le 17 août 2011 en qualité de responsable comptable et occupait en dernier lieu les fonctions de directeur administratif et financier.
2. En septembre 2016, la société a été rachetée par le groupe Scott.
3. Licencié pour faute grave le 12 juin 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre et pour harcèlement moral.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le quatrième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la procédure de licenciement était régulière, alors « que la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme ; qu'en déboutant le salarié de sa demande aux motifs que "dans sa requête initiale, le salarié avait précisé que M. [E] avait été embauché et promu au rang de directeur dans Indian Océan Coffee ltd et qu'il avait été envoyé comme consultant externe par le groupe mauricien Scott qui avait racheté la société en septembre 2016 ; Il résulte du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la société du 26 octobre 2016 que M. [E] était présent et a été désigné secrétaire de séance ; Il apparaît également dans les minutes de la réunion du conseil d'administration Dimonix & Coffee Mayotte du 16 novembre 2016, ce qui démontre son lien avec l'entreprise. Enfin, le compte rendu de l'entretien préalable fait bien état de sa qualité de "directeur Indian Océan Coffee", entité faisant partie du groupe Scott", ce dont il résultait que M. [E] devait dès lors être considéré comme ne faisant pas partie de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des articles L. 1232-3 et L. 1232-6 du code du travail que la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement.
7. La cour d'appel a constaté que l'entretien préalable avait été conduit par le directeur de la société Indian Océan Coffee, entité appartenant au groupe Scott, au même titre que la société Dimomix rachetée en 2016, qui avait été missionné par le groupe en qualité de consultant externe et avait reçu mandat, le 1er septembre 2016, pour agir au nom et pour le compte du représentant légal de la société Dimomix dans le cadre de la gestion opérationnelle administrative et financière de la société, en ce compris notamment les opérations commerciales, les formalités administratives, la comptabilité, la gestion des ressources humaines (recrutement, gestion du personnel, conduite des procédures disciplinaires et de licenciement etc...) et le management de manière générale de la gestion des ressources humaines.
8. Elle a également relevé que le directeur de la société Indian Ocean Coffee, en exécution de sa mission de consultant, avait non seulement contrôlé l'efficacité du système de contrôle interne mais avait également imposé une réorganisation des processus.
9. De ses constatations et énonciations, dont il résulte que le délégataire n'était pas une personne étrangère à cette société, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure de licenciement était régulière.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches
Enoncé du moyen
11.Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en nullité de son licenciement pour harcèlement moral et en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et préjudice moral, alors :
« 2°/ qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur chaque fait allégué par le salarié, pris isolément, et de rechercher si ces faits, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, si l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il faisait valoir que l'employeur lui avait notifié verbalement sa mise à pied conservatoire devant tout le personnel, cependant qu'il était cadre, respecté par ses collègues et qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une seule mesure disciplinaire de sorte que cette mise à pied injustifiée participait d'un agissement constitutif d'un harcèlement moral ; qu'en s'abstenant d'examiner ce fait qui, s'il avait été établi, aurait laissé présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur chaque fait allégué par le salarié, pris isolément, et de rechercher si ces faits, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ou d'une discrimination et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et/ou discrimination ; que pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel a énoncé que "si le salarié produit des attestations de salariés confirmant les bonnes relations entretenues par lui avec son équipe, pour autant cela est insuffisant pour remettre en cause l'objectivité de l'audit interne réalisé par M. [E] et [F] mais aussi de l'audit du cabinet d'expert-comptable BDO du 31 mai 2017. Le salarié ne peut qualifier d'harcèlement moral le droit légitime de la société de l'interroger, en sa qualité de directeur financier, sur des anomalies comptables. Les différents échanges de mails font apparaître des échanges cordiaux entre lui et MM. [E] et [F]. L'heure tardive de certains courriels, au demeurant marginaux (1 à 22h39, 1 à 22h06 et 1 à 20h08), ne peut pas s'analyser comme du harcèlement en raison même de leur très faible nombre démontré et dès lors que son contrat de travail ne prévoit pas d'horaires fixes, que des heures supplémentaires sont prévues contractuellement et qu'il occupe un poste de cadre de haut niveau rémunéré à hauteur" ; qu'en se livrant à une appréciation séparée des faits invoqués par le salarié, quand il lui appartenait de se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués, et de dire si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'un harcèlement et, dans l'affirmative, si l'employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
4°/ qu'il appartient aux juges du fond de prendre en compte l'ensemble des éléments allégués par le salarié, y compris les certificats médicaux produits par celui-ci qui constituent des éléments de fait de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en refusant de prendre en compte les certificats médicaux, arrêts de travail et prescriptions médicales desquels il ressortait que le salarié souffrait d'un syndrome anxio-dépressif lié à une situation de harcèlement au travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
12. Aux termes du premier de ces textes, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu du second, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
13. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
14. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
15. Pour rejeter les demandes du salarié au titre de la nullité de son licenciement pour harcèlement moral, la cour d'appel a d'abord constaté que le salarié donnait pour exemple le fait que sa mise à pied conservatoire lui avait été notifiée verbalement devant tout le personnel, alors qu'il était cadre, respecté par ses collègues et qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une seule mesure disciplinaire, qu'à l'issue de cette mise à pied, il avait réclamé ses effets personnels dont des objets de valeur et des médicaments qui ne lui avaient jamais été restitués et que son bureau avait été immédiatement vidé, ce qui constituait une manoeuvre très indélicate aux fins de l'affaiblir. Elle a ensuite relevé que l'audit interne et la réorganisation des process étaient intervenus quelques mois après la notification d'un redressement fiscal, ce qui avait sans aucun doute contribué à tendre l'ambiance au sein du service de comptabilité présenté jusqu'alors comme convivial et serein et qu'à l'occasion d'un audit tous les process pouvaient être remis en cause, suscitant éventuellement un malaise ou des résistances de la part des salariés concernés, ces derniers pouvant le vivre comme une remise en cause de leurs compétences.
16. L'arrêt retient que si le salarié produit des attestations de salariés confirmant les bonnes relations entretenues par lui avec son équipe, pour autant cela est insuffisant pour remettre en cause l'objectivité de l'audit interne mais aussi de l'audit du cabinet d'expert comptable BDO du 31 mai 2017.
17. Il ajoute que le salarié ne peut qualifier de harcèlement moral le droit légitime de la société de l'interroger, en sa qualité de directeur financier, sur des anomalies comptables, que les différents échanges de mails font apparaître des échanges cordiaux entre lui et MM. [E] et [F] et que l'heure tardive de certains courriels, au demeurant marginaux, ne peut pas s'analyser comme du harcèlement en raison même de leur très faible nombre démontré et dès lors que son contrat de travail ne prévoit pas d'horaires fixes, que des heures supplémentaires sont prévues contractuellement et qu'il occupe un poste de cadre de haut niveau, ce qui peut justifier ponctuellement d'être sollicité tardivement.
18. Il énonce également que le salarié ne peut pas plus invoquer une quelconque manipulation de la nouvelle direction dès lors que des anomalies comptables avaient précédemment été relevées par la DGFIP, bien avant le changement de direction, puis de nouveau par l'audit interne et l'audit du cabinet d'expert comptable et ne peut sérieusement contester la neutralité et l'indépendance de la DGFIP et du cabinet d'expert comptable, et enfin que le salarié avait connaissance de l'élection des délégués du personnel cadre, s'étant occupé de l'organisation du premier tour, il y a lieu de s'étonner qu'il n'ait pas avisé ces élus des faits qu'il reproche aujourd'hui à la direction.
19. En statuant ainsi, en s'abstenant de prendre en considération l'ensemble des faits présentés par le salarié, qui invoquait également des demandes répétées de vérification du décompte du coffre après les heures de travail, en procédant à l'appréciation séparée de certains d'entre eux et sans prendre en considération les documents médicaux produits, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
20. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt ayant débouté le salarié de sa demande en nullité de son licenciement entraîne la cassation des chefs de dispositif disant que le licenciement est justifié par une faute grave, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la procédure de licenciement de M. [O] est régulière et déboute le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct, l'arrêt rendu le 15 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ;
Condamne la société Dimomix aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dimomix et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047738152.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 23-82.146 F-B
20 JUIN 2023
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 JUIN 2023
M. [X] [L] a présenté, par mémoire spécial reçu le 19 mai 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 1er mars 2023, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 6 décembre 2022, pourvoi n° 22-85.289), dans la procédure suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, importation, détention ou transport de marchandises prohibées, en récidive, et association de malfaiteurs, a rejeté sa demande de mise en liberté.
Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [X] [L], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article 148-1 du Code de procédure pénale, telles qu'interprétées par la Cour de cassation comme interdisant au prévenu ayant formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui a d'une part statué sur le fond et d'autre part maintenu l'intéressé en détention d'invoquer l'illégalité de son titre de détention dans le cadre d'une demande de mise en liberté, méconnaissent-elles le droit à un recours juridictionnel effectif, la liberté individuelle et le droit à la sûreté, garantis par l'article 2, 7 et 16 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure en ce que la première phrase de son troisième alinéa dispose que, « en cas de pourvoi et jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation, il est statué sur la demande de mise en liberté par la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond ».
3. Par sa décision n° 2023-1047 QPC du 4 mai 2023, le Conseil constitutionnel a déjà déclaré cette première phrase du troisième alinéa de l'article 148-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable aux faits résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, conforme à la Constitution.
4. La jurisprudence constante invoquée au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité, illustrée au mémoire par un arrêt du 13 juin 2019 (Crim., 13 juin 2019, pourvoi n° 19-82.360), étant antérieure à cette décision, aucun changement des circonstances de droit ne saurait être invoqué.
5. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047805098.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 23-82.364 F-B
27 JUIN 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 JUIN 2023
M. [X] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 21 avril 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [X] [T], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [X] [T] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.
