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CASS/JURITEXT000047636299.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 407 F-B
Pourvoi n° H 21-22.446
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023
1°/ la société Larzul, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société Vectora, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° H 21-22.446 contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre A, commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Groupe française de gastronomie, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Angers, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Larzul et de la société Vectora, de la SCP Spinosi, avocat de la société Groupe française de gastronomie, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 9 septembre 2020, n° 19-15.422, publié au Bulletin), par un acte du 14 décembre 2004, la société UGMA, filiale de la société Groupe française de gastronomie (la société FDG), qui était son associée unique, a conclu avec la société Larzul un traité d'apport à cette dernière de son fonds de commerce. Par des délibérations du 30 décembre 2004, la société Vectora, associée unique de la société Larzul, a approuvé cette opération d'apport et l'augmentation de capital subséquente.
2. Par un acte du 20 septembre 2005, la société FDG a décidé la dissolution de la société UGMA.
3. Un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 a annulé les délibérations de la société Vectora du 30 décembre 2004 et constaté la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004.
4. Le 3 avril 2012, la société Larzul a obtenu du greffier d'un tribunal de commerce que des modifications soient apportées à son inscription au registre du commerce et des sociétés en y mentionnant l'arrêt du 24 janvier 2012 et en précisant un ensemble de modifications « suite à cette décision ».
5. La société FDG a, par voie de requête, demandé au juge commis à la surveillance de ce registre d'enjoindre au greffier de procéder à l'annulation de ces modifications et de rétablir l'état antérieur de ces inscriptions.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l'arrêt d'enjoindre au greffe du tribunal de commerce de procéder à l'annulation des modifications inscrites à l'extrait Kbis de la société Larzul le 3 avril 2012 et de remettre les inscriptions en l'état antérieur à ces modifications, et d'enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012, alors « que ni le greffier ni le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés n'ont le pouvoir de porter une appréciation sur la validité ou l'efficacité des actes et pièces déposés en vue de l'inscription d'une mention au registre du commerce et des sociétés ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les inscriptions portées au registre du commerce et des sociétés le 3 avril 2012 relatives à la forme sociale de la société Larzul et à la réduction de son capital étaient justifiées par une délibération du 24 mars 2012, par laquelle la société Vectora, en qualité d'associé unique de la société Larzul, avait décidé, en conséquence de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2012, de constater que la société Larzul était une société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de 3 300 000 euros, et de modifier ses statuts pour adopter à nouveaux ceux en vigueur antérieurement ; que, pour ordonner l'annulation de ces inscriptions, à la demande de la société FDG, qui prétendait qu'elle n'avait pas perdu la qualité d'associé et qu'ainsi la société Larzul ne disposait pas d'un associé unique, la cour d'appel retient, par motifs propres et adoptés, que l'arrêt du 24 janvier 2012 ne statue pas sur les conséquences des annulations prononcées et qu'un retour à la situation antérieure ne résulte pas expressément de cet arrêt ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a remis en cause le statut de société à associé unique de la société Larzul et la perte de la qualité d'associé de la société FDG, et ainsi la validité de la délibération prise le 24 janvier [lire : mars] 2012, par l'interprétation qu'elle a faite de l'arrêt du 24 janvier 2012, a tranché un débat de fond ne relevant pas de sa compétence et violé l'article L. 123-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de l'article R. 123-95 du code de commerce que le greffier vérifie que les énonciations d'une demande d'inscription au registre du commerce et des sociétés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires, correspondent aux pièces justificatives et actes déposés en annexe et sont compatibles, dans le cas d'une demande de modification ou de radiation, avec l'état du dossier, mais qu'il ne dispose d'aucun pouvoir d'interpréter lesdits actes et pièces justificatives.
8. Il résulte de l'article L. 123-6 du code de commerce que le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, compétent pour connaître de toutes contestations entre l'assujetti et le greffier, ne peut, à l'occasion d'une telle contestation, trancher un différend opposant la société assujettie à un tiers, telle la reconnaissance à ce dernier de sa qualité d'associé, qui ressortit au juge compétent sur le fond.
9. Ayant constaté que l'arrêt du 24 janvier 2012 s'était borné à annuler l'apport de fonds de commerce et l'augmentation de capital en résultant, mais qu'il n'en résultait ni l'anéantissement du protocole d'accord du 14 décembre 2004 et de tous les actes qui en sont la suite ni, par voie de conséquence, le retour à la situation antérieure à ce protocole, ce dont il se déduit que les énonciations de la demande de modification de l'inscription de la société Larzul au registre du commerce et des sociétés formée en 2012 n'étaient pas compatibles avec l'état du dossier, la cour d'appel, qui n'a pas tranché le débat de fond concernant la persistance de la qualité d'actionnaire de la société FDG et qui ne pouvait le faire sauf à méconnaître les limites de sa compétence juridictionnelle, a, à bon droit, confirmé l'ordonnance enjoignant au greffier de procéder à l'annulation des inscriptions modificatives litigieuses, portées le 3 avril 2012 au vu de cet arrêt.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. Les sociétés Larzul et Vectora font grief à l'arrêt d'enjoindre à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt du 24 janvier 2012, alors « que si l'article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce permet au juge commis à la surveillance du registre d'enjoindre à toute personne immatriculée de faire procéder aux mentions complémentaires ou rectifications qu'elle n'aurait pas fait porter dans les délais ou qui s'avéreraient nécessaires en cas de déclaration inexacte ou incomplète, ni ce texte ni aucune autre disposition légale ne l'autorise à enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d'en adopter de nouveaux ; qu'en enjoignant à la société Larzul de modifier ses statuts, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 123-3, alinéa 2, du code de commerce :
12. Selon ce texte, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés peut enjoindre à toute personne immatriculée à ce registre qui ne les aurait pas requises dans les délais prescrits, de faire procéder soit aux mentions complémentaires ou rectifications qu'elle doit y faire porter, soit aux mentions ou rectifications nécessaires en cas de déclarations inexactes ou incomplètes, soit à la radiation.
13. L'arrêt confirme la décision du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ayant fait injonction à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique.
14. En statuant ainsi, alors que le pouvoir d'injonction conféré au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne peut porter que sur les mentions inscrites sur ce registre et non sur les énonciations des actes et pièces justificatives au vu desquelles le greffier procède aux inscriptions requises, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
15. Ainsi qu'il est suggéré en demande, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
17. Le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés ne disposant pas du pouvoir d'enjoindre à une société immatriculée de modifier ses statuts ou d'en adopter de nouveaux, la demande tendant à ce que les statuts de la société Larzul soient mis en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt du 24 janvier 2012, ne peut qu'être déclarée irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, il enjoint à la société Larzul de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2014, et en ce qu'il statue sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l'arrêt rendu le 13 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DECLARE irrecevable la demande de la société Groupe française de gastronomie tendant à ce que la société Larzul soit enjointe de mettre ses statuts en conformité avec sa situation juridique, telle qu'elle résulte de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 24 janvier 2014 ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
Sur les pouvoirs du juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés, à rapprocher :Com., 29 novembre 2016, pourvoi n° 15-13.396, Bull. 2016, IV, n° 149
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CASS/JURITEXT000047636295.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 396 F-B
Pourvoi n° T 21-13.716
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023
M. [S] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-13.716 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant à la société Billancourt, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [H], de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Billancourt, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 janvier 2021) la société Billancourt (la société) a été dissoute par anticipation le 18 mars 2002, M. [H] étant désigné liquidateur amiable pour une durée de trois ans. Par délibération du 13 décembre 2005, son mandat a été prolongé jusqu'au 13 décembre 2007.
2. Une assemblée générale qui s'est tenue le 16 janvier 2015 a refusé d'approuver les comptes de liquidation.
3. Une ordonnance du 3 mai 2017, confirmée par un arrêt du 8 mars 2018, a désigné M. [X] en qualité de mandataire ad hoc de la société.
4. Le 6 juillet 2017, la société, représentée par M. [X], a assigné M. [H] en responsabilité.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. M. [H] fait grief à l'arrêt de dire l'action de la société recevable et non prescrite et de le condamner à payer à celle-ci la somme de 55 700,22 euros à titre de dommages et intérêts, alors « qu'en se bornant, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, à retenir que M. [H] avait de fait poursuivi sa mission de liquidateur au-delà du 13 décembre 2007, de sorte que sa responsabilité pouvait être engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, l'action étant soumise à la prescription quinquennale et donc non prescrite à la date du 6 juillet 2017, et en imputant à faute à M. [H] des dépenses non justifiées par une facture, d'une part, et le paiement de la totalité des honoraires et des frais de M. [M], notamment au titre d'une note d'honoraire émise le 2 novembre 2005, [d'autre part,] sans rechercher si les faits reprochés à M. [H] étaient postérieurs au 13 décembre 2007, date à laquelle son mandat de liquidateur a pris fin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2224 du code civil et L. 237-12 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1240, 2224 du code civil et L. 237-12 du code de commerce :
7. Il résulte du dernier de ces textes que l'action en responsabilité contre une personne investie de la qualité de liquidateur d'une société dissoute à raison des fautes commises par elle dans l'exercice de ses fonctions se prescrit par trois ans, et des deux premiers que la responsabilité de cette même personne ne peut être recherchée, à raison des actes de liquidation qu'elle accomplit après le terme de ses fonctions, que sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de droit commun et dans la limite de la prescription quinquennale.
8. Pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [H] et condamner celui-ci à payer à la société une somme de 55 700,22 euros, l'arrêt, après avoir constaté que, nonobstant l'absence de renouvellement exprès du mandat de liquidateur qui lui avait été confié, M. [H] a, de fait, poursuivi sa mission au-delà du 13 décembre 2007, retient que sa responsabilité peut être engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil et en déduit que l'action en responsabilité introduite par la société à son encontre le 6 juillet 2017 n'est pas prescrite pour avoir été engagée moins de cinq ans après le 22 novembre 2013, date à laquelle les associés ont pris connaissance de l'imputation des frais litigieux sur les comptes de la société. Il ajoute que M. [H] a recouvré pour le compte de la société une somme de 110 292,15 euros, placée sur un compte ouvert au nom de la société, dont il a ensuite débité des honoraires et frais d'avocat dont une partie seulement correspondait à la défense des intérêts de la société, des dépenses qui n'étaient justifiées par aucune facture, ainsi que plusieurs virements en sa faveur sans justificatif.
9. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des irrégularités dont elle n'a pas précisé la date, cependant que les règles de prescription de l'action en dommages et intérêts introduite à l'encontre de M. [H] n'étaient pas les mêmes selon que sa responsabilité était recherchée au titre de fautes commises avant ou après le terme de son mandat de liquidateur amiable, le 13 décembre 2007, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare recevable et non prescrite l'action de la société Billancourt et, l'infirmant partiellement, condamne M. [H] à payer à celle-ci la somme de 55 700, 22 euros, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la SNC Billancourt aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SNC Billancourt et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047700748.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 juin 2023
Cassation sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 420 F-B
Pourvoi n° H 21-24.815
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023
La société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [T] [W], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements Duperche, a formé le pourvoi n° H 21-24.815 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2021 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant à la société Compagnie générale de location d'équipements, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société MJA, ès qualités, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Compagnie générale de location d'équipements, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 juin 2021), la société Etablissements Duperche (la société Duperche) a été mise en liquidation judiciaire le 21 février 2019, la société MJA étant désignée en qualité de liquidateur. La société Compagnie générale de location d'équipements (la société CGL), qui a demandé en vain au liquidateur d'acquiescer à une demande de restitution d'un véhicule qu'elle avait financé, a déposé une requête à cette fin auprès du juge-commissaire, en produisant une quittance subrogative du vendeur du véhicule. Le juge-commissaire a rejeté cette requête par une ordonnance du 31 octobre 2019 confirmée par un jugement du 23 avril 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de lui ordonner de restituer le véhicule financé à la société CGL, alors « que le prêteur de deniers professionnel qui a accordé un prêt en vue de l'acquisition d'un bien et qui verse les fonds entre les mains du vendeur pour paiement du prix ne peut bénéficier de la subrogation ex parte creditoris dans les droits du vendeur et ne peut donc invoquer sur ce fondement la clause de réserve de propriété prévue par le contrat de vente ; que pour ordonner la restitution à la société CGL, prêteur, du véhicule vendu avec réserve de propriété, la cour d'appel a relevé que le vendeur avait subrogé le prêteur selon quittance du 14 décembre 2016 dans l'entier effet de la clause de réserve de propriété, l'acheteur se reconnaissant informé de la réserve de propriété stipulée par le vendeur dès avant la livraison du bien ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 2367 et 1346-1 du code civil, ensemble l'article L. 624-16 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1346-1 et 2367, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, du code civil :
3. Il résulte du premier de ces textes que c'est seulement lorsque le créancier a reçu son paiement d'une tierce personne qu'il peut conventionnellement subroger celle-ci dans ses droits, actions et accessoires contre le débiteur.
4. Selon le second, la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie.
5. Il en résulte que, lorsque le prêteur se borne à verser au vendeur du bien financé les fonds empruntés par son client, il n'est pas l'auteur du paiement et le client devient, dès ce versement, propriétaire du matériel vendu, de sorte que le prêteur ne peut prétendre être subrogé dans les droits du vendeur et ne peut, dès lors, se prévaloir d'une clause de réserve de propriété stipulée au contrat de vente.
6. Pour condamner le liquidateur à restituer le véhicule litigieux à la société CGL, l'arrêt relève que le vendeur avait confirmé que les conditions de vente comprenaient une clause de réserve de propriété différant le transfert de propriété du bien jusqu'au paiement effectif et complet du prix d'achat TTC, avait reconnu avoir reçu du prêteur la somme représentant le montant du solde du prix de vente du bien et subrogé ce dernier dans tous ses droits et actions contre l'acheteur et notamment dans l'entier effet de la clause de réserve de propriété, l'acheteur se reconnaissant informé de la réserve de propriété stipulée par le vendeur dès avant la livraison du bien qu'il a confirmé avoir acceptée purement et simplement. Il en déduit que le prêteur pouvait, par subrogation, agir en restitution du bien.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles du 23 avril 2020 ;
Condamne la société Compagnie générale de location d'équipements aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Compagnie générale de location d'équipements et la condamne à payer à la société MJA, en qualité de liquidateur de la société Etablissements Duperche, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
Sur la subrogation conventionnelle, à rapprocher : Avis de la Cour de cassation, 28 novembre 2016, n° 16-70.009, Bull. 2016, avis n° 9.
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CASS/JURITEXT000047700742.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 416 FS-B
Pourvoi n° U 21-21.330
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023
L'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-21.330 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [V] [F], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [Z] [F], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la SCP Alain Bénabent, avocat de MM. [V] et [Z] [F], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, conseillers, Mme Kass-Danno, M. Boutié, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 juin 2021), le 29 octobre 2015, un jugement correctionnel a condamné la société Boulangerie Aurélia (la société) et ses dirigeants, MM. [Z] et [V] [F] (MM. [F]), pour l'infraction de travail dissimulé, reçu l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiale Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) en sa constitution de partie civile, déclaré la société et MM. [F] solidairement responsables du préjudice subi par l'URSSAF et, sur les intérêts civils, renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.
2. Le 30 mai 2016, la société a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.
3. Le 4 avril 2017, un arrêt a confirmé le jugement correctionnel du 29 octobre 2015 et déclaré MM. [F] et la société solidairement responsables du préjudice subi par l'URSSAF entre 2008 et 2010, et M. [Z] [F] et la société solidairement responsables de ce préjudice entre 2006 et 2007.
4. Le 4 septembre 2017, le plan de sauvegarde de la société a été arrêté pour une durée de dix ans.
5. Statuant sur les intérêts civils, un arrêt du 11 février 2019 a condamné M. [Z] [F] à indemniser le préjudice financier subi par l'URSSAF entre 2006 et 2007, condamné solidairement MM. [F] à indemniser le préjudice financier subi entre 2008 et 2010, ainsi que les préjudices matériels et d'atteinte aux finances publiques, et condamné les mêmes au paiement d'indemnités procédurales, en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Cet arrêt a, en outre, fixé les créances de l'URSSAF au passif de la procédure collective de la société débitrice à concurrence des mêmes montants, à ces différents titres.
6. Le 11 avril 2019, l'URSSAF a déclaré sa créance au passif de la procédure collective de la société débitrice pour les montants fixés par l'arrêt du 11 février 2019.
7. L'URSSAF a diligenté une saisie des droits d'associés ou de valeurs mobilières détenus par MM. [F] dans deux sociétés tierces pour le paiement des sommes dues en exécution de l'arrêt du 11 février 2019.
8. MM. [F] ont saisi un juge de l'exécution en mainlevée de ces mesures, en se prévalant de leur qualité de coobligés de la société débitrice, bénéficiaires de la suspension des poursuites édictée à l'article L. 626-11 du code de commerce.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, et sur le moyen relevé d'office, réunis
Enoncé des moyens
9. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de cantonner les saisies aux sommes dues sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale et d'en ordonner la mainlevée pour le surplus, alors « que le dirigeant d'une société commerciale, personnellement tenu de réparer le préjudice découlant des infractions dont il a été déclaré coupable, ne saurait invoquer, pour échapper à ses obligations, la procédure collective intéressant la société dont il était dirigeant, dès lors qu'il n'est pas concerné par ladite procédure ; qu'en l'espèce, statuant sur les intérêts civils, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 11 février 2019, a condamné MM. [F], reconnus coupables de travail dissimulé dans le cadre de la gestion de la société Boulangerie Aurélia, à payer des dommages et intérêts à l'URSSAF PACA d'un montant équivalent aux cotisations sociales éludées ; qu'en retenant que le recouvrement de cette créance de dommages et intérêts détenue sur les dirigeants ne pouvait être poursuivi du fait de la procédure de sauvegarde ouverte à l'encontre de la société débitrice condamnée également à une telle indemnité, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, 1382, devenu 1240, du code civil et L. 622-7 du code de commerce par fausse application. »
Réponse de la Cour
10. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile sur le moyen relevé d'office, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 622-7 et L. 622-21, I, du code de commerce :
11. Il résulte du premier de ces textes que le jugement d'ouverture de la sauvegarde interdit de payer toute créance née antérieurement à ce jugement.
12. Selon le second, le jugement d'ouverture de la sauvegarde interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
13. Les dispositions de ces textes ne profitant qu'au seul débiteur en procédure collective, les dirigeants sociaux ne peuvent s'en prévaloir.
14. Pour cantonner aux seules condamnations prononcées au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale les saisies diligentées par l'URSSAF sur le fondement de l'arrêt du 11 février 2019, l'arrêt retient, par motifs propres, que l'argumentation de l'URSSAF tend à « faire échec à la suspension des poursuites prévue à l'article L. 622-7 du code de commerce » en l'état de la procédure de sauvegarde dont fait l'objet la société débitrice et que, s'agissant de la créance, unique, détenue par l'URSSAF au titre des cotisations éludées entre 2006 et 2010, son recouvrement ne peut être poursuivi du fait de cette procédure, ouverte le 30 mai 2016.
15. En statuant ainsi, par des motifs desquels il ressort qu'elle a appliqué à MM. [F], dirigeants de la société débitrice, la règle de l'interdiction des paiements ou celle de l'interdiction des poursuites individuelles, alors que ceux-ci ne pouvaient en bénéficier, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
16. L'URSSAF fait le même grief à l'arrêt, alors « que le dirigeant d'une société commerciale, personnellement tenu de réparer le préjudice découlant des infractions dont il a été déclaré coupable, ne saurait invoquer, pour échapper à ses obligations, la procédure collective intéressant la société dont il était dirigeant, dès lors qu'il n'est pas concerné par ladite procédure ; qu'il ne peut dès lors invoquer la qualité de coobligé de la société dirigée afin de se prévaloir du plan de sauvegarde et échapper à son obligation personnelle envers la victime de l'infraction titulaire d'une créance indemnitaire ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que MM. [F], condamnés à indemniser l'URSSAF PACA, ne pouvaient être poursuivis en recouvrement en ce qu'ils étaient coobligés de la société Boulangerie Aurélia au sens des articles L. 626-11 et L. 622-26 du code de commerce et pouvaient ainsi se prévaloir du plan de sauvegarde ainsi que du prétendu défaut de déclaration de la créance indemnitaire à la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a violé ces articles, ensemble les articles 2 du code de procédure pénale et 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-26, alinéa 2, et L. 626-11, alinéa 2, du code de commerce, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 et le second dans celle issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, applicables en la cause :
17. Selon le premier de ces textes, les créances non régulièrement déclarées sont, pendant l'exécution du plan de sauvegarde, inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
18. En application du second, à l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde.
19. Seules les personnes physiques dont l'engagement est de nature conventionnelle ont la qualité de coobligés au sens de ces deux textes.
20. Pour cantonner la saisie aux seules condamnations prononcées par la juridiction pénale sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que la société débitrice fait l'objet d'un plan de sauvegarde non étendu à MM. [F]. Il retient, ensuite, que, soit cette créance indemnitaire n'a pas été déclarée par l'URSSAF dans la procédure de sauvegarde, de sorte qu'elle est inopposable aux personnes physiques coobligées pendant l'exécution du plan, soit cette créance a été déclarée, de sorte que, pendant l'exécution du plan, les coobligés peuvent se prévaloir des dispositions du plan. Il en déduit que, dès lors qu'il n'est pas fait état du non-respect du plan de sauvegarde, l'URSSAF ne pouvait diligenter contre MM. [F] une mesure de saisie pour recouvrer sa créance indemnitaire.
21. En statuant ainsi, alors que l'obligation à paiement de MM. [F] résultait de l'arrêt irrévocable du 11 février 2019 les condamnant à réparer le préjudice causé par une infraction pénale dont ils avaient été déclarés coupables avec la société débitrice, de sorte que, n'ayant pas la qualité de coobligés de cette dernière, au sens des textes susvisés, ils ne pouvaient se prévaloir ni de l'inopposabilité de la créance de l'URSSAF pour cause de non-déclaration au passif ni de la suspension des poursuites pendant l'exécution du plan de sauvegarde de la société débitrice, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il ordonne la jonction des instances et en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par MM. [V] et [Z] [F], l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne MM. [V] et [Z] [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [V] et [Z] [F] et les condamne à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047700744.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 juin 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 417 F-B
Pourvoi n° R 21-24.018
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023
La société Optical finance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-24.018 contre l'arrêt n° RG 19/01209 rendu le 8 septembre 2021 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile, section commerciale), dans le litige l'opposant à M. [D] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Optical finance, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 8 septembre 2021), la société [Z] Optic (la société débitrice) exploite un fonds de commerce d'optique et lunetterie. M. [Z], le dirigeant de la société, s'est porté caution des sommes dues par la société débitrice au franchiseur, la société Optical finance.
2. Le 22 février 2017, la société débitrice a été mise en sauvegarde et, le 24 janvier 2018, un plan a été arrêté, la société Odile Stutz, désignée mandataire judiciaire, devenant commissaire à l'exécution du plan.
3. Après la résiliation du contrat de franchise par une ordonnance du juge-commissaire, la société Optical finance a déclaré sa créance à la procédure et, le 20 octobre 2017, assigné M. [Z], en sa qualité de caution, et demandé qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une décision à l'issue de la période d'observation. M. [Z] a opposé une fin de non-recevoir en soutenant qu'il pouvait se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
5. La société Optical finance fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable, alors « que toute atteinte au droit d'agir doit être proportionnée ; qu'en jugeant irrecevable l'action engagée par la société de franchise contre M. [Z] en sa qualité de caution des engagements de la société [Z] Optic au motif que la créance de la caution, qui pouvait se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde de la débitrice principale, n'était pas exigible, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette irrecevabilité n'avait pas pour effet de priver la société de franchise de son droit d'agir en justice contre M. [Z] en sa qualité de caution en l'état d'une interprétation des dispositions du contrat de cautionnement conclu par M. [Z] en sa faveur, lues comme prévoyant un délai de forclusion imposant au créancier d'agir contre la caution dans un délai de six mois suivant la résiliation du contrat de franchise prononcée à effet du 21 avril 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
6. Si les poursuites du créancier contre M. [Z], caution personne physique, ont été suspendues, en application de l'article L. 622-28, alinéa 2, du code de commerce, par l'effet de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, le 22 février 2017, jusqu'au jugement arrêtant le plan de sauvegarde du 24 janvier 2018, pour autant, la société créancière n'a pas été privée de toute action contre la caution.
7. En effet, le créancier, bénéficiaire d'un cautionnement, peut, pour obtenir un titre exécutoire, prendre des mesures conservatoires contre la caution, personne physique, soit pendant la période d'observation, en application de l'article L. 622-28, alinéa 3, du code de commerce, soit pendant l'exécution du plan de sauvegarde en application de l'article R. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.
8. Il bénéficie, par ailleurs, de l'interruption du délai de la prescription, à compter de sa déclaration de créance à la procédure collective de la société débitrice principale jusqu'à la clôture de la procédure collective.
9. Dès lors, en l'absence de toute perte du droit d'agir de la société Optical finance contre la caution, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui était inopérante.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Optical finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Optical finance et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 juin 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 423 F-B
Pourvoi n° E 21-25.204
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023
1°/ La société Eurotitrisation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], agissant en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 2, venant aux droits du fonds commun de titrisation Isodev, compartiment Génération 2, représenté par la société France titrisation, venant lui-même aux droits de la société Isodev,
2°/ la société France titrisation, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de représentant du fonds commun de titrisation FCT Isodev, compartiment Génération 2, venant aux droits de la société Isodev,
ont formé le pourvoi n° E 21-25.204 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [P] [K], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul,
3°/ à la société ADJE administrateurs judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [M] [Z], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Eurotitrisation, ès qualités, et France titrisation, ès qualités, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 septembre 2021), le 3 février 2014, la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul (la société Sifferlin) a emprunté à la société Isodev une somme de 103 500 euros pour une durée de cinq ans. Le 31 juillet 2014, la société Isodev a cédé sa créance au fonds commun de titrisation dénommé « FCT Isodev » dont la société de gestion était la société France titrisation.
2. En février 2015, la société Isodev a été mise en liquidation judiciaire. Par une lettre du 2 avril 2015, la société Eos Credirec a informé la société Sifferlin de la titrisation intervenue et l'a invitée à prendre attache avec elle en sa qualité de nouveau gestionnaire du contrat.
3. La société Sifferlin n'ayant plus été en mesure de rembourser les échéances du prêt, la société Eos Credirec a prononcé, le 12 janvier 2016, la déchéance du terme.
4. Le 30 janvier 2017, la société Sifferlin a été mise en redressement judiciaire, la société ADJE administrateurs judiciaires étant nommée administrateur et Mme [K] mandataire judiciaire. Le 15 mars 2017, la société France titrisation, en qualité de représentante du fonds commun de titrisation Isodev, a déclaré la créance de celui-ci que la société Sifferlin a contestée.
5. Le 10 octobre 2019, la créance a été cédée au fonds commun de titrisation Credinvest, géré par la société Eurotitrisation.
6. Par une ordonnance du 16 décembre 2020, le juge-commissaire a déclaré recevable la déclaration de créance du 15 mars 2017 et admis la créance du fonds commun de titrisation Credinvest, représenté par la société Eurotitrisation, à concurrence de la somme de 113 750,48 euros à titre chirographaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Eurotitrisation et France titrisation, en leurs qualités respectives de représentantes des fonds communs de titrisation Credinvest et Isodev, font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la déclaration de créance de la société France titrisation en raison de son défaut de qualité à agir, de rejeter la créance et de la déclarer inopposable au plan pour un montant total de 113 750,78 euros TTC, alors :
« 2°/ qu'il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-172 et L. 214-180 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que la société de gestion d'un fonds de titrisation n'avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avaient été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple ; que toutefois, en application de l'article 126 du code de procédure civile, cette fin de non-recevoir a disparu à la suite de l'entrée en vigueur, en cours d'instance, de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 puis de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, modifiant l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, qui a conféré à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées ; qu'en affirmant, au contraire, que "la circonstance que France Titrisation ait ultérieurement obtenu la qualité légale pour déclarer la créance n'a pu faire disparaître son défaut de qualité au jour où la créance était déclarée en son nom, date à laquelle la créance ne pouvait être déclarée que par la société Eos Credirec", la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa version issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, et l'article 126 du code de procédure civile ensemble l'article L. 622-24 du code de commerce ;
3°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, et l'article 126 du code de procédure civile ensemble l'article L. 622-24 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, et l'article 126 du code de procédure civile :
8. Il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-172 et L. 214-80 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation était, à l'égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartenait à celui qui lui transférait des créances par bordereau, ou à l'entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d'exercer les actions en justice nécessaires, et, le cas échéant, de déclarer les créances au passif du débiteur lorsqu'il avait été mis en procédure collective, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur soit informé de cette modification par lettre simple. Si, par suite, la déclaration de créance opérée par un fonds commun de titrisation sous l'empire des textes précités était irrecevable, la disparition de cette fin de non-recevoir, en application du second texte susvisé, résulte de l'entrée en vigueur au cours de l'instance en vérification et admission des créances, le 3 janvier 2018, de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017, puis, le 24 mai 2019, de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, conférant à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice ou d'une déclaration de créance, tout ou partie du recouvrement des créances transférées.
9. Pour dire irrecevable la déclaration de créance de la société France titrisation du 15 mars 2017, l'arrêt énonce que seule la société chargée du recouvrement de la créance bénéficie du droit d'agir en justice et retient que la société France titrisation n'a obtenu la qualité légale pour agir en recouvrement et déclarer la créance que du fait de la modification de l'article L. 214-172 par l'ordonnance du 4 octobre 2017, entrée en vigueur le 3 janvier 2018, soit après la déclaration de créance effectuée en son nom, de sorte qu'au jour où elle a été faite, la déclaration de créance l'a été au nom d'une personne dépourvue de qualité à cet effet, la circonstance que la société France titrisation ait ultérieurement obtenu la qualité légale pour déclarer la créance n'ayant pu faire disparaître son défaut de qualité au jour où la créance a été déclarée en son nom.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'au cours de la procédure de vérification et d'admission des créances, la société France titrisation avait obtenu, en tant que représentante du fonds commun de titrisation auquel la créance avait été transférée, qualité légale pour déclarer la créance, ce dont il résultait que la fin de non-recevoir avait disparu, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, Mme [K], en qualité de mandataire judiciaire de cette société, et la société ADJE administrateurs judiciaires, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Menuiserie Sifferlin Jean-Paul, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.
Sur la qualité à agir de la société de gestion d'un fonds commun de titrisation, à rapprocher : Com., 9 septembre 2020, pourvoi n° 19-10.651, Bull., (rejet).
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 469 FS-B
Pourvoi n° X 21-16.940
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 JUIN 2023
Le syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 4], représenté par son syndic, la société Sudeco, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-16.940 contre l'arrêt rendu le 26 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Securitas France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat du syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Securitas France, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, conseillers, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 février 2021), le 27 septembre 2012, le syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5] (le syndicat), représenté par son syndic, la société Sudeco, a conclu avec la société Securitas France (la société Securitas) un contrat par lequel celle-ci était chargée de la mise en oeuvre des prestations de sécurité incendie, surveillance et gardiennage de son site.
2. Ce contrat prévoyait qu'il devait prendre effet le 3 octobre 2012, pour une durée d'un an tacitement reconductible pour une période indéterminée. Il pouvait ensuite être résilié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en respectant un préavis de trois mois.
3. Soutenant que la société Sudeco avait, au nom du syndicat, par lettre du 9 mars 2015, résilié le contrat à compter du 13 avril suivant, la société Securitas les a assignés en réparation pour non-respect du préavis contractuel et rupture brutale d'une relation commerciale établie.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le syndicat fait grief à l'arrêt de dire qu'il a rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Securitas et, en conséquence, de le condamner à lui payer la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts, alors « que la qualité de commerçants des membres d'un syndicat de copropriétaires ne fait pas perdre sa personnalité civile à ce dernier ni conférer une nature commerciale à la relation contractuelle qu'il entretient avec un prestataire de services, au sens de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; qu'en retenant néanmoins que c'est dans l'intérêt de l'exploitation des établissements de chacun des commerçants des membres du syndicat de copropriétaires que les prestations de services de la société Securitas ont été souscrites, pour juger que la relation de ce syndicat avec la société Securitas était commerciale au sens de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce et le condamner à indemniser sa rupture brutale, sans constater que le syndicat, doté de la personnalité civile et chargé de la gestion de l'immeuble, aurait lui-même une activité économique de production, de distribution ou de services, la cour d'appel a violé la disposition légale précitée, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, ensemble l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article L. 410-1 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, que les règles définies au livre IV de ce code s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services.
6. Après avoir relevé que la société Securitas avait conclu avec le syndicat des copropriétaires commerçants du centre commercial de [Localité 5] un contrat pour la sécurité incendie, la surveillance et le gardiennage de son site, l'arrêt retient que ce syndicat a agi dans l'intérêt de l'exploitation des établissements commerciaux de chacun de ses membres et en déduit que la nature civile de sa personnalité ne fait pas écran à la nature commerciale de la relation des parties au sens de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable.
7. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte qu'il avait conclu un contrat ayant exclusivement pour objet d'assurer une prestation de service pour les besoins de l'activité commerciale de ses membres, la cour d'appel a exactement retenu que le syndicat, bien que de nature civile, avait entretenu une relation commerciale avec la société Securitas, entrant dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I, 5°, précité.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
9. Le syndicat fait le même grief à l'arrêt, alors « que seul le préjudice causé par le caractère brutal de la rupture doit être indemnisé et non celui résultant de la rupture elle-même ; qu'en allouant des dommages-intérêts d'un montant de 6 000 euros à la société Securitas correspondant à la marge brute dont elle a été privée pendant la période d'insuffisance du préavis, l'indemnisant ainsi de la perte subie en raison de la rupture du contrat et non du préjudice causé par le caractère brutal de cette rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce que le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période.
11. Après avoir retenu, d'une part, que le syndicat avait brutalement rompu la relation commerciale qu'il entretenait avec la société Securitas depuis deux ans et demi, d'autre part, qu'au regard de cette durée, le préavis aurait dû être de quatre mois, l'arrêt en déduit à bon droit que l'assiette de l'indemnisation de la rupture brutale de cette relation commerciale ne pouvait comprendre l'équivalent du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé pendant ces quatre mois, comme le prétend la société Securitas, mais celui de la marge brute, qu'il a évaluée au regard des éléments du dossier.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Securitas la somme de 57 410,78 euros de dommages-intérêts pour non-respect du délai contractuel de préavis, alors « qu'il soutenait avoir respecté le délai de préavis prévu dans le contrat conclu avec la société Securitas, le 27 septembre 2012, en se prévalant expressément de sa production numéro 3, à savoir une lettre recommandée avec avis de réception du 29 décembre 2014 adressée à la société Securitas pour dénoncer la convention conclue entre eux pour son terme contractuel du 31 mars 2015 ; qu'en retenant que le délai contractuellement prévu n'avait pas été respecté après avoir relevé que le syndicat des copropriétaires soutenait avoir respecté ce délai en mettant aux débats un avis de réception du 31 mars 2014 dénonçant le contrat pour le centre commercial "Géant Casino Cap de Cres à [Localité 3]", non celui conclu pour le centre commercial de [Localité 5], la cour d'appel a dénaturé les conclusions et les bordereaux de communication de pièces du syndicat, visant un courrier relatif au contrat qu'il avait lui-même conclu avec la société Securitas et non celui conclu pour le centre commercial de Cap de Cres avec cette société, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
14. Pour condamner le syndicat à payer à la société Securitas une certaine somme à titre de dommages et intérêts pour n'avoir pas respecté le délai contractuel de préavis, l'arrêt, après avoir relevé que celui-ci n'avait produit qu'un avis de réception d'une lettre dénonçant à la société Securitas le contrat pour le centre commercial « Géant Casino Cap de Cres à [Localité 3] », retient que cette pièce ne permet pas d'établir que le contrat en cause, conclu pour des prestations au nom et au profit du centre commercial de [Localité 5], avait été régulièrement dénoncé dans le délai convenu entre les parties.
15. En statuant ainsi, alors que les conclusions du syndicat visaient une pièce n° 3 intitulée « LRAR du 29 décembre 2014 adressée par Sudeco ès qualité de syndic du syndicat de copropriétaires du Centre commercial de [Localité 5], à la SARL Securitas dénonçant la convention pour son terme contractuel du 31 mars 2015, 2 feuillets », cette pièce étant mentionnée en tant que telle, d'une part, dans la liste des pièces visées figurant en annexe de ses conclusions, d'autre part, dans le « Bordereau récapitulatif des pièces communiquées à annexer aux dernières conclusions du 6 janvier 2021 », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces conclusions ainsi que, par omission, de ces bordereaux, a violé le principe susvisé.
Et sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
16. Le syndicat fait le même grief à l'arrêt, alors « que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; qu'en allouant des dommages et intérêts d'un montant de 57 410,78 euros à la société Securitas correspondant au chiffre d'affaires dont elle a été privée durant deux mois en raison du non-respect du délai de préavis contractuel, quand le montant de l'indemnisation devait correspondre à la perte de marge brute subie par la société Securitas, soit à la différence hors taxe entre le prix de ses services et le coût de revient de ces services qu'elle n'avait finalement pas eu à supporter, le contrat n'ayant pas été exécuté pendant les deux mois en cause, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (devenu l'article 1231-2 du même code). »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1149, devenu 1231-2, du code civil :
En application de ce texte, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
17. Pour fixer le montant des dommages et intérêts au paiement duquel le syndicat est condamné, pour le non-respect du délai de préavis contractuel, l'arrêt, après avoir relevé que la société Securitas a produit des factures des prestations qu'elle a réalisées pour le syndicat durant les trois mois qui ont précédé la rupture des relations contractuelles, retient qu'il doit lui être alloué, en réparation du préjudice subi, la somme correspondant au chiffre d'affaires qu'elle aurait perçu si elle n'avait pas été privée de deux mois de préavis.
18. En statuant ainsi, alors que le préjudice subi par la société Securitas en raison du non-respect du préavis contractuel consiste en la perte de la marge brute escomptée, dans les conditions précisées au paragraphe 10, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ses dispositions condamnant le syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5] à payer à la société Securitas France la somme de 57 410,78 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du délai contractuel de préavis, l'arrêt rendu le 26 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Securitas France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Securitas France et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires du centre commercial de [Localité 5] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047738148.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 juin 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 474 FS-B
Pourvoi n° H 21-10.256
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023
La société Jezo Le Ludec, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13], a formé le pourvoi n° H 21-10.256 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [J] [W], domicilié [Adresse 5],
2°/ à M. [U] [W], domicilié [Adresse 8],
3°/ à la société Financière Tony Greg, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
4°/ à M. [C] [P],
5°/ à Mme [G] [O], épouse [P],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
6°/ à M. [D] [P], domicilié [Adresse 4],
7°/ à M. [X] [P], domicilié [Adresse 10],
8°/ à la société Guyot recyclage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 14],
9°/ à la société Eiffage route Ile-de-France, Centre Ouest, société en nom collectif, dont le siège est ZAC La Courrouze, [Adresse 3], venant aux droits de la société Eiffage route Ouest, nouvelle dénomination d'Eiffage travaux publics Ouest,
10°/ à la société Eiffage infrasructures, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], nouvelle dénomination d'Eiffage travaux publics,
11°/ à la Société mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 11],
12°/ à la société Restech, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
13°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 12],
14°/ à M. [L] [W], domicilié [Adresse 9],
15°/ à l'Union départementale des associations familiales du Morbihan (UDAF du Morbihan), dont le siège est [Adresse 7], prise en qualité de curateur de M. [L] [W],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Jezo Le Ludec, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la SMABTP, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Jezo Le Ludec du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [G] [P], MM. [J], [U] et [L] [W] et MM. [C], [D] et [X] [P], l'union départementale des associations familiales (UDAF) du Morbihan prise en sa qualité de curateur de M. [L] [W] et les sociétés Financière Tony Greg, Guyot recyclage, Eiffage route Ile-de-France/Centre Ouest, Eiffage infrastructures, Restech et Gan assurances.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 octobre 2020), en 2006, la société Guyot recyclage a confié à la société Jezo Le Ludec, assurée auprès de la Société Mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un bâtiment de « stockage de déchets ».
3. Le lot « voirie et réseaux divers, terrassements » a été confié à la société EGTP, assurée auprès de la société Gan assurances.
4. La société EGTP a sous-traité une partie des travaux à la société Bretagne réseaux, aux droits de laquelle est venue la société Restech.
5. Se plaignant de dysfonctionnements des réseaux d'évacuation et de déversements de liquides polluants en périphérie des installations, la société Guyot recyclage a assigné la société Eiffage travaux publics Ouest, venant aux droits de la société EGTP, la société Eiffage travaux publics et la société Jezo Le Ludec sur le fondement des articles 1792 et 1147 du code civil. Les sociétés du groupe Eiffage ont assigné en intervention forcée les consorts [W] et [P], la société Financière Tony Greg, la société Restech, venant aux droits de la société Bretagne Réseaux, la société Gan assurances, la société Jezo Le Ludec et la SMABTP.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société Jezo Le Ludec fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en garantie contre la SMABTP, alors « que le contrat d'assurance destiné à garantir notamment la responsabilité décennale d'un constructeur susceptible d'être engagée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil couvre tous les travaux de construction d'un ouvrage, sauf exception limitativement énumérée à l'article L. 243-1-1 du code des assurances ; que cet article, dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, applicable au litige, exclut de l'assurance obligatoire les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages, mais ne vise pas les ouvrages de stockage de déchets ; que le contrat de maîtrise d'oeuvre passé le 12 juin 2006 entre la société Jézo Le Ludec et la société Guyot portait sur "la construction d'un bâtiment de stockage de déchets" ; que pour décider que ces travaux n'étaient pas couverts par le contrat d'assurance souscrit par la société Jézo Le Ludec, la cour a retenu que l'opération globale portait sur la construction d'un centre de tri et de valorisation des déchets, et que le bassin d'orage en était l'accessoire ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 243-1-1 du code des assurances dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 8 juin 2005. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 243-1-1 du code des assurances, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 :
8. Ce texte édicte, en son premier alinéa, une liste d'ouvrages qui sont exclus en toutes circonstances de l'obligation d'assurance et, en son second alinéa, une liste d'ouvrages qui n'en sont exclus que s'ils ne constituent pas l'accessoire d'un ouvrage soumis à l'obligation.
9. Dès lors qu'il prévoit des exceptions aux obligations d'assurance d'ordre public édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 du code des assurances, ce texte est d'interprétation stricte.
10. Il en résulte qu'un ouvrage non visé à l'article L. 243-1-1 du code des assurances reste soumis à l'obligation d'assurance, serait-il l'accessoire d'un ouvrage qui en est exclu.
11. Pour rejeter le recours en garantie formé par la société Jezo Le Ludec contre la SMABTP, l'arrêt retient que l'opération portait sur la construction d'un centre de tri et de valorisation des déchets non soumis aux obligations d'assurance et que le bassin d'orage litigieux en était l'accessoire.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de garantie de la société Jezo Le Ludec formée contre la SMABTP, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et la condamne à payer à la société Jezo Le Ludec la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047738150.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
QUESTION PRIORITAIRE
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________
Audience publique du 22 juin 2023
IRRECEVABILITÉ
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 576 FS-B
Affaire n° K 23-40.006
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023
Le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a transmis à la Cour de cassation le 31 mars 2023, par jugement rendu le 29 mars 2023, des questions prioritaires de constitutionnalité, dans l'instance mettant en cause :
D'une part,
- M. [E] [O], domicilié [Adresse 3],
D'autre part,
- le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, établissement public de l'Etat à caractère administratif, dont le siège est [Adresse 2], représenté par sa directrice en exercice, Mme [Z] [T].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [O], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. M. [O] occupe depuis 1995, sur le territoire de la commune des [Localité 4], des parcelles dénommées [Adresse 1], qui ont été acquises par le Conservatoire de l'Espace littoral et des rivages lacustres (le Conservatoire du littoral) le 31 mars 2005.
2. Par une délibération du 21 novembre 2013, le conseil d'administration du Conservatoire du littoral a classé ces parcelles dans son domaine propre.
3. Par jugement irrévocable du 15 mai 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux a dit que M. [O] bénéficiait d'un bail rural depuis 1995.
4. Le 18 août 2020, le Conservatoire du littoral lui a notifié un congé portant refus de renouvellement du bail à effet au 31 mars 2022, que le preneur a contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux.
Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité
5. Les questions posées par M. [O] dans son mémoire distinct, déposé devant le tribunal paritaire des baux ruraux, sont ainsi rédigées :
« - Le principe du statut d'ordre public du fermage agricole est-il un principe fondamental reconnu par les lois de la République ?
- Le cas échéant, les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes à ce principe ?
- Les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit, spécifiquement les articles 4, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article premier du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 6, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ? »
6. Toutefois, par jugement du 29 mars 2023, sans pour autant refuser de transmettre une partie de ces questions pour l'un des motifs prévus par les articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le tribunal paritaire des baux ruraux a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
« Le principe du statut d'ordre public du fermage agricole est-il un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? Le cas échéant, les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes à ce principe fondamental reconnu par les lois de la République compte tenu des valeurs qu'il protège ? »
7. Si les questions posées peuvent être reformulées par le juge à l'effet de les rendre plus claires ou de leur restituer leur exacte qualification, il n'appartient pas au juge d'en modifier l'objet ou la portée. Dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi des questions prioritaires de constitutionnalité telles qu'elles ont été soulevées dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui les lui a transmises.
Recevabilité des questions prioritaires de constitutionnalité
8. Par arrêt du 8 septembre 2022 (3e Civ., 8 septembre 2022, QPC n° 22-40.011), la Cour de cassation a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité invoquant une atteinte portée par l'article L. 322-9 du code de l'environnement aux droits et libertés garantis par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, transmise par la même juridiction dans la même instance opposant les mêmes parties, aux motifs, d'une part, que la partie n'avait pas formulé de question dans son écrit distinct, d'autre part, que l'affaire n'avait pas été communiquée au ministère public qui n'est pas partie à l'instance.
9. Ces causes d'irrecevabilité ayant disparu, la Cour de cassation peut être, de nouveau, saisie de cette question prioritaire de constitutionnalité.
10. Cependant, en premier lieu, les questions prioritaires de constitutionnalité ne sont pas recevables en ce qu'elles allèguent la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention.
11. En second lieu, les autres questions, dès lors qu'elles n'explicitent pas ce que recouvrirait le « principe du statut d'ordre public du fermage agricole », ni ne précisent les droits conférés par le statut du fermage, tel qu'institué par le titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime, dont le fermier entend se prévaloir, et dès lors qu'elles ne précisent pas en quoi la disposition législative critiquée porterait atteinte aux principes constitutionnels garantis par les articles 4, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ne permettent pas à la Cour de cassation d'en vérifier le sens et la portée.
12. Ces questions prioritaires de constitutionnalité sont donc irrecevables.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 juin 2023
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 470 FS-B
Pourvoi n° A 22-17.476
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023
1°/ M. [D] [B],
2°/ Mme [M] [G], épouse [B],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° A 22-17.476 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2022 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Auroroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme [B], de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Auroroutes Paris-Rhin-Rhône, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, Mme Teiller, président, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 29 mars 2022, RG n° 19/00003), par décret du 20 avril 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, a déclaré d'utilité publique le projet de mise en deux fois deux voies de la route centre Europe Atlantique RN 79.
2. Par arrêtés des 26 septembre 2017 et 31 janvier 2018, des parcelles appartenant à M. et Mme [B], comprises dans le périmètre de cette opération, ont été déclarées cessibles au profit de la société Autoroute Paris-Rhin-Rhône (la société APRR).
3. Faute d'accord entre les parties sur le montant des indemnités revenant aux expropriés, la société APRR a saisi le tribunal de grande instance de Montluçon, qui s'est déclaré incompétent et a renvoyé le dossier de l'affaire au juge de l'expropriation du département de l'Allier siégeant au tribunal de grande instance de Moulins.