3. Le 22 mars 2023, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de sa détention.
4. M. [T] a formé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de M. [T] en date du 3 avril 2023 formé par Mme Molton, avocat substituant M. Parra-Bruguière, avocat, alors :
« 1°/ que selon les dispositions de l'article 502 du code de procédure pénale, la déclaration d'appel doit être signée par le greffier et par l'appelant lui-même « ou par un avocat » ou un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l'acte dressé par le greffier ; que s'agissant de l'appel des ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, l'article 186 du code de procédure pénale prévoit que l'appel doit être formé « dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503 » ; qu'en exigeant en outre que l'appel soit formé par un avocat désigné dans les conditions de l'article 115 du code de procédure pénale, ce que n'aurait plus été maître Parra-Bruguière le jour de l'appel, la chambre de l'instruction a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, excédé ses pouvoirs et violé les dispositions des articles 502 et 503, 186 du code de procédure pénale et 115 du même code par fausse application ;
2°/ qu'à supposer que l'article 115 du code de procédure pénale puisse en la matière trouver une quelconque application, lorsque le changement de désignation d'avocat a lieu pendant le délai d'appel, l'avocat premier désigné qui a reçu la notification de l'ordonnance de première instance est recevable pendant tout le délai à interjeter appel, nonobstant la nouvelle désignation intervenue ; en l'espèce, l'appel interjeté le 3 avril 2023 dans le délai expirant le 1er avril (reporté en raison du week-end) par l'avocat désigné qui assistait le mis en examen devant le juge des libertés et de la détention et qui a reçu notification de l'ordonnance, a été régulièrement formé et était recevable, nonobstant l'intervention d'une nouvelle désignation d'avocat le 31 mars ; la chambre de l'instruction a encore violé les droits de la défense et les textes précités ;
3°/ que comme l'a jugé récemment la chambre criminelle de la Cour de cassation, la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; que si le droit d'exercer un recours est soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant les règles de procédure, éviter un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure et au droit d'interjeter appel ; que tel est le cas lorsqu'appliquant les règles de désignation des avocats de l'article 115 du code de procédure pénale à la procédure d'appel, la chambre de l'instruction considère irrecevable l'appel interjeté par l'avocat désigné par le prévenu en première instance qui a reçu notification de la décision entreprise parce qu'il a été ultérieurement et transitoirement « remplacé » par la désignation d'un autre avocat, maître Harir, méconnaissant ainsi les articles préliminaire au code de procédure pénale et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que les droits de la défense. »
Réponse de la Cour
6. Pour déclarer irrecevable l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant prolongé sa détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce que le 31 mars 2023, M. [T] a, par déclaration au greffe de la maison d'arrêt, procédé à un changement d'avocat, désignant M. Said Harir en remplacement de M. Alexandre Parra-Bruguière, avocat qui l'assistait jusqu'alors.
7. Les juges ajoutent que cette désignation a été adressée par courrier électronique au cabinet du juge d'instruction le 31 mars 2023 à 16 heures 45.
8. Ils rappellent que le 3 avril 2023, Mme Lucile Molton, avocat substituant M. Parra-Bruguière, a interjeté appel de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de M. [T].
9. Ils indiquent que M. Parra-Bruguière ne pouvait agir utilement ainsi pour le compte de M. [T] le 3 avril 2023, n'étant plus son conseil dans le cadre de l'information judiciaire suite à la révocation explicite de son mandat adressée au juge d'instruction.
10. Ils considèrent que le fait que M. Parra-Bruguière soit à nouveau le conseil de M. [T] dans le cadre de l'information judiciaire, selon déclaration en date du 12 avril 2023, est sans effet sur son défaut de désignation au jour de l'appel.
11. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
12. En effet, d'une part, il résulte des articles 115 et 502 du code de procédure pénale que, si l'avocat qui fait une déclaration d'appel n'est pas tenu de produire un pouvoir spécial, il ne peut exercer ce recours, au stade de l'information, qu'à la condition, d'abord, que la partie concernée ait préalablement fait choix de cet avocat et en ait informé le juge d'instruction et, ensuite, qu'au moment où l'appel est formé, ce choix n'ait pas été révoqué en désignant un autre avocat pour le remplacer.
13. D'autre part, les conditions restrictives résultant des dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale, qui ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, sont la contrepartie des droits procéduraux particuliers réservés à l'avocat désigné dans le cadre de l'instruction et tendent à assurer la sécurité juridique de la procédure, le formalisme exigé étant nécessaire et proportionné au but poursuivi.
14. Il en résulte que M. [T], qui pouvait en tout état de cause former appel lui-même et à qui il appartenait de prendre toutes dispositions utiles pour que l'avocat qui a formé appel soit celui désigné conformément aux dispositions susvisées, n'est pas fondé à se plaindre d'un formalisme excessif.
15. Ainsi, le moyen doit être écarté.
16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047781091.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 22-87.423 F-B
21 JUIN 2023
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 JUIN 2023
M. [Z] [L] a présenté, par mémoire spécial reçu le 3 avril 2023, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'assises de l'Isère, en date du 25 novembre 2022, qui, pour viols et agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à douze ans de réclusion criminelle et une interdiction définitive d'activité en lien avec les mineurs ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z] [L], la SCP Spinosi, avocat de M. [U] [O], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 347 du code de procédure pénale qui autorise le président de la cour d'assises à conserver en vue de la délibération « la décision de renvoi et, en cas d'appel, l'arrêt rendu par la cour d'assises ayant statué en premier ressort ainsi que la feuille de motivation qui l'accompagne » est-il contraire à la Constitution et plus précisément aux droits de la défense et au droit à un procès équitable garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, pour interdire au président de conserver également une trace écrite de l'argumentation de la défense établie par celle-ci, et notamment une critique de la motivation de première instance dont la défense sollicite qu'elle soit conservée par la cour d'assises pendant le délibéré ? »
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les motifs qui suivent.
5. La disposition contestée prévoit que, lors de la clôture des débats devant la cour d'assises, le président ordonne la remise du dossier entre les mains du greffier, et ne conserve, en vue de la délibération de la cour et du jury, que la décision de renvoi ainsi que la décision rendue en premier ressort et la feuille de motivation qui l'accompagne, lorsque la juridiction statue en appel, que cet appel concerne une décision de condamnation ou d'acquittement. Si la cour d'assises estime nécessaire, au cours de la délibération, d'examiner une pièce de la procédure, le dossier est transporté dans la salle des délibérations pour être rouvert en présence du ministère public et des avocats des parties.
6. Cette disposition interdit à la cour d'assises de conserver, en vue de la délibération, tout document résumant une argumentation qui lui serait remis, non seulement par la défense, mais aussi par le ministère public ou la partie civile. Elle ne porte donc pas atteinte à l'égalité des droits entre les parties.
7. Elle ne porte pas non plus atteinte aux droits de la défense, qui, lors des débats devant la cour d'assises, prend la parole en dernier.
8. Les seuls documents conservés en vue de la délibération n'émanent ni du ministère public ni des parties, mais constituent des actes des juridictions d'instruction et de jugement, dont il est donné connaissance à l'ouverture des débats devant la cour d'assises et dont le contenu est débattu tout au long de l'audience.
9. La disposition contestée, qui est la conséquence du caractère oral des débats devant la cour d'assises à laquelle participent des jurés, ne méconnaît aucun droit ni aucune liberté protégée par la Constitution.
10. Il n'y a pas lieu en conséquence de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-et-un juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047738017.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 447 F-B
Pourvoi n° S 21-18.453
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 JUIN 2023
La société Brasserie Vanuxeem France, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-18.453 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la directrice générale des douanes et droits indirects, domiciliée [Adresse 2],
2°/ au directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 3], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Brasserie Vanuxeem France, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la directrice générale des douanes et droits indirects et du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 3], et l'avis écrit de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 mars 2021), la société Brasserie Vanuxeem France (la société Vanuxeem) est un entrepositaire agréé qui exploite une activité de négoce d'alcools, notamment de bières brassées par trois brasseries situées en Belgique, dont elle fait l'acquisition auprès de la société de droit belge Brouwerij Vanuxeem.
2. Le 18 juin 2015, à la suite d'un contrôle, l'administration des douanes lui a notifié un procès-verbal d'infraction de paiement du droit spécifique sur les bières au titre des années 2012 à 2015.
3. Après l'émission d'un avis de mise en recouvrement (AMR) et rejet de sa contestation, la société Vanuxeem a saisi le tribunal de grande instance en annulation de l'AMR litigieux.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Vanuxeem fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du procès-verbal d'audition de M. [E], alors :
« 1°/ que la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre des faits constituant une infraction en matière de contributions indirectes ne peut être entendue qu'après la notification des informations prévues à l'article 61-1 du code de procédure pénale, parmi lesquelles le droit de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit ; qu'il ressort des propres mentions de l'arrêt attaqué et du procès-verbal d'audition du 17 avril 2015 que M. [E], responsable export de la société Vanuxeem, n'a pas été informé de ce droit, préalablement à son audition ; que ce défaut d'information fait nécessairement grief à la personne interrogée dès lors que l'infraction reprochée n'est pas punie d'emprisonnement de sorte que la personne auditionnée n'est pas informée qu'elle a le droit de se faire assister d'un avocat de son choix ; qu'en outre, ce type de consultation juridique a vocation à expliciter les droits de la défense, les faits reprochés, la législation applicable au besoin en renvoyant la personne soupçonnée auprès d'un avocat spécialisé dans la matière si celle-ci est trop technique ; qu'en décidant que l'omission invoquée n'avait pas pu causer à la société Vanuxeem de grief dès lors que les conseils juridiques qu'elle pouvait espérer obtenir ne relevaient manifestement pas des consultations gratuites et généralistes permettant de favoriser l'accès au droit mais bien de la consultation personnelle d'un avocat spécialisé en matière d'infraction douanière, consultation qui aura lieu par la suite, la cour d'appel a violé les articles L. 39 du livre des procédures fiscales, 61-1 et 802 du code de procédure pénale ;
2°/ que la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre des faits constituant une infraction en matière de contributions indirectes ne peut être entendue qu'après la notification des informations prévues à l'article 61-1 du code de procédure pénale, parmi lesquelles le droit de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit ; qu'il ressort des propres mentions de l'arrêt attaqué et du procès-verbal d'audition du 17 avril 2015 que M. [E], responsable export de la société Vanuxeem, n'a pas été informé de ce droit, préalablement à son audition ; que ce défaut d'information fait nécessairement grief à la personne interrogée, qui, au lieu de se rendre dans ce type de structure d'accès au droit, afin d'être conseillée, accepte d'être immédiatement auditionnée sans savoir qu'elle pouvait préalablement être conseillée ; qu'en jugeant que l'omission invoquée n'avait pas pu causer à la société Vanuxeem de grief dès lors qu'elle avait accepté d'être entendue immédiatement alors qu'elle était informée qu'elle pouvait quitter les lieux et qu'elle avait le droit de se taire, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 39 du livre des procédures fiscales, 61-1 et 802 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des articles L. 39 du livre des procédures fiscales et 61-1, 6°, du code de procédure pénale, qu'une personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre des faits constituant une infraction en matière de contributions indirectes, ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée, notamment, de la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit.
7. Selon l'article 802 du code de procédure pénale, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne.
8. Après avoir constaté que M. [E], responsable export de la société Vanuxeem, s'est vu notifier son droit de se taire et son droit de quitter à tout moment les locaux où il était entendu, et que l'infraction n'étant pas punie d'une peine d'emprisonnement, il n'y avait pas lieu de lui notifier le droit à bénéficier de l'assistance d'un avocat, l'arrêt retient que l'omission de notification à M. [E] de son droit à bénéficier des conseils juridiques d'une structure d'accès au droit n'a causé aucun grief à la société Vanuxeem dès lors que celle-ci, entendue sur une éventuelle infraction douanière commise dans le cadre de son activité commerciale en matière de droit d'accise, a bénéficié, tout au long de la procédure, des conseils d'avocats spécialisés en matière d'infractions douanières.
9. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu d'annuler le procès-verbal d'audition du 17 avril 2015.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. La société Vanuxeem fait grief à l'arrêt de de confirmer l'AMR du 19 juin 2015 et de dire que la décision de rejet de sa contestation était fondée, alors « qu'il résulte de l'article 4 de la directive 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 que les Etats membres peuvent appliquer des taux d'accise réduits en faveur des petites brasseries indépendantes, lesquelles s'entendent de brasseries juridiquement et économiquement indépendantes de toute autre brasserie, qui utilisent des installations physiquement distinctes de celles de toute autre brasserie et qui ne produisent pas sous licence ; les Etats membres veillent à ce que les taux réduits qu'ils introduisent éventuellement soient appliqués de la même manière à la bière fournie sur leur territoire en provenance de petites brasseries indépendantes situées dans d'autres Etats membres ; que, selon l'article 178-0 bis C de l'annexe III au code général des impôts, pris pour l'application de cette directive, les personnes qui mettent à la consommation des bières brassées par des petites brasseries indépendantes doivent, pour bénéficier de taux réduits du droit d'accise en matière de bière, produire, à l'appui de la déclaration de mise à la consommation, une attestation certifiée par l'autorité administrative compétente du lieu de production que les bières en cause ont bien été produites par une brasserie qui respecte les conditions fixées par l'article 4, § 2, de la directive 92/83/CEE du 19 octobre 1992 ; qu'il s'ensuit que la détermination du point de savoir si une brasserie peut être qualifiée de petite brasserie indépendante au sens de l'article 4, § 2, de la directive précitée est fondée sur une répartition des compétences entre les autorités douanières des Etats membres en ce sens que cette qualification est établie en premier lieu par l'autorité douanière compétente du lieu de production de la bière, le contrôle d'une telle qualification étant assurée par le règlement (UE) n° 389/2012 du Conseil du 2 mai 2012 relatif à la coopération administrative dans le domaine des droits d'accise, et notamment les articles 8 et 15 de ce règlement qui prévoient une obligation d'interroger l'autorité compétente en cas de risque d'infraction à la législation sur le droit d'accise ; qu'en jugeant que l'administration douanière française était habilitée à remettre en cause unilatéralement, la qualification de petite brasserie indépendante résultant des attestations délivrées par les autorités douanières belges, sans avoir à justifier qu'elle avait interrogé son homologue belge, ni produire sa réponse, la cour d'appel a violé l'article 178-0 bis C de l'annexe III au code général des impôts, 8 et 15 du règlement (UE) n° 389/2012 du Conseil du 2 mai 2012 et, par fausse application, l'article 16 du même règlement. »
Réponse de la Cour
11. En premier lieu, l'article 8 du règlement (UE) n° 389/2012 du Conseil du 2 mai 2012 relatif à la coopération administrative dans le domaine des droits d'accise, impose à l'autorité requise de communiquer à l'autorité requérante les informations que cette dernière juge nécessaire à la bonne application de la législation relative aux droits d'accise, mais n'instaure aucune obligation, pour l'autorité compétente d'un Etat membre, de recourir à ce mécanisme lorsqu'elle estime disposer de toutes les informations dont elle a besoin.
12. En deuxième lieu, si, aux termes de l'article 15, § 1, sous a) à c), du même règlement, l'autorité compétente de chaque État membre transmet à l'autorité compétente de tous les autres États membres concernés, sans demande préalable et dans le cadre de l'échange automatique régulier ou de l'échange automatique déclenché par un événement, les informations nécessaires à la bonne application de la législation relative aux droits d'accise, notamment, lorsqu'une irrégularité ou une infraction à la législation relative aux droits d'accise a été commise ou est suspectée d'avoir été commise dans un autre État membre, lorsqu'une irrégularité ou une infraction à la législation relative aux droits d'accise qui a été commise ou qui est suspectée d'avoir été commise sur le territoire d'un État membre peut avoir des répercussions dans un autre État membre ou lorsqu'il existe un risque de fraude ou de perte de droits d'accise dans un autre État membre, cet article ne subordonne pas la perception des droits d'accise par les autorités de l'Etat membre sur le territoire duquel des produits soumis à accise sont mis à la consommation à la transmission, par ces autorités, des informations nécessaires à la bonne application de la législation relative aux droits d'accise par les autorités des autres Etats membres.
13. En dernier lieu, si les autorités douanières françaises doutent du bien-fondé de l'attestation, exigée à l'article 178-0 bis C de l'annexe III du code général des impôts, que des bières mises à la consommation en France ont été produites par une petite brasserie indépendante au sens de l'article 4 de la directive 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, elles sont en droit d'exiger de la personne mettant les bières à la consommation qu'elle justifie de ce que leur producteur a cette qualité, sans être tenue de solliciter l'autorité compétente de l'Etat membre de production qui a certifié ladite attestation.
14. Le moyen, qui postule le contraire, doit être rejeté.
Sur ce moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
15. La société Vanuxeem fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ qu'il résulte de l'article 4 de la directive 92/83CEE du Conseil du 19 octobre 1992 que les Etats membres peuvent appliquer des taux d'accises réduits en faveur des petites brasseries indépendantes, lesquelles s'entendent de brasseries juridiquement et économiquement indépendantes de toute autre brasserie, qui utilisent des installations physiquement distinctes de celles de toute autre brasserie et qui ne produisent pas sous licence ; que, dans son arrêt en date du 4 juin 2015, (CJUE, arrêt du 4 juin 2015, Brasserie Bouquet, C-285/14) la Cour de justice de l'Union européenne a dit, en son considérant 23, que la notion de production "sous licence" devait être interprétée de manière à ce qu'elle comprenne la production de bière sous toute forme d'autorisation, telle que l'autorisation d'exploiter un brevet, une marque ou un procédé de production appartenant à un tiers ; qu'il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que la société Brouwerij Vanuxeem est seule propriétaire de la marque de bière Queue de Charrue ; que les brasseries Verhaeghe, Du Bocq et Van Steenberghe, qui ne commercialisent pas les bières Queue de Charrue qu'elles produisent, ne sont pas autorisées à utiliser ladite marque ; qu'il est constant qu'il n'existe aucun brevet attaché aux bières Queue de Charrue ; que s'il est fait état d'une recette originale de fabrication à laquelle la société Brouwerij Vanuxeem a participé, la cour d'appel ne constate pas qu'elle constitue un procédé de fabrication appartenant à cette dernière société, que les trois brasseries en cause auraient été autorisées à utiliser ; qu'en jugeant que ces trois brasseries ne pouvaient être considérées comme agissant en dehors de toute autorisation dès lors qu'elles produisaient des bières spécifiques pour le seul compte de la société Brouwerij Vanuxeem, et pour l'apposition de la marque de cette dernière, sans constater que la recette originale de fabrication desdites bières constituait un procédé de fabrication appartenant à la société Brouwerij Vanuxeem et qu'elle aurait fait l'objet d'une autorisation d'utilisation en faveur des trois brasseries de production, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 178-0 bis A de l'annexe III au code général des impôts et 4 de la directive 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 ;
3°/ qu'en jugeant que les brasseries Verhaeghe, Du Bocq et Van Steenberghes ne pouvaient être considérées comme agissant en dehors de toute autorisation dès lors qu'elles produisaient une bière pour le seul compte de la société Brouwerij Vanuxeem, et pour l'apposition de la marque de cette dernière, sans préciser sur quel bien appartenant à cette dernière aurait porté l'autorisation de produire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 178-0 bis A de l'annexe III au code général des impôts et 4 de la directive 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992. »
Réponse de la Cour
16. Selon l'article 178-0 bis A de l'annexe III du code général des impôts, transposant la directive 92/83/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 en matière d'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques, pour l'application des taux réduits du droit spécifique mentionnés à l'article 520 A du code général des impôts, une petite brasserie indépendante doit produire annuellement moins de 200 000 hectolitres de bière, être indépendante juridiquement et économiquement de toute autre brasserie, utiliser des installations distinctes de celles de toute autre brasserie et ne pas produire sous licence.
17. Dans son arrêt du 4 juin 2014, Brasserie Bouquet (C-285/14), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la notion de production sous licence doit être interprétée de manière à ce qu'elle comprenne la production de bière sous toute forme d'autorisation, dont il résulte que la petite brasserie n'est pas complètement indépendante du tiers qui lui a donné cette autorisation, et que tel est le cas s'agissant de l'autorisation d'exploiter un brevet, une marque ou un procédé de production appartenant à un tiers (point 23) et a dit pour droit qu'aux fins de l'application du taux d'accise réduit sur la bière, la condition prévue à l'article 4, § 2, de la directive 92/83/CEE selon laquelle une brasserie ne doit pas produire sous licence n'est pas remplie si la brasserie concernée fabrique sa bière conformément à un accord en vertu duquel elle est autorisée à utiliser les marques et le procédé de fabrication d'un tiers.
18. L'arrêt énonce exactement que les dispositions de l'article 178-0 bis C de l'annexe III du code général des impôts, qui imposent à l'entrepositaire agréé d'obtenir une attestation de production et d'en justifier ab initio, n'interdisent pas à l'administration des douanes de la remettre en cause dès lors qu'elle dispose d'éléments pour en contester le bien-fondé.