4. Le greffe du tribunal de grande instance de Moulins n'a pas adressé aux parties l'avis prévu par l'article 82 du code de procédure civile les invitant à poursuivre l'instance devant lui.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation du jugement et de déclarer irrecevables leurs demandes indemnitaires, alors :
« 1°/ qu'en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l'affaire lui est transmis par le greffe, à défaut d'appel dans le délai ; que dès réception du dossier, les parties sont invitées par tout moyen par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l'instance et, s'il y a lieu, à constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de cet avis ; qu'encourt l'annulation le jugement rendu en l'absence de transmission de cet avis, dès lors que cette irrégularité a privé une partie de la possibilité d'organiser sa défense devant la juridiction de première instance ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir qu'ils n'avaient "appris la reprise de la saisine du juge de l'expropriation [de Moulins], initiée à [Localité 3] par l'expropriant près d'un an auparavant (début février 2018) par la société APRR, que 15 jours exactement avant l'audience du juge de l'expropriation du 8 février 2019", en sorte que "le silence de la juridiction au regard des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile fait grief (...) car ce silence les a empêchés de rédiger leur mémoire en défense avant l'audience des parties, leur demande de report de l'audience ayant même été refusée" ; que la cour d'appel a elle-même constaté que "le greffe de la juridiction d'expropriation de Moulins n'a pas invité les parties, et notamment les époux [B], à poursuivre l'instance et à constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de l'avis qui devait leur être adressé" ; que pour rejeter pourtant la demande d'annulation du jugement, la cour d'appel a retenu qu'aucun grief ne serait établi au prétexte que le conseil des expropriés connaissait, avant la décision d'incompétence de la juridiction de Montluçon, l'information "encore officieuse à cette époque" que "c'était bien le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Moulins qui allait s'occuper de cette affaire" ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à établir que les expropriés auraient eu connaissance en temps utile de la poursuite effective de l'instance devant le juge de l'expropriation de Moulins aux fins de pouvoir organiser leur défense, la cour d'appel a violé l'article 82 du code de procédure civile, ensemble l'article 15 du même code et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que lorsqu'il dispose des éléments suffisants pour rédiger son mémoire de saisine du juge de l'expropriation, l'expropriant notifie ce mémoire à l'exproprié ; qu'à défaut d'accord dans le délai d'un mois, l'expropriant saisit le juge de l'expropriation en adressant son mémoire de saisine au greffe et notifie simultanément une copie de son mémoire de saisine à l'exproprié, qui dispose d'un délai de six semaines pour lui adresser son mémoire en réponse ; qu'il en résulte qu'en cas de transmission du mémoire de saisine à une juridiction incompétente, le délai du mémoire en réponse ne peut commencer à courir avant la poursuite régularisée de l'instance devant la juridiction compétente ; qu'en l'espèce, la société expropriante avait adressé son mémoire de saisine à la juridiction de Montluçon pourtant incompétente, cette irrégularité n'ayant pas été régularisée dès lors que "le greffe de la juridiction d'expropriation de Moulins n'a pas invité les parties, et notamment les époux [B], à poursuivre l'instance et à constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de l'avis qui devait leur être adressé" ; qu'il en résultait que le délai de l'article R. 311-11 du code de l'expropriation n'avait pas commencé à courir ; qu'en retenant pourtant que la demande de report de l'audience formée par les exposants n'avait pas été accordée du fait "de l'absence de mémoire en réponse des expropriés dans les délais prescrits par les articles R. 311-11 du code de l'expropriation", la cour d'appel a violé l'article R. 311-11 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
3°/ qu'en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l'affaire lui est transmis par le greffe, à défaut d'appel dans le délai ; que dès réception du dossier, les parties sont invitées par tout moyen par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l'instance et, s'il y a lieu, à constituer avocat dans le délai d'un mois à compter de cet avis ; qu'encourt l'annulation le jugement rendu en l'absence de transmission de cet avis, dès lors que cette irrégularité a privé une partie de la possibilité d'organiser sa défense devant la juridiction de première instance ; qu'il est indifférent à cet égard que cette partie ait pu déposer des écritures devant la cour d'appel, dès lors que les demandes qu'elle y a présentées ont été jugées irrecevables comme nouvelles pour n'avoir pas été présentées devant le premier juge ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'annulation du jugement nonobstant l'absence d'invitation des parties à poursuivre l'instance devant le juge de l'expropriation de Moulins ayant privé les exposants de la possibilité de conclure en temps utile devant lui, la cour d'appel a retenu l'absence de grief au prétexte des "écritures que le conseil des appelants a eu tout loisir de produire à la cour dans chaque affaire déférée, témoignant ainsi d'une parfaite capacité à soutenir leurs intérêts" ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à écarter le grief causé par la méconnaissance des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile dès lors qu'elle jugeait irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes présentées par les expropriés dans leurs écritures d'appel, la cour d'appel a derechef violé l'article 82 du code de procédure civile, ensemble l'article 15 du même code et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
6. Le délai de six semaines imparti au défendeur pour notifier au demandeur son mémoire en réponse, prévu à l'article R. 311-11 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, commence à courir dès la notification du mémoire du demandeur même lorsque la juridiction saisie par celui-ci est incompétente, dès lors qu'en cas de renvoi devant une autre juridiction de l'expropriation, l'instance régulièrement engagée devant la juridiction initialement saisie se poursuit en l'état devant la juridiction de renvoi, sans suspension ou interruption de l'instance.
7.Il s'ensuit que le moyen, qui, en sa troisième branche, critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047738136.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 juin 2023
Cassation partielle
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 666 FS-B
Pourvois n°
M 21-15.803
B 21-16.070 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023
I. La société [5], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
a formé le pourvoi n° M 21-15.803 contre un arrêt n° RG 18/03720 rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2],
défenderesse à la cassation.
II. L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 3],
a formé le pourvoi n° B 21-16.070 contre le même arrêt n° RG 18/03720 rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société [5], société anonyme, défenderesse à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° M 21-15.803 invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° B 21-16.070 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 3], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, Mme Coutou, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, MM. Labaune, Montfort, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 2115803 et 2116070 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 mars 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF d'[Localité 3] (l'URSSAF) a notifié à la société [5] (la société) une lettre d'observations envisageant plusieurs chefs de redressement, suivie, le 13 décembre 2013, d'une mise en demeure.
3. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens du pourvoi n° 2115803 du [5]
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi n° 2115803 du [5]
Enoncé du moyen
5. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :
« 1°/ que la contribution spécifique sur les avantages de préretraite d'entreprise, prévue par l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale - dans ses versions issues de la loi du 19 décembre 2007 et de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicables au litige - porte sur « les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés, sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés » ; que la prise en charge par l'employeur des cotisations salariales afférentes au régime de protection sociale des préretraités ne constitue pas un « avantage de préretraite ou de cession anticipée » et ne doit pas, en conséquence, être incluse dans l'assiette de la contribution spécifique instituée par l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale ; qu'en décidant néanmoins, pour valider le redressement, que « les cotisations de retraite complémentaire, de prévoyance, de mutuelles et d'assurance vieillesse volontaire que la société prend en charge à la place des anciens salariés constituent des avantages entrant dans l'assiette de la contribution spécifique créée par la loi du 21 août 2003 modifiée, laquelle ne distingue pas selon que ces avantages ont ou non un caractère indemnitaire », refusant ainsi de tenir compte de la nature indemnitaire de la prise en charge par la société des cotisations salariales afférentes aux régimes de protection sociale des préretraités incompatible avec son inclusion dans l'assiette de la contribution spécifique sur les avantages de préretraite d'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale dans ses versions issues de la loi 2007-1786 du 19 décembre 2007 et de la loi 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicables au litige ;
2°/ qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors ou à l'issue de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa sont comprises dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; que présente un caractère indemnitaire, et n'a pas à être soumise à contribution, la prise en charge par l'employeur dans le cadre du dispositif de départ anticipé de fin de carrière institué par accord d'entreprise, au profit de salariés partis en préretraite, de leurs cotisations au régime de retraite et de prévoyance complémentaire et supplémentaire, dès lors que cette prise en charge a pour objet d'éviter que la cessation d'activité n'entraîne pour ces derniers un préjudice après la rupture du contrat de travail sous la forme d'une diminution de leur pension de retraite et de leur couverture de prévoyance ; que tel est le cas en l'espèce de la prise en charge par la société, dans le cadre du dispositif de départ anticipé de fin de carrière (DAFC), des cotisations salariales aux régimes de retraite et de prévoyance complémentaire et supplémentaire de ses anciens salariés qui ont opté pour un départ en préretraite, ce afin que ces derniers conservent un même niveau de couverture ; qu'en décidant néanmoins d'assujettir à la contribution spécifique de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale la prise en charge par la société des cotisations salariales des préretraités au régime de retraite et de prévoyance complémentaire et supplémentaire, motif pris de ce que « les cotisations de retraite complémentaire, de prévoyance, de mutuelles et d'assurance vieillesse volontaire que la société prend en charge à la place des anciens salariés constituent des avantages entrant dans l'assiette de la contribution spécifique créée par la loi du 21 août 2003 modifiée, laquelle ne distingue pas selon que ces avantages ont ou non un caractère indemnitaire », refusant ainsi de tenir compte de la nature indemnitaire de la prise en charge des cotisations salariales afférentes au régime de protection sociale des préretraités, la cour d'appel a violé l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale dans ses versions issues de la loi 2007-1786 du 19 décembre 2007 et de la loi 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicables au litige et l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige ;
3°/ qu'en décidant d'assujettir à la contribution spécifique de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale la prise en charge par l'employeur des cotisations salariales des préretraités aux régimes de retraite et de prévoyance complémentaire et supplémentaire, sans rechercher si cette prise en charge ne présentait pas un caractère indemnitaire et si elle n'était pas pour cette raison exclue de l'assiette de la contribution de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale dans ses versions issues de la loi 2007-1786 du 19 décembre 2007 et de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicables au litige et de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successives issues de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 et de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicables au litige, il est institué, à la charge des employeurs et au profit de la [4], une contribution sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés, sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés directement par l'employeur ou pour son compte, par l'intermédiaire d'un tiers, en vertu d'une convention, d'un accord collectif, de toute autre stipulation contractuelle ou d'une décision unilatérale de l'employeur.
7. Il en résulte que les cotisations salariales aux régimes de retraite ou de prévoyance que l'employeur prend en charge à la place des anciens salariés constituent des avantages entrant dans l'assiette de cette contribution.
8. Ayant constaté que les cotisations de retraite complémentaire, de prévoyance, de mutuelles et d'assurance vieillesse volontaire ont été prises en charge par la société à la place des anciens salariés, en application du dispositif de départ anticipé de fin de carrière, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si ces avantages avaient ou non un caractère indemnitaire, a exactement déduit qu'ils entraient dans l'assiette de la contribution spécifique.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 2116070 de l'URSSAF
Enoncé du moyen
10. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement portant sur l'assujettissement des royalties au forfait social, alors « que les rémunérations et gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et exclus de l'assiette des cotisations de sécurités sociales définies au premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont soumis au forfait social ; qu'est exclue de l'assiette des cotisations sociales la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur lorsque les conditions posées à l'article L. 7121-8 du code du travail sont remplies, à savoir dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire perçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement, une telle rémunération n'étant alors pas considérée comme salaire ; qu'en l'espèce il est constant et non contesté que la société verse à des artistes qu'elle salarie des royalties destinées à les rémunérer à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de leur interprétation et que ces rémunérations remplissaient les conditions posées à l'article L. 7121-8 du code du travail ; qu'en jugeant que ces sommes, qui s'analyseraient comme une contrepartie de l'exercice d'un droit de la propriété intellectuelle, ne seraient pas exclues de l'assiette des cotisations définies au premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale mais seraient en dehors du champ d'application de cet article, de sorte qu'elles ne seraient pas soumises au forfait social, la cour d'appel a violé l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale ses rédactions applicables au litige issues de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 et de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 et l'article L. 7121-8 du code du travail. »
Réponse de la Cour
11. Selon l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, les rémunérations ou gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale définie au premier alinéa de l'article L. 242-1 du même code et au deuxième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime sont soumis à une contribution à la charge de l'employeur.
12. Selon l'article L. 7121-8 du code du travail, la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur n'est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement.
13. Il en résulte que les redevances versées aux artistes ne sont pas dues en contrepartie de leur travail de sorte qu'elles n'entrent pas dans l'assiette du forfait social.
14. L'arrêt relève qu'il n'est pas contesté par l'URSSAF qu'en application des dispositions de l'article L. 7121-8 du code du travail, les royalties versées aux artistes sont la contrepartie de l'exercice d'un droit de propriété intellectuelle. Il retient en conséquence que ces redevances sont en dehors du champ d'application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et non exclues de l'assiette des cotisations au sens de l'article L. 137-15 du même code.
15. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a exactement décidé que les redevances litigieuses ne devaient pas être soumises au forfait social et que le redressement de ce chef devait être annulé.
16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le troisième moyen du pourvoi n° 2115803 du [5]
Enoncé du moyen
17. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :
« 1°/ que la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de son envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de son envoi ; que lorsque l'octroi d'un contrat de prêt par une banque à l'un de ses salariés est considéré comme constituant un avantage en nature au regard du taux préférentiel de crédit accordé, cet avantage a pour fait générateur la décision d'octroi dudit prêt à de telles conditions au jour de sa souscription ; que c'est en effet au jour de la souscription du prêt que naissent les obligations respectives des parties découlant du contrat de prêt, à savoir le versement instantané par la banque du capital emprunté dès la signature du contrat et le remboursement à échéance du prêt par le salarié emprunteur ; qu'en admettant que l'octroi par la société à ses salariés de contrats de prêt constitue un avantage assujetti à cotisations, le fait générateur des cotisations découle de la décision d'octroi de ce prêt au jour de sa souscription ; que l'exposante a dès lors soutenu que les contrats de prêt visés par le redressement ayant été souscrits à compter du 1er janvier 2007, lors de la notification de la mise en demeure du 13 décembre 2013 le redressement portait, au moins pour partie, sur des cotisations sociales dont le fait générateur était antérieur de plus de trois années ; qu'en retenant, pour écarter ce moyen, que « les contrats de prêt inclus dans l'assiette de redressement, bien que souscrits antérieurement à la période contrôlée, produisaient des effets, du fait de leur exécution successive, pendant ladite période » et en validant ainsi le redressement « peu important que les contrats de prêts aient été souscrits depuis le 1er janvier 2007, soit antérieurement à la période contrôlée », alors que le redressement ne pouvait porter sur des avantages qui ont un fait générateur - qui découle de la souscription du contrat de prêt à compter du 1er janvier 2007 - qui a pris naissance plus de trois ans avant l'année d'envoi de la lettre de mise en demeure, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, R. 243-6, L. 244-2 et L. 244-3 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;
2°/ qu'à supposer, tel que l'a retenu la cour d'appel, que l'avantage découlant de l'octroi d'un prêt à un taux préférentiel ait pour fait générateur, non la souscription du contrat de prêt, mais chaque paiement des mensualités du crédit, le montant de l'avantage - c'est à dire la différence entre le taux public et le taux préférentiel accordé - doit alors être apprécié, non pas au regard des taux publics en vigueur lors de la souscription du prêt, mais au regard des taux publics en vigueur sur la même périodicité que celle du paiement de l'échéance de prêt ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'URSSAF avait pu redresser la société au titre de contrats de prêt conclus à compter du 1er janvier 2007, c'est à dire au-delà de la période de trois années antérieures à la mise en demeure, la cour d'appel a retenu que « les contrats de prêt inclus dans l'assiette de redressement, bien que souscrits antérieurement à la période contrôlée, produisaient des effets, du fait de leur exécution successive, pendant ladite période » ; que, tel que l'a fait valoir la société, à supposer que l'on se place ainsi à la date des remboursements des échéances de prêt - et non à la date de souscription du prêt - pour faire naitre le point de départ du fait générateur de l'avantage et juger que le redressement pouvait porter sur des contrats « souscrits antérieurement à la période contrôlée », c'est alors à cette date de prise d'effet des contrats de prêt qu'il convenait de se placer pour apprécier l'étendue de l'avantage en nature accordé aux salariés en tenant compte de l'évolution des taux d'intérêt intervenue depuis la souscription des contrats ; qu'en validant néanmoins le chef de redressement prenant en compte les taux d'intérêts publics applicables au jour de la souscription des contrats de prêt, c'est à dire dès le 1er janvier 2007, pour retenir l'existence d'un avantage en nature accordé aux salariés du fait de l'octroi de prêts à des taux préférentiels supérieurs à la limite de 30 % et fixer le montant du redressement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 242-1, R. 243-6, L. 244-2 et L. 244-3 du code de la sécurité sociale ;
3°/ qu'en toute hypothèse en considérant que l'URSSAF avait pu redresser la société au titre de « stocks » de contrats de prêt conclus à compter du 1er janvier 2007, motifs pris de ce que ces contrats continuaient à prendre effet au cours de la période contrôlée, sans tenir compte dans le même temps - pour apprécier la valeur de l'avantage en nature accordé et le quantum du redressement - des taux d'intérêts en vigueur au cours de la période de contrôle, c'est à dire lors des années 2010 à 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, R. 243-6, L. 244-2 et L. 244-3 du code de la sécurité sociale ;
4°/ qu'en validant le chef de redressement prenant en considération les taux d'intérêt bancaires publics applicables au jour de la souscription des contrats de prêt à compter du 1er janvier 2007 pour retenir l'existence d'un avantage en nature accordé aux salariés du fait de l'octroi de prêts à des taux préférentiels supérieurs à la limite de 30 % et fixer le montant du redressement, sans répondre au moyen de la société soutenant que, à supposer que l'on se place comme l'a fait l'URSSAF à la date des remboursements des échéances de prêt et non à la date de souscription des prêts, pour estimer le fait générateur de l'avantage retenu, c'est alors également à cette date de prise d'effet des contrats de prêt qu'il convenait de se placer pour apprécier l'étendue de l'avantage en nature accordé aux salariés en tenant compte de l'évolution des taux d'intérêt intervenue depuis la souscription des contrats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
18. Aux termes de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de son envoi, ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de son envoi.
19. Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1, alinéa 1er, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que le versement de la rémunération constitue le fait générateur des cotisations sociales.
20. Sont considérées comme rémunérations les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion de leur travail, notamment les avantages en nature.
21. Lorsqu'un établissement bancaire accorde à ses salariés des prêts à taux préférentiel en raison de leur appartenance à l'entreprise, les cotisations afférentes à l'avantage en résultant sont exigibles à la date du remboursement de chaque échéance des prêts.
22. Cet avantage doit être évalué par comparaison entre le taux préférentiel des prêts consentis aux salariés et le taux accordé aux clients emprunteurs non salariés de l'établissement bancaire à la même date de souscription des prêts.
23. Pour valider le redressement relatif aux prêts à taux préférentiel consentis aux salariés, calculé par comparaison avec les taux accordés, à la même date, pour des prêts de même nature, à des clients non salariés, l'arrêt retient que, bien que souscrits antérieurement à la période contrôlée, ces prêts ont produit des effets du fait de leur exécution successive pendant ladite période.
24. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, que les cotisations afférentes aux avantages litigieux n'étaient pas prescrites.
25. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur les premier et deuxième moyens du pourvoi n° 2116070 de l'URSSAF, pris en leur première branche
Enoncé des moyens
26. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement relatif aux cotisations ouvrières d'assurance maladie sur l'avantage retraite servi par l'employeur et sur la cotisation sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) assises sur les avantages préretraite-mutuelle alors :
- premier moyen : « 1°/ que l'article L. 131-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale prévoit qu'une cotisation d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès est prélevée sur les avantages alloués aux assurés en situation de préretraite ou de cessation d'activité en application notamment de dispositions réglementaires ou conventionnelles ; que les cotisations de frais de santé ou de prévoyance que la société prend en charge à la place des anciens salariés en situation de préretraite, dans le cadre d'un dispositif de départ anticipé de fin de carrière prévue par accord d'entreprise, constituent des avantages entrant dans l'assiette de la cotisation précitée, peu important que ces avantages aient ou non un caractère indemnitaire, la loi n'opérant aucune distinction en ce sens ; qu'en jugeant que la prise en charge par l'employeur des cotisations de prévoyance des salariés préretraités ayant adhéré au dispositif de départ anticipé de fin de carrière prévue par accord d'entreprise, et dont le contrat était rompu, constituait un avantage devant être exclu de l'assiette des cotisations de par sa nature indemnitaire, la cour d'appel qui a distingué là où la loi ne distinguait pas, a violé l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-32 du 19 janvier 2005 et dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011, applicables au litige. »
- deuxième moyen : « 1°/ que les avantages de préretraites visés à l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale sont inclus dans l'assiette de la contribution sociale généralisée; que la contribution au remboursement de la dette sociale porte sur la même assiette que la contribution sociale généralisée ; qu'en jugeant que la prise en charge par l'employeur des cotisations de prévoyance des salariés préretraités ayant adhéré au dispositif de départ anticipé de fin de carrière prévue par accord d'entreprise, dont le contrat était rompu, constituait un avantage devant être exclu de l'assiette des cotisations de par sa nature indemnitaire, et annulant le point 14 du redressement portant sur la soumission de cet avantage à la CSG et à la CRDS, la cour d'appel a violé les articles L. 136-1, L. 136-2 et L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2001-377 du 2 mai 2001, les deux suivants dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, ensemble l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée par la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicables au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 131-2, alinéa 2, L. 136-1, L. 136-2 et L. 136-8 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, et l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée :
27. Selon le premier de ces textes, une cotisation d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès est prélevée sur les avantages alloués aux assurés en situation de préretraite ou de cessation d'activité en application de l'article L. 322-4 du code du travail, de l'ordonnance n° 82-108 du 30 janvier 1982 ainsi que des ordonnances n° 82-297 et n° 82-298 du 31 mai 1982 ou de dispositions réglementaires ou conventionnelles.
28. Il résulte de la combinaison du deuxième et du dernier qu'une contribution sociale généralisée et une contribution au remboursement de la dette sociale sont instituées sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement perçus par les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire français d'assurance maladie.
29. Pour annuler les redressements litigieux, l'arrêt retient que les versements effectués par l'entreprise afin d'éviter que la mise en préretraite et la rupture anticipée du contrat de travail n'entraînent pour les salariés un préjudice après la rupture du contrat de travail ont une nature indemnitaire et ne sont pas soumis aux cotisations sociales.
30. En statuant ainsi, alors que la prise en charge par l'employeur, à la place des anciens salariés en situation de préretraite, des cotisations de prévoyance et de mutuelle, dans le cadre du dispositif de départ anticipé de fin de carrière, constituait un avantage de retraite entrant dans l'assiette de la cotisation prévue à l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale et dans celle de la CSG et de la CRDS, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule le redressement relatif aux cotisations ouvrières d'assurance maladie ainsi qu'à la CSG et à la CRDS sur les avantages préretraite mutuelle servis par l'employeur, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.
Condamne la société [5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [5] et la condamne à payer à l'URSSAF d'[Localité 3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.
Soc., 1er avril 1999, pourvois n° 97-12.912 et n° 97-12.990, Bull. 1999, V, n° 149 (cassation).
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CASS/JURITEXT000047737769.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juin 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 583 F-B
Pourvoi n° G 21-22.263
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
La société Pompes funèbres assistance conseil funéraire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° 21-22.263 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à M. [M] [F], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Pompes funèbres assistance conseil funéraire, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [F], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 juillet 2021), statuant sur déféré, une cour d'appel a confirmé l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevable l'appel-nullité formé à titre principal et l'appel-réformation formé à titre subsidiaire par la société Pompes funèbres assistance conseil funéraire (la société) à l'encontre du jugement d'un conseil de prud'hommes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La société fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevable l'appel-nullité formé à titre principal et l'appel réformation formé à titre subsidiaire par la société le 21 juillet 2020, alors « que lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité ; qu'ayant retenu qu'il n'est pas permis à l'appelant de présenter dans un même acte d'appel un appel-nullité à titre principal, irrecevable en l'espèce, et un appel réformation à titre subsidiaire, pour décider de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état, en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'appel-nullité formé à titre principal et l'appel réformation formé à titre subsidiaire par la société Pompes funèbres assistance conseil funéraire dans son acte d'appel du 21 juillet 2020, et en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles, la cour d'appel a violé les articles 561, 562 et 549 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 542 et 562 du code de procédure civile :
3. Selon le premier de ces textes, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
4. Il résulte du second, que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
5. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
6. Pour déclarer irrecevables l'appel-nullité formé à titre principal par la société, comme son appel-réformation subsidiaire, l'arrêt retient, par motifs propres, que la déclaration d'appel comprend à titre principal un appel-nullité et, à titre subsidiaire, un appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Il relève que l'appel-nullité est une voie de recours d'exception fondée sur un excès de pouvoir, qui ne se conçoit qu'à titre subsidiaire lorsque l'appel ordinaire est temporairement ou définitivement impossible, et relève que le jugement étant susceptible d'appel, la société ne pouvait présenter dans un même acte un appel-nullité principal et un appel réformation subsidiaire. Il en déduit que tant l'appel principal que l'appel subsidiaire sont irrecevables.
7. En statuant ainsi, alors qu'il est loisible à un appelant de faire, dans la même déclaration d'appel, un appel-nullité principal et un appel-réformation subsidiaire, la cour a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.
Condamne M. [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la société Pompes funèbres assistance conseil funéraire la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047737790.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 juin 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 423 FS-B
Pourvoi n° G 21-10.119
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023
La société Appart'City, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-10.119 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [Y] [G], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Appart'City, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [G], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 novembre 2020), le 27 septembre 2012, M. [G] (le bailleur) a donné à bail commercial à la société Park & Suites, aux droits de laquelle est venue la société Appart'City (la locataire), deux appartements situés dans une résidence de tourisme.
2. Le 22 avril 2014, le bailleur a assigné la locataire en paiement d'un arriéré locatif, indemnisation de ses préjudices, remboursement de frais d'huissier de justice et communication de documents comptables de la résidence.
3. Actualisant, en cause d'appel, sa demande au titre de l'arriéré locatif, le bailleur l'a étendue au solde des loyers des premier et deuxième trimestres 2020, soit ceux échus, pour partie, alors que les mesures gouvernementales d'interdiction de recevoir du public afin de lutter contre la propagation du virus covid-19, étaient en vigueur.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en ses cinquième et septième branches, les troisième à cinquième moyens et le sixième moyen, pris en sa troisième branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre premières branches
Enoncé du moyen
5. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au bailleur certaines sommes complémentaires au titre des loyers des premier et deuxième trimestres 2020, alors :
« 1°/ qu'est constitutif d'un cas de force majeure un événement présentant un caractère imprévisible, lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution ; que constitue un cas de force majeure, susceptible de l'exonérer, au moins temporairement, du paiement des loyers, l'impossibilité pour une société de location touristique d'exercer son activité, en raison des interdictions prononcées par les autorités publiques dans le cadre des mesures sanitaires prises pour la lutte contre la pandémie de covid-19 ; que dans ses conclusions d'appel, la société Appart'city soutenait qu'elle n'avait pas pu se libérer du règlement des loyers durant la période de confinement, dès lors qu'elle avait subi une perte totale de clientèle, s'apparentant à la perte de la chose due ; que la cour d'appel a refusé de retenir l'existence d'un cas de force majeure lié à l'épidémie de covid-19, en se bornant à constater qu'il n'était pas justifié par la société Appart'city de difficultés de trésorerie rendant impossible l'exécution de son obligation de payer les loyers ; qu'en s'abstenant ainsi de rechercher, comme elle y était invitée, si ces difficultés de trésorerie ne se déduisaient pas de ce que la société Appart'city avait été dans l'impossibilité d'exercer la moindre activité pendant la période de confinement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble de l'article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, et de l'article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, dans sa version modifiée par le décret n° 2020-604 du 20 mai 2020 ;
2°/ qu'est constitutif d'un cas de force majeure un événement présentant un caractère imprévisible, lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution ; que constitue un cas de force majeure, susceptible de l'exonérer, au moins temporairement, du paiement des loyers, l'impossibilité pour une société de location touristique d'exercer son activité, en raison des interdictions prononcées par les autorités publiques dans le cadre des mesures sanitaires prises pour la lutte contre la pandémie de covid-19 ; que la cour d'appel a écarté tout événement de force majeure lié à l'épidémie de covid-19, dès lors que l'article 10 du décret du 11 mai 2020, modifié le 20 mai 2020, tout en interdisant l'accueil du public dans les résidences de tourisme, a prévu une dérogation concernant les personnes qui y élisent domicile, de sorte que toute activité n'aurait pas été interdite à la société Appart'city, laquelle ne produit aucun élément permettant de constater que l'activité qu'elle exerce ne correspond qu'à la location de locaux d'habitation proposés à une clientèle touristique qui n'y élit pas domicile, pour une occupation à la journée, à la semaine ou au mois, comme prévu à l'article R. 321-1 du code du tourisme ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société Appart'city ne s'était pas trouvée dans l'impossibilité totale d'exercer son activité pour la période de confinement antérieure au décret du 11 mai 2020, modifié le 20 mai 2020, pendant laquelle il était interdit à la population de se déplacer à plus d'un kilomètre de son domicile sauf pour des motifs impérieux limitativement énumérés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ;
3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le bail commercial du 21 septembre 2012 stipule que les lots donnés à bail constituent une résidence de tourisme, telle que définie par l'article D. 321-1 du code du tourisme, ce qu'a constaté la cour d'appel, texte dont il résulte que les locaux d'habitation meublés sont proposés à une clientèle touristique qui n'y élit pas domicile ; qu'en jugeant que toute activité n'avait pas été interdite à la société Appart'city, dès lors que l'article 10 du décret du 11 mai 2020, tel que modifié par le décret du 20 mai 2020, prévoyait une dérogation à l'interdiction d'accueillir du public dans les résidences de tourisme concernant les personnes qui y élisent domicile, et que l'exposante ne produisait aucun élément permettant de constater que l'activité qu'elle exerce ne correspond qu'à la location de locaux d'habitation proposés à une clientèle touristique qui n'y élit pas domicile, quand il résultait clairement des termes du contrat de bail commercial qu'une telle activité lui était interdite, la cour d'appel a méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ que le fait du prince correspond à une décision de l'autorité publique ayant pour conséquence de porter atteinte à l'équilibre financier de situations contractuelles et qui, en matière civile, peut constituer un cas de force majeure ; qu'en jugeant que la théorie jurisprudentielle du fait du prince concernait uniquement les rapports entre une personne morale de droit public et son cocontractant, la cour d'appel a violé l'article 1148 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article 1148 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il n'y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.
7. Constitue un cas de force majeure un événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution (Ass. plén., 14 avril 2006, pourvoi n° 02-11.168, Bull. 2006, Ass. plén. n° 5), l'irrésistibilité n'étant pas caractérisée si l'exécution est seulement rendue plus difficile ou onéreuse.
8. Dès lors, le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure (Com., 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.306, Bull. 2014, IV, n° 118).
9. Il en résulte que l'impossibilité d'exercer une activité du fait des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus covid-19, ne pouvait exonérer la locataire du paiement des loyers échus pendant les premier et deuxième trimestres 2020.
10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au bailleur une certaine somme au titre du loyer dû pour le quatrième trimestre de l'année 2014, alors « que le juge ne peut pas dénaturer dans les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, pour contester sa condamnation au paiement des loyers échus, l'exposante faisait valoir dans ses conclusions, tableau à l'appui, qu'elle était à jour de l'ensemble des loyers au début de l'année 2020, M. [G] lui devant même des sommes à cette date ; qu'en jugeant pourtant, pour confirmer le jugement ayant prononcé une condamnation au titre du loyer du 4ème trimestre de l'année 2014, que le montant des loyers de retard fixé dans le jugement déféré n'était pas contesté, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposante, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
13. Pour condamner la locataire à payer au bailleur une certaine somme au titre du loyer dû pour le quatrième trimestre de l'année 2014, l'arrêt énonce que le montant des loyers de retard fixé dans la décision déférée n'est pas contesté.
14. En statuant ainsi, alors que la locataire soutenait être à jour de l'ensemble des loyers au début de l'année 2020, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
15. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au bailleur une certaine somme en réparation du préjudice subi du fait des retards de paiement du loyer, alors « que les dommages-intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ; que le juge ne peut allouer des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser, d'une part, la mauvaise foi du débiteur, d'autre part, l'existence d'un préjudice indépendant du retard ; qu'en l'espèce, pour allouer à M. [G] la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts au titre de son préjudice subi du fait des divers retards de paiement de la société Appart'city, la cour d'appel a relevé l'impossibilité pour M. [G] de régler certaines dépenses afférentes aux biens donnés à bail, et le rejet avec mise en demeure de prélèvements bancaires dès lors que M. [G] avait domicilié sur un même compte les paiements des loyers et charges, et les remboursements d'emprunts, relatifs aux biens loués ; que la cour d'appel a également relevé que M. [G] avait été contraint de suivre de façon particulièrement précise le paiement des loyers, qu'il avait dû recourir à de très nombreuses démarches et avait engagé des frais de recouvrement (lettres recommandées de mise en demeure et plus de vingt sommations de payer) ; qu'en statuant par de tels motifs, insuffisants à établir la mauvaise foi de la société Appart'city, la cour d'appel a violé l'article 1153, devenu 1231-6, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1153, alinéa 4, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
16. Aux termes de ce texte, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
17. Pour condamner la locataire à payer au bailleur une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des retards de paiement du loyer, l'arrêt retient que ces retards ont entraîné l'impossibilité de régler certaines dépenses afférentes aux biens donnés à bail, le rejet de prélèvements bancaires et l'engagement de frais de recouvrement.
18. En statuant ainsi, sans constater la mauvaise foi de la locataire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le sixième moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
19. La locataire fait grief à l'arrêt de lui ordonner de communiquer les comptes d'exploitation individualisés pour les années 2013 et 2014, les bilans des mêmes années et les comptes d'exploitation de la résidence pour les exercices 2012 et 2015 à 2019, alors :
« 1°/ que le juge ne peut accueillir ou rejeter les demandes dont il est saisi sans examiner tous les éléments de preuve qui lui sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait ordonné à la société Appart'city de communiquer sous astreinte à M. [G] les comptes d'exploitation individualisés pour les années 2013 et 2014 et les bilans des années 2013 et 2014, sans examiner, fût-ce sommairement, la pièce n° 2 de la société Appart'city, dont il résultait que ces documents avaient été communiqués à M. [G] par courrier officiel du conseil de la société Appart'city du 25 juin 2016, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge ne peut accueillir ou rejeter les demandes dont il est saisi sans examiner tous les éléments de preuve qui lui sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en ordonnant à la société Appart'city de communiquer sous astreinte à M. [G] les comptes d'exploitation pour les exercices 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, sans examiner, fût-ce sommairement, les pièces n° 3, 6 et 9 de la société Appart'city, dont il résultait que les comptes d'exploitation pour ces exercices avaient bien été transmis à M. [G], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
20. Il résulte de ce texte que le juge doit procéder à l'examen, même sommaire, des pièces produites par les parties.
21. Pour condamner la locataire à communiquer sous astreinte les comptes d'exploitation des années 2013 et 2014, l'arrêt retient qu'il résulte de ses conclusions que ces documents ne sont pas régulièrement communiqués.
22. Il ajoute que concernant les années ultérieures, la preuve de l'envoi au bailleur des comptes d'exploitation n'est pas rapportée.
23. En statuant ainsi, sans examiner, même sommairement, les courriers des 25 juin et 20 juillet 2016, 11 avril 2019 et 24 avril 2020, relatifs à la communication au bailleur des documents en litige pour les années 2013 à 2019, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Appart'City, d'une part, à payer à M. [G] les sommes de 2 509,52 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2015, au titre du loyer dû pour le quatrième trimestre de l'année 2014 et de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires pour retard de paiement du loyer, d'autre part, à communiquer sous astreinte à M. [G] les comptes d'exploitation et les bilans de la résidence Innovallée de Montbonnot pour les années 2013 et 2014 ainsi que les comptes d'exploitation, au sens de l'article L. 321-2, alinéa 2, du code du tourisme, pour les années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.
Com., 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.306, Bull. 2014, IV, n° 118 (rejet) ; 3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.190, Bull., (rejet) (3), et l'arrêt cité.
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CASS/JURITEXT000047737776.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juin 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 594 F-B
Pourvoi n° U 20-21.625
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [M], épouse [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 mars 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
Le comptable du service des impôts des entreprises de [Localité 6], comptable public, domicilié [Adresse 3], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Meuse et du directeur général des finances publiques, lui-même domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-21.625 contre le jugement rendu le 4 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Vesoul, dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [M], épouse [B], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société [5], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], dont un établissement est chez [7], [Adresse 8],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable du service des impôts des entreprises de [Localité 6], comptable public, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Meuse et du directeur général des finances publiques, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [M], épouse [B], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Vesoul, 4 septembre 2020), rendu en dernier ressort, le 14 mai 2019, une commission de surendettement des particuliers a déclaré recevable la demande de Mme [M] tendant au traitement de sa situation financière.
2. Le service des impôts des entreprises de [Localité 6] a formé un recours contre cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 722-1, R. 722-2, L. 723-1 et L. 724-1 du code de la consommation :
4. Aux termes du premier de ces textes, la commission examine la situation du débiteur et se prononce sur la recevabilité de sa demande. Aux termes du deuxième, la décision rendue par la commission sur la recevabilité du dossier est susceptible de recours devant le juge des contentieux de la protection. Selon le troisième, après avoir procédé à l'examen de la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement, la commission dresse l'état du passif du débiteur. Selon le quatrième, lorsqu'il ressort de l'examen de la demande de traitement de la situation de surendettement que les ressources ou l'actif réalisable du débiteur le permettent, la commission prescrit des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7. Lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, la commission peut, soit imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, soit saisir, avec l'accord du débiteur, le juge des contentieux de la protection aux fins d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que le juge qui, saisi d'un recours formé contre la décision rendue sur la recevabilité, déclare recevable la demande du débiteur, doit renvoyer le dossier à la commission de surendettement à fin de poursuite de l'instruction de l'affaire, aucune disposition du code de la consommation n'autorisant, à l'occasion de ce recours, de prononcer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
6. Après avoir constaté l'état d'endettement et la bonne foi de Mme [M] ainsi que l'existence d'une situation irrémédiablement compromise, le jugement prononce un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
7. En statuant ainsi, le juge des contentieux de la protection, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. La cassation prononcée, par voie de retranchement, n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE par voie de retranchement mais seulement en ce qu'il prononce un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au bénéfice de Mme [M], le jugement rendu le 4 septembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Vesoul ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que l'affaire se poursuivra devant la commission de surendettement des particuliers de la Haute-Saône à fin de poursuite de la procédure.
Condamne Mme [M] et la société [5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047737774.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juin 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 592 F-B
Pourvoi n° E 21-18.695
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
La société Alfar, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° E 21-18.695 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat des copropriétaires de [Adresse 5], dont le siège est [Adresse 4], pris en la personne de son administrateur provisoire, M. [Y], domicilié SCP CBF Associés, [Adresse 1],
2°/ à [J] [L], décédé, ayant été domicilié [Adresse 7], et pris en qualité d'ancien mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Alfar puis de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société, représenté par M. [M], en qualité d'administrateur provisoire de son étude,
3°/ à M. [G] [C], domicilié [Adresse 3], pris en qualité d'ancien administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Alfar,
4°/ à M. [V] [M], domicilié [Adresse 2], mandataire judiciaire pris en qualité d'administrateur provisoire de la société MJPA, étude de [J] [L], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Alfar,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Alfar, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat du syndicat des copropriétaires de [Adresse 5], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 mars 2021) et les productions, en exécution d'une ordonnance rendue par un juge de l'exécution, le syndicat des copropriétaires de [Adresse 5] (le syndicat des copropriétaires) a pris, le 18 juillet 2013, une inscription provisoire de nantissement sur un fonds de commerce appartenant à la société Alfar (la société) qui a été dénoncée à cette dernière.
2. Par jugement du 5 novembre 2015, une procédure de sauvegarde a été ouverte au profit de la société, M. [L] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire et M. [C], en qualité d'administrateur judiciaire.
3. Par bordereau déposé le 13 juillet 2016, le syndicat des copropriétaires a renouvelé l'inscription provisoire.
4. La société et M. [C], en qualité d'administrateur judiciaire, ont saisi un juge de l'exécution en mainlevée du nantissement.
5. Par jugement du 29 mai 2017, un tribunal de commerce a arrêté et homologué le plan de sauvegarde de la société, désigné M. [L] en qualité de commissaire chargé de veiller à son exécution, mis fin à la mission de l'administrateur et l'a maintenu toutefois pour la mise en oeuvre du plan et les procédures en cours.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir constater que le renouvellement du nantissement judiciaire provisoire du fonds de commerce lui appartenant ne lui avait pas été dénoncé et à voir ordonner mainlevée de ce nantissement judiciaire, alors « qu'à peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription du nantissement judiciaire sur un fonds de commerce, le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice ; que le renouvellement de cette inscription est effectué dans les mêmes formes que la publicité initiale et doit ainsi être notifié au débiteur, à peine de caducité – celle-ci impliquant qu'il soit ordonné mainlevée de la sûreté judiciaire à la demande du débiteur ; qu'en retenant au contraire, pour refuser d'ordonner mainlevée de l'inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce appartenant à la société Alfar, que n'était pas nécessaire une notification de son renouvellement, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles R. 532-5 et R. 532-7 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article R. 532-2 du code des procédures civiles d'exécution, l'inscription provisoire de nantissement sur un fonds de commerce est opérée par le dépôt au greffe du tribunal de commerce de deux bordereaux.
8. Selon l'article R. 532-5 du même code, à peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription ou la signification du nantissement, le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice.
9. Aux termes de l'article R. 532-7 du même code, la publicité provisoire conserve la sûreté pendant trois ans. Elle peut être renouvelée pour la même durée. Le renouvellement est effectué dans les conditions prévues aux articles 61 et suivants du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, pour l'inscription provisoire d'hypothèque, et dans les mêmes formes que la publicité initiale pour les autres sûretés judiciaires.
10. Ayant relevé qu'il résulte de l'article R. 532-7 précité que la publicité du renouvellement obéit au formalisme applicable à l'inscription initiale, la cour d'appel en a exactement déduit que ces dispositions ne prévoient pas la notification du renouvellement de l'inscription au débiteur.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Alfar aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alfar et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de [Adresse 5] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 juin 2023
Cassation partielle
Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 392 F-B
Pourvoi n° T 22-14.709
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023
1°/ M. [F] [E],
2°/ Mme [R] [C], épouse [E],
tous deux domiciliés [Adresse 2], agissant en qualité de représentants légaux de [R] [Z] [C] [E],
ont formé le pourvoi n° T 22-14.709 contre l'arrêt rendu le 15 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige les opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Bruyère, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 février 2022), Mme [C] et M. [E] (les époux [E]), agissant en qualité de représentants légaux de leur fille adoptive mineure [R] [Z], ont assigné le ministère public en contestation du refus d'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite sur le fondement de l'article 21-12 du code civil.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
3. Les époux [E], en tant que représentants légaux de leur fille adoptive mineure, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite par celle-ci, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, alors « qu'il appartient au juge d'apprécier, lorsque cela lui est demandé, si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre des dispositions légales applicables ne porte pas aux droits fondamentaux de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ; qu'en se bornant à confirmer le jugement entrepris ayant débouté les époux [E], agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fille adoptive mineure, de l'ensemble de leurs demandes tendant à l'annulation de la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par celle-ci sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si ce refus ne portait pas une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de leur fille adoptive mineure à la vie privée et familiale, dès lors qu'il affectait un élément de son identité personnelle et qu'il la privait de la possibilité de circuler librement avec ses parents adoptifs français avec lesquels elle avait toujours vécu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
4. D'après ce texte « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
5. Pour rejeter la demande de contestation du refus d'enregistrement de déclaration acquisitive de nationalité sur le fondement de l'établissement de la filiation adoptive, l'arrêt retient que l'intéressée ne dispose pas d'un état civil fiable et certain.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ce refus n'entravait pas de façon disproportionnée la jouissance du droit au respect de la vie privé et familiale garanti par la Convention alors que la détermination de la nationalité de l'intéressée dépend directement de sa filiation adoptive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, l'arrêt rendu le 15 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047805117.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 juillet 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 515 FS-B
Pourvoi n° P 22-18.914
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUILLET 2023
Mme [T] [C], épouse [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-18.914 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Sanofi Pasteur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [M], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Sanofi Pasteur, l'avis écrit de M. Chaumont, avocat général, et l'avis oral de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Le Gall, conseiller référendaire, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 31 mai 2022), le 20 mars 2003, Mme [M] a été vaccinée contre la diphtérie, le tétanos et la polyomyélite au moyen du vaccin Revaxis, fabriqué par la société Sanofi Pasteur (la société).
2. Le 17 juin 2020, éprouvant différents troubles imputés par elle à une myofasciite à macrophages consécutive à la vaccination, elle a assigné la société en responsabilité et indemnisation. La société lui a opposé la prescription de son action.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et seconde branches
Enoncé du moyen
3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de constater l'irrecevabilité de son action à l'encontre de la société, de déclarer irrecevables ses demandes fondées sur les dispositions des articles 1245-1 et suivants du code civil et de constater l'extinction de l'instance, alors :
« 1°/ que l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; que, lorsque le dommage est un dommage corporel, la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage est celle de la consolidation, qui est la date de la manifestation du dommage et, donc, la seule permettant au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci ; qu'il en résulte que le point de départ du délai de prescription auquel est soumise l'action en réparation d'un dommage corporel fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux ne peut être fixé à une date antérieure à la date de la consolidation ; que, d'autre part, la date de la consolidation d'un dommage corporel est la date de stabilisation des conséquences des lésions organiques et physiologiques, c'est-à-dire celle à laquelle les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que l'action de Mme [M], à l'encontre de la société Sanofi Pasteur fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux était prescrite et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [M], fondées sur les dispositions des articles 1245-1 et suivants du code civil et constater l'extinction de l'instance entre Mme [M], et la société Sanofi Pasteur, qu'au plus tard le 15 octobre 2013, Mme [M], disposait d'éléments complets sur ses différentes pathologies et sur leur étiologie prétendue, c'est-à-dire sur leur cause résidant dans la défectuosité prétendu du vaccin à l'origine du syndrome de myofasciite à macrophage diagnostiqué au mois de mars 2008 et qu'au plus tard à la date du 15 octobre 2013, Mme [M], avait une connaissance précise du dommage, c'est-à-dire des diverses pathologies alléguées à la suite des multiples examens et bilans réalisés en 2013, quand, en se déterminant de la sorte, elle ne caractérisait pas que le 15 octobre 2013 était la date de consolidation des pathologies invoquées par Mme [M], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1386-17 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et des dispositions de l'article 1245-16 du code civil ;
2°/ que l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; que, lorsque le dommage est un dommage corporel, la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage est celle de la consolidation, qui est la date de la manifestation du dommage et, donc, la seule permettant au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci ; qu'il en résulte que le point de départ du délai de prescription auquel est soumise l'action en réparation d'un dommage corporel fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux ne peut être fixé à une date antérieure à la date de la consolidation ; que la circonstance que le dommage est un dommage corporel présentant un caractère évolutif est de nature à faire obstacle à la fixation de la date de la consolidation ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que l'action de Mme [M] à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux était prescrite et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] fondées sur les dispositions des articles 1245-1 et suivants du code civil et constater l'extinction de l'instance entre Mme [M] et la société, qu'au plus tard le 15 octobre 2013, Mme [M] disposait d'éléments complets sur ses différentes pathologies et sur leur étiologie prétendue, c'est-à-dire sur leur cause résidant dans la défectuosité prétendu du vaccin à l'origine du syndrome de myofasciite à macrophage diagnostiqué au mois de mars 2008 et qu'au plus tard à la date du 15 octobre 2013, Mme [M] avait une connaissance précise du dommage, c'est-à-dire des diverses pathologies alléguées à la suite des multiples examens et bilans réalisés en 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par Mme [M], si les pathologies invoquées par Mme [M] ne présentaient pas un caractère évolutif et si cette circonstance n'avait pas eu pour conséquence que le délai de prescription auquel était soumise l'action de Mme [M] à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux n'avait pu commencer à courir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1386-17 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et des dispositions de l'article 1245-16 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1386-17, devenu 1245-16, du code civil :
4. Selon ce texte, l'action en réparation fondée sur les dispositions des articles 1245 et suivants de ce code se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
5. En cas de dommage corporel, la date de la connaissance du dommage doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage.
6. En cas de pathologie évolutive, qui rend impossible la fixation d'une date de consolidation, le délai de prescription fixé par le texte susvisé ne peut commencer à courir.
7. Pour déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] fondées sur la responsabilité du fait des produits défectueux, l'arrêt retient que celle-ci a subi, en 2013, de multiples examens et bilans de ses différentes pathologies, dont la plupart étaient apparues entre 2004 et 2007 et qu'au plus tard le 15 octobre 2013, jour du dernier examen médical, elle avait donc une connaissance précise de son dommage.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le dommage de Mme [M] était consolidé et, à défaut, si sa pathologie présentait un caractère évolutif faisant obstacle à la consolidation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
9. Mme [M] fait grief à l'arrêt de constater l'irrecevabilité de son action à l'encontre de la société, de déclarer irrecevables ses demandes fondées sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil et de constater l'extinction de l'instance, alors « que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; qu'en retenant, par conséquent, pour constater que l'action de Mme [M], à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité délictuelle pour faute était prescrite et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de Mme [M], fondées sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil et constater l'extinction de l'instance entre Mme [M], et la société, que l'action de Mme [M], à l'encontre de la société fondée sur la responsabilité délictuelle pour faute était soumise au délai de prescription de cinq ans prévu par les dispositions de l'article 2224 du code civil, quand il résultait de ses propres constatations que cette action était née d'un événement ayant entraîné un dommage corporel et quand il en résultait que cette action était soumise à un délai de prescription de dix ans, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 2224 et 2226 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
10. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.
11. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée.
12. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 2226 du code civil :
13. Aux termes de ce texte, l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé.
14. Pour déclarer irrecevables les demandes de Mme [M] fondées sur la responsabilité pour faute, l'arrêt fait application de l'article 2224 du code civil.