19. Après avoir constaté que la société Brouwerij Vanuxeem est propriétaire de la marque de bière Queue de Charrue, inscrite au registre des marques en Belgique et en France, et que les bières commercialisées sous cette marque sont produites par trois brasseries distinctes, l'arrêt relève que le représentant de la société Vanuxeem est convenu que la société Brouwerij Vanuxeem avait élaboré les recettes des bières en collaboration avec les brasseries productrices, et que la production des bières produites sur la base des recettes originales n'est vendue que sous la marque Queue de Charrue et ne peut l'être qu'à la société Brouwerij Vanuxeem ou à l'une de ses filiales. Il ajoute qu'il n'est pas établi que les brasseries productrices aient pu commercialiser les bières ainsi élaborées sous une autre marque.
20. En l'état de ces énonciations dont il se déduit que l'administration des douanes française disposait d'éléments concrets, objectifs et vérifiables pour dire que les producteurs des bières mises à la consommation en France par la société Vanuxeem n'étaient pas des petites brasseries indépendantes, au sens de l'article 178-0 bis A de l'annexe III du code général des impôts, la cour d'appel a, à juste titre, retenu que cette société ne pouvait prétendre au taux réduit du droit spécifique.
21. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Brasserie Vanuxeem France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Brasserie Vanuxeem France et la condamne à payer à la directrice générale des douanes et droits indirects et au directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 3] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 442 FS-B
Pourvoi n° D 21-16.716
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 JUIN 2023
1°/ M. [L] [C],
2°/ Mme [Z] [W], épouse [C],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° D 21-16.716 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Axyalis patrimoine, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. et Mme [C], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Axyalis patrimoine, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fèvre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 mars 2021), sur les conseils de la société Axyalis patrimoine, M. et Mme [C] ont souscrit chacun un contrat d'assurance-vie en unités de compte et ont investi, les 14 décembre 2010 et 5 janvier 2011, pour M. [C], le 10 mai 2011, pour Mme [C], une certaine somme dans des unités de compte « Axyalis coupons ». En 2014, les fonds ont été désinvestis et réinvestis dans des unités de compte « Kairos ».
2. Soutenant avoir subi des pertes en capital à la suite de ces investissements, résultant d'un manquement de la société Axyalis patrimoine à ses obligations de conseil et de mise en garde, M. et Mme [C] l'ont assignée en responsabilité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [C] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action en responsabilité contre la société Axyalis patrimoine, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que le dommage résultant du manquement d'une société de conseil en gestion de patrimoine à son devoir de conseil, de mise en garde et d'assurer l'adéquation des supports d'investissement avec le profil de risque déclaré des investisseurs se réalise et ne peut être connu de ces derniers qu'à l'échéance des unités de compte constituées de produits structurés dont le résultat n'est acquis qu'à cette échéance ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a estimé que, dès la conclusion des contrats en cause, M. et Mme [C] savaient que les supports conseillés comportaient des risques de perte en capital, le point de départ du délai de prescription de leur action en responsabilité contre cette société de conseil en gestion de patrimoine se situant en conséquence à la date de conclusion desdits contrats ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le devoir de conseil, de mise en garde et d'assurer l'adéquation des supports conseillés avec le profil de risque déclaré des investisseurs, violant les articles 1134 ancien et 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :
4. Il résulte de la combinaison de ces textes que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
5. Le manquement d'un conseiller en gestion de patrimoine à son obligation d'informer le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie libellé en unités de compte sur le risque de pertes présenté par un support d'investissement, ou à son obligation de le conseiller au regard d'un tel risque, prive ce souscripteur d'une chance d'éviter la réalisation de ces pertes. Celles-ci ne se réalisent qu'au rachat du contrat d'assurance-vie, quand bien même le support en cause aurait fait antérieurement l'objet d'un désinvestissement. Le préjudice résultant d'un tel manquement doit être évalué au regard, non de la variation de la valeur de rachat de l'ensemble du contrat, mais de la moins-value constatée sur ce seul support, modulée en considération du rendement que, dûment informé ou conseillé, le souscripteur aurait pu obtenir du placement des sommes initialement investies sur ce support jusqu'à la date du rachat du contrat.
6. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir, non à la date où l'investissement a lieu, mais à la date du rachat du contrat d'assurance-vie.
7. Pour déclarer prescrite l'action de M. et Mme [C], l'arrêt retient qu'il résulte de divers éléments que, dès leur premier investissement sous forme d'unités de compte, qu'il s'agisse de l'unité de compte « Axyalis coupons » ou de l'unité de compte « Kairos », M. et Mme [C] étaient informés du risque inhérent à ce type de placement et de l'aléa que représente l'interdépendance entre les actions du panier, qu'ainsi, dès le 14 décembre 2010 pour M. [C] et le 10 mai 2011 pour Mme [C], ils savaient qu'un dommage caractérisé par la perte du capital investi était susceptible de se réaliser et qu'ils en assumaient intégralement le risque et que, par conséquent, le point de départ du délai de prescription doit être fixé à ces dates.
8. En statuant ainsi, alors qu'à ces dates, le dommage invoqué par M. et Mme [C], tenant aux pertes subies sur les sommes investies dans les contrats d'assurance-vie qu'ils avaient souscrits, ne s'était pas réalisé, de sorte que le délai de prescription n'avait pas commencé à courir, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Axyalis patrimoine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axyalis patrimoine et la condamne à payer à M. et Mme [C] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.
Sur la détermination du point de départ de la prescription en présence d'un nantissement d'un contrat d'assurance-vie, à rapprocher : Com., 6 mars 2019, pourvoi n° 17-22.668, Bull., (cassation partielle).
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 456 F-B
Pourvoi n° X 21-24.691
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 JUIN 2023
M. [S] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-24.691 contre l'arrêt rendu le 5 août 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [G] [X], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société JLG Invest, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à M. [M] [O], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société JLG Invest,
défendeurs à la cassation.
M. [X], la société JLG Invest et M. [O] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [U], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [X], de la société JLG Invest et de M. [O], après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 5 août 2021) et les productions, par un acte du 21 novembre 2014, M. [U] a cédé à la société JLG Invest, représentée par M. [X], les cent quatre-vingt-quatorze actions qu'il détenait sur les deux cents formant le capital social de la société [U] Forage Horizontal, payable à hauteur de 300 000 euros dans les trois jours ouvrés à compter de la date de la cession, puis en vingt-quatre mensualités de 50 000 euros, à compter du 1er avril 2015.
2. Par le même acte, M. [X] s'est rendu caution solidaire en garantie du paiement du prix de cession par la société JLG Invest.
3. Alléguant l'existence d'un dol, la société JLG Invest et M. [X] ont assigné M. [U] aux fins de le voir condamner à leur payer des dommages et intérêts. M. [U] a demandé reconventionnellement la condamnation de M. [X] à lui payer, en sa qualité de caution, le solde du prix de cession des actions.
4. Un jugement du 23 mars 2016 a placé la société JLG Invest sous sauvegarde, M. [M] [O] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement dirigée contre M. [X] au titre de son engagement de caution, alors « que le créancier professionnel est celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles ; que tel n'est pas le cas de l'associé-cédant ayant consenti, à l'occasion de la cession de la totalité de ses actions, un crédit-vendeur au cessionnaire dans la mesure où d'une part, la cession d'actions ne caractérise pas, en elle-même, l'exercice d'une activité professionnelle - même si l'associé cédant a été le dirigeant de la société dont les actions ont été cédées - et où d'autre part, le crédit-vendeur ne se trouve pas en rapport direct avec la profession de dirigeant exercée par le cédant ; qu'en retenant cependant que "M. [U] en cédant les parts sociales de sa société en consentant un crédit-vendeur garanti par le cautionnement de M. [X] [devait] être considéré comme un créancier professionnel" de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir du cautionnement prétendument disproportionné souscrit par M. [X], la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 332-1 [L. 341-4, alors applicable] du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
7. Il résulte de ce texte que le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale.
8. La cession par un associé des droits qu'il détient dans le capital d'une société ou le remboursement des avances qu'il a consenties à la société ne caractérisent pas en eux-mêmes l'exercice d'une activité professionnelle, même si le cédant a été le gérant de la société cédée.
9. Pour considérer que les dispositions de l'article L. 341-4 étaient applicables à l'engagement souscrit par M. [X], l'arrêt, après avoir relevé que M. [U] n'était pas retraité à l'époque où le cautionnement a été souscrit en sa faveur mais était associé et dirigeant de la société [U] Forage Horizontal, retient que M. [U], en cédant les parts sociales de sa société en consentant un crédit-vendeur garanti par le cautionnement de M. [X], doit être considéré comme un créancier professionnel.
10. En statuant ainsi, alors que la créance de M. [U] n'était pas née dans l'exercice de sa profession ni ne se trouvait en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même accessoire, de sorte que les règles du code de la consommation relatives à la disproportion manifeste ne lui étaient pas applicables, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il déboute M. [U] de sa demande en paiement dirigée contre M. [X] au titre de son engagement de caution et le condamne à payer à M. [X] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne M. [X], la société JLG Invest et M. [O], en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société JLG Invest, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X], la société JLG Invest et M. [O], ès qualité, et les condamne à payer à M. [U] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.
Sur la notion de créancier professionnel en matière de cautionnement, à rapprocher : 1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-15.910, Bull. 2009, I, n° 173 (rejet).
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CASS/JURITEXT000047738027.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 460 F-B
Pourvois n°
T 21-25.952
X 22-12.045 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 JUIN 2023
I - M. [R] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-25.952 contre un arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant à la société Financière Wagram, société de participations financières de professions libérales à forme de société par action simplifiée (SPFPL), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
II - La société Financière Wagram, société de participations financières de professions libérales à forme de société par action simplifiée (SPFPL), a formé le pourvoi n° X 22-12.045 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant à M. [R] [Y], défendeur à la cassation.
Le demandeur au pourvoi n° T 21-25.952 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° X 22-12.045 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Financière Wagram, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-25.952 et n° 22-12.045 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai,16 décembre 2021), le 4 juin 2015, un « pacte entre associés et obligataires » a été conclu entre M. [Y], président et associé de la société d'exercice libéral par actions simplifiée GPF [Y] (la société [Y]), et les sociétés Financière Alma et Corpore + Sano Benelux, aux droits desquelles sont venues respectivement les sociétés Financière Wagram (la société FW) et Boticinal.
3. Les statuts de la société [Y] comportent un article 2-9 intitulé « Exclusion pour manquement aux obligations professionnelles ».
4. Le pacte d'associés et d'obligataires stipule, en son article 14 C, qu'en cas de non-respect de l'un quelconque de ses engagements par l'une des parties, l'autre peut lui adresser une mise en demeure aux fins de respecter ses engagements et qu'à défaut de régularisation dans un délai de trente jours, la partie fautive s'engage irrévocablement, au choix de la partie victime de la défaillance, soit à acquérir la totalité des actions de la partie victime de la défaillance, soit à lui céder la totalité de ses propres actions.
5. Soutenant que M. [Y] n'avait pas respecté ses obligations résultant de ce pacte, la société FW l'a assigné aux fins de le voir condamner à lui céder ses actions dans le capital de la société [Y].
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° 22-25.952
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° 22-12.045
Enoncé du moyen
7. La société FW fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir ordonner l'exécution forcée du pacte du 4 juin 2015 et la mise en oeuvre des dispositions de son article 14 C et à voir condamner M. [Y] à lui céder les actions qu'il détient dans le capital de la société [Y], alors « que selon l'article L. 227-15 du code de commerce, toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle ; qu'en l'espèce, la clause 14 C du pacte d'associés du 4 juin 2015 stipulait qu'en cas de non-respect de l'un quelconque des engagements par l'une ou l'autre des parties, l'autre pourrait lui adresser une mise en demeure aux fins de respecter ses engagements, et qu'à défaut de régularisation dans un délai de trente jours, la partie fautive s'engageait irrévocablement, si la partie victime de la défaillance le sollicitait "soit à acquérir la totalité des actions de la partie victime de la défaillance, soit à lui céder la totalité de ses propres actions" ; que cette clause comportait ainsi une double promesse, de vente ou d'achat, un associé s'engageant envers l'autre, soit à lui acheter ses droits sociaux, soit à lui vendre les siens, à un prix convenu ; qu'en énonçant, pour retenir la nullité partielle de la clause, qu'elle contrevenait à la clause statutaire d'exclusion 2-9, laquelle n'avait pas trait à la cession des titres, mais régissait le cas d'exclusion d'un associé pour violation des règles de fonctionnement de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 227-15 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 227-15 du code de commerce :
8. Aux termes de ce texte, toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle.
9. Ce texte ne régissant pas l'exclusion d'un associé et la cession forcée de ses actions qui en résulte, la nullité qu'il prévoit vise uniquement à sanctionner la violation de toute clause statutaire ayant pour objet la cession d'actions librement consentie par leur titulaire.
10. Pour rejeter les demandes de la société FW tendant à l'exécution forcée du pacte d'associés et d'obligataires du 4 juin 2015 et à la mise en oeuvre des dispositions de son article 14 C et à voir condamner M. [Y] à lui céder les actions qu'il détient dans le capital de la société [Y], l'arrêt retient que l'article 14 C du pacte doit être déclaré nul en ce qu'il permet l'exclusion d'un associé dans des hypothèses et selon un processus qui contreviennent à l'article 2-9 des statuts.
11. En statuant ainsi, alors que l'article 2-9 des statuts ne concerne pas la cession des actions de la société [Y] mais régit le cas d'exclusion d'un associé pour violation des règles de fonctionnement, de sorte qu'il n'a pas pour objet de priver un associé de la faculté de conclure une promesse unilatérale de vente de ses actions consentie sous la conditions suspensive de la réalisation d'un événement qu'elle prévoit, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il rejette les demandes de la société Financière Wagram tendant à voir ordonner l'exécution forcée du pacte du 4 juin 2015 et la mise en oeuvre des stipulations de son article 14 C et à voir condamner M. [Y] à lui céder les 344 285 actions détenues dans le capital de la société GPF Clayes moyennant le prix de 328 497,73 euros, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 180e jour suivant la signification de l'arrêt, et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [Y] et le condamne à payer à la société Financière Wagram la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047737792.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 juin 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 422 F-B
Pourvoi n° B 21-24.143
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023
1°/ M. [Z] [V],
2°/ Mme [D] [K], épouse [V],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
3°/ M. [Z] [Y] [V], domicilié [Adresse 5] (Maroc),
ont formé le pourvoi n° B 21-24.143 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2021 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4], association coopérative inscrite, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à Mme [W] [M], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de M. [Z] [V],
3°/ à la société Jenner & associés mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de Mme [W] [M], prise en qualité de liquidateur judiciaire de M. [Z] [V],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [Z] [V], de Mme [K], épouse [V] et de M. [Z] [Y] [V], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 septembre 2021), rendu après cassation (Com.,1er juillet 2020, pourvoi n° 19-10.641), et les productions, au cours de l'année 2002, M. [Z] [V] et Mme [K], épouse [V] (M. et Mme [V]), mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, ont acheté des biens immobiliers pour y exploiter des chambres d'hôtes puis un hôtel. L'acquisition, la transformation et l'extension des locaux ont été financées par des emprunts bancaires, puis par la cession de l'immeuble initial et de la première extension à une société de crédit-bail à laquelle ils ont alors loué les locaux, enfin par de nouveaux emprunts bancaires, dont un prêt de trésorerie de 200 000 euros contracté le 10 septembre 2013 auprès de la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4] (la banque), partiellement garanti par le cautionnement de M. [Z] [Y] [V].
2. Le 13 février 2015, à la suite d'incidents de paiement et du prononcé de la déchéance du terme, la banque a assigné en paiement M. et Mme [V] et la caution.
3. M. [Z] [V] ayant été mis en redressement judiciaire, le 9 mars 2015, Mme [M], en sa qualité de mandataire judiciaire, et la société [L] et [X], en sa qualité d'administrateur, ont été appelées à l'instance. Elles n'ont pas comparu. Le 9 mars 2016, M. [Z] [V] a été mis en liquidation judiciaire, Mme [M] étant désignée liquidateur.
4. Par un jugement du 14 décembre 2016, le tribunal a fixé la créance de la banque au passif de la procédure collective de M. [Z] [V] à la somme de 208 159,04 euros, avec intérêts, et condamné solidairement Mme [V] et M. [Z] [Y] [V] à payer à la banque la même somme. M. et Mme [V] et M. [Z] [Y] [V] ont fait appel de cette décision et ont reproché à la banque d'avoir manqué à son obligation de mise en garde, la caution invoquant en outre la disproportion de son engagement. Par un arrêt du 31 octobre 2018, la cour d'appel de Colmar a confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf sur la condamnation aux dépens, qu'elle a réformée, et rejeté la demande d'annulation de son engagement de caution formée par M. [Z] [Y] [V]. Par l'arrêt du 1er juillet 2020, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, mais seulement en ce qu'il dit que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde envers M. et Mme [V], les parties étant renvoyées devant la cour d'appel de Besançon.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. M. et Mme [V] et M. [Z] [Y] [V] font grief à l'arrêt de déclarer M. [Z] [V] irrecevable à demander réparation d'un préjudice né d'un défaut de mise en garde et de fixer la créance de la banque au passif de sa procédure collective à la somme de 208 159,04 euros, avec intérêts au taux de 6,5 % par an sur la somme de 194 650,49 euros à compter du 27 janvier 2015, et au taux légal pour le surplus à compter de cette même date, alors :
« 1°/ qu'en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce, lorsqu'une instance, tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, est en cours à la date de ce jugement, le débiteur a, dans ce cas, le droit propre d'exercer les voies de recours prévues par la loi contre la décision statuant sur la demande de condamnation ; que dans ce cadre, il est recevable à opposer à la prétention de la banque prêteuse une demande reconventionnelle tendant à obtenir réparation de son préjudice causé par le manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde et, le cas échéant, à demander compensation des créances respectives des parties ; qu'en énonçant que si un débiteur placé en liquidation judiciaire peut, par exception au principe de dessaisissement, continuer à défendre lui-même dans une procédure de recouvrement de créance introduite contre lui avant la liquidation, "n'est pas assimilable à une telle défense la prétention reconventionnelle à une créance indemnitaire, qui demeure une action patrimoniale relevant du dessaisissement, même dans la perspective d'une compensation entre les créances réciproques", pour en déduire que M. [Z] [V] ne pouvait exercer l'action indemnitaire pour manquement au devoir de mise en garde contre son prêteur, pour la première fois devant la cour d'appel de Colmar saisie le 18 janvier 2017, après avoir pourtant relevé qu'il avait été placé en liquidation judiciaire par un jugement du 9 mars 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 ;
2°/ que lorsque le débiteur oppose à l'action en paiement de son créancier, la responsabilité de celui-ci en sa qualité de banquier, la cour d'appel doit y répondre quelle qu'en fût la qualification procédurale, puisque les demandes reconventionnelles et les moyens de défense sont formés de la même manière à l'encontre des parties à l'instance ; qu'en énonçant que si un débiteur placé en liquidation judiciaire peut, par exception au principe de dessaisissement, continuer à défendre lui-même dans une procédure de recouvrement de créance introduite contre lui avant la liquidation, "n'est pas assimilable à une telle défense la prétention reconventionnelle à une créance indemnitaire, qui demeure une action patrimoniale relevant du dessaisissement, même dans la perspective d'une compensation entre les créances réciproques", pour en déduire que M. [Z] [V] ne pouvait exercer l'action indemnitaire pour manquement au devoir de mise en garde contre son prêteur, pour la première fois devant la cour d'appel de Colmar saisie le 18 janvier 2017, après avoir pourtant relevé qu'il avait été placé en liquidation judiciaire par un jugement du 9 mars 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, ensemble les articles 64, 68 et 71 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
7. Si le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens par sa liquidation judiciaire, dont les droits et actions sur son patrimoine sont exercés par le liquidateur, conserve le droit propre de défendre aux instances relatives à la détermination de son passif et d'exercer un recours contre les décisions fixant, après reprise d'une instance en cours lors du jugement d'ouverture, une créance à son passif, en revanche aucun droit propre ne fait échec à son dessaisissement pour l'exercice des actions tendant au recouvrement de ses créances ou à la mise en cause de la responsabilité d'un cocontractant. Il en résulte que si le débiteur est recevable, dans l'exercice de son droit propre, à contester la créance, objet de l'instance en cours, il n'est en revanche pas recevable à former seul, contre le créancier, à l'occasion de cette instance, une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts et en compensation des créances réciproques, qui relève du monopole du liquidateur.