15. En statuant ainsi, après avoir constaté que Mme [M] agissait en réparation de préjudices résultant d'un dommage corporel, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par refus d'application.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les conclusions déposées au greffe et notifiées par Mme [M] le 8 mars 2022 comme étant tardives, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Sanofi Pasteur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sanofi Pasteur et la condamne à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047805339.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 juillet 2023
Cassation partielle
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 793 F-B
Pourvoi n° J 22-19.623
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
Mme [X] [K], épouse [G], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 22-19.623 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Mutuelle assurances corps santé français, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société Mutuelle Intériale, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [K], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Mutuelle assurances corps santé français, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 31 mai 2022), Mme [G] a été victime, le 24 mai 2015, alors qu'elle était passagère d'une motocyclette, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule automobile assuré par la société Mutuelle assurances corps santé français (l'assureur).
2. Mme [G] a assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] et de la mutuelle Intériale, en indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. Mme [G] fait grief à l'arrêt de limiter à 4 014 euros l'indemnisation due au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne, et de la débouter de sa demande d'indemnisation pour le poste d'assistance par une tierce personne après le 23 novembre 2016 et après consolidation médico-légale fixée au 18 janvier 2017, alors :
« 1°/ que le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne ; qu'en jugeant qu'elle ne justifiait pas d'un besoin en aide humaine postérieurement à l'intervention chirurgicale du 23 novembre 2016, dans la mesure où elle aurait elle-même déclaré aux experts être en mesure d'effectuer depuis cette date les actes « ordinaires » de la vie quotidienne, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'elle serait en mesure d'effectuer l'ensemble des actes de la vie quotidienne, a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ;
4°/ que le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne ; qu'en jugeant, pour écarter tout besoin en tierce personne postérieurement à l'intervention chirurgicale du 23 novembre 2016 et à la consolidation, que le docteur [N], médecin-conseil de l'assureur du responsable, aurait précisé, dans le cadre d'un avis du 18 janvier 2019, qu'il n'existait pas à ce jour d'impossibilité de réaliser les tâches ménagères « légères » de la maison, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à exclure l'absence de tout besoin en tierce personne, a privé sa décision de base légale au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
5. Il résulte de ce principe que le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d'autonomie la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne.
6. Pour refuser d'allouer à Mme [G] une indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne après le 23 novembre 2016, l'arrêt retient que depuis cette date, elle peut assumer sans aide les actes ordinaires de la vie quotidienne, et que, depuis le 18 janvier 2019, elle n'est pas dans l'impossibilité de réaliser les tâches ménagères légères.
7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter le besoin d'assistance de Mme [G] dans la réalisation de l'ensemble des actes de la vie quotidienne, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt fixant le préjudice de Mme [G] pour le poste d'assistance temporaire par tierce personne à la somme de 4 014 euros et la déboutant de ses demandes d'indemnisation de ce même poste après le 23 novembre 2016 ainsi qu'au titre de l'assistance après la consolidation entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'assureur à lui verser la somme de 120 798,84 euros en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le préjudice de Mme [G] pour le poste d'assistance temporaire par une tierce personne à la somme de 4 014 euros , la déboute de sa demande d'indemnisation pour le poste d'assistance par une tierce personne après le 23 novembre 2016 et après consolidation et condamne la société Mutuelle assurances corps santé français à verser à Mme [G] la somme de 120 798,84 euros en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.
Condamne la société Mutuelle assurances corps santé français aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mutuelle assurances corps santé français, ainsi que la demande formée par Mme [G] à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] et de la mutuelle Intériale, et condamne la société Mutuelle assurances corps santé français à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047805337.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 juillet 2023
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 789 F-B
Pourvoi n° K 22-11.045
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
1°/ Mme [D] [Y],
2°/ M. [U] [Y],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° K 22-11.045 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société BPCE Prévoyance, société anonyme, anciennement dénommée ABP Prévoyance, anciennement dénommée Assurances Banque Populaire Prévoyance,
2°/ à la société BPCE Vie, société anonyme, anciennement dénommée ABP vie, anciennement dénommée Assurances Banque Populaire Vie,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 1],
3°/ à la société Banque populaire Val-de-France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [D] [Y] et M. [U] [Y], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat des sociétés BPCE Prévoyance et BPCE Vie, de Me Bouthors, avocat de la société Banque populaire Val-de-France, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 novembre 2021), en vue de garantir le paiement d'un prêt professionnel consenti par la Banque populaire Val-de-France (la banque), [P] [Y] a adhéré à l'assurance couvrant les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail souscrite par la banque auprès des sociétés Assurance banque populaire prévoyance et Assurance banque populaire vie, aux droits desquelles viennent les sociétés BPCE Prévoyance et BPCE Vie (l'assureur).
2. [P] [Y] est décédé le 24 juillet 2012. L'assureur a refusé sa garantie en invoquant de fausses déclarations intentionnelles de l'assuré.
3. Mme [D] [Y], sa fille, et Mme [I] [Y], sa veuve, agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, [U] [Y], ont assigné la banque et l'assureur devant un tribunal de grande instance afin que ce dernier prenne en charge le capital restant dû au jour du décès de [P] [Y].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [D] [Y] et M. [U] [Y], devenu majeur, (les consorts [Y]), font grief à l'arrêt d'annuler l'adhésion à l'assurance de [P] [Y] du 26 janvier 2011 et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « qu'en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle faite par l'assuré à l'occasion de la souscription d'une police garantissant plusieurs risques distincts, l'appréciation de la portée, en ce qui concerne l'assureur, de cette réticence ou fausse déclaration, doit se faire par rapport à chaque risque en litige, indépendamment des circonstances du sinistre ; qu'en retenant en l'espèce que les fausses déclarations de [P] [Y] avait influé sur l'appréciation par l'assureur du risque d'arrêt de travail, s'agissant de son opération du canal carpien, ou du risque d'incapacité temporaire de travail, s'agissant de sa phlébite, quand se trouvait en cause, par suite du décès de [P] [Y], l'assurance-décès souscrite par ce dernier, la cour d'appel a violé l'article L. 113-8 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que les consorts [Y] n'ont pas fait valoir, devant la cour d'appel, que l'appréciation de la fausse déclaration devait se faire par rapport à chaque risque en litige, de sorte que la critique est nouvelle.
6. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt attaqué, est recevable comme étant de pur droit.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 113-8 du code des assurances :
7. Il résulte de ce texte que le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, lorsque cette réticence ou fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur.
8. L'appréciation de la portée de cette réticence ou fausse déclaration sur l'opinion du risque pour l'assureur doit se faire indépendamment des circonstances du sinistre mais, s'agissant d'une police garantissant plusieurs risques distincts, par rapport à chacun des risques garantis.
9. Pour déclarer nulle l'adhésion de [P] [Y] au contrat d'assurance, l'arrêt retient qu'il ne peut être sérieusement soutenu qu'une intervention sur le canal carpien chez un homme exerçant la profession manuelle de boucher, qui nécessite la répétition continue de mouvements requérant une bonne force dans les mains, ne constitue pas un antécédent important de nature à influer sur l'appréciation du risque d'arrêt de travail. Il relève que, s'agissant de la phlébite, le manuel de tarification produit par l'assureur préconise une exclusion de garantie du risque « incapacité temporaire ».
10. L'arrêt ajoute que lorsque l'assurance couvre, comme en l'espèce, l'incapacité de travail, les renseignements que l'assureur a besoin de connaître pour apprécier ce risque sont beaucoup plus étendus que pour la seule assurance décès, car les causes d'incapacité de travail sont plus diverses que celles du décès. Il en déduit que les fausses déclarations ont nécessairement diminué l'opinion du risque pour l'assureur, même si ce risque a été sans incidence sur le sinistre, causé par le suicide de l'assuré.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les fausses déclarations retenues avaient été de nature à changer l'objet du risque « décès » ou à en modifier l'opinion pour l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Condamne les sociétés BPCE Prévoyance, BPCE Vie et Banque populaire Val-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés BPCE Prévoyance, BPCE Vie et Banque populaire Val-de-France, et les condamne in solidum à payer à Mme [D] [Y] et à M. [U] [Y] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047805335.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juillet 2023
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 782 F-B
Pourvoi n° S 19-24.655
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
M. [S] [D], domicilié [Adresse 1], Singapore (Singapour), a formé le pourvoi n° S 19-24.655 contre l'ordonnance n° RG : 18/12908 rendue le 24 septembre 2019 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-11 OP), dans le litige l'opposant à la société [U] [F], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [D], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société [U] [F], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 24 septembre 2019), M. [D] a confié à la société [U] [F], avocat, la défense de ses intérêts dans plusieurs procédures pénales. Des conventions d'honoraires ont été régularisées en juin 2016.
2. M. [D] a contesté cinq factures d'honoraires que lui avait adressé son avocat les 15 septembre et 4 novembre 2016, les 20 janvier, 6 mars et 5 mai 2017.
3. L'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre aux fins de fixation de ses honoraires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
5. M. [D] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires dus à l'avocat à 71 889,04 euros pour les diligences accomplies entre le 1er juillet et le 31 août 2016, selon facture du 15 septembre 2016, à 188 122,60 euros pour les diligences accomplies entre le 1er septembre et le 31 octobre 2016, selon facture du 4 novembre 2016, à 232 243,04 euros pour les diligences accomplies entre le 1er novembre et le 31 décembre 2016, selon facture du 20 janvier 2017, à 241 993,85 euros pour les diligences accomplies entre le 1er janvier et le 28 février 2017, selon facture du 6 mars 2017, de fixer les honoraires dus par M. [D] à l'avocat au titre des diligences faisant l'objet de la facture du 5 mai 2017, accomplies entre le 1er mars et le 30 avril 2017, à la somme de 66 000 euros TTC, l'ensemble de ces condamnations avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017, alors :
« 2°/ que, seul le paiement des honoraires, après service rendu, prive le juge de la faculté d'en réduire le montant ; qu'en l'espèce, le premier président a expressément relevé que si les factures comportaient la mention manuscrite « lu et approuvé bon pour accord » suivie de la signature de M. [D], seule la facture en date du 8 juillet 2016 avait été acquittée pour un montant de 100 505,09 euros, M. [D] ayant expressément refusé de s'acquitter du paiement des cinq facturations suivantes ; qu'en jugeant que le montant des honoraires de M. [F] figurant sur ces dernières factures ne pouvait être remis en cause devant lui dès lors que par cette formule manuscrite et sa signature, M. [D] avait accepté le principe et le montant de l'honoraire après service rendu, quand ce dernier n'avait procédé à aucun paiement et s'y était refusé, le premier président a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
3°/ que, seul le paiement des honoraires, après service rendu, prive le juge de la faculté d'en réduire le montant ; qu'en relevant que M. [D] n'avait émis, jusqu'à la procédure de taxation, aucune contestation sur les prestations facturées ou sur le montant des note d'honoraires présentées, le premier président, qui a statué à la faveur d'une motivation totalement inopérante à faire échec à la demande de M. [D] en contestation d'honoraires, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
4°/ que, manque à son obligation de bonne foi contractuelle l'avocat qui, alors que son client n'a pas réglé une première facture d'un montant substantiel, ne suspend pas sa mission et ne le met pas en demeure de payer comme le prévoit le contrat, et continue de lui délivrer des factures d'un montant exorbitant ; qu'en confirmant l'ordonnance de taxe sans rechercher, comme il y était invité si l'avocat, qui avait émis une deuxième facture en date du 15 septembre 2016 d'un montant de 71 899,04 euros, que M. [D] n'avait pas réglée, n'avait pas manqué à la bonne foi contractuelle en continuant d'en émettre, respectivement les 4 novembre 2016, 20 janvier 2017, 6 mars 2017 et 5 mai 2017, pour des montants exorbitants de 188 122,60 euros, de 232 243,04 euros, de 241 993,55 euros et de 153 320,88 euros, au lieu de suspendre ses diligences et de mettre son client en demeure de s'acquitter de la première facture, comme le prévoyait le contrat, le premier président a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil, ensemble, l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »
Réponse de la Cour
6. Ayant relevé que M. [D], qui n'avait pas mis fin au mandat, avait apposé la mention manuscrite « lu et approuvé bon pour accord », suivie de sa signature, sur les factures des 4 novembre 2016, 20 janvier 2017 et 6 mars 2017 et souverainement estimé qu'il avait ainsi accepté l'honoraire après service rendu, l'absence de paiement effectif par le client étant sans incidence à cet égard, le premier président, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'il n'avait pas le pouvoir de le réduire.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches
Enoncé du moyen
8. M. [D] fait le même grief à l'ordonnance, alors :
« 5°/ que les factures d'avocat ne répondant pas aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peuvent être remises en cause, nonobstant leur acceptation par le client ; qu'en l'espèce, le premier président a expressément relevé que les factures en litige ne présentaient pas le temps consacré à chaque diligence ; qu'en jugeant néanmoins que du fait de leur acceptation par M. [D], elles ne pouvaient pas être remises en cause, le premier président a violé les articles 10 de la loi n° 1130 du 31 décembre 1971 et L. 441-3 du code de commerce ;
6°/ que, les factures d'avocat ne répondant pas aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peuvent être remises en cause, nonobstant leur acceptation par le client ; qu'en l'espèce, le premier président a expressément relevé que les factures en litige ne présentaient pas le temps consacré à chaque diligence ; qu'en retenant que l'indication du nombre d'heures pour chaque diligence aurait rendu fastidieuse l'exploitation d'un document comportant déjà entre 18 et 54 pages, et que la datation précise de chaque prestation permettait à M. [D] d'en contrôler la réalité, le premier président, qui a statué à la faveur d'une motivation totalement inopérante à écarter l'exigence de l'indication de la durée de chacune des diligences accomplies, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 10 de la loi n° 1130 du 31 décembre 1971 et L. 441-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
9. Ayant relevé que chaque facture d'honoraires produite aux débats indiquait le détail et la date des diligences effectuées, le nombre d'heures consacré par l'avocat par type de prestations ainsi que le taux horaire conforme à la convention, le premier président, a ainsi fait ressortir que les honoraires avaient été acceptés sur présentation de factures répondant aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peu important que le temps consacré à chaque diligence ne soit pas mentionné.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. M. [D] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires dus à l'avocat au titre des diligences faisant l'objet de la facture du 5 mai 2017, accomplies entre le 1er mars et le 30 avril 2017, à la somme de 66 000 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017, alors « que, dans ses écritures délaissées, il faisait valoir que compte tenu de sa domiciliation à Singapour, il n'était pas assujetti à la TVA ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
12. Le premier président, qui statuait en matière de fixation des honoraires d'avocat, n'avait pas le pouvoir de se prononcer sur une contestation se rapportant à l'application de la TVA aux prestations fournies en exécution du mandat de représentation et d'assistance confié par le client à l'avocat, de sorte qu'il n'était pas tenu de répondre à un moyen inopérant.
13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et le condamne à payer à la société [U] [F] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047805330.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 juillet 2023
Cassation partielle
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 777 F-B
Pourvoi n° D 21-24.283
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
1°/ M. [T] [S],
2°/ Mme [G] [F], épouse [S],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° D 21-24.283 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d'appel de Douai (3ème chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Mutuelle assurance instituteur France (MAIF), dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits et obligations de la société FILIA MAIF,
2°/ à la caisse mutualité sociale agricole Picardie (MSA), dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La société Mutuelle assurance instituteur France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, six moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [S], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Mutuelle assurance instituteur France, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Isola, conseiller rapporteur, M. Martin, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement du pourvoi incident
1. Il est donné acte à la société Mutuelle assurance des instituteurs de France du désistement de son pourvoi incident.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 9 septembre 2021), le 15 novembre 2015, M. [S] qui circulait, sans ceinture de sécurité et sous l'empire d'un état alcoolique, à bord de son véhicule assuré par la société Pacifica crédit agricole a été victime d'un accident de la circulation, impliquant un véhicule qui était assuré par la société FILIA MAIF, aux droits de laquelle se trouve la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (l'assureur).
3. Le 22 février 2017, une transaction a été signée entre M. [S] et la société FILIA MAIF, aux termes de laquelle, les parties ont fixé le droit à indemnisation de M. [S] à hauteur de 75 % de son préjudice.
4. M. [S] et Mme [S], son épouse, ont assigné la société FILIA MAIF et la caisse de mutualité sociale agricole de Picardie (la caisse) devant un tribunal de grande instance en indemnisation de leurs préjudices.
5. L'assureur est intervenu à l'instance d'appel, comme venant aux droits de la société FILIA MAIF.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. M. [S] fait grief à l'arrêt de limiter à 45 euros la condamnation de l'assureur au titre de ses dépenses de santé actuelles, alors « que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; qu'en limitant à 45 euros la somme due par l'assureur à M. [S] au titre des dépenses de santé actuelles, cependant que le droit de préférence de la victime sur la caisse impliquait, d'abord, que la créance de cette dernière, d'un montant de 143 728,17 euros, soit imputée sur les dépenses de santé actuelles évaluées à 143 788,17 euros, sans tenir compte du partage de responsabilité, puis que le préjudice subsistant de la victime, égal à son reste à charge, soit intégralement réparé, puisqu'il était inférieur à l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, d'un montant de 107 841,13 euros, et enfin que le tiers payeur ne puisse exercer son recours que sur le reliquat, qui s'élevait à la somme de 107 781,13 euros, la cour d'appel a violé les articles 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 :
7. Selon ce texte, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie. En ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence au tiers payeur subrogé. Il en résulte que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.
8. Pour condamner l'assureur à payer à M. [S] la somme de 45 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles, l'arrêt, qui a relevé que la créance de la caisse à ce titre s'élevait à la somme de 143 728,17 euros, énonce qu'une somme de 60 euros, relative à l'achat d'un fauteuil roulant, est restée à la charge de M. [S], soit une somme de 45 euros après application du droit à indemnisation de 75 %.
9. En statuant ainsi, en appliquant la limitation du droit à indemnisation de la victime sur le solde resté à sa charge après déduction des prestations versées par la caisse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. M. [S] fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 6 528,25 euros l'indemnité due par l'assureur au titre des pertes de gains professionnels actuels et de le débouter de sa demande en paiement de celle de 7 789,50 euros au titre des besoins d'assistance complémentaires nécessaires pour maintenir le revenu par économie, alors « que le préjudice doit être réparé intégralement, sans qu'il en résulte pour la victime une perte ou un profit ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande formulée par M. [S], tendant à l'indemnisation du besoin, rendu nécessaire par la survenance de l'accident, d'une assistance par tierce personne pour assurer à sa place l'activité personnelle de culture et d'élevage qu'il réalisait avant l'accident, que cette demande « ne correspond aucunement au poste de préjudice « perte de gains professionnels actuels » », cependant que, peu important le classement qu'en avait fait la victime au regard de la nomenclature Dintilhac, dépourvue de valeur normative, il lui appartenait d'apprécier l'existence de cet élément de préjudice, et, le cas échéant, de l'indemniser, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ».
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
11. Pour limiter à la somme de 6 528,25 euros l'indemnité due par l'assureur au titre des pertes de gains professionnels actuels, l'arrêt énonce que M. [S] reconnaît dans ses écritures que son épouse a repris une partie d'une activité de maraîchage et de petit élevage que les séquelles de son accident l'empêchent d'exercer et que l'absence de pièces suffisantes versées par M. et Mme [S] ne permet pas d'établir la réalité de cette perte de revenu alléguée.
12. Pour, ensuite, débouter M. [S] de sa demande subsidiaire relativement à l'aide humaine apportée par son épouse, l'arrêt retient que si celle-ci est recevable en cause d'appel en ce qu'une victime d'un accident corporel est recevable à solliciter l'indemnisation de nouveaux postes de préjudices en lien avec les faits dont elle a été victime, cette demande ne correspond pas au poste de préjudice de la perte de gains professionnels actuels.
13. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le préjudice invoqué par M. [S] au titre du besoin d'assistance par son épouse pour l'activité de maraîchage et de petit élevage était ou non établi, et, dans l'affirmative, de le réparer, peu important la qualification qui lui avait été donnée par la victime au regard de la nomenclature Dintilhac, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. M. [S] fait grief à l'arrêt de limiter à 16 244,92 euros l'indemnisation de ses dépenses de santé futures, alors « que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; qu'en jugeant, s'agissant des « aides techniques », que M. [S] « ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de son préjudice, à savoir une somme restant le cas échéant à sa charge après la perception des sommes versées par la MSA à ce titre », sans évaluer préalablement le préjudice de la victime résultant des dépenses de santé futures, et sans préciser dans quelle mesure il était et serait pris en charge par les prestations servies par la caisse ni procéder aux imputations correspondantes, la cour d'appel a violé l'article 31, alinéa 1er, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ».
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
15. Pour limiter à la somme 16 244,92 euros la condamnation de l'assureur au titre des dépenses de santé futures, l'arrêt énonce que M. [S] ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de son préjudice, à savoir une somme restant, le cas échéant, à sa charge après la perception des sommes versées par la caisse à ce titre. Il ajoute que le relevé de la caisse du 20 juillet 2018 fait état de frais futurs viagers d'appareillage pour un montant de 194 408,06 euros, M. [S] ne contestant pas que ces frais comprennent ceux occasionnés par l'acquisition de ce matériel et leur renouvellement.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui aurait dû évaluer préalablement ce poste de préjudice et déterminer la dette du tiers responsable en faisant application de la réduction du droit à indemnisation, avant d'allouer à la victime la somme demeurée, le cas échéant, à sa charge après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste, dans la limite de la dette du tiers responsable, a violé le principe susvisé.
Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
17. M. [S] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des pertes de gains professionnels futurs, alors « que le préjudice doit être réparé intégralement, sans qu'il en résulte pour la victime une perte ou un profit ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande formulée par M. [S], tendant à l'indemnisation du besoin, rendu nécessaire par la survenance de l'accident, d'une assistance par tierce personne pour assurer à sa place l'activité personnelle de culture et d'élevage qu'il réalisait avant l'accident, que cette demande « ne correspond aucunement au poste de préjudice « perte de gains professionnels [?] » », cependant que, peu important le classement qu'en avait fait la victime au regard de la nomenclature Dintilhac, dépourvue de valeur normative, il lui appartenait d'apprécier l'existence de cet élément de préjudice, et, le cas échéant, de l'indemniser, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ».
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
18. Pour rejeter la demande de M. [S] au titre d'une « perte de gains professionnels futurs » en raison d'un besoin d'assistance par son épouse pour l'activité de maraîchage et de petit élevage, l'arrêt énonce que, pour les mêmes motifs que ceux exposés relativement au poste « perte de gains professionnels actuels », seules les deux activités salariées de M. [S] exercées avant l'accident seront prises en compte pour la fixation de ce poste de préjudice et, dès lors, pour la détermination du salaire de référence.
19. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si le préjudice invoqué par M. [S] au titre du besoin d'assistance par son épouse pour l'activité de maraîchage et de petit élevage, après la consolidation, était ou non établi, et, dans l'affirmative, de le réparer, peu important la qualification qui lui avait été donnée par la victime au regard de la nomenclature Dintilhac, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Sur le sixième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
20. M. [S] fait grief à l'arrêt de limiter à la période du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019 la condamnation de l'assureur à payer les intérêts au double du taux légal sur le total du montant des sommes en capital qui lui ont été allouées, avant déduction de la provision, et de la créance de l'organisme social, soit 920 839,60 euros, alors « qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident ; que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; qu'en jugeant que la circonstance qu'« au cours des mois de juin à novembre 2016, des discussions ont lieu de manière fondée entre la MAIF et la société Pacifica, assureur de M. [S], en raison des fautes de conduite qui étaient opposées à ce dernier, à savoir une conduite sous l'empire d'un état alcoolique et un défaut de port de ceinture de sécurité » et que « la procédure pénale a ainsi été communiquée à la MAIF en juin 2016 » dispensaient l'assureur de formuler une offre d'indemnisation provisionnelle complète et suffisante, dans un délai de huit mois à compter de l'accident, la cour d'appel a violé l'article L. 211-9 du code des assurances ».
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
21. En application du premier de ces textes, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu, dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident, de présenter une offre d'indemnité à la victime qui subit une atteinte à sa personne. En application du deuxième, lorsque l'offre n'a pas été faite dans ce délai, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
22. Pour limiter à la période du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019 la condamnation de l'assureur à payer les intérêts au double du taux légal sur la somme allouée en capital à la victime, l'arrêt énonce qu'il ressort des lettres produites que, au cours des mois de juin à novembre 2016, des discussions ont eu lieu entre l'assureur et la société Pacifica, en raison des fautes de conduite opposées à M. [S] et relève que la procédure pénale a ainsi été communiquée à l'assureur en juin 2016.
23. Il en déduit que, en raison de ces circonstances particulières non imputables à l'assureur, il ne peut être retenu le caractère tardif de son offre provisionnelle du 9 février 2017.
24. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations qu'une offre provisionnelle n'avait pas été faite par l'assureur dans les huit mois de l'accident, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune des causes de suspension prévues aux articles R. 211-29 et suivants du code des assurances, a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen relevé d'office
25. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
26. Il résulte du second de ces textes que le recours des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.
27. Selon le premier, l'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme.
28. La Cour de cassation juge, depuis 2013, que cette pension indemnise, d'une part, les préjudices de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 13 juin 2013, n° 12-10.145 Bull. II, n°125 ; 2e Civ., 29 mars 2018, pourvoi n° 17-15.260, Bull. 2018, II, n° 66 ; 2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.242).
29. Cette jurisprudence, qui se justifiait par le souhait d'éviter des situations de double indemnisation du préjudice, se conciliait imparfaitement, ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, avec les modalités selon lesquelles cette pension est calculée. En effet, selon les articles R. 341-4 et suivants du code de la sécurité sociale, elle est déterminée, de manière forfaitaire, en fonction du salaire annuel moyen de l'assuré et de la catégorie d'invalidité qui lui a été reconnue.
30. La Cour de cassation, qui décidait, depuis 2009, que la rente accident du travail indemnisait les postes de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle ainsi que celui du déficit fonctionnel permanent (notamment 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155), a remis en cause sa jurisprudence par deux arrêts rendus en assemblée plénière qui ont jugé que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, publiés au Bulletin).
31. Le calcul de la rente accident du travail se fait, comme pour la pension d'invalidité, sur une base forfaitaire, de sorte qu'une distinction entre les modalités de recours des tiers payeurs selon qu'il s'agit de l'une ou l'autre prestation ne se justifie pas.
32. L'ensemble de ces considérations conduit à juger, désormais, que la pension d'invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
33. Pour fixer l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent à la somme de 140 048,13 euros, l'arrêt énonce qu'il est constant que, en application du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la pension d'invalidité servie par l'organisme social s'impute, même si celui-ci n'exerce pas son recours, sur les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et, en cas de reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent.
34. Il ajoute que le premier juge a justement évalué ce poste de préjudice à la somme de 196 000 euros, soit 147 000 euros après application du droit à indemnisation de 75 % et que le reliquat de la pension d'invalidité de 6 951,87 euros, après imputation sur le poste de la perte de gains professionnels futurs, devra être déduit de la somme fixée au titre du déficit fonctionnel permanent.
35. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à payer à M. [S] les sommes de 45 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 6 528,25 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, 16 244,92 euros au titre des dépenses de santé futures, 140 048,13 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, rejette la demande de M. [S] au titre de la perte de gains professionnels futurs et condamne la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à payer les intérêts au double du taux légal sur le total du montant des sommes en capital ainsi allouées à M. [S], avant déduction de la provision, et de la créance de l'organisme social, soit 920 839,60 euros, pour la période du 13 novembre 2017 au 16 septembre 2019, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.
Condamne la société Mutuelle assurance des instituteurs de France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. et Mme [S] à l'encontre de la caisse de mutualité sociale agricole de Picardie et par la société Mutuelle assurance des instituteurs de France et condamne cette dernière à payer à M. et Mme [S] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047805333.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 juillet 2023
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 779 F-B
Pourvoi n° B 21-24.833
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
M. [O] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-24.833 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MMA IARD,
2°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [R], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2021) et les productions, M. [R], afin de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à l'occasion du dispositif dit « Girardin Industriel », prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts, a souscrit, le 17 mai 2011, au produit « Snc GIR Réunion », proposé par la société Gesdom, pour l'acquisition et la mise en location des stations autonomes d'éclairage (SAE), alimentées par des panneaux photovoltaïques sur l'Ile de La Réunion.
2. M. [R] a versé à la société Gesdom la somme de 23 751 euros, outre 493 euros de frais de dossiers.
3. L'attestation fiscale lui permettant de bénéficier de la réduction d'impôt escomptée ne lui ayant pas été remise par la société Gesdom, celle-ci invoquant, en premier lieu, que l'administration fiscale avait remis en cause les réductions d'impôts des montages des années précédentes faute de mise en service du matériel avant le 31 décembre de l'année concernée et, en second lieu, que l'éligibilité des SAE à la réduction fiscale était également remise en cause, après la loi de finances n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 pour l'année 2011 ayant rendu inéligibles à la défiscalisation les investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil, M. [R] a assigné, aux fins d'indemnisation, devant un tribunal de grande instance, la société Covea Risks, assureur de la société Gesdom au titre de sa responsabilité civile.
4. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les assureurs), venant aux droits de la société Covea Risks, sont intervenues à l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes et de le condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors « que la faute dolosive, autonome de la faute intentionnelle, justifiant l'exclusion de la garantie de l'assureur dès lors qu'elle fait perdre à l'opération d'assurance son caractère aléatoire, suppose un acte délibéré de l'assuré qui ne pouvait ignorer qu'il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ; qu'à cet égard, la connaissance de l'existence du risque de réalisation d'un dommage ne peut être assimilée à celle de la certitude de sa survenance ; qu'il s'ensuit qu'un manquement, même délibéré, à l'obligation de prudence de l'assuré, qui rend seulement possible la réalisation d'un dommage, ne peut être assimilé à un manquement qui conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre ; qu'en l'espèce, pour imputer à la société Gesdom une faute dolosive ayant abouti à la réalisation inéluctable du dommage, la cour d'appel a retenu « qu'il est établi qu'au moment de la souscription du contrat, la société Gesdom avait pleinement conscience, d'une part de l'exclusion résultant de la loi de finance 2011, et du risque qu'elle faisait courir aux investisseurs », et que « bien que consciente du risque évident qu'elle faisait courir aux investisseurs, la société Gesdom n'en a pas moins volontairement décidé de commercialiser des SAE, ce manquement délibéré à son obligation de prudence ayant abouti à la réalisation inéluctable du dommage, faisant ainsi disparaitre l'aléa attaché à la couverture du risque » ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser la conscience qu'avait la société Gesdom de la réalisation inéluctable du dommage de nature à faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances :
6. Selon ce texte, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
7. La faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.
8. Pour rejeter les demandes de M. [R], l'arrêt énonce qu'il est constant que l'article 36-1 de la loi de finances pour l'année 2011 du 29 décembre 2010 a exclu du champ d'application de la loi dite « Girardin » les investissements portant « sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil » et observe que les SAE produisent de l'électricité au moyen de panneaux photovoltaïques grâce à cette énergie.
9. L'arrêt énonce encore qu'il est certain que tous les professionnels du secteur ne pouvaient que conclure à l'inéligibilité à la défiscalisation des SAE et ne pouvaient faire valoir auprès des investisseurs potentiels un avantage fiscal devenu manifestement exclu. Il ajoute que la société Gesdom aurait dû suspendre la commercialisation des produits concernés et interroger l'administration fiscale plus tôt qu'elle ne l'a fait.
10. Il relève, à cet égard, que cette administration a été interrogée au mois d'avril 2013 seulement, et considère que c'est sans l'ombre d'une hésitation et sans surprise qu'elle a pris position en indiquant que l'exclusion définie par l'article 36 précité, concernant toutes les installations générant de l'électricité par la conversion photovoltaïque de l'énergie solaire, ne pouvait qu'appréhender également les SAE. Il ajoute que l'argument tiré du délai de réponse de cette même administration, pour expliquer que la commercialisation se soit faite sans attendre sa réponse, est inopérant, au regard des enjeux et des risques que la société Gesdom faisait courir aux investisseurs en la poursuivant.
11. L'arrêt relève encore que si M. [R] conteste tout risque délibéré pris par la société Gesdom, dès lors qu'elle a consulté un cabinet d'avocat spécialisé en matière fiscale, cette consultation est intervenue tardivement, plus de huit mois après l'entrée en vigueur de la loi précitée, et après la souscription par M. [R] de son investissement. Il considère que la société Gesdom a sollicité cette consultation parce qu'elle connaissait la nouvelle exclusion figurant à l'article 36-1 précité, et en déduit qu'elle avait pleinement conscience du risque évident qu'elle faisait courir aux investisseurs au moment où le contrat a été souscrit.
12. Il retient, enfin, que le manquement délibéré de cette société à son obligation de prudence a abouti à la réalisation inéluctable du dommage qui a fait disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, et en déduit qu'en vendant, en mai 2011, un tel produit de défiscalisation dont l'avantage fiscal n'était plus garanti, elle a commis une faute dolosive exclusive de tout aléa, de telle sorte que les assureurs sont fondés à opposer à M. [R] une exclusion de garantie.
13. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la conscience qu'avait la société Gesdom du caractère inéluctable des conséquences dommageables de la commercialisation de son produit auprès de M. [R], qui ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
Condamne la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles et les condamne in solidum à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juillet 2023
Cassation partielle
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 778 F-B
Pourvoi n° G 21-25.667
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
M. [J] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-25.667 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 12), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pedron, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. [H], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pedron, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2021), à la suite d'une agression subie sur son lieu de travail le 4 décembre 2013 alors qu'il était âgé de 52 ans, prise en charge au titre de la législation du travail, M. [H] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions en réparation de ses préjudices.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
3. M. [H] fait grief à l'arrêt de lui allouer la seule somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, alors :
« 1°/ qu'en jugeant, pour débouter M. [H] de sa demande au titre des pertes de droit à la retraite qu'il subissait à raison de ce que, du fait de l'accident, il a été licencié pour inaptitude, qu'il ne démontrait pas l'incidence sur des droits à la retraite, après avoir pourtant constaté que la perte de son emploi étant imputable à l'agression dont il a été victime et qu'il a subi une perte de gains professionnels future totale, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique et le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
4°/ qu'en se bornant à affirmer que les indemnités journalières et les périodes de chômage indemnisées donnaient lieu à la validation de trimestres d'assurance vieillesse pour la retraite de base, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en raison de l'accident le montant de la retraite de M. [H] serait inférieur à celui qu'il aurait eu en l'absence de cet accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
4. Pour rejeter la demande formée par M. [H] au titre de la perte de droits à la retraite incluse dans le poste incidence professionnelle, l'arrêt énonce qu'aucune incidence sur les droits à la retraite de base n'est démontrée dès lors que, d'une part, M. [H] bénéficie d'une rente accident du travail qui continuera à être versée après qu'il aura fait valoir ses droits à la retraite, d'autre part, les indemnités journalières et les périodes de chômage indemnisées donnent lieu à la validation de trimestres d'assurance vieillesse pour la retraite de base.
5. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que M. [H], qui était âgé de 55 ans à la date de la consolidation, avait été licencié pour inaptitude le 23 mars 2016, que la perte de son emploi était imputable à l'agression dont il avait été victime et qu'il avait subi une perte de gains professionnels futurs totale, ce dont il résultait, en l'absence d'éléments contraires, qu'il avait nécessairement subi une diminution de ses droits à la retraite, qui ne dépendent pas uniquement du nombre des trimestres validés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. [H], en réparation de son préjudice corporel la somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt rendu le 23 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Cassation partielle
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 571 F-B
Pourvoi n° T 21-21.329
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2023
La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-21.329 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Rhône-Alpes, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 juin 2021), la société [3] (la société) ayant fait l'objet d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) lui a adressé une lettre d'observations du 21 août 2013, suivie d'une mise en demeure du 8 novembre 2013.
2. Après avoir contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable, la société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours portant sur la lettre d'observations et la mise en demeure, à l'exclusion du chef de redressement n° 9, alors « que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non de celui de la décision ultérieure de cette commission, d'autre part que la commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d'un redressement, même en l'absence de motivation de la réclamation ; que la cour d'appel qui a constaté qu'en l'espèce, la société appelante avait saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF par une lettre de réclamation dans laquelle elle annonçait « contester l'intégralité du redressement dont elle a fait l'objet, tant sur la forme que sur le fond », ne pouvait considérer que la société n'avait saisi cette commission que d'une contestation des chefs de redressement n° 9, n° 14 et n° 15, seuls motivés dans cette lettre de réclamation, sans méconnaître la portée de ses énonciations et violer les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
4. Il résulte du premier de ces textes, d'une part, que l'étendue de la saisine de la commission de recours amiable d'un organisme de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés et de non-salariés, se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non en considération de la décision ultérieure de cette commission et, d'autre part, que la commission de recours amiable est saisie de la contestation portant sur le bien-fondé d'un redressement même en l'absence de motivation de la réclamation sur certains chefs du redressement.
5. Pour déclarer irrecevable la contestation des chefs de redressement autres que le chef de redressement n° 9, l'arrêt relève que si la société a saisi la commission de recours amiable, par courrier du 11 décembre 2013, mentionnant contester l'intégralité du redressement, tant sur la forme que sur le fond, elle précisait maintenir ses observations concernant les chefs de redressement n° 9, n° 14 et n° 15 et se réserver la possibilité de contester la forme et les autres chefs de redressement dans un mémoire complémentaire. Il retient que, faute d'avoir adressé le mémoire complémentaire susceptible d'étendre la réclamation, la société n'a saisi la commission de recours amiable que des chefs de redressement n° 9, n° 14 et n° 15.
6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le recours amiable de la société portait sur l'ensemble des chefs de redressement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, annule l'entier redressement opéré au point 9 de la lettre d'observations du 21 août 2013 et condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes à rembourser à la société [3] la somme restante de 285 euros (deux cent quatre-vingt cinq euros) indûment versée, avec intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon.
Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
2e Civ., 12 mars 2020, pourvoi n° 19-13.422, Bull. (cassation partielle) ;2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 13-12.329, Bull. 2014, II, n° 46 (rejet).
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2023
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 570 F-B
Pourvoi n° N 21-12.630
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2023
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société [4], a formé le pourvoi n° N 21-12.630 contre le jugement rendu le 2 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes (contentieux de la protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Languedoc-Roussillon, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Languedoc-Roussillon, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Nîmes, 2 décembre 2020), rendu en dernier ressort, et les productions, la société [4], devenue la société [3] (la société), a formé opposition à une contrainte signifiée le 21 mai 2019 par l'URSSAF du Languedoc-Roussillon.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société fait grief au jugement de déclarer irrecevable l'opposition, alors « que l'opposition à une contrainte doit être formée dans un délai de quinze jours suivant sa notification ou sa signification ; que la date de notification du recours par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition figurant sur le cachet du bureau d'émission ; qu'en jugeant le recours irrecevable comme ayant été formé hors délai, après avoir relevé que l'opposition avait été formée par la société par un courrier expédié le 4 juin 2019 et que le délai de recours expirait le 5 juin suivant, le tribunal judiciaire, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 668 et 669 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 133-3 du code de la sécurité sociale et 668 du code de procédure civile :
3. Il résulte de ces textes que la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et que le délai imparti par le premier pour former opposition à une contrainte est interrompu par l'envoi au secrétariat du tribunal de la lettre recommandée contenant le recours du cotisant.
4. Pour déclarer irrecevable l'opposition formée par la société à l'encontre de la contrainte litigieuse, le jugement, après avoir constaté que la contrainte a été signifiée par huissier de justice le 21 mai 2019 et que l'opposition a été formée par courrier daté du 3 juin suivant, pris en charge par le service de la poste le 4 juin et reçu au greffe du tribunal le 6 juin, retient que le délai a commencé à courir le 21 mai 2019 pour expirer le 5 juin 2019, soit la veille de la réception de l'opposition à contrainte au greffe.
5. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'opposition avait été formée dans le délai imparti, le tribunal a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Nîmes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Montpellier.
Condamne l'URSSAF du Languedoc-Roussillon aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Languedoc-Roussillon et la condamne à payer à la société [3], anciennement dénommée société [4], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047700845.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 juin 2023
Cassation partielle
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 665 F-B
Pourvoi n° G 21-20.538
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023
La Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° G 21-20.538 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [G], domicilié [Adresse 5],
2°/ à la société Vendée Sani-Therm, dont le siège est [Adresse 8],
3°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société Allianz Benelux NV, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 4] (Pays-Bas),
5°/ à la société AIG Europe, société anonyme de droit étranger, dont le siège est [Adresse 7] (Pays-Bas), venant aux droits de la société AIG Europe Limited, elle-même venant aux droits de la société AIG Europe Nederland NV,
6°/ à M. [C], domicilié [Adresse 6] (Pays-Bas), pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Alrack BV,
7°/ à la société Alrack BV, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 9] (Pays-Bas),
8°/ à la société Menanteau Jacques, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La société Menanteau Jacques a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La société AIG Europe, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, elle-même venant aux droits de la société AIG Europe Nederland NV, a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et de la société Menanteau Jacques, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société AIG Europe, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, elle-même venant aux droits de la société AIG Europe Nederland NV, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Allianz Benelux NV, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [G], contre les sociétés Vendée Sani-Therm, Allianz IARD, Alrack BV et contre M. [C], pris en sa qualité de liquidateur de cette dernière.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 avril 2021), M. [G] a fait installer par la société Menanteau Jacques, assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), sur la toiture de bâtiments abritant son élevage de lapins, des panneaux photovoltaïques acquis auprès de la société Vendée Sani-Therm qui se serait elle-même fournie auprès de la société AER, assurée auprès de la société Allianz IARD, fabriqués par la société Scheuten, assurée auprès de la société Chartis Europe, aux droits de laquelle sont venues successivement les sociétés AIG Europe Nederland, AIG Europe Limited puis AIG Europe (la société AIG), et équipés de boîtiers de connexion dont la fabrication avait été sous-traitée à la société Alrack BV, assurée auprès de la société Allianz Benelux NV.
3. En raison de la présence de fumée au niveau d'un module, l'installation a été mise hors service et M. [G] a fait procéder au remplacement de la totalité des panneaux.
4. M. [G] a assigné les sociétés Menanteau Jacques, SMABTP, Vendée Sani-Therm, Alrack BV, Allianz IARD, Allianz Benelux NV et AIG, en indemnisation des frais de remplacement des panneaux et des pertes de recettes causées par les pertes de production.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident éventuel de la société AIG
Enoncé du moyen
5. La société AIG fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir condamner la société Allianz Benelux NV à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation qui serait mise à sa charge, alors :
« 1°/ que la garantie de la société Allianz Benelux excluait les biens livrés par l'assurée, c'est-à-dire les boitiers de connexion fabriqués par son assurée, la société Alrack, incorporés dans les panneaux photovoltaïques dont, selon les constatations de l'expert judiciaire, ils ont entrainé le dysfonctionnement et le risque d'incendie imposant leur remplacement ; que, pour rejeter toute demande de garantie de la société AIG Europe au titre des frais de remplacement des panneaux photovoltaïques et des frais et pertes occasionnés, la cour d'appel s'est bornée à constater que le bien de M. [G] n'avait pas subi de dommage puisqu'il n'y avait pas eu d'incendie avant le remplacement des panneaux défectueux et n'a donc pas recherché, comme il le lui était demandé, si la garantie de la société Allianz Benelux n'était pas réclamée par la société AIG Europe pour les dommages causés aux biens dans lesquels les boîtiers de jonction étaient insérés, c'est-à-dire les panneaux photovoltaïques produits par son assurée la société Scheuten Solar et, étant hors de l'objet de la clause d'exclusion, s'ils ne devaient donc pas être garantis, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du
10 février 2016 ;
2°/ que la cassation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a débouté les sociétés SMABTP et Menanteau Jacques de leurs demandes en relevé indemne dirigées contre la société AIG Europe, entraînera la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt qui l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Allianz Benelux à la relever et garantir de toute éventuelle condamnation qui serait mise à sa charge, conformément à l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel n'ayant pas statué par motifs propres ou adoptés sur la demande de garantie formée par la société AIG contre la société Allianz Benelux NV, le moyen, qui s'attaque à un chef de dispositif inexistant, est irrecevable.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la SMABTP, pris en sa troisième branche, et le premier moyen du pourvoi incident de la société Menanteau Jacques, pris en sa troisième branche, qui sont identiques, réunis
Enoncé du moyen
7. La SMABTP et la société Menanteau Jacques font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande en relevé indemne dirigée contre la société AIG, alors « qu'aux termes de l'article L. 181-3 du code des assurances, les dispositions d'ordre public de la loi française sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat d'assurance ; que, dans ses écritures d'appel, que la société Menanteau Jacques a reprises à son compte en déclarant dans ses propres conclusions d'appel « faire sienne » l'argumentation de son assureur, pour conclure à l'inopposabilité de l'exclusion de garantie invoquée par la société AIG Europe, la SMABTP a invoqué les dispositions d'ordre public des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, en faisant valoir que l'exclusion n'était pas formelle et limitée et ne répondait pas aux exigences de forme de l'article L. 112-4 du code des assurances ; que, pour écarter la garantie de la société AIG Europe, la cour d'appel a, par motifs adoptés du premier juge, fait application de l'exclusion de garantie prévue par l'article 4.4.1 des conditions générales de la police litigieuse, et énoncé que « la validité de cette clause claire et précise ne peut être contestée » et qu'elle est « parfaitement opposable aux tiers », étant précisé que l'article C.9 de la police ne dérogeait pas à cette exclusion ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si cette exclusion de garantie répondait aux exigences des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, invoqués devant elle et applicables au litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, ensemble l'article L. 181-3 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 111-2 et L. 181-3 du code des assurances :
8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en matière d'assurance de dommages non obligatoire, les dispositions d'ordre public des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat.
9. Pour rejeter les demandes formées par la SMABTP et la société Menanteau Jacques contre la société AIG, l'arrêt, après avoir déclaré que la loi applicable au contrat d'assurance souscrit par la société Scheuten était la loi néerlandaise, retient, par motifs adoptés, que la clause d'exclusion de garantie figurant à l'article 4.4.1 des conditions générales est claire et précise.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette clause d'exclusion répondait aux exigences d'ordre public des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le second moyen du pourvoi principal de la SMABTP, pris en sa première branche, et le second moyen du pourvoi incident de la société Menanteau Jacques, pris en sa première branche, qui sont identiques, réunis
Enoncé du moyen
11. La SMABTP et la société Menanteau Jacques font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande en relevé indemne dirigée contre la société Allianz Benelux NV, alors « qu'aux termes de l'article L. 181-3 du code des assurances, les dispositions d'ordre public de la loi française sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat d'assurance ; que, dans ses écritures d'appel, que la société Menanteau Jacques a, en déclarant « faire sienne l'argumentation de son assureur », reprises à son compte, pour conclure à l'inopposabilité de l'exclusion de garantie invoquée par la société Allianz Benelux, la SMABTP a invoqué les dispositions d'ordre public des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, en faisant valoir que l'exclusion n'était pas formelle et limitée et ne répondait pas aux exigences de forme de l'article L. 112-4 du code des assurances ; qu'en limitant sa recherche de la validité la clause d'exclusion de la garantie des « frais de remplacement des biens livrés » au droit néerlandais et à l'ordre public international, sans rechercher si ladite clause était conforme aux exigences des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, ensemble l'article L. 181-3 du même code. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
12. La société Allianz Benelux NV conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la critique est nouvelle, faute pour la SMABTP et son assurée d'avoir invoqué devant les juges du fond l'article L. 181-3 du code des assurances, ni soutenu que les articles L. 112-4 et L. 113-1 de ce code étaient des dispositions d'ordre public de la loi française applicables au contrat d'assurance régi par le droit néerlandais.
13. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.
14. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 111-2 et L. 181-3 du code des assurances :
15. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en matière d'assurance de dommages non obligatoire, les dispositions d'ordre public des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat.
16. Pour rejeter les demandes formées par la SMABTP et la société Menanteau Jacques contre la société Allianz Benelux NV, l'arrêt, après avoir déclaré que la loi applicable au contrat d'assurance souscrit par la société Alrack BV était la loi néerlandaise, énonce que la clause d'exclusion de garantie figurant à l'article 3.5 des conditions générales ne vide pas de sens le contrat puisque les dommages causés par le produit, et ceux au produit, sont garantis.
17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette clause d'exclusion répondait aux exigences d'ordre public des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident éventuel de la société AIG Europe ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et la société Menanteau Jacques de leurs demandes en relevé indemne dirigées contre les sociétés AIG Europe et Allianz Benelux NV, l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
Condamne les sociétés AIG Europe et Allianz Benelux NV aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés AIG Europe et Allianz Benelux NV et les condamne à payer à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics la somme globale de 3 000 euros et à la société Menanteau Jacques la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047700847.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 juin 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 422 FS-B
Pourvoi n° Q 21-23.902
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023
Mme [Z] [F], épouse [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-23.902 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à Mme [O] [L], veuve [I], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [H], de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [I], et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller président, Mme Andrich, conseiller rapporteur faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2021), Mme [H] (la locataire) est, depuis le 2 juin 2008, cessionnaire d'un fonds de commerce comprenant un bail commercial portant sur un bien à usage de restaurant et de vente à emporter appartenant à Mme [I] (la bailleresse).
2. Une ordonnance du 17 décembre 2019, rendue en référé et signifiée le 9 janvier 2020, a autorisé la locataire à s'acquitter d'un arriéré locatif en vingt-quatre mensualités à compter du 15 du mois suivant sa signification, a ordonné la suspension de la clause résolutoire du bail et, prévu, qu'à défaut de paiement à bonne date, en sus du loyer, charges et accessoires courants, d'une seule des mensualités, la clause résolutoire sera acquise, huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure et l'expulsion pourra être poursuivie.
3. En raison des mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, la locataire a cessé son activité à compter du 14 mars 2020.
4. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 3 septembre 2020, la bailleresse a mis la locataire en demeure de payer trois mensualités de l'échéancier fixé et deux termes de loyer échus pendant la période de protection, puis a notifié le 29 octobre 2020, en exécution de l'ordonnance précitée, un commandement de quitter les lieux dont la locataire a contesté la validité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du commandement de quitter les lieux délivré le 29 octobre 2020, alors :
« 1°/ que les personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ne peuvent encourir d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, lorsque ces loyers et charges locatives étaient échus entre le 12 mars et le 10 septembre 2020 ; que le défaut de paiement des loyers intervenu entre le 12 mars et 10 septembre 2020 ne peut donc entraîner la mise en oeuvre d'une clause résolutoire, peu important que les effets de ladite clause ait été, avant le commencement de la période protégée, suspendus par une décision de justice sous réserve de paiement des loyers ; qu'en l'espèce, par ordonnance du 17 décembre 2019, le juge des référés a suspendu les effets de la clause résolutoire invoquée par Mme [L] sous réserve du paiement des loyers et d'un arriéré locatif par Mme [H] durant 24 mois ; que, durant la période protégée, et en raison des conséquences de la crise sanitaire, Mme [H] n'a pas été en mesure de s'acquitter des échéances des mois d'avril et mai 2020 ; qu'un tel défaut de paiement des loyers pendant la période protégée ne pouvait justifier l'acquisition de la clause résolutoire ; qu'en retenant pourtant, pour dire régulier le commandement de quitter les lieux, que "la locataire s'est abstenue de payer, aux dates prévues par l'ordonnance de référé du 17 décembre 2019, les mensualités imparties pour l'apurement de l'arriéré locatif, de même que les loyers et charges courants, aux mois d'avril et mai 2020", la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 ;
2°/ que les personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ne peuvent encourir d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, et ce, entre les 12 mars et 10 septembre 2020 ; que le défaut de paiement d'un arriéré de charges et loyers qu'un jugement rendu antérieurement au commencement de la période protégée avait ordonné au preneur de payer sous peine d'acquisition de la clause résolutoire, ne peut donc donner effet à ladite clause ; qu'en l'espèce, par ordonnance du 17 décembre 2019, le juge des référés a suspendu les effets de la clause résolutoire invoquée par Mme [L] sous réserve du paiement des loyers et d'un arriéré locatif par Mme [H] durant 24 mois ; que, durant la période protégée, et en raison des conséquences de la crise sanitaire, Mme [H] n'a pas été en mesure de s'acquitter des échéances des arriérés locatifs des mois d'avril et mai 2020 ; que ce défaut de paiement de ces arriérés locatifs pendant la période protégée ne pouvait justifier l'exécution de la clause résolutoire ; qu'en retenant que "ces dispositions ne s'appliquent qu'aux loyers et charges locatives dont l'échéance est intervenue pendant les périodes protégées susvisées, et non pas aux chefs de dispositif d'une décision de justice exécutoire condamnant au paiement d'une dette locative née antérieurement à ces périodes protégées", la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 ;
3°/ que ne peuvent encourir d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux les personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ; qu'il n'est donc pas nécessaire d'avoir effectivement bénéficié du fonds de solidarité pour jouir du statut protecteur, mais uniquement d'avoir été susceptible d'en jouir, c'est-à-dire d'en remplir les conditions ; qu'en retenant pourtant en l'espèce, pour dire régulier le commandement de quitter les lieux adressé à Mme [H] qu'"en ce qui concerne l'applicabilité de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316, même si Mme [H] justifie de plusieurs récépissés de demandes d'aide aux "entreprises fragilisées Covid-19", déposées les 30 avril, 6 juillet, 3 août et 29 octobre 2020, elle ne justifie pas en avoir bénéficié finalement" la cour d'appel a violé les articles 1er et 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, ensemble les articles 1er, 3-1 de de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 et 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
4°/ que sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, les personnes ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ; que le bénéfice du fonds de solidarité n'est donc aucunement subordonné à une interdiction générale et absolue de recevoir du public ; qu'ainsi, une interdiction, serait-elle partielle et ne frappant qu'une partie de l'activité concernée, rend éligible les commerçants concernés au bénéfice du fonds de solidarité ; qu'afin de ralentir la propagation du virus covid-19, n'ont pas pu recevoir du public du 14 mars au 15 avril 2020, les établissements relevant de la catégorie N de l'arrêté du 25 juin 1980, à savoir les restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter ; qu'en conséquence, une personne exploitant un restaurant et un établissement de vente à emporter, en ce qu'elle a fait l'objet d'une interdiction partielle de recevoir du public, était bien éligible au fonds de solidarité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a pourtant considéré que Mme [H] n'aurait pu bénéficier du fonds de solidarité au prétexte que "la destination des lieux loués visée au bail liant les parties est stipulée être la restauration et la vente à emporter. Or l'article 1, I, de l'arrêté du 15 mars 2020, complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, prévoit la fermeture administrative des restaurants, sauf pour leurs activités de vente à emporter" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1er et 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, ensemble les articles 1er, 3-1 de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et 1er de l'arrêté du 15 mars 2020 complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19. »
Réponse de la Cour
6. Selon la combinaison des articles 1er et 4 de l'ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, 1er et 3-1 de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et 1er de l'arrêté du 15 mars 2020 complétant l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, les personnes physiques et morales de droit privé qui, exerçant une activité économique particulièrement touchée par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour la limiter, sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité, ne peuvent encourir d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.
7. Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
8. Il en résulte que faute de libération dans les conditions fixées par le juge, l'effet résolutoire de la clause est réputé avoir joué au jour où le bénéfice de cette clause a été acquis au bailleur, soit un mois après délivrance d'un commandement de payer resté infructueux.
9. Il s'en évince que l'interdiction des sanctions pour défaut de paiement des « loyers et charges » dont l'échéance de paiement intervient pendant la période protégée, prévue à l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, ne s'applique pas aux effets d'une clause résolutoire acquise antérieurement à la période protégée, dont la suspension était conditionnée au respect d'un échéancier fixé par le juge.
10. La cour d'appel a d'abord relevé, que l'ordonnance de référé du 17 décembre 2019 avait constaté les effets de la clause résolutoire insérée au bail et, en avait suspendu les effets à l'apurement de l'arriéré locatif par fractions mensuelles devant intervenir le 15 de chaque mois suivant sa signification.
11. Elle a, ensuite, exactement retenu que les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-316 ne s'appliquaient pas au non-respect d'une échéance au paiement duquel les effets de la clause résolutoire étaient suspendus par une décision de justice antérieure qui emporte résiliation du bail un mois après délivrance d'un commandement de payer la mettant en oeuvre.
12. Elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047700832.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 juin 2023
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 604 FS-B
Pourvoi n° R 21-14.197
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023
M. [S] [B], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° R 21-14.197 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société GMF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la Mutualité fonction publique services, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot, dont le siège est [Adresse 2],
4°/ à la société Mutuelle Uneo, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [B], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société GMF assurances, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller faisant fonction de conseiller doyen, MM. Martin, Pedron, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 janvier 2021), M. [B], victime d'un accident de la circulation le 15 mars 1998, a conclu le 2 juillet 2002 avec la société GMF assurances une transaction lui allouant une certaine somme « tous chefs de préjudice confondus, hormis les frais d'appareillage à charge ».
2. Le 29 juin 2015, un juge des référés, saisi par M. [B] qui se prévalait d'une aggravation de son préjudice, a ordonné une mesure d'expertise médicale. L'expert désigné a conclu à l'absence d'aggravation, tant fonctionnelle que situationnelle, à l'existence de nouvelles douleurs et à la nécessité de nouveaux soins pour réduire ou prévenir une aggravation.
3. M. [B] a saisi un tribunal de grande instance en indemnisation de l'aggravation de son état de santé et a sollicité, notamment, la prise en charge de frais liés à l'acquisition de prothèses et de fauteuils roulants plus performants ou destinés à la pratique d'un handisport.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. [B] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes relatives aux dépenses de santé d'appareillage, alors :
« 1°/ que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que l'augmentation du coût de renouvellement des appareils et prothèses permettant de compenser le handicap consécutif à ce dommage corporel constitue un préjudice autonome, distinct du préjudice correspondant au coût initial des frais d'appareillage dont il constitue une aggravation ; qu'il s'ensuit que la demande d'indemnisation de ce préjudice aggravé ne commence à se prescrire qu'à compter de sa caractérisation, peu important que le taux de déficit fonctionnel permanent correspondant au handicap n'ait, quant à lui, pas varié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré irrecevable, comme prescrite, la demande de M. [B] tendant à l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, en considérant qu'aucune aggravation fonctionnelle n'avait été constatée, et que les progrès technologiques des équipements qui pouvaient être utilisés pour compenser son handicap n'avaient pas entraîné de dégradation de sa situation, de sorte que le coût associé, demeuré à la charge de M. [B], ne pouvait pas être rattaché à l'existence d'un préjudice nouveau lié à l'aggravation de son état de santé; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'augmentation du coût lié à l'acquisition ou au renouvellement d'équipements destinés à compenser le handicap causé par un accident, en raison de progrès technologiques, s'analyse en une aggravation situationnelle du préjudice initial, consécutive à une évolution des modalités de compensation de ce handicap par le recours à de tels équipements, la cour d'appel a violé l'article 2226 du code civil ;
2°/ que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que, lorsque la victime est affectée d'un handicap moteur, le coût lié à l'acquisition des équipements nécessaires à une pratique sportive, fût-elle débutée après l'accident, constitue un préjudice réparable puisque, sans l'accident, la victime aurait pu entamer cette pratique sans avoir à exposer des frais supplémentaires liés à son handicap ; qu'en l'espèce, M. [B] sollicitait l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, date de l'aggravation retenue par l'expert judiciaire, avec une capitalisation viagère pour tenir compte du renouvellement des équipements concernés ; puisque, sans l'accident, la victime aurait pu entamer cette pratique sans avoir à exposer des frais supplémentaires liés à son handicap ; qu'en l'espèce, M. [B] sollicitait l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, date de l'aggravation retenue par l'expert judiciaire, avec une capitalisation viagère pour tenir compte du renouvellement des équipements concernés ; qu'il demandait notamment l'indemnisation du coût d'acquisition et de renouvellement d'un fauteuil roulant de sport de type RGK Elite ; que la cour d'appel a déclaré prescrite la demande d'indemnisation au titre des frais d'appareillage, après avoir relevé que l'état de M. [B] avait été considéré comme consolidé le 15 mars 2000, date à laquelle son besoin en appareillage était connu, dans la mesure où ce besoin n'avait pas évolué depuis, aucune aggravation fonctionnelle n'ayant été constatée ; qu'elle a ajouté que « les progrès technologiques n'ont pas entraîné pour M. [B] une dégradation de sa situation », et que sa décision de pratiquer le basket à partir de 2008, qui l'a conduit à solliciter la prise en charge d'un fauteuil roulant spécifique, résultait d'un choix personnel, concluant que « la demande de changement de modèle de prothèses et de fauteuil ne peut être rattachée à l'existence d'un préjudice nouveau lié à l'aggravation de l'état de santé de M. [B] » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le choix personnel de M. [B] ne portait que sur l'intention de pratiquer un sport, et ne pouvait pas impliquer l'obligation d'assumer le surcoût lié à cette pratique sportive en raison du grave handicap consécutif à l'accident de la circulation dont il avait été victime, de sorte que les frais correspondants s'analysaient en une aggravation situationnelle de son préjudice, dont la prescription n'avait pas pu commencer à courir dès le 15 mars 2000, la cour d'appel a violé l'article 2226 du code civil ;
3°/ que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que, lorsque la victime est affectée d'un handicap moteur, le coût lié au renouvellement des équipements nécessaires pour compenser ce handicap, comme le coût inhérent à l'acquisition d'équipements nouveaux, qui n'étaient pas disponibles sur le marché lors de l'indemnisation initiale, constituent des préjudices réparables autonomes, dès lors que les préjudices liés aux frais d'appareillage n'ont pas été complètement indemnisés à l'origine ; qu'en l'espèce, il sollicitait l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, date de l'aggravation situationnelle retenue par l'expert judiciaire, avec une capitalisation viagère pour tenir compte du renouvellement des équipements concernés ; qu'il ajoutait que sa demande ne pouvait pas être atteinte par la prescription, dans la mesure où ces équipements n'avaient été mis sur le marché, pour les plus anciens, qu'en 2011 et n'existaient pas au moment de l'accident ; qu'il était ainsi question, notamment, de l'acquisition puis du renouvellement, à titre viager, de prothèses plus performantes que celles utilisées par lui depuis la consolidation de son état, ainsi que d'un fauteuil roulant de ville de type RGK Tiga ; que la cour d'appel a déclaré prescrite la demande d'indemnisation au titre des frais d'appareillage, après avoir considéré que son état avait été considéré comme consolidé le 15 mars 2000, date à laquelle son besoin en appareillage était connu, dans la mesure où ce besoin n'avait pas évolué depuis, aucune aggravation fonctionnelle n'ayant été constatée ; qu'elle a ajouté que « les progrès technologiques n'ont pas entraîné pour lui une dégradation de sa situation », concluant que « la demande de changement de modèle de prothèses et de fauteuil ne peut être rattachée à l'existence d'un préjudice nouveau lié à l'aggravation de l'état de santé de M. [B] » ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un préjudice lié à l'augmentation du coût d'acquisition et de renouvellement de prothèses technologiquement adaptées à la compensation de son handicap, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2226 du code civil ;
4°/ que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé ; que, lorsque la victime est affectée d'un handicap moteur, le coût lié au renouvellement des équipements nécessaires pour compenser ce handicap, comme le coût inhérent à l'acquisition d'équipements nouveaux, qui n'étaient pas disponibles sur le marché lors de l'indemnisation initiale, constituent des préjudices réparables autonomes, dès lors que les préjudices liés aux frais d'appareillage n'ont pas été complètement indemnisés à l'origine ; qu'en l'espèce, il sollicitait l'indemnisation des frais d'appareillage demeurés à sa charge depuis 2015, date de l'aggravation situationnelle retenue par l'expert judiciaire, avec une capitalisation viagère pour tenir compte du renouvellement des équipements concernés ; qu'il ajoutait que sa demande ne pouvait pas être atteinte par la prescription, dans la mesure où ces équipements n'avaient été mis sur le marché, pour les plus anciens, qu'en 2011 et n'existaient pas au moment de l'accident ; que la cour d'appel a déclaré prescrite la demande d'indemnisation au titre des frais d'appareillage, après avoir relevé que son état avait été considéré comme consolidé le 15 mars 2000, date à laquelle son besoin en appareillage était connu, dans la mesure où ce besoin n'avait pas évolué depuis, aucune aggravation fonctionnelle n'ayant été constatée ; qu'elle a ajouté que « les progrès technologiques n'ont pas entraîné pour lui une dégradation de sa situation », concluant que « la demande de changement de modèle de prothèses et de fauteuil ne peut être rattachée à l'existence d'un préjudice nouveau lié à l'aggravation de son état de santé » ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les prothèses et le fauteuil de ville dont il demandait la prise en charge du coût d'acquisition puis le renouvellement, à titre viager, correspondait à un préjudice qui ne se confondait pas avec la prise en charge des équipements précédents qui n'avaient pas été indemnisés, de sorte que ce coût additionnel constituait un préjudice autonome qui n'était né qu'à compter de 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2226 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt retient qu'à la date de la consolidation du 15 mars 2000, les besoins en appareillage de M. [B] étaient connus et n'ont pas évolué depuis, aucune aggravation fonctionnelle n'ayant été constatée.
6. Il ajoute que, s'agissant de l'aggravation situationnelle alléguée, les progrès technologiques des appareillages n'ont pas entraîné de dégradation de la situation de M. [B] et que sa décision de pratiquer le basket, qui le conduit à solliciter la prise en charge d'un fauteuil roulant spécifique, date de 2008.
7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que les préjudices dont il était demandé réparation ne résultaient pas d'une aggravation de l'état de santé de M. [B] et ne constituaient ni une aggravation situationnelle ni un préjudice nouveau, a exactement retenu que ses demandes, présentées postérieurement au 15 mars 2010, se heurtaient à la prescription et étaient irrecevables.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047700649.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juin 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 399 FS-B
Pourvoi n° B 22-12.302
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
1°/ M. [Z] [W],
2°/ Mme [X] [U] épouse [W],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° B 22-12.302 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Lyon (1e chambre civile A), dans le litige les opposant à M. [R] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. et Mme [W], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 octobre 2021), M. et Mme [W] ont conclu le 20 juillet 2012 avec la société Hérios finance un contrat de mandat portant sur la recherche de biens immobiliers afin de procéder à un investissement à but de défiscalisation dit « Scellier Pacifique ».
2. Par l'intermédiaire de M. [T], avec lequel la société Hérios finance les avait mis en contact, ils ont conclu, le même jour, un contrat de réservation d'un appartement situé en Nouvelle-Calédonie, investissement éligible au dispositif Scellier Pacifique à la condition d'être résident métropolitain.
3. Se plaignant de ne pouvoir bénéficier du dispositif en raison de leur nouvelle résidence fiscale en Nouvelle-Calédonie, ils ont assigné M. [T] aux fins d'indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'indemnisation, alors « que tenu à l'égard de son client d'une obligation de conseil et d'information, le conseil en gestion de patrimoine qui propose à celui-ci de souscrire à une opération de défiscalisation immobilière doit lui délivrer une information sincère et complète sur les conditions du bénéfice de l'avantage fiscal escompté ; que l'intervention d'un autre conseiller ne saurait dispenser le conseil en gestion de patrimoine de son devoir d'information et de conseil ; qu'en décidant néanmoins que M. [T] n'était pas débiteur à l'égard de M. et Mme [W] d'une obligation d'information et de conseil portant sur l'avantage fiscal "Scellier Pacifique", attaché à l'investissement auquel il leur proposait de souscrire, motifs pris qu'il appartenait à la société Hérios finance, en sa qualité de mandataire de M. et Mme [W], qui l'avaient saisie avant M. [T], de délivrer à ces derniers une information précontractuelle afférente aux conditions de bénéfice de ce dispositif, de sorte que M. [T] n'était tenu qu'à la recherche d'un bien correspondant aux critères de choix de M. et Mme [W], après avoir pourtant constaté que M. [T] ne contestait pas avoir été saisi en vue de proposer à ces derniers un investissement dans le cadre du dispositif "Scellier Pacifique", afin de leur permettre de procéder à une opération de défiscalisation, ce dont il résultait qu'il était tenu à un devoir d'information et de conseil sur les conditions requises pour bénéficier de ce dispositif, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
5. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
6. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par M. et Mme [W], l'arrêt retient que l'information précontractuelle relative à l'avantage fiscal « Scellier Pacifique » devait être donnée par la société Hérios finance au moment de la signature du mandat à l'occasion de laquelle avaient été définies les caractéristiques du bien recherché. Il relève que M. [T] est intervenu ensuite, dans un cadre prédéterminé, pour identifier un bien correspondant aux critères de choix de M. et Mme [W] inscrits au mandat.
7. En statuant ainsi, alors que l'intervention d'un autre professionnel ne saurait dispenser le conseil en gestion de patrimoine de son devoir d'information et de conseil, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. M. et Mme [W] font le même grief à l'arrêt, alors « que tenu à l'égard de son client d'une obligation de conseil et d'information, le conseil en gestion de patrimoine qui propose à celui-ci de souscrire à une opération de défiscalisation immobilière doit lui délivrer spontanément une information sincère et complète sur les conditions du bénéfice de l'avantage fiscal escompté ; qu'en décidant néanmoins que M. [T] n'était pas tenu d'informer M. et Mme [W] de ce qu'un changement de résidence fiscale en dehors du territoire métropolitain leur ferait perdre l'avantage fiscal attaché à leur investissement, au motif inopérant que M. [T] n'avait pas été informé du projet de déménagement de M. et Mme [W] en Nouvelle-Calédonie et donc d'un changement de résidence fiscale, bien qu'il ait été tenu d'informer d'office M. et Mme [W] de l'ensemble des conditions requises pour continuer à bénéficier de l'avantage fiscal attaché à l'investissement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
9. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
10. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par M. et Mme [W], l'arrêt retient qu'il n'était pas établi qu'ils aient informé M. [T] de leur projet d'établissement familial à [Localité 3] à la date à laquelle celui-ci a exécuté sa mission.
11. En statuant ainsi, alors que le conseil en gestion de patrimoine, qui doit recueillir auprès de la personne qu'il conseille l'ensemble des éléments lui permettant d'assurer l'adéquation du projet à sa situation, doit informer son client des conditions de succès de l'opération projetée, en particulier quant à la condition de résider fiscalement en métropole pendant toute la durée du dispositif, et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047700635.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juin 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 590 F-B
Pourvoi n° M 21-17.735
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
M. [X] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-17.735 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ au GIE [4], groupement d'intérêt économique dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de M. [F], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société [3] et du GIE [4], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 avril 2021), et les productions, la société [3] a consenti à M. [F] trois crédits à la consommation qui ont fait l'objet d'incidents de paiements non régularisés en juillet et août 2014.
2. M. [F] a saisi, le 12 novembre 2014, une commission de surendettement des particuliers qui, le 15 janvier 2015, a déclaré sa demande recevable et établi des mesures recommandées consistant en un plan provisoire de vingt-quatre mois sur la base d'une capacité de remboursement mensuel de 1 365 euros, destiné à permettre la vente de son bien immobilier.
3. M. [F] a contesté ces mesures le 2 juin 2016 et, par jugement du 22 février 2018, rectifié le 5 juillet 2018, le juge d'un tribunal d'instance a établi un nouveau plan prévoyant le remboursement des sommes dues à la société [3] en 157 versements mensuels, après un moratoire de neuf mois.
4. Par acte du 8 mars 2019, M. [F] a assigné le GIE [4] et la société [3] aux fins de constatation de la forclusion et de remboursement des sommes payées en application du plan de désendettement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. M. [F] fait grief à l'arrêt de confirmer, par substitution de motifs, le jugement rendu le 12 décembre 2019 l'ayant débouté de l'intégralité de ses demandes, alors « que l'arrêt constate que M. [F] a contesté le rééchelonnement recommandé par la commission de surendettement le 2 juin 2016 et que par jugement du 22 février 2018, le juge d'instance, saisi de ladite contestation, a établi un nouveau plan ; qu'il en résulte que le premier rééchelonnement proposé par la commission n'était pas opposable à M. [F], aucun plan conventionnel de redressement n'ayant été accepté par le débiteur ou adopté avant le jugement du 22 février 2018, intervenu après l'expiration du délai de forclusion de deux ans ayant commencé à courir à compter des premiers incidents de paiement de juillet et août 2014 ; que dès lors, en retenant que la décision de rééchelonnement de la commission intervenue avant juin 2016 « a mis à néant l'existence du point de départ du délai de forclusion de juillet et août 2014 », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation de l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, applicable en l'espèce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 311-52, alinéa 2, du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et l'article L. 331-7 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 :
6. Aux termes du premier de ces textes, lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 331-7 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 331-7-1.
7. Selon le second, lorsque les mesures prévues par le présent article sont combinées avec tout ou partie de celles prévues par les articles L. 331-7-1 et L. 331-7-2, l'ensemble de ces mesures n'est exécutoire qu'à compter de l'homologation de ces dernières par le juge.
8. Il en résulte que la décision par laquelle la commission de surendettement recommande l'adoption de mesures de désendettement n'étant pas au nombre des événements visés à l'article L. 311-52 précité, le point de départ du délai de forclusion est reporté, dans ce cas, au premier incident de paiement non régularisé intervenu après la décision du juge conférant force exécutoire aux mesures.
9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que la cour d'appel n'est pas en mesure de connaître la date à laquelle le rééchelonnement des paiements des dettes a été recommandé par la commission, mais que, le jugement du 22 février 2018 précisant que M. [F] a contesté ce rééchelonnement le 2 juin 2016, celui-ci est donc intervenu avant juin 2016, et donc avant la fin du premier délai de forclusion de deux ans à compter de juillet et août 2014. Il en déduit que, à l'époque du premier rééchelonnement fixé par la commission, l'action en paiement de la société [3] n'était pas forclose et que la décision de la commission a mis à néant l'existence du point de départ du délai de forclusion de juillet et août 2014.
10. Il ajoute que, saisi d'une contestation, le juge d'instance a procédé, par décision du 22 février 2018, à un nouveau rééchelonnement et que, M. [F] affirmant respecter le paiement des mensualités prévues par ce nouveau plan, aucun incident de paiement non régularisé ne peut à ce jour être relevé comme point de départ du délai de forclusion, de sorte que l'action en paiement n'est pas forclose.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.
Condamne le GIE [4] et la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le GIE [4] et la société [3] et les condamne à payer à M. [F] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047700637.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juin 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 392 FS-B
Pourvoi n° Y 21-24.738
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
1°/ M. [H] [X], domicilié [Adresse 2],
2°/ M. [Y] [X], domicilié [Adresse 3],
3°/ la société [X] frères, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
4°/ la société [U] [I] - [P] [R], société civile professionnelle, prise en la personne de M. [P] [R], agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société [X] frères, dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° Y 21-24.738 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [E] [M],
2°/ à Mme [S] [D], épouse [M],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
3°/ à la société du grand Vaucouard, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [H] et [Y] [X], de la société [X] frères et de la société civile professionnelle [U] [I] - [P] [R], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [M] et de la société du Grand Vaucouard, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Andrich, faisant fonction de conseiller doyen, MM. Echappé, David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims,15 septembre 2021), par acte authentique du 1er août 2007, M. et Mme [M], seuls gérants de l'exploitation agricole à responsabilité limitée du Grand Vaucouard (la société Vaucouard), ont consenti un bail rural à long terme sur des parcelles antérieurement exploitées par cette société, à MM. [H] et [Y] [X] (les consorts [X]) qui les ont mises à disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [X] frères (la société [X] frères).
2. Par acte authentique du même jour, M. et Mme [M] ont vendu à la société [X] frères un corps de ferme, le cheptel, les stocks ainsi que le matériel incluant le coût des arrière-fumures.
3. Le 9 septembre 2019, les consorts [X] et la société [X] frères ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une action en répétition de cette somme dirigée contre M. et Mme [M], puis soutenant que la société Vaucouard avait perçu le montant des arrière-fumures, ils l'ont appelée en intervention forcée.
4.La société [X] frères a été mise en redressement judiciaire et la société [I]-[R] (le mandataire judiciaire) a été désignée, en qualité de mandataire judiciaire, puis de commissaire à l'exécution du plan.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Les consorts [X], la société [X] frères et le mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de dire irrecevable leur demande en répétition de l'indu dirigée contre la société Vaucouard, alors « que la fraude corrompt tout ; qu'en l'espèce, MM. [X] et la société [X] Frères faisaient valoir que les époux [M] avaient imaginé un montage juridique pour contourner l'interdiction édictée par les dispositions du code rural, qu'ils soulignaient en ce sens que bien que l'acte authentique de vente du 1er août 2007 mettant à la charge de la société [X] Frères le paiement des arrières fumures ait été conclu entre les époux [M] et la société [X] Frères seuls, la société du Grand Vaucouard, qui n'était ainsi pas intervenue à cet acte et qui n'avait donc aucune vocation à en percevoir le prix mais dont les époux [M] étaient alors les deux seuls associés, avait néanmoins établi la facture et perçu le prix de vente pourtant passé, pour le montant hors taxe, par la comptabilité du notaire ; qu'en se bornant à retenir, pour statuer comme elle l'a fait, que les juges de première instance ont pu constater que l'action en répétition de l'indu dont bénéficiaient les preneurs s'est avérée prescrite le 20 juin 2013, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en procédant ainsi, les époux [M] et la société du Grand Vaucouard n'avaient pas eu recours à un montage frauduleux de sorte qu'ils ne pouvaient se prévaloir de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-69 et L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'adage selon lequel la fraude corrompt tout. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, énoncé, à bon droit, d'une part, que l'action en répétition prévue par l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime était, sauf lorsqu'elle est exercée à l'encontre du bailleur, soumise à la prescription de droit commun, d'autre part, que, par l'effet de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription avait été réduit de trente ans à cinq ans.
7. Elle a constaté qu'il ressortait des pièces produites aux débats que la société [X] frères avait réglé par chèque du 1er août 2007 la somme de 77 000 euros HT au titre des arrière-fumures, puis payé le montant de la TVA par chèque du 30 septembre 2007.
8. Sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur l'existence d'un montage frauduleux, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que l'action en répétition de l'indu dirigée contre la société Vaucouard, preneur sortant, était prescrite depuis le 20 juin 2013, a légalement justifié sa décision de ce chef.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. Les consorts [X], la société [X] frères et le mandataire judiciaire font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en répétition de l'indu formée contre M. et Mme [M], alors « que l'indemnisation des améliorations culturales apportées au fonds par le preneur sortant incombe au seul bailleur et que les conventions en mettant le coût à la charge du preneur entrant, illicites quelle qu'en soit la forme, donnent lieu à répétition des sommes indûment perçues ; qu'en conséquence, le preneur entrant qui a réglé une indemnité pour amélioration du fonds en exécution d'une convention illicite conclue avec le seul bailleur, est en droit d'en obtenir la restitution auprès de ce dernier, peu important que la somme indue ait été perçue par le preneur sortant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que ce n'était pas les époux [M], bailleurs, qui avaient supporté le coût de l'indemnité pour améliorations due au preneur sortant, la société du Grand Vaucouard, mais la société [X] Frères, preneur entrant, en signant avec les époux [M] un acte authentique de vente du 1e août 2007 prévoyant le paiement des arrières-fumures ; qu'en retenant, pour débouter MM. [X] et la société [X] Frères de leur action en répétition de l'indu à l'encontre des époux [M], que la société [X] Frères aurait payé la somme indue de 92.092 euros sur facture établie par la société du Grand Vaucouard de sorte que cette somme aurait été perçue non par les époux [M] mais par cette dernière, quand il ressortait de ses propres constatations que, par acte authentique de vente du 1er août 2007, les époux [M], bailleurs, avaient mis le coût des améliorations à la charge de la société [X] Frères et qu'ils étaient donc seuls créanciers de ces sommes, la société du Grand Vaucouard, qui n'était pas intervenue à cet acte, n'ayant aucune vocation à en percevoir le prix, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 411-69 et L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la cour
Vu les articles L. 411-69, alinéa 1, et L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime et 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
10. Aux termes du premier de ces textes, le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.
11. Selon le deuxième, sont sujettes à répétition les sommes indûment perçues par tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci. L'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé.
12. Il résulte du troisième que l'action en répétition de l'indu peut être engagée non seulement contre celui qui a reçu le paiement mais aussi contre celui pour le compte duquel il a été reçu.
13. Pour rejeter la demande en répétition de l'indu formée contre M. et Mme [M], l'arrêt retient que la société [X] frères a réglé le coût des arrière-fumures sur la base d'une facture émise par la société Vaucouard et qu'aucun élément ne permet de déterminer que M. et Mme [M] ont bénéficié, directement ou indirectement, de cette somme.
14. En statuant ainsi, tout en relevant que les sommes payées, par le preneur entrant, en exécution de l'acte de vente du 1er août 2007 conclu avec M. et Mme [M] et auquel la société Vaucouard n'était pas partie, correspondaient aux arrière-fumures dont le paiement prohibé par l'article L. 411-74 précité, était indu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que le paiement avait été reçu par la société Vaucouard pour le compte de M. et Mme [M], a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de MM. [H] et [Y] [X] et de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [X] frères formée contre M. et Mme [M], l'arrêt rendu le 15 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. et Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [M] et l'exploitation agricole à responsabilité limitée du Grand Vaucouard et les condamne in solidum à payer à MM. [H] et [Y] [X], l'exploitation agricole à responsabilité limitée [X] frères et à la société civile professionnelle [I]-[R], ès qualités de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de l'exploitation agricole à responsabilité limitée [X] frères, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
N2 > 3e Civ., 4 juillet 2012, pourvoi n° 10-21.249, Bull. 2012, III, n° 102 (Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi), et l'arrêt cité.
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CASS/JURITEXT000047700633.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juin 2023
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 575 FS-B
Pourvoi n° B 19-25.101
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUIN 2023
1°/ M. [K] [A],
2°/ Mme [P] [R], épouse [A],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° B 19-25.101 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige les opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. et Mme [A], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, M. Waguette, Mme Caillard, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Bonnet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 2 octobre 2019) et les productions, le 6 avril 2018, la Société générale (la banque) a fait pratiquer, en vertu d'un acte de prêt notarié en date du 11 juin 2007, une saisie-attribution sur le compte bancaire de Mme [R] et de son époux M. [A].
2. M. et Mme [A] ont contesté cette saisie devant un juge de l'exécution.
3. Par jugement du 29 janvier 2019, ce juge a débouté M. et Mme [A] de leurs demandes, validé la saisie litigieuse, et les a condamnés à payer à la banque une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [A] font grief à l'arrêt de rejeter toutes leurs demandes, de valider, pour son montant, la saisie-attribution pratiquée par la banque le 6 avril 2018 et de les condamner à verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « qu'en statuant, globalement, en des termes de nature à faire peser un doute légitime sur l'existence d'un parti pris contre les époux [A], incompatibles avec l'exigence d'impartialité objective, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
5. Selon ce texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.
6. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'impartialité se définit d'ordinaire par l'absence de préjugé ou de parti pris. La Cour distingue entre une démarche subjective, essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur ou quel était son intérêt dans une affaire particulière, et une démarche objective amenant à rechercher s'il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime ([B] c. Belgique, arrêt du 1er octobre 1982, n° 8692/79, § 30, et [O] c. Royaume-Uni [GC], arrêt du 16 décembre 2003, n° 57067/00, § 69). Dans le cadre de la démarche subjective, la Cour a toujours considéré que l'impartialité personnelle d'un magistrat se présume jusqu'à la preuve du contraire ([W] c. Danemark, arrêt du 24 mai 1989, 10486/83, § 47). La Cour reconnaît la difficulté d'établir l'existence d'une violation de l'article 6 pour partialité subjective. C'est la raison pour laquelle, dans la très grande majorité des affaires soulevant des questions de partialité, elle a eu recours à la démarche objective. La frontière entre les deux notions n'est cependant pas hermétique car non seulement la conduite même d'un juge peut, du point de vue d'un observateur extérieur, entraîner des doutes objectivement justifiés quant à son impartialité (démarche objective) mais elle peut également toucher à la question de sa conviction personnelle (démarche subjective). (CEDH, Kyprianou c/ Chypre [GC], arrêt du 15 décembre 2005, n° 73797/01, n° 119)
7. L'arrêt énonce que les débiteurs se sont soigneusement abstenus d'engager une procédure d'inscription de faux à l'encontre du procès-verbal de dénonciation qui leur a été délivré, et par ailleurs qu'une procédure engagée par leur adversaire n'aurait fait que tourner à leur confusion et aurait pu entraîner de nouveaux frais à leur charge de sorte qu'ils devraient se féliciter de ne pas avoir fait l'objet d'une assignation en la matière.
8. En statuant ainsi, en analysant, dans les motifs de l'arrêt, les thèses des parties selon des modalités différentes, celle de la banque étant présentée avec neutralité, celle des débiteurs étant ponctuée d'expressions révélant une appréciation subjective de leur cause et traduisant des jugements de valeur, une telle présentation étant de nature à faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen relevé d'office
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 1240 du code civil, 559 du code de procédure civile, 6, § 1, et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
10. Selon l'article 6, § 1, de la Convention précitée, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
11. Selon l'article 10, § 1, de la Convention précitée, toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.
12. L'article 10, § 2, stipule que l'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.
13. Par ailleurs, il résulte de l'article 559 du code de procédure civile qu'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.
14. La question se pose de savoir si une partie appelante peut être condamnée à des dommages-intérêts sur les fondements de l'article 559 précité et 1240 du code civil à raison du contenu de ses écritures produites devant la cour d'appel.
15. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, de manière générale, la condamnation à des dommages-intérêts constitue une ingérence dans l'exercice par l'intéressé de sa liberté d'expression et pareille immixtion enfreint l'article 10, sauf si elle est « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire » dans une société démocratique pour les atteindre (Paturel c. France, arrêt du 22 mars 2006, n° 54968/00, § 24).
16. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'« égalité des armes » et d'autres considérations d'équité militent en faveur d'un échange de vues libre, voire énergique, entre les parties, et de critiques très larges de la part de l'avocat de la défense en vue de garantir le libre exercice de sa profession et le droit de son client à un procès équitable. ([E] c. Finlande, arrêt du 21 mars 2002, n° 31611/96, § 49).
17. Il en résulte qu'éclairés par la jurisprudence de la Cour européenne, les articles 6 et 10 de la CEDH s'opposent, au regard des impératifs de libre exercice des droits de la défense et de droit à un procès équitable, à ce qu'une partie appelante d'un jugement soit condamnée, sur le fondement des articles 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil, à des dommages-intérêts à raison d'un passage ou d'un extrait de ses écritures remises à la cour d'appel.
18. En effet, seules les dispositions spéciales prévues à l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 peuvent fonder une condamnation à indemnisation à raison d'écrits produits devant les tribunaux et de leur caractère prétendument diffamatoire. Encore faut-il que les passages litigieux soient étrangers à l'instance judiciaire. (1re Civ., 28 septembre 2022, n° 20-16.139, publié ; Crim., 11 octobre 2005, n° 05-80.545, publié)
19. Une telle interprétation, si elle n'a pas été affirmée antérieurement par la deuxième chambre civile, est conforme aux articles 6 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
20. Pour condamner M. et Mme [A] à payer à la banque une certaine somme à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande de l'intimée sur le fondement de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 précitée, retient essentiellement que la mauvaise foi des appelants est patente, qu'ils n'ont pas craint dans leurs écritures de reprocher des malversations à la banque qu'ils accusent pratiquement d'escroquerie, qu'un tel comportement constitue à l'évidence un abus fautif, de nature à causer un préjudice à la partie intimée, l'abus déjà constaté par le juge de l'exécution ayant été aggravé par la procédure d'appel et le contenu de l'argumentation malveillante de M. et Mme [A].
21. En statuant ainsi, alors que les appelants ne pouvaient être condamnés à des dommages-intérêts sur le fondement des dispositions des articles 1240 du code civil et 559 du code de procédure civile, à raison d'un passage ou d'un extrait de leurs conclusions devant la cour d'appel, fussent-ils de nature à heurter et choquer, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 2 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille vingt-trois.
Crim., 8 septembre 2015, pourvoi n° 14-84.380, Bull. crim. 2015, n° 195 (cassation) ;2e Civ., 20 avril 2023, pourvoi n° 21-22.206, Bull. (cassation partielle sans renvoi).
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CASS/JURITEXT000047852629.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 juillet 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 554 FS-B
Pourvoi n° S 22-17.146
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023
1°/ la société Cleaone Holding, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Echiquier Enghien, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° S 22-17.146 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 chambre 1), dans le litige les opposant :
1°/ à la société La Française Real Estate Managers, société par actions simplifiée,
2°/ à la société Crédit Mutuel Pierre 1, société civiles professionnelle immobilière,
toutes deux ayant leur siège [Adresse 2],
3°/ à la société Nexity conseil et transaction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Cleaone Holding, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société La Française Real Estate Managers et de la société Crédit Mutuel Pierre 1, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Echiquier Enghien du désistement pur et simple de son pourvoi.
2. Il est donné acte à la société Cleaone Holding du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Nexity conseil et transaction.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2022), la société Crédit Mutuel Pierre 1 (la société CMP 1) ayant pour gérante la société La Française Real Estate Managers, et la société France Investipierre, propriétaires indivis d'un immeuble, ont donné mandat à la société Nexity conseil et transaction de le vendre.
4. Le 15 décembre 2015, la société Cleaone Holding (la société Cleaone) a fait une offre d'achat que la société CMP 1 a acceptée le 22 décembre 2016, sous réserve de l'accord de son coïndivisaire.
5. L'acceptation a été réitérée avec la même réserve le 2 février 2017, la signature de la promesse de vente étant fixée au 15 mars 2017.
6. A la suite du refus, par la société France Investipierre, de vendre le bien, celui-ci a été remis en vente et la société Cleaone a fait une nouvelle offre d'achat le 8 mars 2017.
7. Le 28 mars 2017, la société CMP 1 a informé la société Cleaone de l'absence d'acceptation ferme de cette offre faute d'accord de la société France Investipierre, et s'est prévalue de la caducité, au 15 mars 2017, des accords donnés à la suite de l'offre d'achat initiale du 15 décembre 2015.
8. Le 13 novembre 2017, la société CMP 1 a acquis les parts indivises de la société France Investipierre.
9. La société Cleaone a assigné les sociétés CMP 1, France Investipierre et Nexity conseil et transaction afin qu'il soit jugé qu'à la suite de l'acceptation de l'offre initiale par la société CMP 1 et à l'acquisition, par elle, de la totalité des parts indivises du bien, la vente était parfaite au prix de la première offre et que, le jugement valant acte de vente, elle soit condamnée à régulariser cette dernière et à lui payer des dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le second moyen
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. La société Cleaone fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire parfaite la vente acceptée par la société CMP1 le 22 décembre 2016, alors « que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager ; que la vente est parfaite entre les parties dès qu'elles sont convenues de la chose et du prix ; que, par ailleurs, tout acte mettant fin à une indivision est un partage et que par l'effet déclaratif du partage, celui qui reçoit le bien est censé en avoir été propriétaire depuis le jour de son entrée dans l'indivision ; qu'en l'espèce, après avoir admis que « la SCPI CMP1 est devenue propriétaire unique de l'ensemble immobilier litigieux à la suite de l'acquisition des droits indivis détenus par la société France investipierre le 13 novembre 2017 » et que « ce partage a un effet déclaratif qui a pour effet de réputer la SCPI CMP1 seule propriétaire du bien indivis depuis la date de son entrée dans l'indivision », soit depuis le 6 novembre 1997, la cour d'appel a pourtant jugé que « cet effet déclaratif ne permet pas de faire revivre l'acceptation qu'elle avait donnée à la proposition d'achat de la société Cleaone atteinte de caducité depuis le 15 mai 2017 » ; qu'en se prononçant ainsi , lorsque l'effet déclaratif du partage avait justement eu pour effet de rendre la vente de l'ensemble immobilier parfaite entre les parties du fait de l'acceptation valablement émise par la société CMP 1 le
22 décembre 2016, peu important que la société Investipierre, alors coïndivisaire, n'ait pas donné son accord à cette vente avant la date prévue à l'acte, soit le 15 mai 2017, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a, ce faisant, violé l'article 883 du code civil, ensemble les articles 1113 et 1583 du code civil. »
Réponse de la Cour
12. Il résulte de l'article 883 du code civil que le partage a un effet déclaratif et non constitutif, qui confère au titulaire du lot dont le bien fait partie l'ensemble des actes valablement accomplis sur ce bien depuis son entrée dans l'indivision.
13. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé qu'après l'offre d'achat de l'intégralité du bien immobilier pour 18 millions d'euros, il n'y avait pas eu d'acceptation ferme et définitive de vente de la part de la société CMP 1, celle-ci n'ayant jamais manifesté son intention de ne vendre que ses droits indivis et ayant subordonné son consentement à celui de son coïndivisaire, la société France Investipierre.
14. La cour d'appel a retenu à juste titre qu'à la suite du refus par la société France Investipierre de vendre, l'acceptation donnée sous condition par la CMP 1 était devenue caduque à l'issue du délai fixé pour la signature de la promesse de vente.
15. Elle en a exactement déduit que si, du fait du rachat des parts de son coïndivisaire, la société CMP 1 était devenue seule propriétaire de l'immeuble, l'effet déclaratif du partage ne permettait pas de faire revivre l'acceptation qu'elle avait donnée à la proposition d'achat de la société Cleaone, atteinte de caducité depuis le 15 mai 2017, l'effet déclaratif du partage ne s'appliquant qu'aux actes ou droits existants et valablement constitués.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cleaone Holding aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cleaone Holding et la condamne à payer aux sociétés Crédit Mutuel Pierre 1 et La Française Real Estate Managers la somme globale de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Delbano, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047852635.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 juillet 2023
Cassation partielle
Mme Teiller, président
Arrêt n° 557 FS-B
Pourvoi n° P 22-13.233
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023
1°/ M. [U] [T],
2°/ Mme [H] [N], épouse [T],
tous deux domiciliés, [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° P 22-13.233 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société MJ [V], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [O] [V] agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 5],
2°/ à M. [I] [K], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [T], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société MJ [V], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [K], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents, Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 14 décembre 2021), la société civile de construction vente [Adresse 5] (la SCCV) a obtenu l'autorisation de construire dix maisons sur un terrain dont elle était propriétaire, qu'elle a divisé et vendu par lots en l'état futur d'achèvement, notamment à M. et Mme [T] et à M. [K].
2. Se plaignant d'une violation, par la SCCV et M. [K], de règles contractuelles du groupement d'habitations, M. et Mme [T] les ont assignés aux fins de démolition de la maison de M. [K] et paiement de dommages-intérêts.
3. La SCCV a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 16 avril 2021 et la société MJ [V] a été désignée en qualité de liquidateur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [T] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en démolition des ouvrages appartenant à M. [K] et leurs demandes indemnitaires, alors « que les documents afférents à un groupe d'habitations, dès lors qu'ils ont donné lieu aux formalités de la publicité foncière, sont opposables à tout propriétaire d'un lot au sein du groupe ; qu'en retenant que les documents intitulés Règlement de l'ensemble résidentiel « [Adresse 5] » et Plan de composition n'étaient pas opposables à M. [K], dès lors que son acte d'acquisition du 17 août 2016, qui les mentionnait à titre d'informations préalables, ne les reproduisait pas, ni ne les mentionnait comme figurant en annexe, quand pourtant ils constataient que les documents afférents au groupe ont donné lieu aux formalités de la publicité foncière, les juges du fond ont violé l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 :
5. Il résulte de ces textes que les restrictions au droit de propriété grevant les lots d'un groupement d'habitations ont un caractère réel et s'imposent aux acquéreurs des lots de ce groupement, même si elles ne figurent pas dans leur acte de vente, dès lors que les documents qui les contiennent ont été publiés au fichier immobilier.
6. Pour rejeter la demande de démolition des ouvrages construits sur le lot vendu à M. [K], fondée sur la violation du règlement du groupement d'habitations et de son plan de composition, l'arrêt retient que ces documents ne peuvent pas être considérés comme figurant dans l'acte notarié d'acquisition du 17 août 2016 à titre de clauses contractuelles opposables mais uniquement à titre d'informations préalables, dans la mesure où leur contenu respectif n'est ni directement reproduit dans l'acte authentique d'acquisition, ni mentionné comme étant annexé dans ce même acte d'acquisition.
7. Il ajoute que la mention de ces documents dans l'acte de vente a un caractère informatif, résultant de son intitulé même et que leur dépôt aux minutes du notaire instrumentaire ne permet leur consultation que par une démarche totalement dissociée de la formalisation de l'acte authentique.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le règlement du groupement d'habitation et son plan avaient été publiés au service de la publicité foncière, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. M. et Mme [T] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'interdiction est faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant que le Règlement de l'ensemble résidentiel "[Adresse 5]" ne fixent pas les modalités et conditions constructives propres à chacun des lots privatifs, quand, en son article 2.07 intitulé Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, il prévoit : "Les constructions seront réalisées suivant le plan de composition", les juges du fond ont dénaturé le Règlement de l'ensemble résidentiel "[Adresse 5]". »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
10. Pour rejeter la demande de démolition fondée sur la violation du règlement du groupement d'habitations et de son plan de composition, l'arrêt retient que les articles 1.01 et 1.02 du règlement de l'ensemble résidentiel « [Adresse 5] » limitent le périmètre de compétence des dispositions de ce document aux seules règles et servitudes d'intérêt général de cet ensemble résidentiel ainsi qu'au respect des règles d'urbanisme applicables sur le territoire de la commune d'[Localité 4], à l'exclusion des modalités et conditions constructives propres à chacun des lots privatifs, qui relèvent sur un plan général du plan local d'urbanisme.