8. Ayant relevé que l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 31 octobre 2018 n'avait été cassé qu'en ce qu'il disait que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde, ce dont il résulte que la fixation de la créance au passif de M. [Z] [V] opérée par cet arrêt était devenue irrévocable, l'arrêt retient à bon droit qu'il est indifférent qu'un débiteur en liquidation judiciaire puisse, par exception au principe du dessaisissement, continuer à défendre lui-même dans une procédure de recouvrement de créance introduite contre lui avant la liquidation judiciaire, dès lors que n'est pas assimilable à une telle défense la prétention reconventionnelle à une créance indemnitaire, qui demeure une action patrimoniale relevant du dessaisissement, même dans la perspective d'une compensation entre les créances réciproques, et en déduit exactement que M. [Z] [V] est dépourvu de qualité à exercer l'action indemnitaire.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Z] [V], Mme [K], épouse [V], et M. [Z] [Y] [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Z] [V], Mme [K], épouse [V], et M. [Z] [Y] [V], rejette la demande de la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4] dirigée contre M. [Z] [V] et condamne Mme [K], épouse [V], et M. [Z] [Y] [V] à payer à la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047805141.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juillet 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 501 F-B
Pourvoi n° K 21-21.115
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JUILLET 2023
La société Helvetia compagnie suisse d'assurances, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3]), prise en son établissement, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-21.115 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Transports Montaville, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société Texatop, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],
4°/ à la société Transports Coué, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],
défenderesses à la cassation.
Les sociétés Transports Montaville et AXA France IARD ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Helvetia compagnie suisse d'assurances, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat des sociétés Transports Montaville et AXA France IARD, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Texatop, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Transports Coué, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 mai 2021), la société Texatop a vendu à la société Merien un moule, d'un poids de 5 300 kg, et une bobine d'acier, d'un poids de 1 200 kg, la vente étant stipulée « départ usine ». La société Merien en a confié le transport à la société Transports Coué, commissionnaire de transport, qui s'est substituée la société Transports Montaville. Le 24 septembre 2014, au cours du transport, le moule a chuté de la semi-remorque et a été endommagé.
2. La société Helvetia compagnie suisse d'assurances (la société Helvetia), subrogée dans les droits de son assurée, la société Merien, a assigné en remboursement des sommes versées à cette dernière la société Texatop, la société Transports Montaville et l'assureur de celle-ci, la société AXA France IARD (la société AXA), qui ont appelé en garantie les sociétés Texatop et Transports Coué. Cette dernière a assigné en garantie les sociétés Texatop, Transports Montaville et AXA.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Helvetia fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes qu'elle a formées contre la société Texatop et de limiter à la somme de 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la société Transports Montaville et de son assureur, la société AXA, alors « qu'en dépit du choix par les parties d'une "vente départ d'usine", le vendeur qui assume la responsabilité des opérations de chargement doit répondre des conséquences dommageables de leur exécution défectueuse ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Texatop, qui a signé la lettre de voiture en qualité d'expéditeur remettant, a procédé seule aux opérations de chargement dont l'exécution défectueuse, en l'absence de calage et d'arrimage de la marchandise, a été la cause exclusive des dommages subis par le matériel livré à la société Merien ; qu'en déboutant la société Helvetia de son action en responsabilité à l'encontre de la société Texatop au motif inopérant que l'outil était vendu "départ usine", ce qui signifiait que le vendeur ne se chargeait pas du transport, la cour d'appel a violé les articles 7.2 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique dans sa version applicable au litige, 1382, devenu 1240, du code civil et L. 132-8 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 132-8 du code de commerce et 7.2 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique, dans sa version applicable au litige :
4. Il résulte de ces textes qu'en dépit de la conclusion d'une vente « départ d'usine », le vendeur qui, ayant signé la lettre de voiture en qualité d'expéditeur-remettant et y ayant apposé son cachet, procède lui-même aux opérations de chargement, calage et arrimage du bien vendu, en assume la responsabilité et doit répondre, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, des conséquences dommageables de leur exécution défectueuse.
5. Pour rejeter les demandes formées contre la société Texatop, l'arrêt retient que la société Merien a demandé à la société Transports Coué d'organiser le déplacement, conformément à ses engagements contractuels pris à l'égard de la société Texatop en vertu du contrat de vente qui les lie et selon lequel l'outil était vendu « départ d'usine », ce qui signifie que le vendeur ne se charge pas du transport. Il ajoute que si la société Texatop a, dans les faits, procédé aux opérations de chargement, ce ne peut être que comme représentant de la société Transports Coué, donneur d'ordre, en vertu de l'article 7.2 du contrat type qui prévoit que les opérations de chargement, calage et arrimage d'un envoi supérieur à 3 tonnes sont exécutées par le donneur d'ordre ou par son représentant sous sa responsabilité, c'est-à-dire sous la responsabilité du donneur d'ordre.
6. En statuant ainsi, alors qu'il ne résulte pas de l'arrêt que la société Texatop aurait indiqué sur la lettre de voiture qu'elle aurait agi pour le compte d'un tiers, la cour d'appel, qui a relevé que la société Texatop figurait sur la lettre de voiture en qualité d'expéditeur-remettant et qu'elle avait effectué elle-même les opérations de chargement et de calage des outils vendus, a violé les textes susvisés.
Sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. La société Helvetia fait grief à l'arrêt d'avoir limité à la somme de 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la société Transports Montaville et de son assureur, la société AXA, alors « qu'aux termes de l'article 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique, dans sa rédaction applicable au litige, l'indemnité que le transporteur est tenu de verser pour la réparation des dommages résultant de la perte totale ou partielle ou de l'avarie de la marchandise, ne peut excéder, pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, 14 euros par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées pour chacun des objets compris dans l'envoi, sans pouvoir dépasser, par envoi perdu, incomplet ou avarié, quels qu'en soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur, une somme supérieure au produit du poids brut de l'envoi exprimé en tonnes multiplié par 2 300 euros ; que selon l'article 2.1 du contrat type, l'envoi est la quantité de marchandises, emballage et support de charge compris, mise effectivement, au même moment, à la disposition du transporteur et dont le transport est demandé par un même donneur d'ordre pour un même destinataire d'un lieu de chargement unique à un lieu de déchargement unique et faisant l'objet d'un même contrat de transport ; qu'en calculant le plafond de l'indemnité par tonnes de marchandises endommagées et non sur le tonnage total de l'envoi, la cour d'appel a violé l'article précité dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2.1 et 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999, portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique :
8. Selon le second de ces textes, le transporteur est tenu de verser une indemnité pour la réparation de tous les dommages justifiés dont il est légalement tenu pour responsable, résultant de la perte totale ou partielle ou de l'avarie de la marchandise. Pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, elle ne peut excéder 14 euros par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées pour chacun des objets compris dans l'envoi, sans pouvoir dépasser, par envoi perdu, incomplet ou avarié, quels qu'en soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur, une somme supérieure au produit du poids brut de l'envoi exprimé en tonnes multiplié par 2 300 euros.
9. Selon le premier, l'envoi est défini comme la quantité de marchandises, emballage et support de charge compris, mise effectivement, au même moment, à la disposition d'un transporteur et dont le transport est demandé par un même donneur d'ordre pour un même destinataire d'un lieu de chargement unique à un lieu de déchargement unique et faisant l'objet d'un même contrat de transport.
10. Il en résulte que, pour le transport de marchandises chargées au même lieu en vue d'un déchargement en un lieu unique pour le même destinataire, le plafond de l'indemnité mise à la charge du transporteur doit être calculé sur le poids brut de l'ensemble du chargement et non sur le poids brut de la seule marchandise sinistrée.
11. Pour limiter à 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum à l'encontre de la société Transports Montaville et de son assureur, la société AXA, l'arrêt, après avoir écarté l'existence d'une faute inexcusable, retient qu'en application de la limitation de responsabilité prévue à l'article 21 du contrat type général, la société Transports Montaville ne peut être tenue que d'une indemnité limitée à 12 190 euros (soit 5,3 tonnes X 2 300 euros) sur la base du poids en tonne de la marchandise sinistrée qui est de 5,3 tonnes, le calcul devant être fait sur le poids brut du seul moule avarié et non sur la base du poids brut de l'ensemble de l'envoi, bobine comprise, même si c'est un poids d'ensemble qui a été indiqué dans l'ordre d'affrètement, précision étant donné qu'il y avait deux colis.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société Merien avait acheté à la société Texatop le moule et une bobine d'acier, chargés tous deux au même lieu et dont le transport avait été demandé à la société Transports Coué en vue d'un déchargement en un lieu unique pour le même destinataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen unique du pourvoi incident
Enoncé du moyen
13. Les sociétés Transports Montaville et AXA font grief à l'arrêt de rejeter leur appel en garantie contre la société Texatop, alors « que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec le chef de l'arrêt cassé ; que la cassation qui interviendra du chef du premier moyen de cassation du pourvoi principal visant le dispositif de l'arrêt attaqué ayant rejeté les demandes de la société Helvetia contre la société Texatop, fondée sur la circonstance que la responsabilité de celle-ci ne pouvait être engagée ni en qualité d'expéditeur, ni de donneur d'ordre, entraînera la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs du dispositif de l'arrêt rejetant les demandes formées par la société Helvetia contre la société Texatop et limitant à 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum contre les sociétés Transports Montaville et AXA entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif rejetant l'appel en garantie formé par ces dernières contre la société Texatop, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
Portée et conséquences de la cassation
15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Helvetia contre la société Texatop entraîne en outre la cassation du chef de la condamnation de la société Texatop à garantir la société Transports Coué des condamnations prononcées contre elle, « en sa qualité de représentant de la société Transports Coué », qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Helvetia contre la société Texatop, en ce qu'il limite à 12 190 euros la condamnation prononcée in solidum contre les sociétés Transports Montaville et AXA, en ce qu'il rejette l'appel en garantie formé par ces sociétés contre la société Texatop, en ce qu'il fait droit à l'appel en garantie de la société Transports Coué contre la société Texatop et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Texatop aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Texatop, la condamne à payer à la société Helvetia compagnie suisse d'assurances la somme de 3 000 euros, et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
Sur la responsabilité du vendeur en présence d'un choix par les parties au contrat de vente de l'Incoterm Ex Works, à rapprocher : Com., 13 septembre 2016, pourvoi n° 14-23.137, Bull. 2016, IV, n° 114 (rejet).