11. En statuant ainsi, alors que le règlement litigieux prévoyait des règles de dimension, d'aspect et d'implantation des constructions sur les lots privatifs, en renvoyant, s'agissant des distances à observer par rapport aux limites séparatives, au plan de composition, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet écrit, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme [T] de leur demande en démolition de la maison en cours de construction appartenant à M. [K] et en ce qu'il les déboute de leurs demandes subsidiaires d'indemnités en allégation de préjudices de perte de vue et d'ensoleillement ainsi que de valeur vénale de leur maison d'habitation, l'arrêt rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. [K] et la société MJ [V], prise en sa qualité de liquidateur de la société civile de construction vente [Adresse 5], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [K] et la société MJ [V], prise en sa qualité de liquidateur de la société civile de construction vente [Adresse 5], à payer à M. et Mme [T] la somme de globale de 2 000 euros et rejette la demande de M. [K] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 juillet 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 556 FS-B
Pourvoi n° D 22-14.535
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023
La Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-14.535 contre l'arrêt rendu le 8 février 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat des copropriétaires de l'Ensemble immobilier [Localité 5], dont le siège est [Adresse 6], représenté par son syndic la société C&M immobilier, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Etude Bouvet-Guyonnet, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Acim (agences Chauvin immobilier Maurienne),
3°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la Compagnie européenne de garanties et cautions, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du syndicat des copropriétaires Ensemble immobilier [Localité 5], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Etude Bouvet-Guyonnet, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 février 2022, RG n° 21/00041), le 31 mars 2018, la société Agences Chauvin immobilier Maurienne (la société ACIM) a informé ses clients, parmi lesquels, le syndicat des copropriétaires de « l'ensemble immobilier » [Localité 5], dont elle était le syndic, de détournements de fonds commis par l'un de ses salariés depuis 2015.
2. Elle a déclaré ce sinistre à sa compagnie d'assurance responsabilité civile, la société Allianz IARD (la société Allianz), et à sa garante financière, la société Compagnie européenne de garanties et cautions (la société CEGC).
3. La société ACIM n'ayant pas donné suite à la demande de remboursement des sommes détournées, le syndicat des copropriétaires l'a assignée en référé, ainsi que les sociétés Allianz et CEGC, aux fins de paiement d'une provision correspondant aux sommes détournées majorées du préjudice financier et à titre subsidiaire, d'expertise.
4. Par jugement du 12 mai 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACIM et désigné la société Etude Bouvet-Guyonnet en qualité de mandataire liquidateur, laquelle a été appelée en la cause par le syndicat des copropriétaires.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La société CGEC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer et de la condamner à payer la somme provisionnelle de 231 267,22 euros au syndicat des copropriétaires de « l'ensemble immobilier » [Localité 5], alors :
« 1°/ que la déclaration d'une créance de restitution de fonds prétendument détenus par un professionnel de l'immobilier faisant l'objet d'une mesure de redressement ou de liquidation judiciaire demeure sans incidence sur l'obligation de mise en oeuvre de la garantie financière obligatoire souscrite par ce professionnel, l'existence de cette garantie serait-elle non contestée ; qu'en jugeant cependant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société Acim, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble [Localité 5], pour la circonstance que « la créance a été admise à titre définitif par ordonnance du juge-commissaire », la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à établir le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de garantie de la société CEGC, violant ainsi le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile ;
2° / que, subsidiairement, la garantie financière obligatoire souscrite par les professionnels de l'immobilier ne peut être mise en oeuvre lorsque la défaillance du professionnel garanti est imputable à ses fautes de gestion, relevant exclusivement de sa responsabilité civile dont les conséquences sont prises en charge par son assureur ; qu'en jugeant cependant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société Acim, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble [Localité 5], et que la « garantie responsabilité civile » assumée par la société Allianz, assureur de la société Acim, revêtait un « caractère subsidiaire » au regard de la garantie financière de la société CEGC, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse relative à l'étendue respectives de la garantie financière de la société Cecg et de l'assurance responsabilité civile de la société Allianz, relevant pourtant de champs d'application distincts ; que la cour d'appel a ainsi violé le second alinéa de l'article 835 du code de procédure civile ;
3°/ que, à tout le moins, en jugeant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société CEGC était, en tant que garant financier de la société Acim, débitrice de la somme de 231.267,22 euros à l'égard du syndicat des copropriétaires de l'ensemble [Localité 5], sans répondre aux conclusions de la société CEGC faisant valoir que sa garantie financière était exclue puisqu'à supposer que les fonds litigieux aient été remis à titre précaire à la société Acim, celle-ci les avaient fautivement affectés à d'autres syndicats de copropriétaires pour les besoins d'une opération de «cavalerie», ce qui traduisait l'existence de fautes de gestion relevant exclusivement de la responsabilité civile professionnelle de la société Acim, et non de sa garantie financière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des articles 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 39 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, d'une part, que la garantie financière exigée des personnes exerçant des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce s'applique à toute créance ayant pour origine un versement, ou une remise, effectué à l'occasion de l'une de ces opérations, d'autre part, qu'elle produit effet sur les seules justifications que la créance est certaine, liquide et exigible, et que la personne garantie est défaillante, quelle que soit la cause de cette défaillance.
7. Ayant souverainement retenu que l'existence d'un détournement de fonds à hauteur de 231 627,22 euros au préjudice du syndicat des copropriétaires était établie, notamment par un audit comptable et l'admission à titre définitif par le juge commissaire de la créance pour ce même montant, et relevé que la société ACIM n'avait pas restitué les fonds malgré mise en demeure, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes relatives à l'existence de fautes de gestion de la société ACIM et aux conséquences en découlant quant aux garanties susceptibles d'être mises en oeuvre, en a déduit à bon droit, sans trancher de contestation sérieuse, que l'obligation de garantie n'était pas sérieusement contestable et pouvait donner lieu à l'allocation d'une provision.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Compagnie européenne de garanties et cautions aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Compagnie européenne de garanties et cautions et la condamne à payer la somme de 1 000 euros à la société Allianz IARD, celle de 1 000 euros à la société Etude Bouvet-Guyonnet en qualité de mandataire liquidateur de la société Agences Chauvin immobilier Maurienne et celle de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires de « l'ensemble immobilier » [Localité 5] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 juillet 2023
Cassation sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 553 FS-B
Pourvoi n° W 21-23.747
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023
M. [L] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-23.747 contre l'arrêt rendu le 9 août 2021 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige l'opposant à la Société moderne des terrassements parisiens, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [R], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la Société moderne des terrassements parisiens, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 août 2021), et les productions, M. [R] (le maître de l'ouvrage) a confié la réalisation de travaux à la société Mag (l'entrepreneur principal), qui en a sous-traité une partie à la Société moderne des terrassements parisiens (le sous-traitant).
2. Par jugement du 12 juin 2014, l'entrepreneur principal a été mis en liquidation judiciaire immédiate sans avoir réglé le solde du marché au sous-traitant.
3. Ayant adressé en vain, le 6 octobre 2014, une lettre mettant en demeure l'entrepreneur principal de lui payer le solde du marché, le sous-traitant a exercé l'action directe à l'encontre du maître de l'ouvrage.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen relevé d'office
5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2 du même code.
Vu l'article 12, alinéas 1 et 3, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 :
6. Selon ce texte, le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage. Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.
7. Il est jugé que lorsque l'entrepreneur principal a été mis en liquidation judiciaire, le sous-traitant est tenu pour exercer l'action directe, prévue à l'article susvisé, contre le maître de l'ouvrage, d'adresser à celui-ci une copie de sa production au passif de l'entrepreneur principal, cette production tenant lieu de mise en demeure (Com., 12 mai 1992, n° 89-17.908, Bull, 1992 IV, n° 178 ; Com, 9 mai 1995, pourvoi n° 93-10.568, Bull 1995, IV, n° 131).
8. Pour condamner le maître de l'ouvrage à payer une certaine somme au sous-traitant ayant agi directement contre lui, l'arrêt retient que ce dernier démontre avoir adressé à l'entrepreneur principal, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 octobre 2014, une mise en demeure de payer le solde du marché, la mise en liquidation judiciaire antérieure de l'entrepreneur principal étant indifférente.
9. En statuant ainsi, alors que faute de mise en demeure préalable à la liquidation judiciaire, seule la déclaration de créance vaut mise en demeure de l'entrepreneur principal, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. La mise en demeure adressée, le 6 octobre 2014, par le sous-traitant à l'entrepreneur principal, dessaisi de la gestion de ses biens à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, est inefficace. En l'absence de déclaration de créance au passif de l'entrepreneur principal valant mise en demeure, l'action directe exercée par le sous-traitant contre le maître de l'ouvrage est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DECLARE irrecevable la Société moderne des terrassements parisiens en son action directe en paiement formée contre M. [R] ;
Condamne la Société moderne des terrassements parisiens aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 juillet 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 555 FS-B
Pourvoi n° U 22-17.010
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023
La société Deloffre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], exerçant sous l'enseigne Maisons Axcess, a formé le pourvoi n° U 22-17.010 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [K],
2°/ à Mme [O] [P],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Deloffre, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K] et de Mme [P], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2022), le 16 août 2011, M. [K] et Mme [P] ont conclu avec la société Deloffre un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan.
2. La réception de l'ouvrage est intervenue le 30 septembre 2013 avec réserves.
3. Se plaignant de désordres et retards, M. [K] et Mme [P] ont assigné la société Deloffre en indemnisation de leurs préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et sur les deuxième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables ou qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 4 716,40 euros au titre des surcoûts pris en charge par les maîtres de l'ouvrage, alors « que le constructeur de maison individuelle n'est pas tenu de réaliser des équipements qui ne sont ni prévus par le contrat de construction et ses annexes ni indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, quand bien même ils seraient rendus nécessaires par l'autorisation d'urbanisme ; qu'ayant constaté que la notice descriptive ne portait pas mention de la réalisation de la clôture végétalisée du terrain sur lequel la maison a été édifiée, la cour d'appel qui a cependant jugé que son coût devait être pris en charge par le constructeur, au seul motif, inopérant, que le permis de construire avait été accordé sous réserve de prescriptions relatives aux clôtures, et sans constater que cette clôture aurait été indispensable à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, a violé les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
6. Dès lors que, selon l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation, le contrat de construction avec fourniture du plan doit comporter l'affirmation de la conformité du projet aux règles du code de l'urbanisme, le coût des ouvrages dont la réalisation conditionne l'autorisation de construire doit être intégré dans le prix forfaitaire demandé par le constructeur ou, s'il est laissé à la charge du maître de l'ouvrage, faire l'objet d'un chiffrage de la part du constructeur.
7. Une telle interprétation est conforme aux objectifs poursuivis par ce texte, dont la finalité est d'informer exactement le maître de l'ouvrage du coût total de la construction projetée, pour lui éviter de s'engager dans une opération qu'il ne pourrait mener à son terme.
8. La cour d'appel a relevé que le plan local d'urbanisme en vigueur au jour de la signature du contrat de construction, prévoyait, dans la zone d'implantation de la maison, la clôture des terrains par des haies végétales, que les plans de la demande de permis de construire faisaient apparaître la clôture et que le permis de construire était accordé à M. [K] et Mme [P] sous réserve du respect des prescriptions relatives aux clôtures.
9. Ayant constaté que le coût de la clôture, qui devait obligatoirement être édifiée pour respecter les règles locales d'urbanisme et l'autorisation de construire, n'avait pas été inclus dans le prix forfaitaire ni chiffré au titre des prestations restant à la charge des maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il devait être mis à la charge du constructeur.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
11. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 2 585,44 euros TTC au titre des frais exposés en expertise et procès-verbal d'huissier de justice, alors :
« 1°/ qu'il ne peut y avoir de responsabilité civile sans faute ; qu'en condamnant la société Deloffre à payer des dommages-intérêts aux consorts [K] / [P] au titre de l'expertise amiable de l'expert [C], au seul motif, inopérant, que cette expertise a été utile à la résolution du litige, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ qu'en s'abstenant d'expliquer en quoi le fait pour le maître de l'ouvrage de se faire assister lors de la réception du chantier par un huissier de justice constituerait un préjudice en lien de causalité direct et certain avec une faute commise par le constructeur, le coût de son intervention étant dû que des réserves soient ou non formulées, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
12. La cour d'appel s'est fondée sur les conclusions de l'expertise non judiciaire et le constat de l'huissier de justice pour condamner le constructeur à indemniser les maîtres de l'ouvrage du coût des travaux nécessaires à la levée des réserves.
13. Par motifs propres et adoptés, elle a retenu que ces actes avaient été utiles à la résolution du litige et que les frais y afférents avaient été exposés à la suite des nombreuses réserves relevées lors de la réception de l'ouvrage, consécutives au manquement contractuel de la société Deloffre.
14. Ayant retenu que le déroulement des travaux et la gestion du chantier avaient été chaotiques, elle a suffisamment fait ressortir que les frais litigieux, en ce compris les frais de l'intervention d'un huissier de justice lors des opérations de réception, étaient imputables aux fautes du constructeur.
15. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. La société Deloffre fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 24 795,12 euros au titre de sa garantie de parfait achèvement, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 30 septembre 2014, alors « que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ; qu'en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai d'un an, ne peut suppléer, les demandes indemnitaires du maître de l'ouvrage fondées sur la garantie de parfait achèvement ne peuvent être accueillies ; qu'en retenant, pour accueillir les demandes indemnitaires des consorts [K] / [P] fondées sur la garantie de parfait achèvement, que l'assignation devant le tribunal de la société Deloffre par leurs soins est intervenue par acte du 30 septembre 2014, soit dans le délai d'un an et qu'il y a donc lieu d'examiner les désordres qu'ils allèguent, tout en constatant que le seul courrier adressé le 28 octobre 2013 par les maîtres de l'ouvrage au constructeur ne concernait pas les désordres relevant de la garantie de parfait achèvement, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1792-6 du code civil :
17. Selon ce texte, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
18. Ainsi, en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une assignation, même délivrée avant l'expiration du délai d'un an prévu à l'article 1792-6 du code civil, ne peut suppléer, le maître de l'ouvrage ne peut être indemnisé sur le fondement de la garantie de parfait achèvement.
19. Pour accueillir les demandes de M. [K] et Mme [P] sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, l'arrêt retient que l'assignation délivrée à la société Deloffre, valant mise en demeure, est intervenue dans le délai d'un an courant à compter de la réception de l'ouvrage.
20. En se déterminant ainsi, sans constater que les désordres avaient, préalablement à l'assignation, été notifiés à l'entrepreneur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
21. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société Deloffre sur le fondement de la garantie de parfait achèvement entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'entrepreneur à indemniser le préjudice moral des maîtres de l'ouvrage, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
22. En effet, la condamnation prononcée au titre du préjudice moral se fonde sur l'existence de multiples désordres.
23. La cassation des chefs de dispositif relatifs à la garantie de parfait achèvement et au préjudice moral n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Deloffre aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Deloffre à payer à M. [K] et Mme [P] la somme de 24 795,12 euros TTC au titre de la garantie de parfait achèvement et la somme de 4 000 euros en réparation de leur préjudice moral, l'arrêt rendu le 26 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [K] et Mme [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047852115.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mai 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 299 FS-B
Pourvoi n° T 21-14.843
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023
1°/ la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH, société de droit allemand, venant aux droits de la société TÜV Rheinland Products Safety GmbH, dont le siège est [Adresse 3] (Allemagne),
2°/ la société TÜV Rheinland France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° T 21-14.843 contre l'arrêt RG n° 17/02231 rendu le 11 février 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [W] [R], domiciliée [Adresse 2], et 8515 parties.
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, six moyens de cassation.
Mme [N] et deux mille cent deux autres parties, Mme [I] et huit autres parties, représentées par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat, ont formé, respectivement, un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt et invoquent, respectivement, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Mme [R] et six mille cinquante-cinq autres parties, représentées par la SCP Spinosi, avocat, ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt et invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer et les plaidoiries de Me Périer, avocat des sociétés TÜV Rheinland LGA Products GmbH et TÜV Rheinland France, de la SAS Buk Lament-Robillot et les plaidoiries de Me Robillot, avocat de Mme [N] et de deux mille cent deux autres parties, et de Mme [I] et huit autres parties, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, et plaidoiries de Me Pinatel, avocat de Mme [D] et de deux-cent-trente-trois autres parties, de la SCP Spinosi, avocat de Mme [R] et de six mille cinquante-cinq autres parties, et plaidoires de Me Spinosi, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mme [Y] et de cinquante-quatre autres parties, et plaidoiries de Me Gaschignard, et l'avis écrit et oral de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 février 2021, RG n° 17/02231), la société Poly implant prothèse (la société PIP), qui fabriquait et commercialisait des implants mammaires, a demandé à la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH (la société TRLP), de procéder à l'évaluation du système de qualité mis en place pour la conception, la fabrication et le contrôle final, ainsi qu'à l'examen du dossier de conception de ces dispositifs médicaux, en sa qualité d'organisme notifié par les Etats membres à la Commission européenne et aux autres Etats membres, au sens de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux.
2. Une première inspection de certification a été réalisée auprès de la société PIP, suivie d'audits visant à renouveler la première certification. Ainsi, le 22 octobre 1997, la société TRLP a rendu une décision d'approbation du système de qualité de la société PIP, qu'elle a renouvelée les 17 octobre 2002, 15 mars 2004 et 13 décembre 2007. Le 25 février 2004, à la suite de la nouvelle classification des implants mammaires en classe III de la directive 93/42, la société PIP a soumis la conception du dispositif médical dénommé « implants mammaires pré-remplis de gel de silicone à haute cohésivité (IMGHC) » à la société TRLP, qui a délivré, le 15 mars 2004, un certificat d'examen CE, valable jusqu'au 14 mars 2009, et, le 27 mai 2009, saisie d'une nouvelle demande de la société PIP, un second certificat.
3. Ces audits ont été réalisés par ou avec des auditeurs de la société TÜV Rheinland France (la société TRF), également membre du groupe TÜV.
4. A la suite d'une inspection, les 16 et 17 mars 2010, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a constaté que de nombreux implants avaient été fabriqués à partir d'un gel de silicone différent du gel de marque Nusil qui figurait dans le dossier de marquage CE de conformité aux dispositions de la directive. En raison du risque de rupture précoce des implants fabriqués par la société PIP et du caractère inflammatoire du gel utilisé, le ministère de la santé français et différentes autorités sanitaires étrangères ont recommandé aux femmes concernées de faire procéder, à titre préventif, à leur explantation.
5. Le 30 mars 2010, la société PIP a été placée en liquidation judiciaire et, par arrêt du 2 mai 2016, ses dirigeants ont été déclarés coupables des délits de tromperie aggravée et d'escroquerie et condamnés, l'enquête pénale ayant établi que la société PIP avait utilisé ce gel à compter du mois d'octobre 2002.
6. Le 14 avril 2014, la société B & S Centro de Excelencia en Cirurgia Plastica, clinique ayant utilisé des implants mammaires PIP, a assigné les sociétés TRLP et TRF en responsabilité, indemnisation et expertise quant à son préjudice.
7. Sont intervenues volontairement à l'instance aux mêmes fins les sociétés Peter Olandier Medica Forsalinings AB, Chang Sing Trading, Vaj Technology, Big One, E-Ximed Co Ltd et Vidal Medical, distributrices d'implants PIP, ainsi que de nombreuses personnes physiques porteuses d'implants, de nationalité française ou étrangère.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF et les premiers moyens des pourvois incidents de Mme [I] et autres, Mme [N] et autres et Mme [R] et autres, réunis
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses autres branches, des sociétés TRLP et TRF
Enoncé du moyen
9. Les sociétés TRLP et TRF font grief à l'arrêt de juger que la société TRLP, en sa qualité d'organisme notifié, a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission, que leurs responsabilités professionnelles sont « avérées » et qu'elles doivent réparer solidairement les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs des produits de la société PIP et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'annexe II de la directive du 93/42/CEE du 14 juin 1993, telle qu'interprétée par la Cour de Justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (C-219/15), que l'obligation de vigilance à laquelle est tenu l'organisme notifié ne lui impose pas, en l'absence d'indices suggérant que les dispositifs concernés sont susceptibles d'être non conformes aux exigences découlant de cette directive, de vérifier les éléments comptables ou commerciaux relatifs à l'approvisionnement du fabricant en toutes matières entrant dans la composition des dispositifs fabriqués ; que, s'agissant de vérifier l'application par le fabricant des processus d'achat faisant partie du système de qualité certifié, l'organisme notifié est uniquement tenu de vérifier, au moyen d'audits périodiques et d'investigations réalisées par sondages, c'est-à-dire par la revue de documents, le questionnement de salariés, ou le suivi de lot(s) d'implants sélectionné(s) de façon aléatoire, que les matières premières sont commandées, réceptionnées, contrôlées, et stockées conformément au système de qualité certifié ; qu'en jugeant que les sociétés TRLP et TRF étaient tenues par principe de contrôler, par une analyse de la comptabilité matières du fabricant PIP, que celui-ci se fournissait de façon régulière et suffisante en gel de remplissage NuSil MED3-6300, lequel avait fait l'objet d'une fraude, quand une telle obligation ne relevait pas de l'exercice normal des obligations de l'organisme notifié et ne se serait imposée à celui-ci qu'en présence d'indices de non-conformité des dispositifs qu'elle n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
2°/ que, devant les juges du fond, les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir qu'il résultait des normes professionnelles NF EN ISO 17021:2006, NF EN ISO 13485.2000 et ISO 9001:1994, auxquelles les organismes notifiés se réfèrent pour l'exécution de leurs missions, qu'hors le cas où ils auraient eu connaissance d'indices de non conformité des dispositifs médicaux, la mission de ces organismes était de procéder à des audits périodiques et à un contrôle par échantillonnage visant à vérifier l'application du système de qualité approuvé ; qu'en reprochant aux sociétés TRLP et TRF de ne pas avoir procédé à une inspection de la comptabilité matières pour contrôler spécifiquement que le fabricant PIP commandait de manière régulière et suffisante du gel de remplissage NuSil MED3-6300 pour alimenter sa production, quand de telles diligences ne pouvaient être attendues d'un organisme notifié qu'en présence d'indices de non-conformité qu'elle n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
3°/ au surplus qu'en imposant à l'organisme notifié TRLP de contrôler que le fabricant PIP se fournissait de façon régulière et suffisante en gel de remplissage NuSil MED3-6300, la cour d'appel a mis à la charge de l'organisme notifié l'obligation de procéder à un contrôle complexe de cohérence comptable ; que, comme l'avaient fait valoir les sociétés TRLP et TRF devant les juges du fond, l'insuffisance des achats du gel NuSil MED3-6300 ne pouvait résulter du simple constat de la faiblesse ou de l'absence de commandes sur une période déterminée, mais imposait, à chaque audit, de recenser les commandes correspondant spécifiquement au gel NuSil MED3-6300 parmi les très nombreuses matières premières commandées par PIP pour l'ensemble de sa production d'implants, y compris implants mammaires et implants remplis d'autres matières de remplissage que de silicone, y compris d'autres références de matières premières en silicone de NuSil, d'isoler les quantités d'implants IMGHC produits (parmi tous les produits) pour en déduire la quantité de matière première correspondante nécessaire, et de procéder à un rapprochement entre ces données, en tenant compte notamment des stocks précédemment constitués ou d'éventuelles annulations de commandes, ce qui n'aurait eu de sens qu'en présence d'indices de non-conformité ; qu'en reprochant aux sociétés TRLP et TRF de ne pas avoir vérifié si la société PIP se fournissait de façon régulière et suffisante en gel de remplissage NuSil MED3-6300, quand une telle vérification ne se serait imposée qu'en présence d'indices de non-conformité des implants qu'elle n'a pas relevés, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
4°/ subsidiairement, que ne peuvent constituer des indices imposant le recours à des mesures d'investigation additionnelles que des faits connus de l'organisme notifié et donnant à penser que les dispositifs concernés sont susceptibles de pas être conformes aux exigences essentielles découlant de
la directive 93/42/CEE ; qu'en relevant, pour juger que les sociétés TRF et TRLP auraient dû vérifier les éléments comptables ou commerciaux relatifs à l'approvisionnement en gel NuSil MED3-6300, que les implants mammaires en gel de silicone en général avaient fait l'objet depuis 1995 de plusieurs mesures de suspension en raison de suspicions sur des risques de rupture des enveloppes, ce qui avait entrainé leur intégration dans les dispositifs de classe III au sens de la directive 93/42/CEE, que le 20 décembre 2000, les implants mammaires en silicone IMGHC produits par la société PIP avaient fait l'objet d'une suspension levée le 18 avril 2001 après examen de pièces justificatives fournies par le fabricant, qu'en mai 2000 l'administration américaine avait refusé, par une décision non communiquée à l'organisme notifié, une autorisation de mise sur le marché de ces implants en silicone, que la société TRLP avait eu connaissance « d'incidents » de matériovigilance sur le territoire français, et que les autorités britanniques avaient informé les autorités sanitaires allemandes de ruptures, faits qui au regard de leur nature, de leur date, de leur lieu, et/ou de l'absence de connaissance par les sociétés TRF et TRLP, ne pouvaient être regardés comme des indices mettant à la charge de ces sociétés une obligation de vigilance renforcée pouvant impliquer un contrôle de cohérence de la comptabilité matières, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'existence d'indices de non-conformité des implants IMGHC imposant aux sociétés TRLP et TRF de vérifier que la société PIP commandait de façon régulière et suffisante des quantités de gel NuSil MED3-6300, et a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
5°/ qu'il ne saurait plus encore être reproché à l'organisme notifié de ne pas avoir procédé à un examen de la comptabilité matières pour contrôler spécifiquement que le fabricant commandait de façon régulière et suffisante une des matières entrant dans la composition, la fabrication ou la stérilisation du dispositif qu'en présence d'indices laissant soupçonner une fraude portant sur l'achat ou l'utilisation de cette matière ; qu'en déduisant des prétendus « indices » susvisés, l'obligation pour les sociétés TRLP et TRF d'analyser la comptabilité matières de l'entreprise PIP afin de contrôler que ce dernier se fournissait de façon régulière et suffisante en gel NuSil MED3-6300 pour alimenter sa production d'implants IMGHC, quand aucun de ces indices allégués ne portait, en outre, sur une défaillance du gel de remplissage des implants, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
7°/ qu'en jugeant, par motifs adoptés des premiers juges, que « des affaires judiciaires ont opposé en Grande Bretagne la SA P.I.P. a de nombreuses porteuses britanniques d'implants victimes » et que ce fait « n'a pu en aucun cas échapper à la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste
des « Notifiés » de la Commission de Bruxelles », sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour affirmer que la société TRLP aurait eu connaissance de ces plaintes, ni répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir à hauteur d'appel que le tribunal n'avait fait que reprendre une affirmation non étayée de certaines demanderesses selon laquelle des « centaines de plaintes » auraient été déposées au Royaume-Uni, alors qu'il résultait au contraire du rapport établi par l'AFSSAPS et la Direction générale de la santé à la suite de la révélation de la fraude que seule une vingtaine de plaintes isolées avaient au total été déposées au Royaume-Uni, sans que les autorités sanitaires britanniques ou européennes n'en soient informées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
8°/ de même, qu'en jugeant, par motifs adoptés des premiers juges, que « les multiples déclarations de matériovigilance concernant les produits de la SA P.I.P » n'avaient également pu échapper à « la veille professionnelle des organismes inscrits sur la liste des « Notifiés » de la Commission de Bruxelles », sans répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés TRLP et TRF avaient fait valoir à hauteur d'appel que, contrairement aux affirmations du jugement, il résultait du rapport établi par l'AFSSAPS et la Direction générale de la santé que sur la période allant de 2002 à 2007, le taux cumulé de rupture des implants en gel de silicone de PIP, qui oscillait autour de 0,04 %, était demeuré dans la moyenne des taux cumulés de rupture des implants en gel de silicone d'autres fabricants, une augmentation n'étant constatée qu'à la fin de l'année 2009, ni préciser en quoi les données connues des sociétés TRLP et TRF, qui n'étaient pas destinataires des déclarations de matériovigilance aux termes de la réglementation, imposaient ainsi le recours à des mesures additionnelles, alors que tout dispositif médical génère nécessairement des déclarations de matériovigilance et que seul le constat d'une hausse subite des déclarations ou le dépassement du taux moyen aurait été de nature à laisser présumer une non-conformité d'un dispositif médical, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
9°/ enfin, qu'il résulte de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 16 février 2017 (C-219/15, § 40), que l'organisme notifié ne supporte aucune obligation de procéder à un contrôle des dispositifs eux-mêmes, à des visites inopinées ou à une visite dans les locaux des fournisseurs, sauf en présence d'indices laissant suggérer une non-conformité des dispositifs aux exigences essentielles de la directive ; qu'à supposer adoptés les motifs par lesquels le tribunal de commerce a relevé que « la société TUV n'a pas effectué durant son mandat Menu [venu ?] de Bruxelles, le moindre prélèvement sur la chaîne, pendant et en fin de fabrication, d'un quelconque implant pour en analyser ses composants comme le lui prescrivait la Directive », qu'elle s'était contentée « d'aviser par avance la direction de la SA P.I.P. de sa prochaine venue pour ('inspection quasi-annuelle », et qu'elle n'avait procédé à aucune visite dans les locaux du fabricant américain NuSil, la cour d'appel a violé l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et les articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. »
Réponse de la Cour
10. Aux termes de l'annexe II des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et de l'article R. 5211-40 du même code, transposant en droit interne l'annexe II de la directive 93/42, modifiée par le règlement n° 1882/2003 du 29 septembre 2003, successivement applicables, le fabricant fournit à l'organisme habilité les informations utiles pour s'assurer du respect des obligations attachées à son système de qualité et il l'autorise à effectuer toutes les inspections nécessaires, et cet organisme procède périodiquement aux inspections et évaluations appropriées et il peut, lors de visites inopinées, réaliser ou faire réaliser des essais pour vérifier le fonctionnement du système de qualité.
11. Selon la Cour de justice de l'Union européenne, les dispositions de l'annexe II de la directive 93/42, telle que modifiée par le règlement n° 1882/2003, doivent être interprétées en ce sens que, si l'organisme notifié n'est pas tenu, de manière générale, de faire des inspections inopinées, de contrôler les dispositifs et/ou d'examiner les documents commerciaux du fabricant, cet organisme, en présence d'indices suggérant qu'un dispositif médical est susceptible d'être non conforme aux exigences découlant de cette directive telle que modifiée, doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de s'acquitter de ses obligations au titre de l'article 16, paragraphe 6, de ladite directive et des points 3.2, 3.3, 4.1 à 4.3 et 5.1 de l'annexe II de celle-ci (CJUE, 16 février 2017, Schmitt, C-219/15).
12. Il résulte de cette décision que, en présence d'indices laissant supposer qu'un dispositif médical ne serait pas conforme aux exigences qui découlent de la directive 93/42, un organisme notifié est tenu de procéder au contrôle des dispositifs médicaux ou des documents du fabricant qui recensent les achats de matières premières ou à des visites inopinées (1re Civ., 10 octobre 2018, pourvoi n° 15-26.093).
13. Après avoir relevé que, lors des audits de surveillance et de certification effectués entre novembre 2004 et février 2009, le service achat de la société PIP avait été contrôlé et qu'il ressortait des auditions de certificateurs des sociétés TRLP et TRF recueillies au cours de l'enquête pénale que la vérification de l'approvisionnement des matières premières constituait l'une des premières étapes d'un audit de surveillance, la cour d'appel a constaté que l'enquête pénale avait établi l'existence d'une chute brutale d'achat de gel Nusil à compter de 2002 par la société PIP et l'absence de tout achat de ce gel au cours de l'année 2004, alors que celle-ci avait produit pendant cette même année environ vingt mille prothèses IMGCH, soit l'équivalent des trois années antérieures, et que, si la société PIP faisait disparaître les achats de gel non autorisé de la base achat informatique, aucune falsification n'était opérée dans cette base achat et dans la comptabilité concernant la fourniture de gel Nusil.
14. Elle a retenu que l'absence de tout achat de gel en 2004, ainsi que l'incohérence entre la quantité de gel commandé et le nombre de prothèses fabriquées constituaient une anomalie évidente dans le procédé de fabrication, suggérant que le dispositif médical en cause était susceptible d'être non conforme aux prescriptions de la directive et justifiant une visite des locaux sans avertissement, laquelle aurait nécessairement conduit les auditeurs des sociétés TRLP et TRF à découvrir la substitution de gel, les manoeuvres pour dissimuler les gels non homologués n'ayant été mises en place par les employés de la société PIP que lorsque ceux ci avaient été informés de la survenance d'un audit, et que, de même, une simple interrogation du fournisseur du seul gel autorisé sur les quantités livrées aurait permis de confirmer que les prothèses produites étaient nécessairement remplies à l'aide d'une autre substance.
15. Elle n'a pu qu'en déduire que la société TRLP avait manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité.
16. Inopérant en ses quatrième, septième et huitième branches critiquant des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
Sur le sixième moyen du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF
Enoncé du moyen
17. La société TRF fait grief à l'arrêt de juger que sa responsabilité professionnelle est « avérée » et qu'elle doit réparer, solidairement avec la société TRLP, les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs des produits de la société PIP et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP, alors :
« 1°/ que la responsabilité d'une société ne peut être mise en jeu sans qu'il ne soit relevé l'existence, à son égard, d'un fait générateur de responsabilité ; qu'en jugeant que la responsabilité professionnelle de la société TRF était avérée et qu'elle était tenue de réparer, solidairement avec la société TRLP, les préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs de produits de la SA PIP ainsi que les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires de marque PIP, sans relever l'existence d'une quelconque faute commise par TRF, la xour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
2°/ en toute hypothèse que le contrôle des opérations d'audit et la délivrance et le maintien des certificats au fabricant relèvent de la seule responsabilité de l'organisme notifié et non des sous-traitants ou personnels auxquels celui-ci est autorisé à recourir dans les conditions prévues par la directive 93/42/CEE ; qu'en jugeant que la société TRF avait engagé sa responsabilité à l'égard des demanderesses personnes physiques, cliniques et distributeurs, au motif inopérant qu'elle aurait « participé » aux opérations et qu'elle se serait contractuellement « engagée à effectuer une mission de contrôle, d'inspection et de service dans le cadre des opérations de certification », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles l'article R. 5211-40 du code de la santé publique et des articles 3.3 et 5 de l'annexe II de la directive 93/42/CEE, ensemble l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
3°/ en outre qu'en relevant que la société TRF s'était « engagée contractuellement à effectuer une mission de contrôle, d'inspection et de service dans le cadre des opérations de certification », quand il ne résultait d'aucune des mentions des contrats conclus entre les sociétés PIP, TRLP et TRF que cette dernière se serait contractuellement engagée à effectuer de telles missions ou qu'elle se serait engagée à assumer la mission d'organisme notifié, la Cour d'appel a dénaturé l' « agreement » et l' « Acknowledgement » conclus entre TÜV Rheinland et PIP les 15 et 21 octobre 1997 ainsi que le « General agreement » conclu entre TÜV Rheinland et PIP les 13 et 20 juin 2001, en violation de l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
18. Conformément au point 2 de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47 du code de la santé publique et à l'article R. 5211-56, du même code, successivement applicables, d'une part, un organisme habilité peut confier à un sous-traitant des travaux spécifiques portant sur la constatation et la vérification de faits, à condition de s'assurer préalablement que les dispositions du livre V bis du code précité, dans sa rédaction applicable en la cause, et, en particulier, de l'annexe XI des articles R. 665-1 à R. 665-47, laquelle fixe les critères minimaux pour la désignation des organismes habilités, soient respectées par le sous-traitant, d'autre part, le personnel chargé du contrôle doit exécuter les opérations d'évaluation et de vérification avec la plus grande compétence requise dans le secteur des dispositifs médicaux.
19. La cour d'appel a retenu qu'en application d'un contrat conclu le 21 octobre 1997 entre les sociétés PIP, TRLP et TRF, la société TRF avait, en qualité de sous-traitante, participé conjointement avec la société TRLP aux opérations de vérification ayant permis à la société PIP d'obtenir le certificat CE le 15 mars 2004 et aux nombreux audits de surveillance entre novembre 2004 et février 2009 et qu'elle avait, comme la société TRLP, manqué à ses obligations de vigilance lors des contrôles effectués au service achats.
20. Elle a pu en déduire que la société TRF avait manqué aux engagements inhérents à l'exercice de sa mission et engagé ainsi sa responsabilité.
21. Inopérant en sa troisième branche qui critique des motifs surabondants, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
Sur le second moyen du pourvoi incident de Mme [R] et autres
Enoncé du moyen
22. Mme [R] et autres font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 20 janvier 2017 en ce qu'il a dit que l'intervention de TRF dans le dossier de certification avait été réalisée en fraude des dispositions de la directive 93/42 CEE, alors :
« 1°/ d'une part, qu'en vertu de l'Annexe XI, point 2, de la directive 93/42/CEE, l'organisme notifié ne peut confier à un sous-traitant que « des travaux spécifiques [?] portant sur la constatation et la vérification des faits » ; qu'en se bornant à constater que la société TRF, qui avait effectué au profit de la société PIP des opérations complètes d'audit et de vérifications, avait exercé « cette activité en qualité de sous-traitant de la société TRLP » au sens de l'article R. 4211-56 du code de la santé publique, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société TRF n'était pas intervenue dans le processus de certification au-delà des travaux spécifiques portant sur la constatation et la vérification de faits, de sorte qu'elle ne pouvait pas être qualifiée de sous-traitant au sens de l'Annexe XI de la directive et l'article R. 4256-11 du code de la santé publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes ;
2°/ d'autre part, que l'Annexe XI de la directive 93/42/CEE impose à l'organisme notifié qui confie des tâches à un sous-traitant dans l'exercice de sa mission de certification de s'assurer que ce sous-traitant satisfait lui-même aux exigences de compétence et d'indépendance du personnel en charge des contrôles fixées par la directive ; qu'en se bornant à constater que la société TRF, qui avait effectué au profit de la société PIP des opérations complexes d'audit et de vérifications, avait exercé « cette activité en qualité de sous-traitant de la société TRLP » au sens de l'article R. 4211-56 du code de la santé publique (page 320 de l'arrêt), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée si la société TRF, qui n'était pas un organisme notifié au sens de la directive 93/42/CEE, disposait des compétences, de la documentation et de l'indépendance requises pour s'acquitter des tâches qui lui étaient confiées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'Annexe XI de la directive 93/42/CEE et de l'article R. 5211-56 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
23. En retenant que la société TRF avait exercé l'activité de sous-traitant prévue à l'article R. 5211-56 code de la santé publique, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise alléguée par la première branche et n'était dès lors pas tenue de procéder à celle invoquée par la seconde branche que ses constatations rendaient inopérante.
24. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal des sociétés TRLP et TRF
Enoncé du moyen
25. Les sociétés TRLP et TRF font le même grief à l'arrêt, alors « que, en jugeant que le défaut de vigilance allégué des sociétés TRLP et TRF avait eu pour conséquence de permettre à la société PIP d'apposer la certification CE sur les implants IMGHC dès avril 2001, quand il résultait de ses constatations que les incohérences que les sociétés TRLP et TRF auraient prétendument dû déceler dataient de 2004 voire de 2002 et que l'utilisation frauduleuse d'un gel de remplissage non homologué avait débuté à la fin de l'année 2002, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
26. La recevabilité du moyen est contestée en défense. Il est soutenu que le moyen est nouveau et mélangé de fait.
27. Cependant, le moyen est né de la décision attaquée.
28. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
29. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à une absence de motifs.
30. Pour condamner les sociétés TRLP et TRF à réparer l'ensemble des préjudices matériels et immatériels causés aux distributeurs des produits de la société PIP et les préjudices corporels et/ou psychologiques causés aux porteuses d'implants mammaires PIP, l'arrêt retient que les manquements des sociétés TRLP et TRF ont eu pour conséquence de permettre à la société PIP d'apposer la certification CE sur les prothèses IMGHC d'avril 2001 à mars 2010.
31. En statuant ainsi, après avoir retenu que l'utilisation frauduleuse d'un gel non autorisé avait débuté à la fin de l'année 2002 et que les incohérences dans la comptabilité matière qui auraient dû être décelées lors de l'audit des 24 au 26 novembre 2004, tenant notamment à l'absence d'achat de gel Nusil cette année-là alors que la société PIP avait produit environ 20 000 prothèses IMGHC, étaient postérieures, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et les pourvois incidents de Mme [I] et autres et de Mme [N] et autres qui ne sont qu'éventuels, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la société TÜV Rheinland Product Safety GmbH, devenue la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH, en sa qualité d'organisme notifié, a manqué à ses obligations de contrôle, de prudence et de vigilance dans l'exercice de sa mission, que la responsabilité professionnelle de la société TÜV Rheinland France est avérée et que l'intervention de cette société en qualité de sous-traitante de la société TÜV Rheinland LGA Products GmbH est licite, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse à chacune des parties les dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.
1re Civ., 25 mai 2023, pourvoi n° 22-11.541, Bull., (cassation partielle).
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CASS/JURITEXT000047852449.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juillet 2023
Désistement
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 729 FS-B
Pourvoi n° J 21-19.964
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
M. [C] [R], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 21-19.964 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'Association générale interprofessionnelle de prévoyance et d'investissement, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Axa France vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. [R], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de l'Association générale interprofessionnelle de prévoyance et d'investissement, de la société Axa France vie, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, M. Martin, Mme Chauve, M. Pedron, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mme Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
1. Par acte déposé au greffe de la Cour de cassation le 6 juin 2023, la SCP Le Bret-Desaché avocat à la Cour de cassation, a déclaré, au nom de M. [R] [C], se désister du pourvoi formé par lui contre un arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Rennes dans une instance l'opposant à l'Association générale interprofessionnelle de prévoyance et d'investissement et la société Axa France vie.
2. En application de l'article 1026 du code de procédure civile, ce désistement, intervenu après le dépôt du rapport, doit être constaté par arrêt ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DONNE ACTE à M. [R] de son désistement de pourvoi.
Condamne M. [R] aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047852438.xml | LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juillet 2023
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 776 F-B
Pourvois n°
V 21-21.768
A 22-12.370 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023
La société Caviar Volga, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-21.768 contre l'arrêt n° RG 18/00681 rendu le 2 juillet 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 9) et le pourvoi n° A 22-12.370 contre l'ordonnance n° RG 18/00681 rendue le 10 janvier 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 9), dans les litiges l'opposant :
1°/ à la société Rouch et associés, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Christophe Basse, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], pris en qualité de mandataire judiciaire de la société Caviar Volga,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° V 21-21.768 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° A 22-12.370 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation et un moyen unique d'annulation.
Les dossiers on été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la société Caviar Volga, de la société Caviar Volga, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la société Rouch et associés, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Isola, conseiller rapporteur, M. Martin, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 21-21.768 et A 22-12.370 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué, rendu par la juridiction du premier président d'une cour d'appel (Paris, 2 juillet 2021) et l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 10 janvier 2022), la société Caviar Volga a demandé à la société Rouch et associés (l'avocat) de l'assister à l'occasion de la vente d'un bien immobilier lui appartenant.
3. Par une lettre du 4 juin 2014, qui a été approuvée et signée par la société Caviar Volga, l'avocat a précisé les modalités de sa rémunération.
4. Contestant les honoraires réclamés par l'avocat, la société Caviar Volga a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris.
5. L'avocat a formé un recours contre la décision du bâtonnier qui avait annulé la convention d'honoraires et fixé ses honoraires par application des critères énoncés à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
6. Statuant après le renvoi par le premier président de l'affaire en formation collégiale, la cour d'appel a déclaré la convention valable, a sursis à statuer sur la demande en fixation de l'honoraire et a ordonné la production d'une pièce.
7. Lors de l'audience à laquelle l'affaire a été renvoyée, le premier président de la cour d'appel a fixé l'honoraire dû à l'avocat.
Sur le pourvoi n° 21-21.768, dirigé contre l'arrêt du 2 juillet 2021
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. La société Caviar Volga fait grief à l'arrêt de déclarer la convention du 4 juin 2014 valable, alors « que toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat est interdite, sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques de l'avocat ; qu'en considérant que, dans la mesure où l'avocat était intervenu en qualité de mandataire en transaction immobilière, son droit à percevoir des honoraires pouvait dépendre, « comme dans tout contrat d'agent immobilier », de la seule réussite de sa mission, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 95 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 applicable au litige, l'article 2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 95 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 :
9. Aux termes du premier de ces textes, toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.
10. Les dispositions de ce texte s'appliquent à tous les honoraires de l'avocat sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques.
11. Il résulte des deux derniers que lorsque les avocats exercent l'activité de mandataire en transactions immobilières, ils ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970.
12. Pour déclarer valable la convention d'honoraires conclue entre les parties, l'arrêt relève, d'abord, que la lettre de l'avocat du 4 juin 2014 était rédigée ainsi qu'il suit : « Je vous rappelle que dans le cadre de mon intervention, de mon assistance, des conseils que je serai amené à vous donner, et uniquement en cas de succès, c'est-à-dire en cas de cession de votre bien immobilier [...], il me sera versé un honoraire global et forfaitaire de 100 000 euros HT, soit 120 000 euros TTC. Il est bien évident que si ce bien n'était en aucun cas vendu, ni à un tiers, ni à la ville conformément aux discussions que nous avons actuellement, aucun honoraire ne me sera dû quel que soit le travail effectué dans votre intérêt ».
13. Il énonce, ensuite, que la mission de l'avocat était de vendre un bien immobilier et que ses honoraires ne sont pas calculés en fonction du montant de la vente, ce qui constituerait un pacte de quota litis, mais qu'ils sont fixés forfaitairement, à la condition unique que la vente soit conclue.
14. Il ajoute que les avocats sont autorisés à exercer l'activité de mandataire en transactions immobilières par l'article 2 de la loi dite « Hoguet » de 1970 et le règlement intérieur du barreau de Paris.
15. L'arrêt en déduit que la convention est valable, dès lors que, comme pour tout contrat d'agent immobilier, elle ne fixe pas les honoraires en proportion du travail effectué ou du prix de vente, mais uniquement de la réussite de la vente.
16. En statuant ainsi, alors, d'une part, que les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 ne sont pas applicables aux avocats dans leur activité de mandataire en transaction immobilière, d'autre part, qu'elle avait constaté que la convention prévoyait que l'honoraire n'était dû qu'en cas de succès de l'opération immobilière et n'avait ainsi été fixé qu'en fonction du résultat, la juridiction du premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. Par application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 2 juillet 2021 entraîne de plein droit l'annulation par voie de conséquence de l'ordonnance du 10 janvier 2022, qui en est la suite.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi n° 22-12.370, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2021, entre les parties, par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
CONSTATE l'annulation par voie de conséquence de l'ordonnance rendue le 10 janvier 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Rouch et associés aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Rouch et associés et la condamne à payer à la société Caviar Volga la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé et de l'ordonnance annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047852589.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2023
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 543 FS-D
Pourvoi n° R 22-17.030
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
La société caisse de Crédit mutuel région [Localité 3], association coopérative à responsabilité limitée et à capital variable , dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-17.030 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. [M] [N], domicilié chez ADC Nord Picardie, [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] et de Me Laurent Goldman, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2022), par acte notarié du 30 septembre 1999, la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] (la banque) a consenti à M. [N] (l'emprunteur) un prêt immobilier in fine souscrit en francs suisses, à taux variable et indexé sur le LIBOR francs suisses 3 mois.
2. Faute de paiement de l'intégralité du capital emprunté à l'échéance, la banque a mis en oeuvre des mesures d'exécution, levées à la suite du règlement du solde du prêt au moyen d'un nouvel emprunt souscrit auprès d'une autre banque.
3. Le 6 novembre 2014, l'emprunteur a assigné la banque en constatation du caractère abusif de clauses de remboursement et de change, ainsi qu'en restitution.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée aux demandes de restitution fondées sur le caractère abusif des clauses 5.3 et 10.5, de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, et de dire que la somme due après compensation portera intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation, alors :
« 1°/ que l'action tendant à la restitution de sommes versées sur le fondement de clauses prétendument abusives relatives au remboursement d'un prêt en devise et au risque de change supporté par l'emprunteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le consommateur a été en mesure de constater une importante dépréciation de l'euro par rapport à la devise empruntée ; que pour dire non-prescrite l'action en restitution fondée sur le caractère prétendument abusif des clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel a retenu que les effets du changement de parité entre le franc suisse et l'euro s'étaient manifestés à la date de l'échéance du remboursement du capital du prêt in fine, soit le 31 juillet [lire : août] 2014, de sorte que l'action introduite le 6 novembre 2014 n'était pas prescrite ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'appréciation significative du franc suisse par rapport à l'euro ne s'était pas faite ressentir sur le marché des changes dès janvier 2009, mettant ainsi l'emprunteur en mesure de prendre conscience du risque de change encouru, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
2°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt censuré ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de restitution fondées sur le caractère abusif des clauses 5.3 et 10.5 emportera sa censure en ce qu'il a condamné la Caisse à restituer à M. [N] les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contre-valeur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, en application de l'article 624 du code de procédure civile.»
Réponse de la Cour
6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l'acceptation de l'offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l'ensemble de ses droits découlant de cette directive.
7. Elle a précisé que les modalités de mise en oeuvre de la protection des consommateurs prévue par la directive relèvent de l'ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l'autonomie procédurale, que, cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d'équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union (principe d'effectivité) (point 27).
8. Par arrêt du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18), elle a dit pour droit que l'article 2, sous b), l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13 ainsi que les principes d'équivalence, d'effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l'action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d'une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l'exécution intégrale de ce contrat, lorsqu'il est présumé, sans besoin de vérification, que, à cette date, le consommateur devait avoir connaissance du caractère abusif de la clause en cause ou lorsque, pour des actions similaires, fondées sur certaines dispositions du droit interne, ce même délai ne commence à courir qu'à partir de la constatation judiciaire de la cause de ces actions.
9. Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu'énoncé à l'article 2224 du code civil et à l'article L. 110-4 du code de commerce, de l'action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.
10. La cour d'appel a jugé abusives les clauses 5.3 et 10.5 du contrat.
14. Il en résulte que l'action en restitution fondée sur le caractère abusif de ces clauses était recevable.
15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions des articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
9. La banque fait grief à l'arrêt de juger abusives les clauses 5.3 et 10.5, de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, de condamner l'emprunteur à lui payer la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds et de dire que la somme due après compensation portera intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation, alors :
« 1°/ que les clauses définissant l'objet principal du contrat ne peuvent être contrôlées au titre de la législation sur la lutte contre les clauses abusives que si elles ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible et, dans cette hypothèse, elles ne peuvent être déclarées abusives que si elles instaurent un déséquilibre significatif entre les parties au détriment du consommateur ; que des clauses relatives au remboursement d'un prêt libellé en devises et au risque de change pesant sur l'emprunteur, et qui définissent ainsi l'objet principal du contrat, sont rédigées de manière claire et compréhensible si elles contiennent des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change pesant sur l'emprunteur, la cour d'appel, après avoir admis qu'elles définissaient l'objet principal du contrat, a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en déduisant l'existence du déséquilibre significatif du seul fait que les clauses litigieuses n'étaient pas rédigées de manière claire et compréhensible, sans se prononcer sur l'incidence des clauses sur les droits et obligations des parties, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995 ;
2°/ que les clauses d'un prêt en devise relatives au remboursement et au risque de change pesant sur l'emprunteur, qui définissent l'objet principal du contrat, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur si le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte des clauses litigieuses ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel, après avoir admis qu'elles définissaient l'objet principal du contrat, a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la Caisse pouvait raisonnablement s'attendre, en respectantl'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change résultant des clauses litigieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995 ;
3°/ que le caractère abusif d'une clause s'apprécie à la date de la conclusion du contrat qui la contient ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, au jour de la conclusion du prêt litigieux le 30 septembre 1999, la parité entre le franc et le franc suisse n'était pas suffisamment stable et équilibrée pour exclure tout déséquilibre significatif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995 ;
4°/ qu'une clause est abusive si elle instaure, au jour de la conclusion du contrat, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change, la cour d'appel a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les clauses litigieuses n'avaient pas, au jour du contrat, pour contrepartie le bénéfice d'un taux d'intérêt particulièrement attractif pour l'emprunteur, ce qui excluait tout déséquilibre significatif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995 ;
5°/ que la clause d'un prêt en devise relative aux modalités de remboursement mettant le risque de change à la charge de l'emprunteur en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse n'est pas abusive dès lors que le prêteur assume de son côté le risque de dépréciation du franc suisse par rapport à l'euro ; que pour dire abusives les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devises et au risque de change pesant sur l'emprunteur, la cour d'appel a relevé qu'elles instauraient un déséquilibre significatif en ce qu'elles ne mettraient pas l'emprunteur en mesure d'envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et en ce que ce dernier n'aurait pas été suffisamment informé des mécanismes de change ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si tout déséquilibre significatif n'était pas exclu du fait que, si l'article 10.5 prévoyait que l'emprunteur assumait le risque de change en cas de dépréciation de l'euro, le prêteur assumait pour sa part le même risque en cas d'appréciation de l'euro, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'appel a constaté que le contrat de prêt comportait une clause 5.3 « remboursement du crédit » qui disposait : « Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée. Les échéances seront débitées sur tout compte en devise ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. La monnaie de paiement est le franc français ou l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en francs français ou en euros les échéances au moment de leur prélèvement. Les échéances seront débitées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en francs français ou en euros) ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. Les frais des garanties seront payables en francs ou en euros. Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en francs français ou en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en francs français ou en euros ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l'emprunteur ou du coemprunteur. Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré », ainsi qu'une clause 10.5 stipulant : « Il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et le franc français ou l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt. »
11. Après avoir énoncé que l'exigence de clarté et d'intelligibilité d'une clause ne se réduisait pas au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical et que le contrat devait exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se référait la clause afin que le consommateur soit en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlaient pour lui, la cour d'appel a retenu que la première stipulation comportait des informations contradictoires sur la devise de remboursement du prêt, que le contrat ne comportait aucune information sur la manière selon laquelle elle était mise en oeuvre et sur les modalités de remboursements en francs suisses, alors que l'emprunteur percevait ses revenus en francs français puis en euros, que les autres clauses du contrat ne permettaient pas de déterminer le taux de change applicable pour le paiement des intérêts et le remboursement du capital payable in fine, qu'il n'était justifié d'aucune information délivrée à l'emprunteur sur les éléments fondamentaux tenant au risque de change susceptibles d'avoir une incidence sur la portée de son engagement et que celui-ci n'avait pas pu évaluer les conséquences économiques de la clause sur ses obligations financières et prendre conscience des difficultés auxquelles il serait confronté en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus.
12. Faisant ainsi ressortir, d'une part, que la banque n'avait pas fourni à l'emprunteur, en sa qualité de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des clauses litigieuses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, d'autre part, que la banque ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard de l'emprunteur, à ce que celui-ci acceptât, à la suite d'une négociation individuelle, les risques disproportionnés susceptibles de résulter de telles clauses, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, en a exactement déduit que la clause de remboursement, qui portait sur l'objet du contrat, n'était ni claire ni compréhensible et qu'elle créait un déséquilibre significatif entre la banque et les emprunteurs, de sorte qu'elle devait, avec la clause de change en lien avec elle, être réputée non écrite.
13. Le moyen, nouveau et mélangé de fait, partant irrecevable, en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus.
14. La demande de question préjudicielle, formée hors délai, est irrecevable.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
15. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, de condamner l'emprunteur à lui payer la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds et de dire que la somme due après compensation portera intérêt au taux légal à compter de la signification de l'arrêt avec capitalisation, alors « que l'accipiens tenu de restituer la contrevaleur en euros d'une somme d'argent perçue en devise doit opérer la restitution en appliquant le taux de change en vigueur au jour où il restitue ; qu'au cas présent, après avoir déclaré non-écrites les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devise in fine et au risque de change, la cour d'appel, jugeant que le remboursement en devises ne pouvait subsister, a condamné M. [N] à restituer à la Caisse la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change en vigueur à la date de la mise à disposition des fonds ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation, en sa rédaction issue de la loi 95-96 du 1er février 1995. »
Réponse de la Cour
16. Par arrêt du 21 décembre 2016 (C-154/15), la CJUE a jugé que l'article 6, § 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu'une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n'ayant jamais existé, de sorte qu'elle ne saurait avoir d'effet à l'égard du consommateur et que, partant, la constatation judiciaire du caractère abusif d'une telle clause doit, en principe, avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit et en fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l'absence de ladite clause et emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l'égard de ces mêmes sommes.
17. Ayant relevé que les clauses réputées non écrites constituaient l'objet principal du contrat et que celui-ci n'avait pu subsister sans elles, la cour d'appel a exactement retenu que l'emprunteur devait restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et que celle-ci devait lui restituer toutes les sommes perçues en exécution du prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen auquel la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] a déclaré renoncer, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel région [Localité 3] et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
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CASS/JURITEXT000047852565.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Demande d'avis
n° V 23-70.007
Juridiction : le tribunal judiciaire de Mulhouse
Avis du 5 Juillet 2023
n° 15010 FS-P+B
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile :
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de M. Sassoust, avocat général ;
Énoncé de la demande d'avis
1. La Cour de cassation a reçu, le 16 mai 2023, une demande d'avis formée le 27 avril 2023 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance opposant Mme [G] à M. [E].
2. La demande est ainsi formulée :
« En matière de liquidation des intérêts patrimoniaux d'un couple ayant été uni par un pacte civil de solidarité et ayant acquis un immeuble en indivision au cours de cette union, dans la mesure où l'apport personnel aux fins d'acquisition du bien indivis constitue une dépense d'acquisition pour laquelle l'application de l'article 815-13 du code civil est exclue, et dans la mesure où le remboursement, par l'un des partenaires, des échéances du prêt souscrit pour le financement de ce bien constitue une dépense de conservation au sens de l'article 815-13 alinéa 1er du code civil, le remboursement anticipé de l'emprunt finançant l'acquisition du bien indivis constitue-t-il une dépense de conservation au sens de l'article 815-13 alinéa 1er du code civil, ou une dépense d'acquisition pour laquelle l'application de cette disposition est exclue ? »
Examen de la demande d'avis
3. Aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent solliciter l'avis de la Cour de cassation.
4. Le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse est saisi de difficultés nées lors des opérations de partage des intérêts patrimoniaux de Mme [G] et de M. [E] après la dissolution de leur pacte civil de solidarité.
5. La question de droit est nouvelle, présente une difficulté sérieuse et est susceptible de se poser dans de nombreux litiges.
6. Aux termes de l'article 815-13, alinéa 1er, du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.
7. La Cour de cassation juge que le règlement d'échéances d'emprunts ayant permis l'acquisition d'un immeuble indivis, lorsqu'il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l'indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien et donne lieu à indemnité sur le fondement du texte précité (1re Civ., 7 juin 2006, pourvoi n° 04-11.524, Bull. 2006, I, n° 284 ; 1re Civ., 15 mai 2018, pourvoi n° 17-16.166).
8. En effet, un tel règlement permet de préserver l'indivision d'un risque de défaillance de nature à entraîner la perte du bien indivis et, ainsi, de le conserver dans l'indivision.
9. La Cour de cassation a étendu cette solution à l'hypothèse du règlement d'un crédit relais (1re Civ., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-17.898, publié).
10. Il n'y a pas lieu de distinguer selon que le remboursement de l'emprunt s'effectue par le paiement des échéances ou par un ou des règlements anticipés.
11. Dès lors, le remboursement anticipé d'un emprunt ayant permis l'acquisition d'un bien indivis, lorsqu'il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l'indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien au sens de l'article 815-13, alinéa 1er, du code civil.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
EST D'AVIS QUE le remboursement anticipé d'un emprunt ayant permis l'acquisition d'un bien indivis, lorsqu'il est effectué par un indivisaire au moyen de ses deniers personnels au cours de l'indivision, constitue une dépense nécessaire à la conservation de ce bien au sens de l'article 815-13, alinéa 1er, du code civil.
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 5 Juillet 2023, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 27 Juin 2023 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Chauvin, président, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, MMes Antoine, Poinseaux, Dard, conseillers, M. Fulchiron, conseiller, Mme Agostini, conseiller, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général et Mme Layemar, greffier de chambre ;
Le présent avis est signé par le conseiller référendaire rapporteur, le président et le greffier de chambre.
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CASS/JURITEXT000047852566.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 juillet 2023
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 484 FS-B
Pourvoi n° M 21-21.185
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
Mme [W] [L], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-21.185 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (2e chambre, 2e section), dans le litige l'opposant à M. [E] [D], domicilié chez M. [Y], [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [L], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mme Dard, Mme Agostini, conseillers, M. Duval, M. Buat-Ménard et Mme Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2021), M. [D] et Mme [L], tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés en Tunisie le 8 avril 2006. Ils ont acquis la nationalité française le 25 janvier 2016.
2. Le 8 août 2019, Mme [L] a saisi un juge aux affaires familiales d'une requête en divorce.
3. M. [D] a soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement de divorce prononcé le 26 décembre 2017, sur sa demande unilatérale, par le tribunal de première instance de Sousse (Tunisie) et ayant acquis force de chose jugée sur le principe du divorce.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire que le jugement du 26 décembre 2017, l'arrêt de la cour d'appel de Sousse du 16 mai 2018 et l'arrêt de la Cour de cassation tunisienne du 12 décembre 2018 sont opposables en France et de déclarer irrecevable sa requête en divorce, alors « que la décision d'une juridiction étrangère constatant la volonté unilatérale du mari de mettre fin au mariage sans justification aucune, sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage, et donc à l'ordre public international ; qu'en retenant, pour considérer que le jugement de divorce tunisien n'était pas contraire à l'ordre public international et en conséquence déclarer la requête en divorce de Mme [L] irrecevable, que le divorce prononcé par volonté unilatérale de M. [D] n'était pas assimilable à une répudiation et était ouvert de manière identique à chacun des conjoints, quand le juge tunisien qui avait prononcé le divorce s'était borné à constater la volonté unilatérale de M. [D] de mettre fin au mariage et n'avait pas donné d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme, pour ensuite statuer sur les seules conséquences de la rupture du mariage, la cour d'appel a violé l'article 15 de la convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 et l'article 5 du protocole n° 7 du 22 novembre 1984 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article 15, d), de la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions tunisiennes, en matière civile, n'ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire français que si elles ne contiennent rien de contraire à l'ordre public international.
6. Aux termes de l'article 5 du Protocole du 22 novembre 1984, n° 7, additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.
7. L'article 31, alinéas 1 à 4, du Livre second du code du statut personnel tunisien du 13 août 1956, consacré au divorce, qui ne peut avoir lieu que devant le tribunal selon l'article 30, dispose :
« Le Tribunal prononce le divorce :
1) en cas de consentement mutuel des époux ;
2) à la demande de l'un des époux en raison du préjudice qu'il a subi ;
3) à la demande du mari ou de la femme. »
8. La cour d'appel a énoncé que l'article 31, 3), du code du statut personnel tunisien édicte un cas de divorce qui n'est pas assimilable à une répudiation unilatérale, accordée au seul mari, dès lors que celui-ci est ouvert de manière identique à chacun des conjoints.
9. Elle a retenu que, régulièrement citée et représentée par un avocat devant les juridictions tunisiennes, Mme [L] ne démontrait pas que les décisions, qui avaient été obtenues à la suite d'un débat contradictoire et à l'encontre desquelles elle avait exercé les voies de recours mises à sa disposition, avaient été rendues en fraude de ses droits.
10. Elle en a déduit à bon droit que les décisions tunisiennes invoquées par M. [D] n'étaient pas contraires au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage et donc à l'ordre public international.
11. Le moyen n'est dès lors pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2023
Mme GUIHAL, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 505 F-B
Pourvois n°
W 21-25.587
X 21-25.588 JONCTION
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
1°/ M. [H] [T],
2°/ Mme [L] [P], épouse [T],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé les pourvois n° W 21-25.587 et X 21-25.588 contre deux arrêts rendus le 4 novembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige les opposant à la société Banque Palatine, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de chaque pourvoi, trois moyens et deux moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Banque Palatine, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 21-25.587 et X 21-25.588 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 4 novembre 2021), par actes notariés du 1er mars 2007, la société Banque Palatine (la banque) a consenti à M. et Mme [T] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers.
3. Les 9 et 12 décembre 2011, la banque a assigné les emprunteurs en paiement des sommes dues au titre des deux prêts. Par ordonnance du 16 novembre 2012, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du prononcé d'une décision pénale définitive à la suite de l'information judiciaire et de la constitution de partie civile des emprunteurs.
4. Se prévalant des titres constitués par les actes authentiques de prêt, la banque a, d'une part, le 25 juin 2019, pris une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur l'un des biens immobiliers financés et, d'autre part, suivant procès-verbaux du 20 août 2019, procédé à la saisie-attribution de certaines sommes dont les emprunteurs étaient créanciers.
5. Les 23 juillet et 26 septembre 2019, ces derniers ont assigné la banque en nullité et mainlevée de l'inscription d'hypothèque et des saisies-attribution en invoquant la prescription des créances.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° W 21-25.587 et sur le second moyen du pourvoi n° X 21-25.588
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les premiers moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé des moyens
7. Par le premier moyen du pourvoi n° W 21-25.587, les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et valider les saisies attributions à exécution successive pratiquées à la requête de la banque en cantonnant ses créances à certains montants, alors « que la prescription de l'action en recouvrement d'une créance en vertu d'un titre exécutoire ne peut être interrompue par une action qui a pour objet distinct une demande en paiement d'une créance en vue d'obtenir un titre exécutoire ; qu'en décidant que l'assignation en paiement devant le tribunal de grande instance de Grasse délivrée par la Banque Palatine par actes des 9 et 12 décembre 2011 en vue d'obtenir un titre exécutoire aurait interrompu la prescription de l'action en recouvrement de la créance en vertu du titre exécutoire que constitue l'acte notarié, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil, L. 111-2 et L. 111-3, 4° du code des procédures civiles d'exécution. »
8. Par le premier moyen du pourvoi n° X 21-25.588, les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et valider l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire en cantonnant la créance de la banque à un certain montant, alors « que la prescription de l'action en recouvrement d'une créance en vertu d'un titre exécutoire ne peut être interrompue par une action qui a pour objet distinct une demande en paiement d'une créance en vue d'obtenir un titre exécutoire ; qu'en décidant que l'assignation en paiement devant le tribunal de grande instance de Grasse délivrée par la Banque Palatine par actes des 9 et 12 décembre 2011 en vue d'obtenir un titre exécutoire aurait interrompu la prescription de l'action en recouvrement de la créance en vertu du titre exécutoire que constitue l'acte notarié, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil, L. 111-2 et L. 111-3, 4° du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel, qui a relevé que par actes des 9 et 12 décembre 2011, la banque avait assigné les emprunteurs en paiement du solde restant dû sur les deux emprunts et que cette instance était toujours en cours à la date à laquelle la banque avait procédé à l'inscription d'hypothèque et diligenté la saisie-attribution sur le fondement des actes authentiques de prêt, en a exactement déduit que ces actions ayant le même but, à savoir le désintéressement du prêteur, l'introduction de la première avait interrompu le délai de la prescription des secondes et que l'effet interruptif ayant continué de produire ses effets, aucune prescription n'était acquise au moment de l'inscription d'hypothèque du 25 juin 2019 et des saisies du 20 août 2019.
10. Les moyens ne sont donc pas fondés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. et Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. et Mme [T] et les condamne à payer à la société Banque Palatine la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2023
Cassation partielle
Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 488 F-B
Pourvoi n° E 21-19.362
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [J] [D].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 janvier 2022.
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
Mme [X] [R], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-19.362 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [J] [D], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [R], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [D], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Antoine, conseiller, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 15 avril 2021), des relations entre Mme [R] et M. [D] est né [M], le 10 juin 2014.
2. Un jugement du 5 janvier 2017, confirmé par arrêt du 9 novembre 2017, a dit que l'autorité parentale est exercée conjointement, fixé la résidence habituelle de [M] au domicile de son père et accordé une droit de visite et d'hébergement au profit de la mère.
3. Informée du déménagement de M. [D] en Alsace, Mme [R] a saisi un juge aux affaires familiales afin d'obtenir le transfert de la résidence habituelle de l'enfant à son domicile.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [R] fait grief à l'arrêt de fixer, à compter du 3 mai 2021, la résidence habituelle de [M] au domicile paternel, alors « qu'il est fait un compte rendu de l'audition de l'enfant, soumis au respect du contradictoire ; que Mme [R] a fait valoir que [M] avait été entendu le 10 février 2021 et qu'elle ne s'était pas vu communiquer de compte rendu de cette audition ; qu'en statuant sur la fixation de la résidence habituelle de [M], sans s'assurer qu'avait été adressé aux parties un compte rendu de l'audition de l'enfant et que celles-ci aient été mises à même de formuler leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 338-12 du code de procédure civile ensemble l'article 16 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 338-12 et 16, alinéa 1er, du code de procédure civile :
5. Il résulte du premier de ces textes, que lorsqu'il a été procédé à l'audition d'un mineur en application de l'article 388-1 du code civil, il est fait, dans l'intérêt de l'enfant, un compte rendu de cette audition, soumis au respect du contradictoire.
6. Aux termes du second, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
7. L'arrêt fixe la résidence habituelle de l'enfant après avoir mentionné que celui-ci a été entendu le 10 février 2021, assisté de son avocat, par le conseiller de la mise en état.
8. En statuant ainsi, alors qu'il ne résulte ni de ces énonciations ni des pièces de la procédure qu'un compte rendu de cette audition ait été communiqué aux parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt fixant, à compter du 3 mai 2021, la résidence habituelle de l'enfant au domicile paternel entraîne la cassation du chef de dispositif relatif au droit de visite et d'hébergement de la mère qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
10. La cassation des chefs de dispositif ci-dessus mentionnés n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant la demande de M. [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et mettant à la charge de chacune des parties la moitié des dépens, justifiés des dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe, à compter du 3 mai 2021, la résidence habituelle de [M] au domicile paternel et en ce qu'il dit qu'à défaut d'accord, Mme [R] exercera son droit de visite et d'hébergement pendant l'intégralité des vacances scolaires de la Toussaint, d'hiver et de Pâques ainsi que la moitié des vacances scolaires de Noël et d'été, en alternance, première moitié les années paires et deuxième moitié les années impaires, à charge pour le père de conduire l'enfant chez la mère et d'aller le chercher ou de le faire conduire ou chercher par une personne de confiance, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges autrement composée ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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Audience publique du 12 juillet 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 546 FS-D
Pourvoi n° P 21-22.843
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
1°/ la société Allianz IARD, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Ziemex, anciennement dénommée Ziemann France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
3°/ la société [N]-Hermont, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [V] [N], en qualité de liquidateur judiciaire de la société CICR,
ont formé le pourvoi n° P 21-22.843 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Générali Deutschland Versicherung AG, venant aux droits de la société AaschenMünchener Versicherung AG, dont le siège est [Adresse 3] (Allemagne),
2°/ à M. [X] [E], domicilié [Adresse 5] (Allemagne), pris en qualité d'administrateur de la faillite de la société Meh Maschinen-Und Edelstahlhandel Gmbh,
3°/ à la société d'assurances R+V Versicherung, dont le siège est [Adresse 6] (Allemagne),
défendeurs à la cassation.
La société Générali Deutschland Versicherung AG et la société d'assurances R+V Versicherung ont formé, chacune, un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
Les demanderesses aux pourvois incidents éventuels invoquent, respectivement, à l'appui de leur recours, un moyen et deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat des sociétés Allianz IARD, Ziemex, [N]-Hermont, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Générali Deutschland Versicherung AG, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société d'assurances R+V Versicherung, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Mme Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Allianz IARD, à la société Ziemex, anciennement Ziemann France, et à la société [N]-Hermont, prise en la personne de M. [V] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CICR, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [X] [E], en sa qualité d'administrateur de la faillite de la société MEH.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 juin 2021), en 2007, la société Roquette a confié à la société Ziemann France, devenue Ziemex, assurée auprès de la société Allianz IARD, la fabrication d'un fermenteur.
3. La société Ziemann a sous-traité la fabrication de l'échangeur thermique à la société CICR, assurée auprès de la société Allianz IARD, et commandé des tubes en acier à la société allemande Edelsthal Handelsgeselleschaft (la société EHG), devenue ultérieurement Maschinen und Edelstalhandel (la société MEH), assurée en responsabilité civile auprès de la compagnie AachenMünchener Versicherung, aux droits de laquelle se trouve la société Generali Deutschland Versicherung (la société Generali), puis de la compagnie R+V Versicherung (la société R+V).
4. Le 30 juin 2014, à la suite de la constatation par une expertise judiciaire de dysfonctionnements du fermenteur survenus lors de sa mise en service en novembre 2008 et de la transaction intervenue entre la société Roquette et les sociétés Ziemann, CICR et Allianz IARD, celles-ci ont engagé contre la société MEH et ses assureurs une action fondée sur la cession des créances stipulée par l'accord transactionnel.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident de la société Generali et sur le premier moyen du pourvoi incident de la société R+V, réunis, qui sont préalables
Enoncé des moyens
5. Par son moyen, la société Generali fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors :
« 1°/ que le maître de l'ouvrage dispose contre la personne ayant fourni à l'entrepreneur les objets défectueux intégrés à l'ouvrage d'une action contractuelle directe ; qu'en refusant de conférer une nature contractuelle à l'action directe exercée par les sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD, en leur qualité de subrogées dans les droits du maître de l'ouvrage, contre la personne ayant fourni à l'entrepreneur des objets défectueux et son assureur, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil ;
2°/ que la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels, en ce qu'elle précise, en son article 5, ne pas s'appliquer « aux effets de la vente à l'égard de toutes personnes autres que les parties », ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit mise en oeuvre pour la désignation de la loi applicable à une action directe en responsabilité exercée par le maître d'ouvrage contre la personne ayant fourni à l'entrepreneur, dans le cadre d'une vente à caractère international, des objets défectueux intégrés à l'ouvrage ; qu'en refusant de faire application du traité susvisé à l'action directe en indemnisation exercée par les sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD, subrogées dans les droits du maître de l'ouvrage, contre la société MEH et son assureur, la cour d'appel a violé la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels ;
3°/ en outre, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en conférant un caractère délictuel à l'action directe exercée par les sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD en considération de sa qualification comme telle dans les différents actes de la procédure ainsi que dans le protocole d'accord transactionnel, et de l'absence de contestation par l'exposante de son obligation de couvrir les sinistres résultant de la responsabilité quasi-délictuelle de son assuré, quand celle-ci revendiquait dans ses écritures le caractère contractuel de l'action susvisée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ enfin, la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits ne s'applique qu'à la responsabilité extracontractuelle ; qu'en considérant qu'elle pouvait régir l'action directe du maître de l'ouvrage contre la personne ayant fourni à l'entrepreneur des objets défectueux intégrés à l'ouvrage, qu'elle fût de nature contractuelle ou délictuelle, la cour d'appel a violé le traité susdit. »
6. Par son premier moyen, la société R+V fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000 que la victime peut exercer devant les juridictions de son domicile ou devant les juridictions du lieu du fait dommageable l'action directe contre l'assureur du responsable, lorsque cette action est possible ; que si la responsabilité est contractuelle, la possibilité de l'action directe s'apprécie au regard de la loi applicable à l'obligation contractuelle liant la victime et le responsable ou de la loi applicable au contrat d'assurance ; que la responsabilité encourue par le fournisseur de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage est contractuelle, même s'ils ne sont pas domiciliés dans le même Etat ; que dans une telle hypothèse, la possibilité de l'action directe contre l'assureur du fournisseur doit donc être appréciée, soit au regard de la loi applicable au contrat liant l'entrepreneur et le fournisseur, soit au regard de la loi applicable au contrat d'assurance ; qu'au cas présent, pour juger que la possibilité de l'action directe ne pouvait pas être déterminée au regard de la loi allemande applicable au contrat de fourniture liant les sociétés Ziemman (entrepreneur) et EHG (fournisseur) et qu'elle devait s'apprécier au regard de la loi française désignée par la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, la cour d'appel a retenu que la chaîne de contrats entre les sociétés Roquette (maître d'ouvrage), Ziemann et EHG était hétérogène et que la conception interne des groupes de contrats n'était pas consacrée en droit international privé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000 ;
2°/ qu'au cas présent, il résultait des actes versés aux débats que la société Roquette avait conclu un contrat d'entreprise pour la réalisation d'un fermenteur avec la société Ziemann, laquelle s'était fournie en tubes auprès de la société EHG par bon de commande du 5 octobre 2007 ; qu'il en résultait que le sous-traitant CICR n'était pas inclus dans la chaîne de contrats translative de propriété par laquelle la propriété des tubes avait été accessoirement transmise à la société Roquette par l'intermédiaire de la société Ziemann ; qu'en énonçant pourtant qu'en l'espèce, une chaîne de contrats lierait fabricant, sous-traitant, entreprise générale et maître d'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000 que la victime peut exercer devant les juridictions de son domicile ou devant les juridictions du lieu du fait dommageable l'action directe contre l'assureur du responsable, lorsque cette action est possible ; que si la responsabilité est contractuelle, la possibilité de l'action directe s'apprécie au regard de la loi applicable à l'obligation contractuelle liant la victime et le responsable ou de la loi applicable au contrat d'assurance ; que la responsabilité encourue par le fournisseur de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage est contractuelle, même s'ils ne sont pas domiciliés dans le même Etat ; que dans une telle hypothèse, la possibilité de l'action directe contre l'assureur du fournisseur doit donc être appréciée, soit au regard de la loi applicable au contrat liant l'entrepreneur et le fournisseur, soit au regard de la loi applicable au contrat d'assurance ; qu'ainsi, la loi applicable au contrat de vente liant l'entrepreneur et le fournisseur ne peut être déterminée au regard de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, qui déclare expressément ne pas s'appliquer aux relations entre vendeur et acheteur ; qu'en appliquant pourtant cette convention pour déterminer la loi applicable à la possibilité de l'action directe, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000, ensemble l'article 1er, alinéa 2, de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 ;
4°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000 que la victime peut exercer devant les juridictions de son domicile ou devant les juridictions du lieu du fait dommageable l'action directe contre l'assureur du responsable, lorsque cette action est possible ; que si la responsabilité est contractuelle, la possibilité de l'action directe s'apprécie au regard de la loi applicable à l'obligation contractuelle liant la victime et le responsable ou de la loi applicable au contrat d'assurance ; que la responsabilité encourue par le fournisseur de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage est contractuelle, même s'ils ne sont pas domiciliés dans le même Etat ; que dans une telle hypothèse, la possibilité de l'action directe contre l'assureur du fournisseur doit donc être appréciée, soit au regard de la loi applicable au contrat liant l'entrepreneur et le fournisseur, soit au regard de la loi applicable au contrat d'assurance ; qu'au cas présent, pour juger que la possibilité de l'action directe ne pouvait pas être déterminée au regard de la loi allemande applicable au contrat de fourniture liant les sociétés Ziemman (entrepreneur) et EHG (fournisseur) et qu'elle devait s'apprécier au regard de la loi française désignée par la règle française de conflit de lois en matière de responsabilité délictuelle, la cour d'appel a dit que la chaîne de contrats entre les sociétés Roquette (maître d'ouvrage), Ziemann et EHG était hétérogène et que la conception interne des groupes de contrats n'était pas consacrée en droit international privé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000, ensemble l'article 3 du code civil ;
5°/ qu'en l'espèce, la qualification délictuelle de la responsabilité encourue par la société EHG, fournisseur, envers la société Roquette, maître d'ouvrage, était contestée par les deux assureurs allemands de la société EHG ; qu'en énonçant pourtant que cette qualification délictuelle ressortait des actes de la procédure et que les assureurs allemands ne contestaient pas couvrir la responsabilité extra-contractuelle, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
6°/ que le protocole d'accord du 31 janvier 2013 ne mentionne pas la nature de la responsabilité encourue par la société EHG envers la société Roquette ; qu'en disant pourtant que cette responsabilité avait été qualifiée de délictuelle par ce protocole, la cour d'appel a dénaturé ce dernier, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les actes de la cause ;
7°/ que le juge doit restituer aux actes et aux faits du litige leur exacte qualification ; qu'au cas présent, pour dire que l'action de la société Roquette contre la société EHG présentait une nature délictuelle, la cour d'appel a énoncé que cette qualification avait été adoptée par les actes de la procédure et le protocole d'accord du 31 janvier 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas exercé le pouvoir qu'elle tient de l'article 12 du code de procédure civile, a violé ce texte ;
8°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000 que la victime peut exercer devant les juridictions de son domicile ou devant les juridictions du lieu du fait dommageable l'action directe contre l'assureur du responsable, lorsque cette action est possible ; que si la responsabilité est contractuelle, la possibilité de l'action directe s'apprécie au regard de la loi applicable à l'obligation contractuelle liant la victime et le responsable ou de la loi applicable au contrat d'assurance ; que la responsabilité encourue par le fournisseur de l'entrepreneur envers le maître de l'ouvrage est contractuelle, même s'ils ne sont pas domiciliés dans le même Etat ; que dans une telle hypothèse, la possibilité de l'action directe contre l'assureur du fournisseur doit donc être appréciée, soit au regard de la loi applicable au contrat liant l'entrepreneur et le fournisseur, soit au regard de la loi applicable au contrat d'assurance ; qu'au cas présent, la loi applicable au contrat de vente entre la société Ziemann (entrepreneur) et la société EHG (fournisseur) devait être déterminée au regard de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes d'objets mobiliers corporels à caractère international ; qu'il importait peu que cette convention déclare ne pas s'appliquer aux effets de la vente à l'égard des tiers dans la mesure où elle n'était invoquée que pour déterminer la compétence juridictionnelle au regard du règlement 44/2001, et non pour désigner la loi applicable au fond du litige ; qu'ainsi, en écartant l'application de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 au motif qu'elle ne s'appliquait pas eux effets de la vente sur le tiers, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, 10 et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000, ensemble l'article 5.4 de cette convention. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de la combinaison des articles 11, § 2, 9 et 10 du règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) que, lorsque l'action directe est possible, la personne lésée peut attraire devant le tribunal du lieu de son domicile ou, en matière d'assurance de responsabilité, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit, l'assureur domicilié sur le territoire d'un Etat membre.
8. La possibilité de l'action directe, au sens de l'article 11, § 2, précité, est déterminée par la loi désignée par la règle de conflit du juge saisi.
9. Ayant relevé que les sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD agissaient sur le fondement de la cession de créance consentie, à la suite de son indemnisation, par la société Roquette, tiers lésé, contre les assureurs du fournisseur de tubes d'acier dont il était allégué que les défauts étaient à l'origine des désordres du fermenteur, la cour d'appel en a exactement déduit que la règle de conflit devait être recherchée dans la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, qui ne distingue pas selon la nature de la responsabilité encourue et s'applique à la responsabilité des fabricants et fournisseurs pour les dommages causés aux personnes et aux biens par leurs produits, et non dans la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes d'objets mobiliers corporels à caractère international, dont l'article 5, § 4, stipule qu'elle ne s'applique pas aux effets de la vente à l'égard de toutes personnes autres que les parties.
10. Ayant constaté que les désordres s'étaient produits à [Localité 4] (Pas-de-Calais), où se trouvait également le siège de la société Roquette, c'est à bon droit qu'elle en a déduit que la loi française était désignée par l'article 4 de la Convention du 2 octobre 1973, en tant que loi de l'Etat sur le territoire duquel le fait dommageable s'était produit et sur lequel était située la résidence habituelle de la personne directement lésée, de sorte qu'en vertu de l'article L. 124-3 du code des assurances, l'action directe était possible à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
11. Les moyens, inopérants en ce qu'ils contestent la qualification de responsabilité délictuelle, ne sont donc pas fondés pour le surplus.
Sur le second moyen du pourvoi incident de la société R+V
Enoncé du moyen
12. La société R+V fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 9.1, sous b, et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000 que le cessionnaire de la créance de la victime peut exercer l'action directe devant les juridictions du domicile de cette dernière, mais à condition qu'il ne soit pas un professionnel de l'assurance ; qu'au cas présent, la société Allianz IARD se prévalait de sa qualité de cessionnaire de la créance de la société Roquette, victime, pour agir par voir directe devant le tribunal de commerce d'Arras dans le ressort duquel cette dernière a son domicile ; que la société Allianz IARD étant un professionnel de l'assurance, elle ne pouvait exercer l'action directe devant les juridictions du domicile de la victime ; qu'en déclarant pourtant le tribunal de commerce d'Arras territorialement compétent, la cour d'appel a violé les articles 9.1, sous b, et 11.2 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
2°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 10 et 11.2 du règlement 44/2001 CE du 22 décembre 2000 que le cessionnaire de la créance de la victime peut exercer l'action directe devant les juridictions du lieu du fait dommageable, mais à condition qu'il ne soit pas un professionnel de l'assurance ; qu'au cas présent, la société Allianz IARD se prévalait de sa qualité de cessionnaire de la créance de la société Roquette, victime, pour agir par voir directe devant le tribunal de commerce d'Arras dans le ressort duquel le fait dommageable s'est produit ; que la société Allianz IARD étant un professionnel de l'assurance, elle ne pouvait exercer l'action directe devant les juridictions du lieu du fait dommageable ; qu'en déclarant pourtant le tribunal de commerce d'Arras territorialement compétent, la cour d'appel a violé les articles 10 et 11.2 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000. »
Réponse de la Cour
13. Selon les articles 9, § 1, 10 et 11, § 2, du règlement Bruxelles I, compris dans la section 3 relative à la compétence en matière d'assurances, lorsque l'action directe est possible, la personne lésée peut attraire devant le tribunal du lieu de son domicile ou, en matière d'assurance de responsabilité, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit, l'assureur domicilié sur le territoire d'un Etat membre.
14. Il résulte du considérant n° 13 que les règles de compétence en matière d'assurances sont destinées à protéger la partie faible, dont la Cour de justice de l'Union européenne déduit que les dispositions de la section 3 ne bénéficient pas à l'assureur, demandeur en vertu d'une cession de créance de la partie directement lésée (CJUE, 27 février 2020, Balta, C-803/18, points 27 et 28).
15. Toutefois, la Cour de justice considère que, dans une telle hypothèse, la demande est susceptible de relever de l'article 5, § 3, du règlement qui permet, en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, d'agir devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire, par dérogation à la compétence générale des juridictions de l'État membre de la résidence du défendeur (20 mai 2021, CNP, C-913/19, point 46 ; 21 octobre 2021, T.B., C-393/20, point 50).
16. Selon la Cour de justice, la matière délictuelle, au sens de l'article 5, § 3, du règlement Bruxelles I est une notion autonome, comprenant « toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité du défendeur, et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5-1° » (27 septembre 1988, Kalfelis, C-189/87, point 17).
17. Quant à la notion de « matière contractuelle », la Cour de justice juge que celle-ci ne saurait être comprise comme visant une situation dans laquelle il n'existe aucun engagement librement assumé d'une partie envers une autre. Elle en déduit que l'article 5, § 1, ne s'applique pas à un litige opposant le sous-acquéreur d'une chose au fabricant, qui n'est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l'impropriété de celle-ci à l'usage auquel elle est destinée (17 juin 1992, Jakob Handte, C-26/91).
18. La cour d'appel a constaté qu'il n'existait aucun engagement librement consenti entre la société Roquette et la société MEH.
19. Il en résulte que la société Allianz IARD pouvait exercer son action en responsabilité contre la société MEH et ses assureurs devant la juridiction française du lieu où le fait dommageable s'est produit et que l'exception d'incompétence devait en conséquence être rejetée.
20. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié du chef de la compétence.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
21. Les sociétés Allianz IARD et Ziemex font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action directe des sociétés Ziemex, CICR et Allianz IARD à l'encontre des sociétés R+V et Generali, alors :
« 1°/ qu'en matière extra-contractuelle, le tiers lésé peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit ; que lorsque le dommage se produit en France, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité de l'auteur des dommages, puisque le droit français prévoit une telle action directe ; qu'en l'espèce, la société Roquette, dont le siège social se situe en France, a cédé aux sociétés Allianz IARD, Ziemex et CICR la créance de réparation de nature extra-contractuelle qu'elle détenait à l'égard de la société MEH, laquelle lui avait un causé un dommage survenu au sein de son usine située, en France, dans la commune de [Localité 4] ; que la cour d'appel a constaté que « la loi applicable à l'obligation non contractuelle, la loi du lieu du dommage étant la loi française, cette dernière prévoit, ce qui n'est contesté par quiconque », l'exercice d'une action directe de la victime à l'encontre de l'assureur du responsable du dommage ; qu'en vertu du droit français, les sociétés Allianz IARD, Ziemex et CICR étaient donc recevables à introduire, devant les juridictions françaises, une action directe contre les sociétés Generali Deutschland Versicherung AG et R+V Versicherung, assureurs de responsabilité de la société MEH, afin d'obtenir leur condamnation à prendre en charge la dette extra-contractuelle de cette dernière ; que la cour d'appel a néanmoins déclaré cette action irrecevable, au motif que l'article 115 du code des assurances allemand n'autorise l'action directe contre l'assurance que dans des cas limités, ne correspondant pas à l'espèce ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que le droit français autorisait l'exercice de l'action directe, de sorte que cette dernière était recevable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 3 du code civil et l'article L. 124-3 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 11, § 2, du règlement Bruxelles I, les principes régissant le conflit de lois en matière d'action directe de la partie lésée contre l'assureur du responsable et l'article L. 124-3 du code des assurances :
22. Il résulte du premier de ces textes que la possibilité de l'action directe est déterminée par la loi désignée par la règle de conflit du juge saisi.
23. Selon les seconds, l'action directe est possible si elle est permise, soit par la loi de l'obligation principale, soit par la loi du contrat d'assurance, de sorte que, si la loi de l'obligation principale l'autorise, la loi du contrat d'assurance ne peut y faire obstacle et ne peut être invoquée que dans ses dispositions qui régissent les relations entre l'assureur et l'assuré, dispositions à laquelle la question de l'action directe est étrangère.
24. Aux termes du troisième, la personne lésée dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
25. Pour déclarer irrecevable l'action directe des sociétés Allianz, Ziemex et CICR contre les sociétés Generali et R+V, assureurs de responsabilité de la société MEH, l'arrêt retient que l'article 115 du code des assurances allemand n'autorise l'action directe contre l'assureur que dans des cas limités, qui ne correspondent pas aux circonstances de l'espèce.
26. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le droit français, désigné par la règle de conflit de lois du juge saisi autorisait l'exercice de l'action directe, de sorte que celle-ci était recevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action directe des sociétés Allianz IARD, Ziemex et CICR, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Condamne la société R+V Versicherung et la société Generali Deutschland Versicherung AG aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047852587.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 juillet 2023
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 533 FS-D
Pourvoi n° P 22-22.180
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
Mme [S] [U] [D], domiciliée [Adresse 3] (Argentine), a formé le pourvoi n° P 22-22.180 contre l'arrêt rendu le 30 août 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre de la famille), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [P] [L], domicilié [Adresse 1],
2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Orléans, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [U] [D], de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [L], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 30 août 2022) et les productions, du mariage de Mme [U] [D] et de M. [L] sont issus deux enfants, [Z], né le 3 décembre 2003, et [K], née le 13 août 2009.
2. En 2018, les époux, qui résidaient en Argentine, se sont séparés, M. [L] revenant en France et Mme [U] [D] demeurant en Argentine avec les enfants.
3. Au terme d'un séjour en France en juillet 2021, les enfants ne sont pas retournés en Argentine.
4. Le 10 septembre 2021, Mme [U] [D] a saisi l'autorité centrale argentine d'une demande de retour de ses enfants.
5. Le 6 décembre 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Orléans a assigné M. [L] sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants afin de voir ordonner le retour immédiat des enfants en Argentine.
6. Mme [U] [D] est intervenue volontairement à l'instance.
7. Mme [U] [D] a interjeté appel de la décision ayant rejeté la demande de retour en intimant M. [L] et le ministère public.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Mme [U] [D] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu au retour des mineurs en Argentine, alors « que lorsque le ministère public agit comme partie principale, notamment lorsqu'il agit dans le cadre d'une demande de retour régie par la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, il a l'obligation d'être présent à l'audience ; qu'en l'espèce, si le ministère public a déposé le 18 mai 2022 des réquisitions écrites, communiquées aux parties le 20 mai 2022 (arrêt, p. 5, alinéa 2), il ne résulte d'aucune des mentions de l'arrêt qu'il aurait été présent à l'audience du 21 juin 2022 ; qu'en statuant pourtant dans ces circonstances, la cour d'appel a violé l'article 431 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen, contestée en défense
9. M. [L] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est incompatible avec la position adoptée par Mme [U] [D] devant les juges du fond.
10. Cependant, si, dans ses conclusions d'appel, Mme [U] [D] a indiqué improprement que le litige se déroulait en présence du procureur général et non contre celui-ci, il résulte de la déclaration d'appel, qui fait apparaître le ministère public comme intimé, que cette erreur purement matérielle a été sans incidence.
11. Le moyen est donc recevable.
Bien fondé du moyen
Vu l'article 431 du code de procédure civile :
12. Il résulte de ce texte que le ministère public est tenu d'assister à l'audience lorsqu'il est partie principale.
13. Tel est le cas lorsque le ministère public, partie principale en première instance, est intimé devant la cour d'appel.
14. Il ne résulte ni des mentions de l'arrêt ni d'aucun autre moyen de preuve que le ministère public, partie principale, ait été présent à l'audience des débats.
15. Il n'a donc pas été satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047852578.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 juillet 2023
Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 491 F-B
Pourvoi n° X 21-23.242
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-23.242 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [E] [T], domiciliée [Adresse 2],
2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, cour d'appel [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [H], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [T], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 septembre 2021), Mme [T] et Mme [H] se sont mariées le 10 juin 2017.
2. Le 14 octobre 2018, Mme [H] a donné naissance à l'enfant [P].
3. Par requête du 16 mars 2021, Mme [T] a sollicité le prononcé de l'adoption plénière de [P], à laquelle Mme [H] avait consenti par acte notarié du 2 janvier 2020.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [H] fait grief à l'arrêt de prononcer l'adoption plénière de l'enfant mineur [P] [H] par Mme [T], alors « que l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant et ne devient irrévocable que lorsque le jugement qui la prononce est passé en force de chose jugée ; qu'il en résulte que l'adoption prononcée par jugement doit d'office être annulée par le juge saisi en appel par le représentant légal de l'adopté, dès lors qu'il ne consent plus à l'adoption de son enfant ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a confirmé le jugement d'adoption cependant que Mme [H], mère de l'enfant adoptée, avait formé appel du jugement en faisant valoir qu'elle s'opposait à l'adoption plénière de l'enfant par sa conjointe en instance de divorce, Mme [T] ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 370-3 et 359 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article 345-1, 1°, devenu 370-1-3, 1°, du code civil et des articles 348-1 et 348-3 du code civil, dans leur version alors applicable, que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois.
7. Il s'en déduit qu'à défaut de rétractation dans le délai légal, l'opposition du conjoint ne lie pas le juge, qui doit seulement vérifier que les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant.
8. N'étant pas contesté que Mme [H] avait consenti à l'adoption de [P] par Mme [T] et n'avait pas rétracté son consentement dans le délai prévu par la loi, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que, malgré la séparation de l'adoptante et de la mère de l'enfant, et l'opposition de celle-ci, l'adoption demandée était conforme à l'intérêt de l'enfant et a, en conséquence, prononcé celle-ci.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS , la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [H] et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047852591.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 juillet 2023
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 544 FS-D
Pourvoi n° F 22-16.653
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
Mme [M] [T], épouse [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-16.653 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Créatis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [B] [G], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La société Créatis a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [T], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Créatis, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [G], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 2021), la société Créatis a consenti à M. [G] et à Mme [T] un prêt de restructuration.
2. A la suite d'une demande d'ouverture d'une procédure de surendettement déposée par M. [G] et déclarée recevable le 29 juin 2015, une ordonnance du 12 octobre 2015 a rendu exécutoires les recommandations de la commission de surendettement qui prévoyaient notamment un moratoire de quatorze mois pour le remboursement de la dette contractée à l'égard de la société Créatis.
3. Le 12 février 2016, celle-ci a mis Mme [T] en demeure de régulariser la situation et, par lettres recommandées du 14 juin 2016, elle a notifié la déchéance du terme du prêt à Mme [T] et M. [G].
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'égard de M. [G], alors « que la déchéance du terme notifiée à un codébiteur solidaire à la suite d'une mise en demeure restée sans effet produit ses effets à l'égard des coemprunteurs solidaires, sans qu'il soit nécessaire que ceux-ci soient eux-mêmes mis en demeure ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des considérations inopérantes, quand la déchéance du terme notifiée à Mme [G], ne bénéficiant pas du plan de surendettement, à la suite d'une mise en demeure préalable du 12 février 2016, entraînait nécessairement la même déchéance à l'égard de M. [G], coemprunteur solidaire, peu important que celui-ci fut bénéficiaire d'une mesure de surendettement homologué dont le non-respect n'était pas établi, la cour d'appel a violé l'article 1205 du code civil, 1134 et 1184 dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 331-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article L. 331-3-1, alinéas 2 et 3, du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013, repris à l'article L. 722-5, alinéa 1er, du même code, que la décision déclarant recevable la demande d'ouverture d'une procédure de surendettement emporte interdiction pour le débiteur, sauf autorisation judiciaire, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu'alimentaire jusqu'à l'homologation, par le juge, des mesures recommandées par la commission de surendettement.
7. Ayant relevé que la demande d'ouverture d'une procédure de surendettement de M. [G] avait été déclarée recevable le 29 juin 2015 et qu'une ordonnance du 12 octobre 2015 avait rendu exécutoires les recommandations de la commission de surendettement qui prévoyaient un rééchelonnement de la dette contractée à l'égard de la société Créatis, précédée d'un moratoire de quatorze mois, c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve produits que la cour d'appel, nonobstant le motif, erroné mais surabondant, visé par le moyen, a fait ressortir qu'il n'était pas établi que les conditions d'acquisition de la déchéance du terme, laquelle ne pouvait résulter que d'impayés antérieurs au 29 juin 2015, aient été réunies à l'égard de M. [G].