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CASS/JURITEXT000047805134.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 juillet 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 494 F-B
Pourvoi n° Q 22-14.476
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JUILLET 2023
1°/ La société Chubb European Group SE, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Ace European Group LTD,
2°/ la société Danone produits frais France (DPFF), société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° Q 22-14.476 contre l'arrêt n° RG 18/06224 rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la société TRSO, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La société Chubb European Group SE invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Chubb European Group SE, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société TRSO, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Danone produits frais France (la société Danone) du désistement de son pourvoi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 novembre 2021, n° RG 18/06224), le 3 février 2016, la société Danone a confié à la société TRSO l'acheminement d'un lot de produits laitiers à destination de [Localité 4] (Val-de-Marne).
3. Au cours du transport, la semi-remorque contenant la marchandise a été arrêtée par des manifestants qui ont contraint le chauffeur à descendre du véhicule et ont déchargé la remorque pour distribuer le contenu de trois des vingt-quatre palettes aux occupants des véhicules circulant à proximité.
4. Le 3 février 2017, la société Danone et son assureur, la société Ace European Group Limited, devenue la société Chubb European Group SE (la société Chubb), ont assigné la société TRSO en réparation de leur préjudice.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Chubb fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la société TRSO, alors « que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que seul un événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution est constitutif d'un cas de force majeure ; que pour juger que le transporteur était exonéré de toute responsabilité pour cas de force majeure, l'arrêt attaqué retient que si le mouvement social initié par les agriculteurs et sa poursuite ainsi que le barrage filtrant auquel a été confronté le chauffeur du camion étaient prévisibles dès le 2 février 2016, le transporteur ne pouvait pas prévoir le sort que les manifestants réserveraient à la marchandise transportée en contraignant le chauffeur à descendre de son véhicule pour dérober les marchandises et les distribuer ; qu'en statuant ainsi par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser que dans le contexte connu d'un mouvement social d'agriculteurs et de mise en place de barrages routiers filtrants par les manifestants, le transporteur ne pouvait ni anticiper, ni éviter l'événement dommageable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 133-1 du code de commerce, 1148 et 1150 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
7. L'arrêt retient que si, le mouvement social des agriculteurs étant connu, le blocage du camion à un barrage était prévisible, en revanche, il n'est pas établi que les organisations syndicales aient donné des consignes précises aux manifestants, s'agissant notamment de la localisation des barrages, de sorte que la société TRSO ne pouvait prévoir un itinéraire évitant le blocage de ses camions.
8. Il ajoute qu'il n'est pas démontré que les informations routières et les réseaux sociaux ont, le jour de l'incident litigieux, donné les informations utiles qui auraient permis au chauffeur de la société TRSO d'éviter un tel blocage.
9. Il retient encore que celle-ci ne pouvait pas prévoir le fait que des manifestants allaient contraindre le chauffeur à descendre du véhicule pour dérober des marchandises et les distribuer à tout venant.
10. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire l'existence d'un événement imprévisible et irrésistible, constitutif d'un cas de force majeure exonérant le transporteur de toute responsabilité dans la survenance du dommage.
11. Le moyen n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chubb European Group SE aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Chubb European Group SE et la condamne à payer à la société TRSO la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
Ass. plén., 14 avril 2006, pourvoi n° 04-18.902, Bull. 2006, Ass. Plén., n° 6 (rejet).
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CASS/JURITEXT000047805119.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 juillet 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 488 FS-B
Pourvoi n° M 22-11.621
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JUILLET 2023
La société Caisse de réassurance mutuelle agricole de Centre Manche (Groupama Centre-Manche), dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 22-11.621 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société AGB, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Etablissements Soetaert, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La société Etablissements Soetaert a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Caisse de réassurance mutuelle agricole de Centre Manche, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Etablissements Soetaert, de Me Laurent Goldman, avocat de la société AGB, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Bélaval, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, conseillers, Mmes Barbot, Kass-Danno, M. Boutié, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 novembre 2021), le 19 mai 2015, la société AGB a commandé à la société Etablissements Soetaert (la société Soetaert) un tracteur, mis en circulation le 11 janvier 2013, avec pose d'un matériel attelé, une déchiqueteuse de bois.
2. Soutenant que le moteur du tracteur était affecté d'un vice caché, la société AGB a assigné la société Soetaert en résolution judiciaire du contrat de vente.
3. La société Caisse de réassurance mutuelle agricole de Centre Manche (l'assureur), assureur de la société Soetaert, est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et les deux premiers moyens du pourvoi provoqué
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi provoqué
Enoncé des moyens
5. L'assureur fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution de la vente, de condamner la société Soetaert à restituer à la société AGB le prix de vente, à reprendre possession du tracteur à ses frais exclusifs, à payer à la société AGB une certaine somme au titre des frais de location du tracteur de remplacement et en conséquence de condamner l'assureur à garantir la société Soetaert des condamnations prononcées contre cette dernière, alors « qu'il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) que nul ne peut porter une atteinte disproportionnée au droit à la preuve d'une partie ; que contrevient à ce principe une règle probatoire faisant irrémédiablement obstacle à ce que puisse être rapportée la preuve contraire d'un fait présumé à l'encontre d'une partie, générant à l'encontre de celle-ci une condamnation de nature civile au regard de sa seule qualité de professionnel ; que tel est le cas de la présomption irréfragable de connaissance du vice caché à la charge du vendeur professionnel, qui interdit à ce dernier d'apporter la preuve de sa bonne foi et de démontrer qu'il ignorait - à le supposer établi - le vice de la chose vendue, pour mettre à sa charge une obligation de garantie à ce titre, nonobstant même la qualité de professionnel de l'acheteur ; qu'en retenant que la société Soetaert, vendeur professionnel, était présumée irréfragablement connaître le vice litigieux, pour en déduire qu'elle était tenue à garantie envers la société AGB, acheteur professionnel, la cour d'appel a porté au droit à la preuve de la société Soetaert une atteinte disproportionnée en violation du texte précité, ensemble l'article 9 du code de procédure civile. »
6. La société Soetaert fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution de la vente, de la condamner à restituer le prix de vente et à reprendre possession du tracteur, de la condamner en outre à payer à la société AGB une certaine somme en réparation du préjudice correspondant aux frais de location d'un autre tracteur, alors :
« 1°/ que méconnaît le droit au procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention la règle de droit national portant une atteinte disproportionnée au droit à la preuve d'une partie ; qu'en retenant en l'espèce que la société Soetaert supportait, en sa qualité de vendeur professionnel, une présomption irréfragable de connaissance du vice caché affectant la chose vendue, de sorte à l'empêcher de démontrer qu'elle ignorait l'existence de ce vice, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;
2°/ que la présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice caché de la chose vendue porte une atteinte disproportionnée à son droit à la preuve lorsque l'acquéreur achète le bien pour l'exercice de sa propre activité professionnelle ; qu'en retenant en l'espèce le caractère irréfragable de cette présomption, pour empêcher la société Soetaert de démontrer qu'elle ignorait l'existence du vice caché affectant le tracteur vendu à la société AGB, exploitant agricole, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention, ensemble l'article 9 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte des articles 1641 et 1646 du code civil que le vendeur, garant à raison des défauts cachés de la chose vendue, n'est tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente s'il ignorait ces vices.
8. Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
9. Selon une jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation (1re Civ., 21 novembre 1972, pourvoi n° 70-13.898, Bull. 1972, n° 257 ; 2e Civ., 30 mars 2000, pourvoi n° 98-15.286, Bull. 2000, n°57 ; Com., 19 mai 2021, pourvoi n° 19-18.230), il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.
10. Le caractère irréfragable de cette présomption, fondée sur le postulat que le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, qui a pour objet de contraindre ce vendeur, qui possède les compétences lui permettant d'apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente, répond à l'objectif légitime de protection de l'acheteur qui ne dispose pas de ces mêmes compétences, est nécessaire pour parvenir à cet objectif et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du vendeur professionnel au procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Après avoir retenu l'existence d'un vice caché affectant le moteur, antérieur à la vente et diminuant l'usage voire rendant le tracteur impropre à sa destination, de nature à justifier la résolution du contrat, l'arrêt retient à bon droit que la société Soetaert, vendeur professionnel, est présumée avoir eu connaissance du vice et qu'il s'agit d'une présomption irréfragable qui joue même lorsque l'acheteur est lui-même un professionnel. Il en déduit exactement que la société AGB a droit, outre la restitution du prix, à l'indemnisation de tous ses dommages.
12. Les moyens ne sont donc pas fondés.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
13. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir la société Soetaert des condamnations prononcées contre cette dernière, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que pour retenir la garantie de l'assureur, la cour d'appel s'est fondée exclusivement sur une clause générale du contrat d'assurance souscrit par la société Soetaert ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions de l'assureur pris de l'applicabilité à l'espèce de la clause spéciale d'exclusion expressément visée par l'exposante dans ses écritures, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
14. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
15. Pour condamner l'assureur à garantir la société Soetaert des condamnations prononcées contre elle, l'arrêt écarte l'application d'une clause d'exclusion de garantie relative au défaut ou insuffisance de performance ou d'impropriété à l'usage et se réfère à une clause générale relative aux conditions de garantie.
16. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur, qui soutenait aussi qu'était applicable une autre clause d'exclusion relative aux frais de remboursement des pièces et fournitures reconnues défectueuses, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il déboute la société Etablissements Soetaert de son appel en garantie et, statuant à nouveau, il condamne la société Caisse de réassurance mutuelle agricole de Centre Manche à garantir la société Etablissements Soetaert des condamnations prononcées contre elle, en principal, dommages et intérêts, frais, dépens et accessoires, et condamne la société Caisse de réassurance mutuelle agricole de Centre Manche aux dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen autrement composée ;
Condamne la société Etablissements Soetaert aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
Sur la présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, à rapprocher : 2e Civ., 30 mars 2000, pourvoi n° 98-15.286, Bulletin civil 2000, II, n° 57 (cassation partielle).