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047852585.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 juillet 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 532 FS-B
Pourvois n°
R 21-20.361
W 21-23.425 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUILLET 2023
I - 1°/ M. [Y] [P],
2°/ M. [I] [P],
domiciliés tous deux [Adresse 3] (Belgique),
ont formé le pourvoi n° R 21-20.361 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [G] [P], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Mme [X] [O], veuve [P], domiciliée [Adresse 2],
3°/ à la société HSBC Continental Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
II - Mme [G] [P], a formé le pourvoi n° W 21-23.425 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [P],
2°/ à M. [I] [P],
3°/ à Mme [X] [O], veuve [P],
4°/ à la société Maray, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ à la société HSBC continental Europe, société anonyme,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs au pourvoi n° R 21-20.361 invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° W 21-23.425 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de MM. [Y] et [I] [P], de Mme [O], veuve [P] et de la société Maray, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme [G] [P], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mmes Azar, Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 21-20.361 et W 21-23.425 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à Mme [G] [P] du désistement de son pourvoi n° W 21-23.425 en ce qu'il est dirigé contre la société HSBC continental Europe.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2021) et les productions, [K] [P] est décédé le 14 mars 2013, en laissant pour lui succéder sa fille [G], née d'une première union, ses fils [Y] et [I], nés d'une deuxième union, et Mme [X] [O], son épouse.
4. Par acte authentique reçu le 7 novembre 1995, [K] [P] avait consenti à ses trois enfants une « donation-partage anticipée », avec attribution, à sa fille, de la pleine propriété de quatre biens mobiliers, et à chacun de ses fils, de la nue-propriété de la moitié indivise d'un bien immobilier.
5. Par acte authentique reçu le 17 janvier 2008, auquel [K] [P] était intervenu en sa qualité de donateur, M. [I] [P] avait cédé à son frère sa quote-part indivise en nue-propriété du bien immobilier.
6. Des difficultés étant survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, Mme [G] [P] a assigné ses cohéritiers en partage judiciaire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen du pourvoi n° R 21-20.361 et sur les premier, deuxième et troisième moyens, celui-ci pris en sa seconde branche, du pourvoi n° W 21-23.425
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi n° R 21-20.361 et sur les premier, deuxième et troisième moyens, celui-ci pris en sa seconde branche, du pourvoi n° W 21-23.425, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le second moyen du pourvoi n° R 21-20.361, qui est irrecevable.
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° R 21-20.361
Enoncé du moyen
8. MM. [I] et [Y] [P] font grief à l'arrêt de dire que la donation-partage du 7 novembre 1995 est une donation simple, que cette donation devra être rapportée à la succession de [K] [P] et que la valeur de cette donation devra être appréciée au moment du partage, conformément à l'article 860 du code civil, alors :
« 1°/ que toute personne peut faire entre ses héritiers présomptifs, sous forme de donation-partage, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits ou de partie d'entre eux ; que la donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que le disposant intervienne aux deux actes ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que par acte de donation-partage consenti par [K] [P] le 7 novembre 1995, MM. [I] et [Y] [P] avaient reçu de leur père la moitié chacun de la nue-propriété "de lots immobiliers (jugement, p. 7 al. 9) et que par acte en date du 17 janvier 2008, M. [I] [P] a vendu à son frère sa quote-part indivise en nue-propriété", la cour d'appel a constaté qu'en sa qualité de donateur, il [[K] [P]] était présent et a donné son consentement à la vente entre les deux frères et renoncé à sa clause révocatoire en déclarant « donner son consentement à la présente vente à titre de licitation, et ce, conformément au terme de l'acte de donation-partage ci-après visé », et « renoncer purement et simplement (...) à l'action révocatoire, légale ou conventionnelle, dont il pourrait se prévaloir en cas d'inexécution des charges et conditions de ladite donation-partage et à l'exercice du droit de retour »" (arrêt, p. 9 al. 1er et 4) ; qu'il en résultait que le disposant était intervenu aux deux actes de donation et de partage, de sorte que l'opération constituait une donation-partage ; qu'en disant pourtant que la donation-partage du 7 novembre 1995 est une donation simple, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1076, alinéa 2, du code civil ;
2°/ que toute personne peut faire entre ses héritiers présomptifs, sous forme de donation-partage, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits ou de partie d'entre eux ; que la donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que le disposant intervienne aux deux actes ; qu'en l'espèce, pour dire que la donation-partage du 7 novembre 1995 est une donation simple, la cour d'appel a retenu qu' il n'apparaît pas qu'il [[K] [P]] ait été à l'initiative de l'acte [du 17 janvier 2008] ni que le partage ait été réalisé sous sa médiation" (arrêt, p. 9 al. 5) ; qu'en ajoutant ainsi à la loi des conditions qu'elle ne prévoit pas, la cour d'appel a violé l'article 1076, alinéa 2, du code civil. »
Réponse de la Cour
9. Selon l'article 1075 du code civil, toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits sous forme de donation-partage.
10. Aux termes de l'article 1076, alinéa 2, du code civil, la donation et le partage peuvent être faits par actes séparés pourvu que le disposant intervienne aux deux actes.
11. Il résulte de ces textes que la donation-partage, même faite par actes séparés, suppose nécessairement une répartition de biens effectuée par le disposant lui-même ou, tout au moins, sous sa direction et avec son concours.
12. La cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que l'acte du 7 novembre 1995, qui n'attribuait que des droits indivis à MM. [Y] et [I] [P], ne pouvait, à lui seul, opérer un partage.
13. Elle a estimé que, si [K] [P], en sa qualité de donateur, avait donné son consentement à la vente intervenue entre ses fils, en renonçant à l'action révocatoire ainsi qu'à l'exercice du droit de retour, il n'apparaissait pas, pour autant, qu'il ait été à l'initiative de l'acte du 17 janvier 2008 ni que le partage ait été réalisé sous sa médiation.
14. Elle en a déduit que l'acte n'avait pas résulté de la volonté du donateur de procéder au partage matériel de la donation, mais de celle des copartagés.
15. Ayant ainsi fait ressortir que la répartition des biens n'avait pas été effectuée par le disposant lui-même ou, tout au moins, sous sa direction, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'acte du 7 novembre 1995 était une donation rapportable à la succession du donateur.
16. Le moyen ne peut donc être accueilli.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° W 21-23.425
Enoncé du moyen
17. Mme [G] [P] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à MM. [Y] et [I] [P] la somme de 8 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts, alors « que la défense à une demande en justice ne peut, sauf circonstances particulières, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue en première instance ; qu'en retenant en l'espèce, pour accueillir la demande des appelants tendant à voir condamner Mme [G] [P] à leur verser des dommages-intérêts pour résistance abusive à leurs demandes sur l'origine de son patrimoine, que cette dernière n'avait pas déféré à l'ordonnance du juge de la mise en état lui enjoignant de fournir des renseignements sur son patrimoine et son financement ni les annexes du rapport d'expertise à l'occasion de son divorce avec M. [F] [B]", et qu'elle avait ainsi causé un préjudice aux appelants qui n'ont pu vérifier si ses avoirs ont pour origine des oeuvres dont elle a directement ou indirectement pris possession de M. [K] [P] ou si elle a bénéficié de la part de ce dernier de dons manuels", quand les premiers juges avaient retenu que nonobstant la décision du juge de la mise en état (?) l'utilité de la communication de pièces relatives au patrimoine personnel de Mme [G] [P] n'est pas suffisamment démontrée dans le cadre de la demande en partage" et avaient, en conséquence rejeté la demande en dommages et intérêts présentée par MM. [Y] et [I] [P] à l'encontre de leur soeur, pour résistance abusive, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute susceptible de faire dégénérer en abus le droit de Mme [G] [P] de se défendre en justice, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
18. En application de ce texte, la défense à une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient alors au juge de spécifier, dégénérer en abus lorsque sa légitimité a été reconnue par les premiers juges, malgré l'infirmation dont leur décision a été l'objet.
19. Pour condamner Mme [G] [P] à payer à MM. [Y] et [I] [P] la somme de 8 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt retient que, n'ayant pas déféré à l'ordonnance du juge de la mise en état lui enjoignant de fournir des renseignements sur son patrimoine et son financement, ainsi que les annexes d'un rapport d'expertise établi à l'occasion de son divorce, celle-ci n'a pas suffisamment justifié, y compris en cause d'appel, de la provenance et du financement de l'ensemble de son patrimoine.
20. En statuant ainsi, alors que les premiers juges avaient rejeté la demande de dommages-intérêts formée par MM. [Y] et [I] [P] nonobstant la décision du juge de la mise en état, la cour d'appel, qui n'a pas spécifié de circonstances particulières ayant fait dégénérer en abus la défense de Mme [G] [P], a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
21. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
23. La cassation du chef de dispositif condamnant Mme [G] [P] à payer à MM. [Y] et [I] [P] la somme de 8 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts emporte de plein droit obligation de restitution des sommes versées au titre de l'exécution de cette disposition.
24. Elle n'emporte pas la cassation des chefs de dispositifs relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [G] [P] à payer à MM. [Y] et [I] [P] la somme de 8 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de dommages-intérêts de MM. [Y] et [I] [P] ;
Condamne MM. [I] et [Y] [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047781156.xml | LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 juin 2023
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 446 FS-B
Pourvoi n° D 21-24.720
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 JUIN 2023
1°/ M. [R] [S],
2°/ Mme [T] [B], épouse [S],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° D 21-24.720 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant à la caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [S], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 septembre 2021), suivant offres des 4 juin et 21 octobre 2004, la société caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe (la banque) a consenti à M. et Mme [S] (les emprunteurs) deux prêts immobiliers in fine, libellés en francs suisses et remboursables respectivement les 31 juillet 2017 et 31 octobre 2016, aux taux d'intérêt variables indexés sur l'indice Libor trois mois.
2. Le 26 avril 2016, les emprunteurs ont assigné la banque en responsabilité et en constatation du caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, en tant qu'il est dirigé contre le chef du dispositif qui déclare irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité des emprunteurs fondée sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en tant qu'il est dirigé contre le chef du dispositif qui déclare irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité des emprunteurs fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information
Enoncé du moyen
4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action en responsabilité fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information, alors « que le point de départ de l'action en responsabilité exercée contre une banque pour manquement à son devoir d'information court à compter du jour où l'emprunteur a eu connaissance du risque qu'il n'avait pas été mis en mesure d'appréhender lors de la conclusion du contrat ; qu'en retenant, pour juger que la prescription avait commencé à courir au jour de la conclusion des prêts, que les offres de prêt faisaient apparaître de manière nette et sans ambiguïté que le montant emprunté était libellé en francs suisses, monnaie dans laquelle devaient s'effectuer les remboursements et que les emprunteurs n'établissaient pas qu'ils pouvaient, à cette date, légitimement ignorer le risque de préjudice invoqué au titre d'un manquement de la banque à son devoir d'information, cependant que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour où les emprunteurs avaient eu connaissance du risque né de la conclusion de prêts en devises étrangères, dont ils n'avaient pas été informés, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :
5. Il résulte de ces textes que l'action en responsabilité de l'emprunteur à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir d'information portant sur le fonctionnement concret de clauses d'un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l'emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l'existence et des conséquences éventuelles d'un tel manquement.
6. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action des emprunteurs fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information, l'arrêt retient que ceux-ci n'établissent pas qu'ils ont pu légitimement ignorer les risques de leur préjudice au moment de la souscription des contrats, de sorte que le point de départ du délai quinquennal de la prescription doit être fixé à la date de conclusion des contrats, et qu'en tout état de cause les conséquences de la dégradation de la parité entre le franc suisse et l'euro se sont nécessairement manifestées dès l'année 2009, une dégradation significative de cette parité étant constatée à partir de janvier 2011.
7. En statuant ainsi, alors que les emprunteurs n'avaient pu connaître l'existence du dommage résultant d'un tel manquement à la date de la conclusion des prêts, la cour d'appel, à qui il incombait de caractériser la date de leur connaissance effective des effets négatifs de la variation du taux de change sur leurs obligations financières, a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
8. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir réputer non écrites les clauses 5.3 et 10.5 incluses dans les offres de prêt émises le 4 juin 2004 et le 21 octobre 2004 et de rejeter en conséquence leur demande tendant à voir juger que l'ensemble des paiements intervenus depuis l'origine des remboursements était réputé être intervenu en euros et à ce qu'il soit ordonné à la banque de recalculer les paiements sur ces bases et de leur verser le surcoût engendré par l'effet de change Euro/CHF lors des versements qu'ils ont effectués en euros pour honorer les échéances d'intérêts libellées en CHF, ainsi que leur demande tendant à cantonner à 218 942 euros le montant du capital du prêt in fine à restituer au titre de l'offre du prêt n° 203361-001-50 au 31 juillet 2017, en substitution du montant de 353 000 CHF prévu par le contrat litigieux, et à 147 444 euros au titre du prêt n° 203361-002-51 au 31 octobre 2016, en substitution du montant de 237 725 CHF prévu par le contrat litigieux, alors :
« 1°/ que l'exigence selon laquelle les clauses définissant l'objet principal du contrat doivent être rédigées de façon claire et compréhensible implique que les clauses indexant le remboursement d'un prêt sur le cours d'une devise étrangère soient comprises par le consommateur à la fois sur les plans formel et grammatical, mais également quant à leur portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ; qu'en se bornant à juger, pour écarter l'application de la réglementation des clauses abusives, que les clauses des conditions particulières des prêts prévoyant le remboursement en devises étrangères, qui relevaient de l'objet principal des prêts, étaient rédigées en des termes clairs et compréhensibles, dénués d'ambiguïté ou de contradiction, en ce qu'elles décrivaient le mécanisme à mettre en place pour procéder au paiement des échéances en francs suisses, ce qui avait dû nécessairement interpeller les emprunteur qui ne disposaient pas de ressources d'origine suisse, cependant que la seule indication dans les offres de prêt, d'une part, d'un prélèvement des échéances du prêt sur un compte en devises étrangères (art. 4.3) et, d'autre part, de la circonstance, sans mention du terme de risque, que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourraient intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt (art. 10.5), ne pouvait permettre aux consommateurs de connaître les risques réels encourus, pendant toute la durée du contrat, en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État membre où ils étaient domiciliés et d'une hausse du taux d'intérêt étranger et d'ainsi comprendre qu'ils s'exposaient à un risque de change qui pourrait être économiquement difficile à assumer, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ;
2°/ que l'exigence selon laquelle les clauses définissant l'objet principal du contrat doivent être rédigées de façon claire et compréhensible oblige les établissements financiers consentant des prêts libellés en devise étrangère à informer concrètement l'emprunteur des risques réels qu'il encourt en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État membre où il est domicilié ; qu'en se bornant à juger que les attestations par lesquelles les emprunteurs exposaient avoir pris connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse suffisaient à démontrer que les emprunteurs avaient pu prendre la mesure de leurs engagements, cependant que telles attestations, dont elle relevait elle-même qu'elles avaient été signées le jour même ou le lendemain de l'émission des offres de prêt et qui ne précisaient pas le contenu de l'information transmise, ne permettaient pas de retenir que les consommateurs avaient été informés des risques réels encourus, pendant toute la durée du contrat, en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État membre où ceux-ci sont domiciliés et d'une hausse du taux d'intérêt étranger, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 132-1 du code la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
9. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.
10. Par arrêt du 10 juin 2021 (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 4, § 2, de la directive 93/13/CE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu'il s'agit d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.
11. Pour rejeter la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses 5.3 et 10.5 des contrats relatives aux modalités de remboursement des prêts et aux possibilités de conversion en euro des prêts souscrits en franc suisse, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la description du mécanisme permettant le paiement des échéances a nécessairement dû alerter les emprunteurs qui ne disposaient pas de ressources en franc suisse, que le recours à la devise suisse n'emportait aucune incidence sur la durée du prêt sauf en cas de remboursement anticipé et que la banque produit pour chaque prêt une attestation annexée à l'offre, signée des emprunteurs, par laquelle ils déclarent expressément avoir pris connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse.
12. En statuant ainsi, sans constater que le professionnel avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée des contrats, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ceux-ci percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité formée par M. et Mme [S] au titre d'un manquement de la société caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe à son devoir d'information et qu'il rejette la demande tendant à réputer non écrites les clauses 5.3 et 10.5 des offres de prêt émises les 4 juin et 21 octobre 2004, rejette en conséquence leur demande tendant à voir juger que l'ensemble des paiements intervenus depuis l'origine des remboursements est réputé être intervenu en euros et à ce qu'il soit ordonné à la banque de recalculer les paiements sur ces bases et de leur verser le surcoût engendré par l'effet de change Euro/CHF lors des versements qu'ils ont effectués en euros pour honorer les échéances d'intérêts libellées en CHF, ainsi que leur demande tendant à cantonner le montant du capital du prêt in fine à restituer au titre de l'offre du prêt n° 203361-001-50 au 31 juillet 2017 à 218 942 euros, en substitution du montant de 353 000 CHF prévu par le contrat litigieux et au titre du prêt n° 203361-002-51 au 31 octobre 2016 à 147 444 euros, en substitution du montant de 237 725 CHF prévu par le contrat litigieux, condamne M. et Mme [S] aux dépens, rejette leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamne in solidum à payer à la société Crédit mutuel Mulhouse Europe la somme de 2 500 euros, l'arrêt rendu le 27 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Crédit mutuel Mulhouse Europe aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société caisse Crédit mutuel Mulhouse Europe et la condamne à payer à M. et Mme [S] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.
1re Civ. 28 juin 2023, pourvoi n° 22-13.969, Bull., (cassation partielle).
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CASS/JURITEXT000047781293.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 juin 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 477 FS-B
Pourvoi n° H 21-25.390
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2023
1°/ M. [O] [X],
2°/ Mme [B] [I], épouse [X],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° H 21-25.390 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant à M. [E] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. et Mme [X], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 septembre 2021), M. et Mme [X] sont propriétaires d'une parcelle cadastrée [Cadastre 4], contiguë, au sud, à celle appartenant à M. [H], cadastrée [Cadastre 3], laquelle desservait un autre fonds dont M. [U] était propriétaire.
2. Le 18 mars 2009, contestant l'emplacement d'un mur édifié en 1986 par M. et Mme [X], M. [H] et M. [U] les ont, en référé, assignés en expertise.
3. Après un bornage judiciaire, M. et Mme [X] ont, le 9 décembre 2016, assigné M. [H] en revendication de la propriété de la bande de terrain correspondant à l'assiette du mur litigieux, sur le fondement de la prescription acquisitive abrégée et, subsidiairement, trentenaire.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. M. et Mme [X] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en revendication de la propriété du mur litigieux séparant les parcelles cadastrées section [Cadastre 4] et [Cadastre 3], alors :
« 1°/ que seule une assignation dont l'objet des demandes tend à la détermination des droits de propriétés respectives des parties est interruptive de prescription acquisitive ; qu'en énonçant, pour rejeter leur revendication par prescription trentenaire de la parcelle sur laquelle ils ont édifié un mur en 1986 que "l'assignation en référé du 18 mars 2009 délivrée par M. [U] et M. [H] revêt incontestablement ce caractère [interruptif] en ce qu'elle invoque un empiétement réalisé par le mur litigieux sur la parcelle [Cadastre 3] construit sans concertation avec les voisins", quand M. [U] et M. [H] sollicitaient uniquement par cette assignation qu'une expertise soit ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et la désignation d'un géomètre-expert, sans solliciter la détermination des droits de propriété respectives des parties, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil ;
2°/ que seule une assignation dont l'objet des demandes tend à la détermination des droits de propriétés respectives des parties est interruptive de prescription acquisitive ; qu'en énonçant par motifs adoptés, pour rejeter leur revendication par prescription trentenaire de la parcelle sur laquelle ils ont édifié le mur litigieux en 1986, que "la multiplication des actions en bornage relatives à la parcelle en cause, initiée par [E] [H], démontre que cette prescription n'a pas été paisible à tout le moins depuis le 30 octobre 2009, faisant ainsi obstacle à la prescription acquisitive", quand une action en bornage n'a pas pour objet la détermination des droits de propriétés respectives des parties, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 2244, devenu 2241, du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.
7. Une assignation en référé-expertise, qui tend à faire établir avant tout procès la preuve d'un empiétement, est interruptive de la prescription acquisitive trentenaire.
8. Après avoir relevé que par l'assignation en référé du 18 mars 2009, M. [H] dénonçait l'empiétement réalisé par le mur édifié par ses voisins sur sa parcelle [Cadastre 3] et demandait l'organisation d'une mesure d'expertise contradictoire, en application de l'article 145 du code de procédure civile, en se prévalant de la propriété de la bande de terrain litigieuse, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, que le délai de prescription trentenaire avait été interrompu par cette demande en justice, en sorte que M. et Mme [X] n'avaient pu en acquérir la propriété.
9. Par conséquent, le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [X] et les condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047781291.xml | LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 juin 2023
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 476 FS-B
Pourvoi n° E 21-21.708
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2023
La société DESS, société civile, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-21.708 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic la société Agence immobilière Baumann, domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société DESS, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat du syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 2], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, conseillers, M. Jariel, Mme Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 1er juillet 2021), le 5 janvier 2017, la société DESS (la société), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble en annulation de l'assemblée générale du 30 mars 2015, et subsidiairement, de diverses décisions prises lors de cette assemblée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors :
« 1°/ que le délai de contestation d'une assemblée de copropriétaires commence à courir le lendemain du jour de la première présentation au domicile du destinataire de la lettre recommandée contenant le procès-verbal de cette assemblée ; que, toutefois, ce délai ne court pas lorsque le pli n'a jamais été retiré, le syndic de copropriété devant, dans cette hypothèse, notifier le procès-verbal d'assemblée générale par voie de signification ; qu'en jugeant que le délai de contestation d'une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ensemble l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65- 557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans provoquer les explications des parties, le moyen tiré de ce que l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2000-293 du 4 avril 2000, avait pour objectif de sécuriser la gestion des copropriétés, en évitant qu'un copropriétaire puisse, en s'abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l'exécution des décisions de l'assemblée générale, de sorte que ce texte ne portait pas d'atteinte disproportionnée au droit du copropriétaire à un recours effectif et à un procès équitable, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en tout état de cause, un délai d'action ou de recours ne peut courir si l'intéressé n'est pas en mesure d'agir ; qu'en jugeant que le délai de contestation d'une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, et donc même si l'intéressé n'était pas effectivement en mesure d'agir, la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ainsi que l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'à tout le moins, tout jugement doit être motivé, et ne peut reposer sur une simple supposition du juge ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la date de première présentation de la lettre de notification n'était, en l'espèce, pas renseignée ; qu'en énonçant pourtant qu'au vu de la date d'envoi du courrier, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l'assignation délivrée le 5 janvier 2017, la cour d'appel, qui s'est, ce faisant, livrée à une supposition gratuite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
3. En premier lieu, la cour d'appel a énoncé, à bon droit, qu'en application de l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la notification d'un procès-verbal d'assemblée générale par lettre recommandée avec demande d'avis de réception fait, quand bien même ne parviendrait-elle pas effectivement à son destinataire, courir le délai pour agir, dès lors que l'article 670-1 du code de procédure civile, qui invite les parties à procéder par voie de signification, concerne la seule notification des décisions de justice.
4. En deuxième lieu, procédant au contrôle de conventionnalité qui lui était demandé, elle a relevé que cette disposition avait pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu'un copropriétaire puisse, en s'abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l'exécution des décisions d'assemblée générale.
5. En troisième lieu, elle en a exactement déduit que cette disposition, en l'absence de disproportion avec le droit d'un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l'assemblée générale, ne portait pas une atteinte injustifiée au droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En quatrième lieu, ayant constaté que le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2015 avait été adressé à la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 avril 2015, cachet de la poste faisant foi, et que cette lettre avait été retournée à l'expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », la cour d'appel, motivant sa décision, a souverainement retenu que, bien que la date n'en soit pas renseignée, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l'assignation délivrée le 5 janvier 2017.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société DESS aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société DESS et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 3] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000046727208.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 décembre 2022
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1280 FS-B
Pourvoi n° J 21-12.696
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022
Mme [U] [N], en qualité d'inspectrice du travail de la section 03-09 de l'unité de contrôle 03 Lille-Est de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (Ddets) du Nord de la Dreets des Hauts de France, anciennement dénommée Direccte des Hauts de Fance section 03-09 Lille-Est de l'unité départementale Nord-Lille, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-12.696 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel de Douai, dans le litige l'opposant à l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
L'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [N], ès qualités, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, la plaidoirie de Me Pinatel, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2020), l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle n° 3 Nord-Lille de la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts de France a saisi le juge des référés d'un tribunal judiciaire aux fins de voir ordonner à l'association Aide à domicile aux retraités Flandre Métropole (l'association) de mettre en oeuvre des mesures ayant pour objet la limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés, ou susceptibles de l'être, au risque biologique lié au Covid-19.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable
Enoncé du moyen
2. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer l'inspectrice du travail recevable en son action exercée sur le fondement de l'article L. 4732-1 du code du travail, alors :
« 1°/ que l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé "Prévention des risques biologiques" figurant dans le livre IV relatif à la "Prévention de certains risques d'exposition" de la quatrième partie du code du travail sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques ; qu'en jugeant Mme [N], inspectrice du travail, recevable en son action fondée sur les dispositions spécifiques du titre II intitulé "Prévention des risques biologiques" figurant dans le livre IV relatif à la "Prévention de certains risques d'exposition" de la quatrième partie du code du travail à l'encontre d'une association d'aide à domicile qui relève des dispositions du livre II de la septième partie du code du travail relatives aux activités de service à la personne, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 du code du travail par fausse application ;
2°/ que l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé "Prévention des risques biologiques" figurant dans le livre IV relatif à la "Prévention de certains risques d'exposition" de la quatrième partie du code du travail ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que l'activité d'aide à domicile n'implique pas effectivement l'usage délibérée d'un agent biologique mais que l'extrait du document unique d'évaluation des risques professionnels produit par Mme [N] identifie un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une épidémie ou une pandémie et le classifie en risque mortel, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 ainsi que les articles R. 4423-1 à R. 4423-4 du code du travail par fausse application ;
3°/ que l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon les articles R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail du titre II intitulé "Prévention des risques biologiques" figurant dans le livre IV relatif à la "Prévention de certains risques d'exposition" de la quatrième partie du code du travail, les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction du risque d'infection qu'ils présentent et sont considérés comme agents biologiques pathogènes les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4 dont la liste est fixée par arrêté ; que l'arrêté du 27 décembre 2017 fixant la liste de ces agents biologiques pathogènes est intitulé "Arrêté du 27 décembre 2017 relatif à la liste des agents biologiques pathogènes et aux mesures de prévention à mettre en oeuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes" ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que cet arrêté, qui concerne uniquement les laboratoires, est applicable à l'activité d'aide à domicile, la cour d'appel a violé les articles L. 4421-1, R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2017 par fausse application ».
Réponse de la Cour
3. Aux termes de l'article L. 4111-1, alinéa 1, du code du travail, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 4111-4, les dispositions de la quatrième partie du code du travail sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'aux travailleurs.
4. Selon l'article L. 4732-1 du même code, l'inspecteur du travail, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions du livre IV de la quatrième partie du code du travail, peut saisir le juge des référés pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque.
5. Aux termes de l'article R. 4421-1 du même code, les dispositions relatives aux risques biologiques sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques. Toutefois, les dispositions des articles R. 4424-2, R. 4424-3, R. 4424-7 à R. 4424-10, R. 4425-6 et R. 4425-7 ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique.
6. Selon l'article R. 4421-4 du même code, sont considérés comme agents biologiques pathogènes les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4, dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de l'agriculture et de la santé.
7. Il résulte du premier de ces textes que toute personne morale ou entreprise individuelle qui exerce une activité de service à la personne, en sa qualité d'employeur de droit privé, est soumise aux dispositions relatives à la prévention des risques biologiques.
8. La cour d'appel, après avoir constaté, d'une part, que l'activité d'aide à domicile pouvait conduire à exposer les salariés qui exécutent les prestations au domicile des clients, dont on ignore s'ils sont contaminés, à des agents biologiques et actuellement au Covid-19, d'autre part, que le document unique d'évaluation des risques professionnels établi par l'employeur identifiait un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une pandémie ou une épidémie en le classifiant de risque mortel et permettait d'écarter l'exception prévue à l'alinéa 2 de l'article R. 4421-1, enfin, que l'objet de l'arrêté du 27 décembre 2017 était, non seulement de fixer les règles de confinement applicables aux laboratoires, mais aussi d'actualiser la liste des agents pathogènes prévue par l'arrêté du 18 juillet 1994 pris en application de l'article R. 4421-4 du code du travail, a, à bon droit, décidé que les dispositions relatives à la prévention des risques biologiques étaient applicables au sein de l'association et déclaré recevable l'action engagée par l'inspectrice du travail.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident.
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [N], ès qualités, demanderesse au pourvoi principal
Mme l'inspectrice du travail de la section 03-09 [Localité 3] Est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à statuer sur le surplus de ses demandes.
1° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en refusant de statuer sur les prétentions de Mme l'inspectrice du travail en raison de leur caractère imprécis, quand, d'une part, celle-ci demandait à ce que soient ordonnées des mesures concrètes et, d'autre part, l'employeur convenait que les équipements de protection individuelle en débat étaient les masques FFP2 ou FFP3, ce dont il résultait que les prétentions étaient suffisamment détaillées pour permettre aux juges de statuer, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
2° ALORS QUE le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ; qu'en déclarant que l'imprécision des prétentions de Mme l'inspectrice du travail constituait un obstacle à l'application de la loi, quand il était tenu de se prononcer sur les mesures de protection des salariés de l'association ADAR sollicitées, la cour d'appel a commis un déni de justice en violation de l'article 4 du code civil.
3° ALORS subsidiairement QU'aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant que les mesures sollicitées de Madame l'inspectrice du travail étaient insuffisamment précises et que pour ce seul motif, il convenait de les rejeter, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16, alinéas 1 et 3, du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour l'association Aide à domicile aux retraités Flandre-Métropole, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré Mme [N], inspectrice du travail, recevable en son action exercée sur le fondement de l'article L. 4732-1 du code du travail,
1°) ALORS QUE l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques ; qu'en jugeant Mme [N], inspectrice du travail, recevable en son action fondée sur les dispositions spécifiques du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail à l'encontre d'une association d'aide à domicile qui relève des dispositions du livre II de la septième partie du code du travail relatives aux activités de sevice à la personne, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 du code du travail par fausse application.
2°) ALORS (subsidiairement) QUE l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon l'article R. 4421-1 du code du travail, les dispositions spécifiques du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que l'activité d'aide à domicile n'implique pas effectivement l'usage délibérée d'un agent biologique mais que l'extrait du document unique d'évaluation des risques professionnels produit par Mme [N] identifie un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une épidémie ou une pandémie et le classifie en risque mortel, la cour d'appel a violé les articles L. 4732-1, L. 4421-1 et R. 4421-1 ainsi que les articles R. 4423-1 à R. 4423-4 du code du travail par fausse application.
3°) ALORS QUE l'inspecteur du travail peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions ainsi que des textes pris pour leur application du livre IV ; que selon l'article L. 4421-1 du code du travail, les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques concernées par le livre IV sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ; que selon les article R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail du titre II intitulé « Prévention des risques biologiques » figurant dans le livre IV relatif à la « Prévention de certains risques d'exposition » de la quatrième partie du code du travail, les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction du risque d'infection qu'ils présentent et sont considérés comme agents biologiques pathogènes les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4 dont la liste est fixée par arrêté ; que l'arrêté du 27 décembre 2017 fixant la liste de ces agents biologiques pathogènes est intitulé « Arrêté du 27 décembre 2017 relatif à la liste des agents biologiques pathogènes et aux mesures de prévention à mettre en oeuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes » ; qu'en jugeant, pour dire recevable l'action de Mme [N], inspectrice du travail, que cet arrêté, qui concerne uniquement les laboratoires, est applicable à l'activité d'aide à domicile, la cour d'appel a violé les articles L. 4421-1, R. 4421-3 et R. 4421-4 du code du travail ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2017 par fausse application.
Sur l'obligation pour l'employeur du secteur de l'aide à domicile de mettre à disposition du salarié un équipement individuel de protection, à rapprocher : Soc., 7 décembre 2022, pourvoi n° 21-19.454, Bull., (rejet).
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CASS/JURITEXT000046727212.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 décembre 2022
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1313 F-B
Pourvoi n° A 21-16.000
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022
La société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-16.000 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [W] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor,Périer, avocat de la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de [H], et après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 10 mars 2021), Mme [T] a été engagée le 13 septembre 2010 par la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris (SEMAVIP), en qualité d'assistante de direction.
2.Contestant son licenciement pour motif économique notifié le 27 mai 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, alors «qu'en cas d'inexécution du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable ; que l'employeur n'est pas tenu au paiement d'une indemnité compensatrice lorsqu'il a dispensé le salarié d'exécuter son préavis sur sa demande, peu important que cette demande ait été formulée avant le licenciement ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [T], qui avait été informée le 15 avril 2016 de la suppression de son emploi et du plan de mobilité professionnelle mis en place par la SEMAVIP, a indiqué, par lettre du 21 avril 2016, qu'elle avait retrouvé un nouvel emploi à la condition d'être disponible rapidement et a précisé, par lettre du 22 avril 2016, qu'elle devait être disponible au plus tard le vendredi 3 juin 2016, demandant en conséquence à « être dispensée du préavis (...) dans le cadre du licenciement économique dont nous avons parlé » ; que, dans la lettre de licenciement, l'employeur lui avait en conséquence indiqué « nous vous confirmons que nous acceptons votre demande d'être dispensée du préavis à compter du 3 juin 2016 » ; qu'en retenant cependant que l'employeur était redevable du paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, au motif tout aussi inopérant qu'erroné que la salariée ne pouvait valablement renoncer au préavis avant le licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-4, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article L. 1234-1 du code du travail, qu'en cas d'inexécution par le salarié du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable.
6. Selon l'article L. 1231-4 du même code, l'employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles du licenciement.
7. La cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait renoncé le 21 avril 2016 à l'exécution du préavis, a exactement retenu que cette renonciation n'était pas valable comme intervenue avant la notification de son licenciement le 27 mai 2016, peu important la communication d'un plan de mobilité professionnelle avant cette date.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et les obligations qui en résultent, peut tenir compte, dans ses recherches de reclassement, de la volonté du salarié d'être licencié rapidement pour pouvoir occuper un autre emploi ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP faisait valoir qu'elle avait informé Mme [T], le 15 avril 2016, que son poste serait supprimé et qu'aucun reclassement n'était possible ni en son sein, ni au sein de la société publique locales d'aménagement (SPLA) et lui avait proposé un accompagnement à la recherche d'emploi ; que par lettres des 20, 21 et 22 avril 2016, Mme [T] avait répondu qu'elle n'était pas intéressée par le dispositif d'accompagnement à la recherche d'emploi et qu'ayant obtenu une proposition d'embauche, elle souhaitait être licenciée rapidement pour occuper cet autre emploi ; qu'en affirmant que cette demande de la salariée ne pouvait dispenser l'employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique, pour en déduire que l'employeur, qui ne démontrait pas avoir effectué de façon sérieuse et loyale son obligation de reclassement en proposant à la salariée les postes disponibles, a manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2°/ qu' il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement lorsque l'employeur établit qu'aucun poste compatible avec les compétences du salarié n'était disponible à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP soutenait qu'aucun poste n'était disponible pour le reclassement de la salariée ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le reclassement de Mme [T] n'était pas impossible en l'absence de poste disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
10. L'employeur est tenu avant tout licenciement économique, d'une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d'autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure.
11. Il en résulte qu'il ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté du salarié, exprimée par avance, en dehors de toute proposition concrète.
12. Ayant relevé que si la salariée avait indiqué par avance qu'elle bénéficiait d'une embauche et avait demandé d'enclencher le licenciement, cette circonstance ne pouvait dispenser l'employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique, et fait ressortir qu'il ne lui avait pas proposé les postes disponibles listés dans le plan de mobilité professionnelle, la cour d'appel a exactement décidé, procédant à la recherche prétendument omise, qu'il n'avait pas satisfait de façon sérieuse et loyale à son obligation de reclassement préalable au licenciement.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Paris
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La Société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [T] les sommes de 29.541,60 euros à titre d'indemnité de préavis et 2.954,16 euros au titre de congés payés afférents ;
ALORS QU' en cas d'inexécution du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable ; que l'employeur n'est pas tenu au paiement d'une indemnité compensatrice lorsqu'il a dispensé le salarié d'exécuter son préavis sur sa demande, peu important que cette demande ait été formulée avant le licenciement ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [T], qui avait été informée le 15 avril 2016 de la suppression de son emploi et du plan de mobilité professionnelle mis en place par la SEMAVIP, a indiqué, par lettre du 21 avril 2016, qu'elle avait retrouvé un nouvel emploi à la condition d'être disponible rapidement et a précisé, par lettre du 22 avril 2016, qu'elle devait être disponible au plus tard le vendredi 3 juin 2016, demandant en conséquence à « être dispensée du préavis (...) dans le cadre du licenciement économique dont nous avons parlé » ; que, dans la lettre de licenciement, l'employeur lui avait en conséquence indiqué « nous vous confirmons que nous acceptons votre demande d'être dispensée du préavis à compter du 3 juin 2016 » ; qu'en retenant cependant que l'employeur était redevable du paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, au motif tout aussi inopérant qu'erroné que la salariée ne pouvait valablement renoncer au préavis avant le licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-4, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail dans
leur rédaction applicable au litige.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La Société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [T] la somme de
30.560,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1. ALORS QUE l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et les obligations qui en résultent, peut tenir compte, dans ses recherches de reclassement, de la volonté du salarié d'être licencié rapidement pour pouvoir occuper un autre emploi ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP faisait valoir qu'elle avait informé Mme [T], le 15 avril 2016, que son poste serait supprimé et qu'aucun reclassement n'était possible ni en son sein, ni au sein de la société SPLA et lui avait proposé un accompagnement à la recherche d'emploi ; que par lettres des 20, 21 et 22 avril 2016, Mme [T] avait répondu qu'elle n'était pas intéressée par le dispositif d'accompagnement à la recherche d'emploi et qu'ayant obtenu une proposition d'embauche, elle souhaitait être licenciée rapidement pour occuper cet autre emploi ; qu'en affirmant que cette demande de la salariée ne pouvait dispenser l'employeur de ses obligations légales en matière de licenciement pour motif économique, pour en déduire que l'employeur, qui ne démontrait pas avoir effectué de façon sérieuse et loyale son obligation de reclassement en proposant à la salariée les postes disponibles, a manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement lorsque l'employeur établit qu'aucun poste compatible avec les compétences du salarié n'était disponible à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP soutenait qu'aucun poste n'était disponible pour le reclassement de la salariée ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le reclassement de Mme [T] n'était pas impossible en l'absence de poste disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La Société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [T] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-présentation du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle ;
ALORS QUE le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnisation au titre de l'absence de proposition de contrat de sécurisation professionnelle qu'à la condition d'établir le préjudice causé par cette carence de l'employeur ; qu'en l'espèce, la SEMAVIP soutenait que le défaut de proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle n'a causé aucun préjudice à la salariée, puisqu'elle avait retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée avant son licenciement et qu'elle a commencé ce nouvel emploi immédiatement après avoir quitté l'entreprise ; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que le préjudice subi sera indemnisé à hauteur de 1.500 euros, que « le défaut de communication [du contrat de sécurisation professionnelle] crée un préjudice au salarié en ce qu'il ne peut bénéficier des conséquences de ce contrat telles que rappelées notamment à l'article L. 1233-67 du code du travail », sans rechercher si la conclusion d'un contrat de travail avec un nouvel employeur ne faisait pas obstacle à la conclusion d'un contrat de sécurisation professionnelle et au bénéfice des avantages qui en résultent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-67 du code du travail et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Sur d'autres cas de renonciation à une disposition d'ordre public antérieurement à la naissance du droit qu'elle prévoit, à rapprocher : Soc., 3 mars 1998, pourvoi n° 95-43.779, Bull. 1998, V, n° 110 (cassation) ; Soc., 16 mars 1999, pourvoi n° 96-44.551, Bull. 1999, V, n° 125 (cassation) ; Soc., 25 janvier 2012, pourvoi n° 10-26.887, Bull. 2012, V, n° 23 (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 5 mai 2021, pourvoi n° 20-14.390, Bull., (rejet).
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CASS/JURITEXT000046760752.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 décembre 2022
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1406 FS-B
Pourvoi n° P 21-18.036
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 avril 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
Mme [K] [O], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-18.036 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2020 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [Y] [T], exerçant sous l'enseigne Ecuries de la Pérelle, domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller doyen, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Molina, avocate générale référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Monge, conseiller doyen rapporteur, Mmes Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillères référendaires, Mme Molina, avocate générale référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 mai 2020), Mme [O] a été engagée en qualité d'« enseignant-animateur » par M. [T] exerçant sous l'enseigne « Ecurie de la Pérelle » suivant contrat à durée indéterminée à temps plein à effet du 9 septembre 2002. Une rupture conventionnelle du contrat de travail a été conclue, qui a pris effet le 12 août 2014.
2. Le 9 mars 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires accomplies de 2010 à 2014, de contreparties obligatoires en repos, d'une indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Examen des moyens
Sur le cinquième moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires pour les années 2010 à 2014, outre congés payés afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une indemnisation pour repos compensateurs non pris, de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des durées maximales de travail et d'une indemnité de procédure et de la condamner au paiement d'une somme de ce dernier chef, alors « que les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche maritime ne sont dispensés d'établir un relevé d'heures individuel du temps de travail que lorsque le salarié, soit est obligé d'organiser lui-même son activité professionnelle, soit est amené à travailler dans des conditions qui ne permettent pas à son employeur de contrôler sa présence effective ; qu'en jugeant que M. [T] n'aurait pas été en capacité, en raison des conditions « de fait » dans lesquelles Mme [O] travaillait, de contrôler sa présence effective dans l'entreprise, sans avoir constaté en fait les conditions spécifiques d'organisation de son activité qui n'auraient pas permis à l'employeur de contrôler sa présence sur place, la cour d'appel a violé les articles L. 712-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-35 à R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 713-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, l'article R. 713-36 du même code et les articles R. 713-37 et R. 713-40 du même code, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017-1554 du 9 novembre 2017 :
5. Selon le premier de ces textes, en vue du contrôle de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée et à l'aménagement du temps de travail, tout employeur mentionné à l'article L. 713-1 enregistre ou consigne toutes les heures effectuées ou à effectuer par les salariés dans les conditions prévues soit à l'article R. 713-36, soit à l'article R. 713-37.
6. Selon le deuxième, l'employeur enregistre, chaque jour, sur un document prévu à cet effet, le nombre d'heures de travail effectuées par chaque salarié, ou groupe de salariés, ou les heures de début et de fin de chacune de leurs périodes de travail. Il peut, toutefois, sous sa responsabilité, confier à chaque salarié le soin de procéder à l'enregistrement mentionné ci-dessus s'il met à sa disposition des moyens de pointage ou d'autres moyens qui permettent à l'intéressé de contrôler la réalité des indications qu'il enregistre.
7. Selon le troisième, à défaut de mettre en oeuvre les modalités prévues à l'article R. 713-36, l'employeur affiche, pour chaque jour de la semaine, les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail. Aux lieu et place de l'affichage, l'employeur peut remettre au salarié concerné, contre décharge, un document sur lequel est porté son horaire.
8. Selon le dernier, l'employeur est dispensé d'appliquer les dispositions des articles R. 713-35 à R. 713-37 lorsque le salarié est obligé d'organiser lui-même son activité, dans les limites prévues notamment par les articles L. 713-2 et L. 713-13, parce qu'il assume des responsabilités importantes ou parce qu'il travaille dans des conditions qui ne permettent pas à l'employeur ou à l'un de ses représentants de contrôler sa présence.
9. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires sur la période de 2010 à 2014, outre congés payés afférents, d'une indemnité de travail dissimulé et d'une indemnisation au titre de contreparties obligatoires en repos, l'arrêt retient que contrairement à ce que soutient la salariée, il est établi que celle-ci organisait son activité au sein du centre équestre dans des conditions qui, de fait, ne permettaient pas à l'employeur de contrôler régulièrement et de façon effective sa présence sur place, en sorte qu'il n'avait pas à établir la concernant des relevés d'heures individuels.
10. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les conditions d'emploi de la salariée dispensaient l'employeur de contrôler régulièrement et de façon effective la présence de sa salariée sur place, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
11. La salariée fait le même grief à l'arrêt alors :
« 1°/ que les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche maritime sont soumis aux termes de l'article L. 713-21 de ce code, à l'obligation, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail réellement effectuées, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en dispensant l'employeur de toute justification des horaires de travail réellement accomplis par la salariée en réponse aux éléments de preuve qu'elle apportait aux débats pour justifier sa demande en paiement d'heures supplémentaires, aux motifs inopérants qu'il n'aurait pas été tenu "d'établir la concernant des relevés d'heures individuels " dans la mesure où elle aurait " organisé son activité au sein du centre équestre dans des conditions qui, de fait, ne permettaient pas à M. [T] de contrôler régulièrement et de manière effective sa présence sur place" ce qui ne dispensait pas l'employeur d'apporter la preuve des horaires réellement accomplis par la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 712-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime et L. 3171-4 du code du travail ;
4°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir constaté que la salariée produisait aux débats des agendas précisant l'ensemble des tâches exécutées et l'amplitude horaire pour chaque période travaillée, des témoignages de cavaliers et d'adhérents du centre sur ses activités en semaine et parfois le dimanche ainsi qu'un décompte hebdomadaire des heures travaillées sur l'ensemble de la période en litige, la cour d'appel qui l'a déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires aux motifs que ses agendas auraient comporté des mentions ajoutées a posteriori pour les besoins de la cause de sorte qu'ils auraient été ni fiables ni crédibles, a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accomplies sur la seule salariée et a violé l'article L. 3171 4 du code du travail et l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime :
12. Selon l'article R. 713-35 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, en vue du contrôle de l'application des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée et à l'aménagement du temps de travail, tout employeur mentionné à l'article L. 713-1 enregistre ou consigne toutes les heures effectuées ou à effectuer par les salariés dans les conditions prévues soit à l'article R. 713-36, soit à l'article R. 713-37. Selon l'article R. 713-43 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1554 du 9 novembre 2017, lorsqu'il constate que la durée du travail enregistrée ou consignée en application des dispositions des articles R. 713-36 ou R. 713-37 est inexacte, l'inspecteur du travail peut exiger de l'employeur l'enregistrement des heures effectuées, soit selon les modalités fixées à l'article R. 713-36, soit selon les modalités fixées à l'article R. 713-37.
13. Enfin, aux termes de l'article L. 713-21 susvisé, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
14. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
15. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires sur la période de 2010 à 2014, outre congés payés afférents, d'une indemnité de travail dissimulé et d'une indemnisation autre titre de contreparties obligatoires en repos, l'arrêt, après avoir relevé que la salariée produisait les agendas professionnels dont elle indiquait s'être servie pour l'exercice de son activité au sein du centre équestre, avec des annotations quant aux tâches qu'elle précisait avoir effectuées en journée, quelques témoignages de cavaliers et d'adhérents fréquentant le centre et des décomptes hebdomadaires sur la période en litige, retient qu'aucune crédibilité ne pouvant être accordée à ces agendas, il en résulte que sont dénués de toute valeur probante les tableaux récapitulatifs établis par l'intéressée qui, en outre, fait état d'attestations par trop générales dans leur contenu et sans indications exploitables relativement aux dépassements d'horaires allégués.
16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
17. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des durées maximales de travail, alors « que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et de l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le code du travail en matière de durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire, preuve qui incombe à l'employeur ; qu'en déboutant la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, par renvoi aux motifs suivant lesquels elle avait jugé que sa demande en paiement d'heures supplémentaires n'était pas étayée par des éléments suffisamment crédibles, quand la charge de la preuve du respect de la durée maximale de travail du salarié pèse exclusivement sur l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-34 et L. 3121-35, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles L. 713-2, L. 713-20 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime ».
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-13 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
18. Aux termes du premier de ces textes, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine. La durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogation dans des conditions fixées par les décrets prévus à l'article L. 713-3.
19. Selon le deuxième, des décrets fixent les modalités d'application de l'article L. 713-2.
20. Il résulte du troisième que les durées hebdomadaires maximales du travail ne peuvent excéder quarante-quatre, quarante-six, quarante-huit heures, selon les périodes de référence et les modalités que le texte précise, et, à titre dérogatoire, soixante heures, selon les conditions que le texte définit.
21. Aux termes du quatrième, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
22. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement, l'arrêt retient que les décomptes horaires de celle-ci ne pouvant être retenus, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail.