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CASS/JURITEXT000047805361.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 juillet 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 499 F-B
Pourvoi n° N 22-10.104
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JUILLET 2023
M. [K] [C], domicilié [Adresse 3], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Capnor Invest, a formé le pourvoi n° N 22-10.104 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Crédit du Nord,
2°/ à la société Capnor Invest, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [C], ès qualités, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la Société générale, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 novembre 2021), la société Capnor Invest a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 7 juillet 2014 qui a désigné M. [C] en qualité de liquidateur.
2. La société Crédit du Nord, aux droits de laquelle est venue la Société générale (la banque), a déclaré une créance à cette procédure collective au titre de la garantie d'achèvement des travaux consentie le 26 juin 2012 à la société Capnor Invest pour un programme immobilier réalisé par la société débitrice sous le régime de la vente d'immeubles à rénover.
3. Le liquidateur a contesté cette créance en soutenant que la garantie d'achèvement n'était plus susceptible d'être engagée par les acquéreurs des différents lots, dès lors qu'il avait réalisé les immeubles dépendant de l'actif de la procédure collective par voie d'adjudication et que l'action susceptible d'être exercée par les acquéreurs des autres lots, en raison de l'inachèvement des travaux, était nécessairement prescrite.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'admettre la créance de la banque au passif de la société Capnor Invest, alors :
« 1° / que le liquidateur judiciaire d'un marchand de biens n'ayant pas mené les travaux de rénovation à leur terme, qui se trouve de ce fait dans l'impossibilité de produire une déclaration d'achèvement des travaux conforme, peut s'opposer à la déclaration de créance de la banque garante de bon achèvement qui exerce le recours avant paiement ouvert à la caution en montrant que cette garantie n'est pas susceptible d'être mise en jeu par les acquéreurs des lots ; qu'en l'espèce, M. [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Capnor Invest a attesté que "la totalité des biens immobiliers appartenant à cette société qui existaient à la date du jugement de liquidation judiciaire ont été réalisés par voie de saisie-immobilière", à l'exception d'un immeuble non concerné par la présente procédure ; que le liquidateur judiciaire a produit le cahier des conditions de cette vente mentionnant que seraient vendus sept appartements avec chacun une place de stationnement ainsi qu'une place de stationnement isolée ; qu'il a également produit tous les jugements d'adjudication ; que cette vente par adjudication en liquidation judiciaire était par nature exclue du bénéfice de la garantie d'achèvement ; qu'en affirmant néanmoins que le liquidateur judiciaire n'avait pas suffisamment justifié des lots vendus par adjudication, la cour d'appel a violé les articles 2039 du code civil, L. 262-7 et R. 262-12 du code de la construction et de l'habitation et L. 624-2 du code de commerce ;
2°/ que dans la mesure où le liquidateur judiciaire de la société Capnor Invest a attesté avoir vendu par adjudication tous les lots de l'immeuble litigieux dont cette société était encore propriétaire au jour du jugement de liquidation judiciaire, il en résultait nécessairement que tous les autres lots, quel que soit leur nombre et leur consistance, avaient été vendus auparavant ; que le délai de la prescription quinquennale des acquéreurs de ces lots pour agir contre la banque tenue d'une garantie d'achèvement a commencé à courir le 7 juillet 2014, date du jugement de liquidation judiciaire de la société Capnor Invest, pour se terminer le 7 juillet 2019 ; que le Crédit du Nord n'a pas justifié de poursuites à son encontre dans ce délai, la lettre envoyée par l'avocat de cinq acquéreurs en avril 2013 n'établissant pas l'engagement de telles poursuites ; qu'en jugeant cependant que le liquidateur judiciaire n'avait pas suffisamment justifié des lots vendus de gré à gré avant la procédure collective, ni de déclaration de créances des acquéreurs, ni de l'achèvement ou de la réception des ouvrages, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants, a violé les articles 2224 et 2313 du code civil, L. 262-7, R. 262-12 du code de la construction et de l'habitation et L. 624-2 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles L. 622-24, alinéa 1, et L. 622-25 du code de commerce, qu'au titre des créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective, le montant de la créance à admettre est celui existant au jour de ce jugement d'ouverture, date à laquelle le juge-commissaire puis la cour d'appel se prononçant sur la contestation d'une telle créance doivent se placer pour statuer sur son admission, sans tenir compte d'événements postérieurs susceptibles d'influer sur la somme qui sera ultérieurement distribuée par le liquidateur.
6. Il s'ensuit que l'admission de la créance déclarée par la banque au titre de la garantie d'achèvement des travaux en application de l'article 2309 du code civil qui, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable au cautionnement consenti par la société Crédit du Nord, permettait à la caution, même avant d'avoir payé, d'agir contre le débiteur pour être indemnisée, lorsque ce dernier était en procédure collective, ne peut être tributaire des conditions de la réalisation des immeubles dépendant de l'actif de la procédure collective pendant le cours de cette procédure ou d'une prescription de l'action en garantie prétendument acquise cinq ans après l'ouverture de cette procédure.
7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
8. Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C], en sa qualité de liquidateur de la société Capnor Invest, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
Dans le même sens : Com., 8 juin 2010, pourvoi n° 09-14.624, Bull. 2010, IV, n° 108 (cassation).
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 juillet 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 493 F-B
Pourvoi n° Y 22-10.436
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 JUILLET 2023
Le Fonds commun de titrisation Cedrus, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], représenté par la société MCS et associés, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Société générale, a formé le pourvoi n° Y 22-10.436 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MJ Alpes, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de Mme [I] [M], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société HPH,
2°/ à la société HPH, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du Fonds commun de titrisation Cedrus, de la SCP Richard, avocat de la société HPH et de la société MJ Alpes, ès qualités, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 octobre 2021), le 6 juin 2017, la liquidation judiciaire de la Société d'exploitation Electric Boutic a été étendue à la société HPH. La Société générale (la banque), qui avait accordé un prêt à la société Electric Boutic garanti par une hypothèque consentie par la société HPH, a déclaré une créance privilégiée qui a été contestée. Par une ordonnance du 28 août 2018, le juge-commissaire a constaté que l'appréciation de la validité de la garantie hypothécaire consentie par la société HPH, qui constituait le motif de contestation, ne relevait pas de son office juridictionnel, sursis à statuer et renvoyé la banque à mieux se pourvoir.
2. Le 25 septembre 2018, la banque a assigné devant le tribunal la société MJ Alpes, en sa qualité de liquidateur de la société HPH. Par un jugement du 30 avril 2019, le tribunal a déclaré l'action de la banque irrecevable au motif qu'elle n'avait pas assigné la société HPH, titulaire d'un droit propre en matière de vérification du passif.
3. La banque a fait appel du jugement en intimant le liquidateur. Par conclusions du 9 juillet 2020, le Fonds commun de titrisation Cedrus (le FCT Cedrus), ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, cessionnaire de la créance de la banque, est intervenu volontairement à l'instance, puis a appelé en intervention forcée la société HPH. Le 15 octobre 2020, il a fait appel du jugement en intimant le liquidateur et la société HPH.
4. Le FCT Cedrus a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état déclarant irrecevable cet appel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le FCT Cedrus, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel formé à l'encontre de la société HPH par déclaration du 15 octobre 2020, alors « que l'instance en vérification des créances diligentée devant le juge-commissaire et l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties s'inscrivent dans une même procédure indivisible ; qu'en conséquence, lorsque étaient parties à l'instance devant le juge-commissaire le créancier, le débiteur et le liquidateur, et que dans le cadre de l'instance devant la juridiction compétente n'étaient présents que le créancier et le liquidateur, le créancier est recevable à intimer, dans sa déclaration d'appel, le débiteur ; qu'en effet, le débiteur était bien présent à l'instance devant le juge-commissaire laquelle est indivisible de celle tenue devant la juridiction compétente ; qu'en l'espèce, il est constant aux débats que dans le cadre de l'instance devant le juge-commissaire étaient présents, appelés et représentés, la Société générale, aux droits de laquelle vient le FCT Cedrus, la SCI HPH et la Selarl MJ Alpes, ès qualités ; qu'en revanche, il n'est pas contesté que la SCI HPH n'avait pas été appelée à l'instance au fond tenue devant le tribunal de commerce d'Annecy ; qu'il n'en demeurerait pas moins qu'en raison de l'indivisibilité des procédures le FCT Cedrus pouvait intimer la SCI HPH, présent lors de la première instance ; qu'en retenant pourtant que "la SCI HPH n'étant pas partie à l'instance devant le tribunal de commerce et ne pouvant être regardée comme l'ayant été, l'appel formé à son encontre par la déclaration du 15 octobre 2020 est irrecevable", la cour d'appel a violé les articles 552 et 553 du code de procédure civile par refus d'application, et 547 dudit code par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 553 et 547 du code de procédure civile :
6. Aux termes du premier texte, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance et l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Selon le second, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance.
7. L'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances, sur l'invitation du juge-commissaire, s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur. Il en résulte que la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties, dont le cas échéant le débiteur qui est une partie nécessaire en tant que titulaire, en matière de vérification du passif, d'un droit propre.
8. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt énonce que seules les personnes qui ont été parties en première instance peuvent être intimées, et relève que si la société HPH a bien été partie à l'instance de vérification de créance devant le juge-commissaire, elle n'a pas été appelée à l'instance distincte et autonome qui a été introduite devant le tribunal de commerce par la banque, par assignation du 25 septembre 2018, et en déduit que la société HPH non partie en première instance, ne pouvait être intimée.
9. En statuant ainsi, alors que la société débitrice devait être intimée par le créancier, appelant du jugement rendu par le juge compétent saisi, sur invitation du juge-commissaire, pour trancher la contestation de sa créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. A la demande du FCT Cedrus, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'appel formé contre la société HPH par déclaration du 15 octobre 2020, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare recevable l'appel formé par le Fonds commun de titrisation Cedrus contre la société HPH par déclaration du 15 octobre 2020 ;
Condamne la société HPH et la société MJ Alpes, en qualité de liquidateur de la société HPH, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
Sur la nécessité de mettre en cause devant le juge compétent le créancier, le débiteur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur, à rapprocher : Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.978, Bull. 2018, IV, n° 91 (rejet).
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