23. En statuant ainsi, alors que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
24. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en revalorisation de sa classification professionnelle au niveau 4, coefficient 167, ou, subsidiairement, au niveau 3, coefficient 150, et en paiement d'un rappel de salaire, alors « qu'en déboutant la salariée de sa demande au seul motif qu'elle "ne démontre pas avoir réellement exercé des fonctions susceptibles de correspondre à l'un des emplois de classification supérieure qu'elle revendique" , sans avoir visé ni analysé aucune des pièces produites aux débats par la salariée desquelles il résultait qu'elle exécutait des tâches, pour chacune d'elle explicitée dans ses conclusions d'appel, correspondant aux critères conventionnels du niveau de classification dont elle réclamait le bénéfice, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
25. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
26. Pour débouter la salariée de sa demande de reclassification, l'arrêt retient que la salariée, titulaire d'un brevet d'Etat d'éducateur sportif du 1er degré dans les activités équestres, ne démontre pas avoir réellement exercé des fonctions susceptibles de correspondre à l'un des emplois de classification conventionnelle supérieure qu'elle revendique, cela au vu de leurs définitions respectives.
27. En se déterminant ainsi, sans viser, ni analyser, même sommairement, les pièces sur lesquelles elle fondait sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
28. La salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts à son employeur pour violation de l'obligation de loyauté, alors « que la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée à l'égard de son employeur qu'en cas de faute lourde, laquelle ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise et est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur qui correspond à la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif ; qu'en condamnant la salariée à verser à l'employeur la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison d'un "comportement fait de dénigrement et de critiques dépassant largement ce qui peut être toléré, manquant en cela gravement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail" , la cour d'appel qui s'est fondée sur une faute contractuelle qu'aurait commise la salariée sans caractériser une faute lourde, a violé les articles L. 3141-26 et L. 1222-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers l'employeur qu'en cas de faute lourde :
29. Pour condamner la salariée au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que les attestations versées aux débats par l'employeur établissent que la salariée a eu à son égard et en public un comportement fait de dénigrement et de critiques dépassant largement ce qui peut être toléré, manquant en cela gravement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail au visa de l'article L. 1222-1 du code du travail.
30. En statuant ainsi, alors que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'intention de la salariée de nuire à son employeur, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [O] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé, d'une indemnisation au titre des contreparties obligatoires en repos, de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales du travail, en ce qu'il la déboute de sa demande en reclassification et paiement d'un rappel de salaire de ce chef, outre une indemnité de procédure, et en ce qu'il la condamne au paiement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail ainsi que d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [T] à payer à la SCP Waquet-Farge-Hazan la somme de 3000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [O],
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2010 à 2014, d'indemnités de congés payés y affér ents, d'une indemnité pour délit de travail dissimulé, d'une indemnisation pour repos compensateurs non pris, de sa demande en paiement de dommages intérêts pour non respect par l'employeur des durées maximales de travail et de 1.200 euros au titre des fra is irrépétibles et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
1°) ALORS QUE les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche sont soumis aux termes de l'artic le L. 713 21 de ce code, à l'obligation, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail réellement effectuées, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en dispensa nt M. [T] de toute justification des horaires de travail réellement accomplis par Mme [O] en réponse aux éléments de preuve qu'elle apportait aux débats pour justifier sa demande en paiement d'heures supplémentaires, aux motifs inopérants qu'il n' aurait pas été tenu « d'établir la concernant des relevés d'heures individuels » dans la mesure où elle aurait « organisé son activité au sein du centre équestre dans des conditions qui, de fait, ne permettaient pas à M. [T] de contrôler régulièrement et de manière effective sa présence sur place » ce qui ne dispensait pas l'employeur d'apporter la preuve des horaires réellement accomplis par la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 712 2, L. 713 20, L. 713 21 et R. 713 40 du code rural et de la pêche maritime et L. 3171 4 du code du travail ;
2°) ALORS QUE les employeurs qui relèvent de l'application du code rural et de la pêche ne sont dispensés d'établir un relevé d'heures individuel du temps de travail que lorsque le salarié, soit est obligé d'organiser lui même son activité professionnelle, soit est amené à travailler dans des conditions qui ne permettent pas à son employeur de contrôler sa présence effective ; qu'en jugeant que M. [T] n'aurait pas été en capacité, en raison des conditions « de fait » dans lesquelles Mme [O] travaillait, de cont rôler sa présence effective dans l'entreprise, sans avoir constaté en fait les conditions spécifiques d'organisation de son activité qui n'auraient pas permis à l'employeur de contrôler sa présence sur place, la cour d'appel a violé les articles L. 712-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-35 à R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime ;
3°) ALORS QU' en retenant que M. [T] n'aurait pas été en capacité, en raison des conditions « de fait » dans lesquelles Mme [O] travaillait, de contrôler sa prés ence effective dans l'entreprise après avoir pourtant constaté qu'elle « était la seule salariée du centre équestre » et qu'elle n' y exerçait que les fonctions « d'enseignant animateur » , la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait qu'elle était en permanence au centre équestre pour y exercer ses fonctions d'enseignante de sorte que ses horaires pouvaient être contrôlés quotidiennement par l'employeur, a violé de plus fort les articles L. 713-2, L. 713-20, L. 713-21 et R. 713-35 à R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime ;
4°) ALORS QU' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accompli, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'après avoir constaté que Mme [O] produisait aux débats des agendas précisant l'ensemble des tâches exécutées et l'amplitude horaire pour chaque période travaillée, des témoignages de cavaliers et d'adhérents du centre sur ses activités en semaine et parfois le dimanche ainsi qu'un décompte hebdomadaire des heures travaillées sur l'ensemble de la période en litige, la cour d'appel qui l'a déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires aux mot ifs que ses agendas auraient comporté des mentions ajoutées a posteriori pour les besoins de la cause de sorte qu'ils auraient été ni fiables ni crédibles, a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accomplies sur la seule salariée et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail et l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêts pour non respect par l'employeur des durées maximales de travail et condamnée a u paiement d'une somme de 1.200 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme supplémentaire 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel ;
1°) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et de l'article L. 713-21 du code rural et de la pêche maritime relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le code du travail en matière de durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire, preuve qui incombe à l'employeur ; qu'en déboutant Mme [O] de sa demande en paiement de dommages intérêts pour non respect des durées maximales de travail, par renvoi aux motifs suivant lesquels elle avait jugé que sa demande en paiement d'heures supplémentaires n'était pas étayée par des éléments suffisamment crédibles, quand la charge de la preuve du respect de la durée maximale de travail du salarié pèse exclusivement sur l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-34 et L. 3121-35, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles L. 713-2, L. 713-20 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime ;
1°) ALORS QUE même lorsque l'employeur, en application du code rural et de la pêche, n'est pas tenu du fait de l'organisation de l'activité du salarié, de décompter quotidiennement son temps de travail, il ne peut s'exonérer de l'obligation de contrôler le respect des durées maximales de travail quotidien et hebdomadaire du salarié ; qu'en déboutant Mme [O] de sa demande en indemnisation du préjudice résultant du non respect des dispositions impérativ es en matière de durée maximale de travail aux motifs qu'en vertu de l'article R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime, M. [T] n'aurait pas été tenu d'établir un relevé quotidien de ses heures de travail et de justifier des heures de travail r éellement accomplies, quand le texte n'est pas applicable en matière de respect des seuils maximaux de travail quotidiens et hebdomadaires, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-34 et L. 3121-35, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles L. 713-2, L. 713-20 et R. 713-40 du code rural et de la pêche maritime.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'avait déboutée de ses demandes en revalorisation de sa classification professionnelle au niveau 4, coefficient 167 ou à tout le moins au niveau 3, coefficient 150 et en paiement d'un rappel de salaire y afférent, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme de 1.200 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme supplémentaire 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel ;
ALORS QUE en déboutant Mme [O] de sa demande au seul motif qu'elle « ne démontre pas avoir réellement exercé des fonctions susceptibles de correspondre à l'un des emplois de classification supérieure qu'elle revendique » , sans avoir visé ni analysé aucune des pièces produites aux débats par la salariée desquelles il résultait qu'elle exécutait des tâches, pour chacune d'elle explicitée dans ses conclusions d'appel, correspondant aux critères conventionnels du niveau de classification dont elle réclamait le béné fice, la cour d'appel qui a statué par voie de simple affirmation a violé l'article 455 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [O] fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 de l'avoir condamnée à verser à M. [T] la somme de 3.000 euros à titre de dommages intérêts pour violation de l'obligation de loyauté, d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'avait condamnée au paiement d'une somme de 1.200 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme supplémentaire 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel ;
1°) ALORS QUE la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut être engagée à l'égard de son employeur qu'en cas de faute lourde, laquelle ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise et est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur qui correspond à la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif qu'en condamnant Mme [O] à verser à M. [T] la somme de 3.000 euros à titre de dommages intérêts en raison d'un « comportement fait de dénigreme nt et de critiques dépassant largement ce qui peut être toléré, manquant en cela gravement à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail » , la cour d'appel qui s'est fondée sur une faute contractuelle qu'aurait commise Mme [O] sans caractériser une faute lourde, a violé les articles L. 3141-26 et L. 1222-1 du code du travail.
2°) ALORS QU 'en énonçant que Mme [O] aurait eu un comportement de dénigrement et de critique à l'égard de son employeur sans avoir constaté aucun fait matériellement établi et susceptible de conclure en ce sens, la cour d'appel qui a statué par voie de simple affirmation a violé l'article 455 du code de procédure civile.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [O] fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué de la Cour d'appel de Rennes du 14 mai 2020 de l'avoir condamnée à verser à M. [T] la somme de 17.622,18 euros à titre de frais de pensions pour sa jument, d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l 'avait condamnée au paiement d'une somme de 1.200 euros à titre de frais irrépétibles de première instance et, y ajoutant, de l'avoir condamnée au paiement d'une somme supplémentaire 2.000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel.
1°) ALORS QUE lorsque l'employeur accorde de fait au salarié un avantage en nature dès le début d'exécution du contrat de travail, pendant plusieurs années et jusqu'à la rupture du contrat, il en résulte une contractualisation dudit avantage qui ne peut plus être unila téralement remis en cause par l'employeur ; qu'en condamnant Mme [O] à verser à M. [T] une somme de 3.000 euros à titre de frais d'occupation d'un box pour la période du 8 mars 2010 au 31 juillet 2014 en application de l'article 22 de la convention collective nationale des centres équestres, aux motifs qu'elle ne démontrait pas un « engagement contractuel exprès » de l'employeur « en vertu duquel un box gratuit pour sa jument aurait été mis à sa disposition au sein du centre équestre depuis 2002 », la cour d'appel qui n'a pas recherché si, comme Mme [O] le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, un box n'aurait pas été de fait mis à sa disposition dès la date de conclusion de son contrat de travail, à titre gratuit, sans qu'aucune contrepar tie financière n'ait jamais été réclamée ni prélevée sur son salaire mensuel, ce dont il résultait que l'avantage ainsi accordé à titre gratuit pendant douze années et jusqu'à la rupture du contrat de travail avait été contractualisé, la cour d'appel a pri vé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil.
2°) ALORS QUE l'article 22 de la convention collective nationale des centres équestres dans sa rédaction de l'avenant n° 64 du 23 avril 1998, en vigueur le 1er octobre 1998 et étendu par arrêté du 2 février 1999 prévoit que constitue un avantage en nature le fait de mettre à disposition d'un salarié un box pour y loger son équidé et que « l'indemnité d'occupation que l'employeur est autorisé à retenir su r la rémunération du salarié est fixée soit d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, soit à hauteur de 50 % du prix T.T.C. de la pension de base proposé par l'établissement aux propriétaires d'équidés » et dans sa version issue de l'avenant modificatif n° 84 bis du 11 avril 2013, lui même modifié par avenant n° 84 ter du 21 novembre 2014 et étendu par arrêté du 23 février 2015, il prévoit que l'occupation d'un box peut, soit donner lieu de fait au paiement d'un tarif qui s'il « ne correspond pas à une réduction de plus de 30 % du prix public de pension (...) ne constitue pas un avantage en nature » , soit constituer un avantage en nature et dans cette hypothèse, « l'indemnité d'occupation que l'employeur est au torisé à retenir sur la rémunération du salarié est fixée d'un commun accord entre l'employeur et le salarié. Sa valeur minimale correspond à 50 % du prix public HT ou, quand il est plus faible, au prix de revient de l'hébergement pour l'établissement » ; qu'en jugeant que Mme [O] était redevable d'une somme de 17.622,18 euros à titre « de frais de pension pour sa jument pension pour sa jument » pour la période du 8 mars 2010 au 31 juillet 2014, pour la période du 8 mars 2010 au 31 juillet 2014, sans avoir précisé, ni la version du texte conventionnel qui s'appliquait au litige, ni l'option conventionnelle qui aurait été choisie par les parties, ni le tarif de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité d'occupation, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Sur la charge partagée de la preuve des heures effectuées par le salarié, dans le régime agricole comme en droit commun, à rapprocher : Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 17-31.046, Bull., (1) (cassation partielle), et l'arrêt cité.
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CASS/JURITEXT000046760754.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 décembre 2022
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1407 FS-B
Pourvoi n° P 21-15.805
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
La société Carrefour Supply Chain, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], et ayant un établissement secondaire [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-15.805 contre le jugement rendu le 10 mars 2021 par le conseil de prud'hommes du Mans (section commerce), dans le litige l'opposant à M. [I] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Carrefour Supply Chain, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost et Techer, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes du Mans, 10 mars 2021), rendu en dernier ressort, M. [T], salarié de la société Carrefour Supply Chain, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017 à 2019.
2. La convention collective applicable est la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief au jugement de le condamner à verser une certaine somme au titre de rappel des primes annuelles pour les années 2017-2018-2019, alors « qu'en application de l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, seules les majorations liées à des heures supplémentaires, à des heures de travail dominical ou à des heures de travail un jour férié régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence peuvent être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'il incombe ainsi aux juges du fond de rechercher si ces heures ont été régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence, ou si elles n'ont été accomplies qu'à titre exceptionnel ; qu'au cas présent, M. [T] sollicitait le paiement d'une somme totale de 2 264,10 € à titre de reliquat de primes annuelles pour les années 2017-2018-2019 ; que la société Carrefour Supply Chain s'opposait à cette demande, prise dans son intégralité, puisque M. [T] avait intégré à ses calculs, de manière erronée, les majorations liées aux heures de travail un jour férié accomplies au mois de novembre, cependant que ces heures avaient été exceptionnelles et n'avaient pas été régulièrement accomplies par M. [T] au cours de l'année de référence, de sorte qu'elles ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'en faisant néanmoins droit à l'intégralité de la demande de M. [T] au motif erroné selon lequel « le conseil ne retient pas l'interprétation des heures supplémentaires régulières pour l'octroi de la prime annuelle, considérant que la convention collective nationale en son article 3-7-3 ne fait pas état de cette mention d'heures supplémentaires régulières et se limite à "heures supplémentaires exceptionnelles exclues" », le conseil de prud'hommes a violé l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001. »
Réponse de la Cour
4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.
5. Selon l'article 3.7.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 70 du 15 janvier 2019, le montant de la prime annuelle, pour les salariés qui n'ont pas fait l'objet d'absences autres que celles prévues par le texte, est égal à 100 % du salaire forfaitaire mensuel de novembre (heures supplémentaires exceptionnelles exclues).
6. Le conseil de prud'hommes a retenu à bon droit que ces dispositions se limitent à exclure de l'assiette de calcul de la prime annuelle les heures supplémentaires exceptionnelles. Il en a exactement déduit que la majoration pour travail effectué un jour férié devait être prise en compte pour le calcul de la prime.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société Carrefour Supply Chain aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Carrefour Supply Chain et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour Supply Chain,
La société Carrefour Supply Chain fait grief au jugement attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [I] [T] une somme de 2.264,10 € au titre des primes annuelles des années 2017-2018-2019 ;
ALORS QU'en application de l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, seules les majorations liées à des heures supplémentaires, à des heures de travail dominical ou à des heures de travail un jour férié régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence peuvent être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'il incombe ainsi aux juges du fond de rechercher si ces heures ont été régulièrement accomplies par le salarié au cours de l'année de référence, ou si elles n'ont été accomplies qu'à titre exceptionnel ; qu'au cas présent, M. [T] sollicitait le paiement d'une somme totale de 2.264,10 € à titre de reliquat de primes annuelles pour les années 2017-2018-2019 ; que la société Carrefour Supply Chain s'opposait à cette demande, prise dans son intégralité, puisque M. [T] avait intégré à ses calculs, de manière erronée, les majorations liées aux heures de travail un jour férié accomplies au mois de novembre, cependant que ces heures avaient été exceptionnelles et n'avaient pas été régulièrement accomplies par M. [T] au cours de l'année de référence, de sorte qu'elles ne devaient pas être prises en compte dans l'assiette de calcul de la prime annuelle ; qu'en faisant néanmoins droit à l'intégralité de la demande de M. [T] au motif erroné selon lequel « le conseil ne retient pas l'interprétation des heures supplémentaires régulières pour l'octroi de la prime annuelle, considérant que la convention collective nationale en son article 3-7-3 ne fait pas état de cette mention d'heures supplémentaires régulières et se limite à "heures supplémentaires exceptionnelles exclues" » (jugement, p. 4), le conseil de prud'hommes a violé l'article 3-7 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
Sur la seule exclusion des heures supplémentaires exceptionnelles du calcul de la prime annuelle au sens de l'article 3.7.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, à rapprocher : Soc., 17 février 2010, pourvoi n° 08-42.490, Bull. 2010, V, n° 45 (cassation partielle).
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CASS/JURITEXT000046760740.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 décembre 2022
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1372 FS-B
Pourvoi n° H 21-14.304
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
1°/ Le syndicat CFDT des métaux de la Moselle, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° H 21-14.304 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre des urgences), dans le litige les opposant à la société [Localité 3] Automotive Exteriors, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT des métaux de la Moselle, du comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette,conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 janvier 2021), rendu en matière de référé, et les productions, des négociations en vue de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été ouvertes en mai 2019 au sein de la société [Localité 3] Automotive Exteriors (la société HAE), spécialisée dans les équipements automobiles, à la suite de l'annonce par le groupe Daimler de l'arrêt de la production des véhicules Smart à moteurs thermiques, entraînant une modification de son activité et un sureffectif de 71 postes sur 231.
2. Un mouvement de grève a débuté au sein de la société HAE le 5 juin 2019 et un accord de médiation, ainsi qu'un accord de méthode, ont été conclus les 28 juin et 18 juillet suivants. Un PSE modifié a été présenté le 17 novembre 2019 aux membres du comité social et économique de la société HAE (le comité).
3. Par lettre du 7 janvier 2020, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a indiqué à la société HAE que les conditions de mise en oeuvre du PSE telles que décrites à l'article L. 1233-61 du code du travail n'étaient pas remplies et que le PSE ne constituait pas l'outil juridique adéquat pour accompagner les mobilités envisagées dans le cadre du projet de restructuration excluant tout licenciement. La société HAE a en conséquence mis un terme à l'élaboration du PSE.
4. La Confédération générale du travail de la société HAE (la CGT HAE), la Confédération française démocratique du travail des métaux de la Moselle (la CFDT des métaux de la Moselle) et le comité, ont saisi le président d'un tribunal judiciaire statuant en référé afin qu'il soit fait interdiction à la société HAE de soumettre à la signature des salariés quittant l'entreprise dans le cadre de sa réorganisation pour motif économique, la « convention de transfert d'un commun accord au sein de Smart France » et de suspendre la réorganisation objet du projet soumis au comité au mois de novembre dans l'attente de la présentation et de la négociation d'un PSE avec les syndicats représentatifs.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le syndicat CFDT des métaux de la Moselle et le comité font grief à l'arrêt de déclarer le juge des référés civils du tribunal judiciaire incompétent pour connaître de leurs demandes au profit de l'ordre administratif, alors « qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires ; que le juge administratif ne peut être saisi d'un recours pour excès de pouvoir que contre un acte administratif faisant grief ; que ne présente pas ce caractère l'avis émis par une administration ; qu'ayant constaté que le courrier de l'inspection du travail du 7 janvier 2020 n'était qu'un avis, tout en le qualifiant malgré tout d'acte administratif faisant grief dont l'annulation ou la réformation relève de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de l'article L. 1233-57-6 du code du travail que l'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité social et économique et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, le cas échéant aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
8. La cour d'appel qui a constaté que, par lettre du 7 janvier 2020 notifiée au secrétaire du CSE et aux délégués syndicaux, la DIRECCTE avait indiqué que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi dont elle était saisie, en vue de l'exercice d'un contrôle susceptible de conduire à une décision de validation ou d'homologation, ne constituait pas l'outil juridique adéquat, dès lors que les conditions de mise en oeuvre d'un PSE telles que décrites à l'article L. 1233-61 du code du travail n'étaient pas remplies, en a exactement déduit que cette décision constituait un acte administratif faisant grief et susceptible comme tel d'un recours et qu'elle ne pouvait en conséquence se prononcer sur les demandes des syndicats et du comité social et économique.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne le syndicat CFDT des métaux de la Moselle et le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFDT des métaux de la Moselle, le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors.
Le syndicat CFDT des Métaux de la Moselle et le comité social et économique de la société HAE font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le juge des référés civils du tribunal judiciaire incompétent pour connaître de ses demandes au profit de l'ordre administratif.
1° ALORS QUE selon l'article L. 1233-61 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'aux termes de l'article L. 1235-7-1 de ce code, les litiges relatifs à la décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, sans que l'accord collectif, le document élaboré par l'employeur, le contenu du plan de sauvegarde de l'employeur, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 de ce code ni la régularité de la procédure de licenciement collectif ne puissent faire l'objet d'un litige distinct ; que le juge judiciaire est pour sa part compétent pour statuer sur le litige relatif à une demande de suspension d'un projet de réorganisation ne donnant pas lieu à un projet de licenciement d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours dans une entreprise d'au moins cinquante salariés et à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en déclarant le juge judiciaire incompétent pour trancher le litige relatif à la mise en oeuvre du projet de réorganisation, quand il ressort de la décision attaquée que l'administration avait décliné sa compétence au motif que n'était pas envisagé le licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une période de trente jours et que, pour ce motif, le projet de réorganisation n'était pas soumis à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-57-5, L. 1233-61 et L. 1235-7-1 du code du travail, ensemble le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
2° ALORS QU'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires ; que le juge administratif ne peut être saisi d'un recours pour excès de pouvoir que contre un acte administratif faisant grief ; que ne présente pas ce caractère l'avis émis par une administration ; qu'ayant constaté que le courrier de l'inspection du travail du 7 janvier 2020 n'était qu'un avis, tout en le qualifiant malgré tout d'acte administratif faisant grief dont l'annulation ou la réformation relève de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
Sur la nature d'un avis ou d'une décision de l'autorité administrative susceptible de faire grief, et son effet sur la compétence du juge, à rapprocher : Soc., 19 mai 2016, pourvoi n° 14-26.662, Bull. 2016, V, n° 107 (cassation partielle), et l'arrêt cité.
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CASS/JURITEXT000047023523.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 janvier 2023
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 27 F-B
Pourvoi n° M 21-20.311
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023
La société Collectes valorisation énergie déchets, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-20.311 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [G] [N], domicilié [Adresse 4],
2°/ au syndicat général des transports CFDT Basse-Normandie, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Collectes valorisation énergie déchets, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N] et du syndicat général des transports CFDT Basse-Normandie, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 3 juin 2021), M. [N] a été engagé par la société Onyx le 3 novembre 1997 en qualité d'équipier de collecte. Son contrat a été transféré, en dernier lieu, le 1er juillet 2015, à la société Collectes valorisation énergie déchets (la société), qui a repris le marché auquel le salarié était affecté.
2. Du 8 au 20 juin 2017, un mouvement de grève s'est déroulé dans l'entreprise, dans le cadre d'un préavis déposé par le syndicat général des transports CFDT de Basse-Normandie (le syndicat).
3. Le salarié a été licencié pour faute lourde par lettre du 30 juin 2017 à raison de faits commis le 8 juin 2017 au cours de cette grève.
4. Il a saisi le 27 octobre 2017 la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner au remboursement des indemnités de chômage versées au salarié entre la date de licenciement et le jugement dans la limite de trois mois, alors « qu'aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ; qu'en l'espèce, après avoir prononcé la nullité du licenciement en application de l'article L. 2511-1 du code du travail, la cour d'appel a condamné l'employeur au remboursement des indemnités de chômage dans la limite de trois mois ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l‘article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
8. Selon l'article L. 1132-4 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.
9. L'article L. 1132-2 du code du travail, figurant dans le même chapitre II « Principe de non-discrimination », prévoit qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève.
10. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail sont applicables en cas de nullité du licenciement en raison de l'exercice normal du droit de grève.
11. Dès lors, la cour d'appel qui, ayant retenu que le licenciement du salarié était nul comme consécutif à l'exercice par ce dernier de son droit de grève, sans qu'une faute lourde puisse lui être reprochée, a condamné la société à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage versées au salarié entre la date du licenciement et le jugement dans la limite de trois mois d'allocations, n'encourt pas le grief du moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Collectes valorisation énergie déchets aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Collectes valorisation énergie déchets et la condamne à payer à M. [N] et au syndicat général des transports CFDT Basse-Normandie la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Collectes valorisation énergie déchets
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société COVED fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur [N], prononcé en l'absence de faute lourde, nul, et de l'AVOIR condamnée à lui payer les sommes de 11.972,19 € à titre d'indemnité de licenciement, 3.668,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 366,80 € au titre des congés payés afférents, 93,74 € à titre de rappel de salaire relatif au mois de juin 2017, ainsi que de l'AVOIR condamnée au remboursement des indemnités de chômage versées à Monsieur [N] entre la date de licenciement et le jugement dans la limite de trois mois et, réformant le jugement de ces chefs, d'AVOIR condamné la société COVED à verser à Monsieur [N] la somme de 24.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ainsi que d'AVOIR condamné la société COVED à verser au syndicat général des transports CFDT de BASSE-NORMANDIE la somme de 1.500 € pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;
ALORS QU'un salarié gréviste peut être licencié à raison d'un fait commis à l'occasion de la grève à laquelle il participe si ce fait est constitutif d'une faute lourde ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les faits suivants étaient établis : « avoir traité du personnel non gréviste d'‘enculés" », « à l'arrivée de deux salariés noirs avoir poussé 'un cri comme un animal' et tenu les propos suivants : 'regarde les tressés', 'les enculés' et, selon l'huissier, d'autres propos à connotation raciste », « avoir mis une tronçonneuse à arrière d'un C15 en disant 'les gars on va casser du camion les gars j'ai la tronçonneuse, on va découper du camion', « à l'arrivée d'une camionnette conduite par une prestataire de service avoir crié 'ok les gars la dame on la viole qu'une fois', avoir, à propos d'un salarié crié 'je vais le crever ; il revient pas demain!', avoir crié à plusieurs reprises 'vous inquiétez pas les gens du voyage ils sont pas méchants ils vont vous crever la panse!!! Allah Ouakbar » ; qu'elle a également constaté que Monsieur [N] avait « brandi le poing » en direction d'un salarié non-gréviste (Monsieur [F]) à travers la vitre de son camion, alors qu'il rentrait de sa tournée, fait qu'elle a qualifié « d'agression » et que ce salarié avait été conduit au centre hospitalier, puis avait porté plainte à l'encontre de Monsieur [N] pour violences et menaces de mort ; que, pour néanmoins écarter la faute lourde malgré les insultes proférées à l'encontre des salariés non-grévistes, dont plusieurs à caractère raciste, les cris d'animaux poussés au passage de salariés noirs, les menaces de mort, la menace de ne « violer qu'une fois » la représentante d'un prestataire de son employeur et celle, hurlée au travers d'un mégaphone, de « casser et de découper du camion », et par conséquent le matériel de l'entreprise, cela en plaçant une tronçonneuse dans l'un des véhicules, la cour d'appel a retenu, par motifs propres, que « les faits reprochés (insultes, propos à connotation racistes, menaces et, à tout le moins, agression à l'égard de M. [F]) sont avérés, sont imputables à M. [N] et sont fautifs ; toutefois, il n'est pas établi qu'ils aient été commis avec la volonté de porter préjudice à l'employeur ; en effet, M. [N] n'a, à aucun moment, cherché à entraver la liberté du travail, y compris en agressant M. [F] » et, par motifs adoptés, qu'en « dépit du caractère particulièrement abject [des faits dont Monsieur [N] s'était rendu responsable] et du fait que certains d'entre eux étaient de nature à revêtir une qualification pénale, de tels faits dirigés vers des collègues de travail s'avèrent (...) insusceptibles de caractériser une intention de nuire » ; qu'en statuant ainsi, quand les faits dont elle a constaté la matérialité relevaient de la faute lourde, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé l'article L. 2511-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
La société COVED fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée au remboursement des indemnités de chômage versées à Monsieur [N] entre la date de licenciement et le jugement dans la limite de trois mois ;
ALORS QU'aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ; qu'en l'espèce, après avoir prononcé la nullité du licenciement en application de l'article L. 2511-1 du code du travail, la cour d'appel a condamné l'employeur au remboursement des indemnités de chômage dans la limite de trois mois ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
Sur le fondement de la condamnation de l'employeur fautif à rembourser les allocations de chômage au cas de nullité du licenciement, évolution par rapport à : Soc., 12 décembre 2001, pourvoi n° 99-44.167, Bull. 2001, V, n° 383 (cassation partielle sans renvoi).
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CASS/JURITEXT000047074047.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2023
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 45 F-B
sur le 1er moyen
Pourvoi n° X 21-16.825
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023
Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-16.825 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [E] [W], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [G], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Salomon, conseiller, M. Juan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 avril 2021) et les productions, Mme [G] a été engagée le 30 septembre 2011 par M. [W] en qualité de vétérinaire, statut cadre. Son contrat a fait l'objet d'un avenant le 31 août 2013.
2. La relation de travail était régie par la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006.
3. Le 11 février 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
4. Le 6 février 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de reclassification à l'échelon 4, cadre confirmé B, à compter du 1er octobre 2011, de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet, outre les congés payés afférents, ainsi que de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes, et de limiter le montant du rappel d'heures supplémentaires à une certaine somme, alors :
« 1°/ qu'en application de l'annexe I de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006, relève de la classification de cadre confirmé B, échelon 4, le "vétérinaire diplômé, inscrit au tableau de l'ordre, ayant plus de 4 ans d'expérience professionnelle de cadre" ; que selon l'article 55 de cette convention collective, "les vétérinaires diplômés qui exercent leur fonction dans une entreprise entrant dans le champ d'application défini à l'article 1 sont affiliés au statut cadre ; que l'expérience acquise par le vétérinaire au cours d'un contrat de collaboration libérale doit être prise en considération pour déterminer la classification à laquelle il peut prétendre au titre du contrat de travail conclu ultérieurement ; qu'en jugeant au contraire que "Mme [G] ne peut prétendre à la prise en compte de son ancienneté en tant que vétérinaire collaboratrice pour revendiquer le bénéfice de l'échelon 4 prévu par la convention collective", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ et subsidiairement, qu'en déboutant Mme [G] de sa demande, quand elle constatait que la salariée avait été embauchée le 30 septembre 2011, ce dont il résultait qu'elle justifiait de quatre années d'expérience professionnelle salariée à compter du 1er octobre 2015, la cour d'appel a violé les articles 1, 55 et l'annexe I de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006. »
Réponse de la Cour
7. Selon son article 1, la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006 régit les rapports du travail entre les employeurs et le personnel vétérinaire salarié placé sous l'autorité ordinale vétérinaire.
8. Aux termes de l'article 55 de cette convention, les vétérinaires diplômés qui exercent leur fonction dans une entreprise entrant dans le champ d'application défini à l'article 1 sont affiliés au statut cadre.
9. L'annexe I de la convention détermine la classification des emplois en fonction de la durée d'expérience professionnelle de cadre et définit l'expérience professionnelle comme celle acquise dans la branche et calculée en période d'emploi équivalent temps plein de travail de cadre, à partir des certificats de travail.
10. Il résulte de ces textes que seule est prise en compte, pour déterminer la classification des emplois, l'expérience professionnelle acquise en qualité de vétérinaire salarié.
11. Ayant constaté que la salariée avait une expérience professionnelle de six mois en qualité de vétérinaire salarié avant son embauche, la cour d'appel a justement retenu que celle-ci ne disposait pas de l'ancienneté de quatre années qu'elle revendiquait à compter du 1er janvier 2013 pour bénéficier, à cette date, de la classification de cadre confirmé B, échelon 4.
12. Le moyen, irrecevable en sa seconde branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet pour la période postérieure au 31 août 2013 et de la débouter de ses demandes de rappel de congés payés afférents, de rappel d'heures supplémentaires pour la même période et de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes, alors « que peuvent seuls conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39, les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, ainsi que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ; que, pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a constaté que "M. [W] justifie de la présence au sein du cabinet d'une assistante vétérinaire jusqu'en septembre 2013 puis de l'embauche, à compter du mois de juillet 2015, d'une autre vétérinaire" et que, "compte tenu de la taille réduite du cabinet et de la présence au sein de ce dernier d'une assistante vétérinaire ou d'une autre vétérinaire, il n'apparaît pas à la cour que le fonctionnement du cabinet nécessitait l'intégration de l'activité de Mme [G] dans un horaire collectif et qu'elle peut en conséquence soutenir qu'elle relevait du statut de cadre intégré" ; qu'elle en a déduit que "Mme [G], qui ne relevait pas de l'horaire collectif de travail et qui disposait d'une réelle autonomie dans l'organisation du travail rendant impossible son intégration dans des horaires prédéterminés, fixes, avait le statut de cadre autonome, permettant ainsi de déterminer l'organisation de son temps de travail dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jour à compter du 1er septembre 2013" ; qu'en statuant ainsi par voie d'affirmation, sans préciser concrètement en quoi la salariée aurait disposé d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et n'aurait pas été contrainte de suivre les horaires d'ouverture et de fermeture du cabinet vétérinaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-43 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-43 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
14. Aux termes de ce texte, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3221-39 : 1°) Les cadres qui disposent d'une autonomie dans leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ; 2°) Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
15. Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaires, à compter du 1er septembre 2013, l'arrêt retient qu'elle exerçait ses fonctions, à compter de cette date, dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jours dès lors que, compte tenu de la taille du cabinet et de la présence en son sein d'une assistante vétérinaire ou d'une autre vétérinaire, le fonctionnement du cabinet ne nécessitait pas son intégration dans un horaire collectif de travail, qu'elle ne relevait ainsi pas du statut de cadre intégré, que disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de son travail rendant impossible son intégration dans des horaires prédéterminés et fixes, elle avait le statut de cadre autonome.
16. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'autonomie de la salariée dans l'organisation de son emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui lui étaient confiées et les raisons la conduisant à ne pas suivre l'horaire collectif de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE et ANNULE mais seulement en ce qu'il déboute Mme [G] de sa demande en paiement de rappel de salaires et congés payés afférents au titre de la requalification du contrat de travail à temps complet et de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, pour la période postérieure au 31 août 2013, ainsi que de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement des indemnités subséquentes, l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] et le condamne à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [G]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [I] [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande de reclassification à l'échelon 4, cadre confirmé B, à compter du 1er octobre 2011 et, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de ses demandes de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet, outre les congés payés y afférents, et de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes, et d'AVOIR limité le montant du rappel d'heures supplémentaires à la somme de 1.121,46 euros ;
1°) ALORS QU'en application de l'annexe I de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006, relève de la classification de cadre confirmé B, échelon 4, le « vétérinaire diplômé, inscrit au tableau de l'ordre, ayant plus de 4 ans d'expérience professionnelle de cadre » ; que selon l'article 55 de cette convention collective, « les vétérinaires diplômés qui exercent leur fonction dans une entreprise entrant dans le champ d'application défini à l'article 1er sont affiliés au statut cadre » ; que l'expérience acquise par le vétérinaire au cours d'un contrat de collaboration libérale doit être prise en considération pour déterminer la classification à laquelle il peut prétendre au titre du contrat de travail conclu ultérieurement ; qu'en jugeant au contraire que « Mme [G] ne peut prétendre à la prise en compte de son ancienneté en tant que vétérinaire collaboratrice pour revendiquer le bénéfice de l'échelon 4 prévu par la convention collective », la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°) ET ALORS, subsidiairement, QU'en déboutant Mme [G] de sa demande, quand elle constatait que la salariée avait été embauchée le 30 septembre 2011, ce dont il résultait qu'elle justifiait de quatre années d'expérience professionnelle salariée à compter du 1er octobre 2015, la cour d'appel a violé les articles 1er, 55 et l'annexe I de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [I] [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet pour la période du 30 septembre 2011 au 31 août 2013 et, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de sa demande de rappel de congés payés y afférents et de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes ;
1°) ALORS QUE la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein implique le paiement de l'intégralité des salaires correspondant à ce temps complet, sous la seule déduction des sommes déjà versées dont il appartient à l'employeur de justifier ; qu'en déboutant Mme [G] de sa demande de rappel de salaire au titre d'un temps complet, quand elle constatait que, faute pour l'employeur de « démontrer que Mme [G] n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition », celle-ci « est en conséquence fondée à solliciter la revendication de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet pour la période courant du 30 septembre 2011 au 31 août 2013 », la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1 et L. 3123-14 du code du travail en leur rédaction antérieure à celles issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE, pour débouter Mme [G] de sa demande de rappel de salaire au titre d'un temps complet, la cour d'appel a retenu que « Mme [G], qui a été payée au-delà du minimum conventionnel, ne peut en conséquence prétendre à un rappel de salaire de ce chef » ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant tiré du niveau de rémunération de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3123-14 du code du travail en leur rédaction antérieure à celles issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
3°) ET ALORS, plus subsidiairement, QU'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que le salaire versé par l'employeur à Mme [G] au cours de la période litigieuse correspondait à la rémunération qui lui était due pour une durée du travail de 35 heures hebdomadaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3123-14 du code du travail en leur rédaction antérieure à celles issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [I] [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps complet pour la période postérieure au 31 août 2013 et, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de ses demandes de rappel de congés payés y afférents, de rappel d'heures supplémentaires pour la même période et de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes ;
1°) ALORS QUE peuvent seuls conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39, les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, ainsi que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ; que, pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a constaté que « M. [W] justifie de la présence au sein du cabinet d'une assistante vétérinaire jusqu'en septembre 2013 puis de l'embauche, à compter du mois de juillet 2015, d'une autre vétérinaire » et que, « compte tenu de la taille réduite du cabinet et de la présence au sein de ce dernier d'une assistante vétérinaire ou d'une autre vétérinaire, il n'apparaît pas à la cour que le fonctionnement du cabinet nécessitait l'intégration de l'activité de Mme [G] dans un horaire collectif et qu'elle peut en conséquence soutenir qu'elle relevait du statut de cadre intégré » ; qu'elle en a déduit que « Mme [G], qui ne relevait pas de l'horaire collectif de travail et qui disposait d'une réelle autonomie dans l'organisation du travail rendant impossible son intégration dans des horaires prédéterminés, fixes, avait le statut de cadre autonome, permettant ainsi de déterminer l'organisation de son temps de travail dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jour à compter du 1er septembre 2013 » ; qu'en statuant ainsi par voie d'affirmation, sans préciser concrètement en quoi la salariée aurait disposé d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et n'aurait pas été contrainte de suivre les horaires d'ouverture et de fermeture du cabinet vétérinaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-43 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
2°) ET ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, quand elle constatait que le cabinet vétérinaire ne disposait, ni d'assistant vétérinaire, ni de vétérinaire salarié autre que Mme [G], du mois de septembre 2013 au mois de juillet 2015, ce dont il résultait que la salariée, seule vétérinaire salariée de l'entreprise et ne disposant pas d'assistant vétérinaire, ne pouvait exercer sa prestation de travail en toute autonomie et devait nécessairement se conformer aux horaires d'ouverture et de fermeture de l'entreprise pendant plus de deux ans, la cour d'appel a violé l'article L. 3121-43 du code du travail en sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [I] [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande d'indemnisation des astreintes et, en conséquence, de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, outre le paiement des indemnités subséquentes ;
ALORS QUE, pour débouter la salariée de sa demande d'indemnisation des astreintes, la cour d'appel a retenu qu'« il ressort des relevés informatiques produits aux débats par M. [W], et à l'encontre desquels Mme [G] ne verse à l'instance aucun élément de preuve suffisamment pertinent de nature à en remettre en cause la véracité, que la quasi-totalité des astreintes du cabinet ont été réalisées par M. [W] et que Mme [G] a été valablement payée de celles qu'elle a effectuées » ; qu'en statuant ainsi, sans examiner les bulletins de paie versés aux débats par la salariée, lesquels ne mentionnent le paiement d'aucune heure d'astreinte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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CASS/JURITEXT000047096648.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 90 FS-B
Pourvoi n° R 21-24.271
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ Mme [V] [E], domiciliée [Adresse 2],
2°/ L'association Maison des lanceurs d'alerte, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ Le syndicat SPIC UNSA, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° R 21-24.271 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Thales SIX GTS France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ au Défenseur des droits, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [E], de l'association Maison des lanceurs d'alerte, et du syndicat SPIC UNSA, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Thales SIX GTS France, du Défenseur des droits et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prieur, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 septembre 2021), rendu en matière de référé, Mme [E] a été engagée, le 1er septembre 2014, par la société Thales en qualité de responsable de la transformation des infrastructures centrales. Dans le cadre d'une mobilité interne, elle a été engagée, à compter du 1er juillet 2017, par la société Thales SIX GTS France en qualité de responsable du département offres et projets export.
2. Le 24 mars 2019, la salariée a saisi le comité d'éthique du groupe pour signaler des faits susceptibles d'être qualifiés de corruption, mettant en cause l'un de ses anciens collaborateurs et son employeur. Le 7 octobre 2019, elle a informé le comité d'éthique de la situation de harcèlement dont elle estimait faire l'objet à la suite de cette alerte.
3. Le 20 février 2020, le comité d'éthique a conclu à l'absence de situation contraire aux règles et principes éthiques.
4. Par courrier du 13 mars 2020, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable puis, par courrier du 27 mai 2020, lui a notifié son licenciement.
5. Le 30 juillet 2020, la salariée a saisi la formation des référés de la juridiction prud'homale afin principalement que soit constatée la nullité de son licenciement, intervenu en violation des dispositions protectrices des lanceurs d'alerte.
6. Le syndicat SPIC UNSA (le syndicat) puis l'association Maison des lanceurs d'alerte (l'association) sont intervenus volontairement à l'instance.
7. Le Défenseur des droits a déposé des observations devant la Cour de cassation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première à quatrième branches
Enoncé du moyen
8. La salariée, l'association et le syndicat font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle « a dit que les pièces et moyens de droit fournis par la salariée n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse, que les représailles envers la salariée n'étaient pas davantage établies [en sorte] qu'il n'y avait pas eu violation du statut protecteur prévu par les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail », de dire que « l'appréciation du motif de licenciement de la salariée relevait exclusivement des juges du fond » et, en conséquence, de les débouter de leurs demandes tendant, pour la salariée, à ce qu'il soit jugé que son licenciement était nul en application de l'article L. 1132-4 du code du travail, que sa réintégration soit ordonnée et que la société Thales soit condamnée au paiement des salaires qui auraient dû lui être versés entre la fin de son préavis et sa réintégration, au paiement de la prime sur l'exercice 2019 et à une somme à titre de provision sur dommages-intérêts résultant du préjudice moral lié au licenciement discriminatoire, pour le syndicat, de sa demande tendant à ce que la société Thales soit condamnée à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts provisionnels sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail et pour l'association, de ses demandes similaires à celle de la salariée et de sa demande tendant à ce que la société Thales soit condamnée à lui verser une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que le juge des référés auquel il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue le licenciement d'un salarié en raison de son statut de lanceur d'alerte, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis permettent de présumer qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, et dans l'affirmative, rechercher si l'employeur apporte des éléments objectifs de nature à justifier que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l'alerte de l'intéressé ; qu'en affirmant, pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que son licenciement soit jugé nul comme résultant de l'alerte qu'elle avait émise, que l'examen de la cause réelle et sérieuse du licenciement relevait des juges du fond, après avoir pourtant considéré que la salariée avait le statut de lanceur d'alerte au sens de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, de sorte qu'il lui appartenait de rechercher si le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à cette alerte et ce faisant, reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail, ensemble les articles L. 1132-3-3 et L. 1132-4 du code du travail ;
2°/ qu'en retenant, pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que son licenciement soit annulé comme résultant de son statut de lanceur d'alerte, que l'appréciation de la cause réelle et sérieuse de son licenciement relevait de la compétence exclusive des juges du fond, la cour d'appel, qui l'a privée d'une protection effective contre les discriminations, a violé les articles 6, § 1, 10 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ;
3°/ qu'en application de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, en cas de litige relatif à un salarié qui a lancé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration de l'intéressé ; qu'en l'espèce, en affirmant que "si le conseil de prud'hommes ne pouvait s'appuyer exclusivement sur les pièces produites par la salariée pour exclure l'existence d'un lien manifeste entre la qualité de lanceur d'alerte et le licenciement, la cour, sur la base des éléments objectifs produits par l'employeur, aboutit à la même conclusion", après avoir pourtant affirmé que l'examen de la cause réelle et sérieuse du licenciement relevait des juges du fond et s'être bornée à examiner les mesures de représailles antérieures au licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé les articles L. 1132-3-3 du code du travail et R. 1455-6 du code du travail ;
4°/ qu'en application de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, en cas de litige relatif à un salarié qui a lancé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration de l'intéressé ; qu'en affirmant, pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que son licenciement soit annulé car résultant de son statut de lanceur d'alerte, que la lettre de licenciement ne vise que des griefs portant sur le travail de la salariée et qu'il n'existerait pas de lien manifeste entre la qualité de lanceur d'alerte et le licenciement, alors qu'il n'appartenait pas à la salariée d'établir l'existence d'un lien manifeste entre son licenciement et son signalement mais à l'employeur d'établir que le licenciement de la salariée était fondé sur des éléments objectifs étrangers à son alerte, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article R 1455-6 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, L. 1132-4 et R. 1455-6 du même code :
9. Selon le premier de ces textes, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. En cas de litige relatif à l'application de ces dispositions, dès lors que le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à l'employeur, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé.
10. Aux termes du deuxième de ces textes, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.
11. Il résulte du dernier de ces textes que le juge des référés, auquel il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue la rupture d'un contrat de travail consécutive au signalement d'une alerte, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis permettent de présumer que le salarié a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée et, dans l'affirmative, de rechercher si l'employeur rapporte la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de ce salarié.
12. Pour dire n'y avoir lieu à référé, l'arrêt relève qu'aucun élément ne permet de remettre en cause la bonne foi de la salariée à l'occasion des alertes données successivement à sa hiérarchie puis au comité d'éthique du groupe et en déduit, sur le fondement des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, la qualité de lanceur d'alerte de l'intéressée.
13. L'arrêt retient, d'abord, que le lien entre la réelle détérioration de la relation de travail et l'alerte donnée par la salariée ne ressort pas, de façon manifeste, des évaluations professionnelles de celle-ci et que l'employeur, qui n'a pas eu la volonté d'éluder les termes de l'alerte, apporte un certain nombre d'éléments objectifs afin d'expliciter les faits présentés par la salariée comme étant constitutifs de représailles.
14. Il énonce, ensuite, après avoir constaté que la lettre de licenciement déclinait des griefs portant exclusivement sur le travail de la salariée, que l'examen du caractère réel et sérieux de tels griefs relève du juge du fond.
15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée présentait des éléments permettant de présumer qu'elle avait signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, en sorte qu'il lui appartenait de rechercher si l'employeur rapportait la preuve que sa décision de licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation prononcée sur le premier moyen rend sans objet le second moyen, le grief de harcèlement moral ne venant à l'appui d'aucune demande distincte mais ayant été présenté comme le second fondement des demandes au titre de la nullité du licenciement.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de nullité de l'ordonnance et la fin de non recevoir, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Thales six GTS France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Thales six GTS France et la condamne à payer à Mme [E], au syndicat SPIC UNSA et à l'association Maison des lanceurs d'alerte la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [E], l'association Maison des lanceurs d'alerte, et le syndicat SPIC UNSA
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Madame [V] [E], L'Association Maison des Lanceurs d'Alerte et le Syndicat SPIC UNSA font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle « a dit que les pièces et moyens de droit fournis par Mme [E] n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse, que les représailles envers Mme [E] n'étaient pas davantage établies [en sorte] qu'il n'y avait pas eu violation du statut protecteur prévu par les dispositions de l'article L. 1132-3-3 du code du travail », d'AVOIR dit que « l'appréciation du motif de licenciement de Mme [E] relevait exclusivement des juges du fond » et en conséquence, de les AVOIR déboutés de leurs demandes tendant, pour Mme [E], à ce qu'il soit jugé que son licenciement était nul en application de l'article L. 1132-4 du code du travail, que sa réintégration soit ordonnée et que la Société THALES soit condamnée au paiement des salaires qui auraient dû lui être versés entre la fin de son préavis et sa réintégration, au paiement de la prime sur l'exercice 2019 et à la somme de 50 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts résultant du préjudice moral lié au licenciement discriminatoire, pour le Syndicat SPIC UNSA, de sa demande tendant à ce que la Société THALES soit condamnée à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail et pour l'Association Maison des Lanceurs d'Alerte, de ses demandes similaires à celle de Mme [E] et de sa demande tendant à ce que la Société THALES soit condamnée à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
1) ALORS D'ABORD QUE, que le juge des référés auquel il appartient, même en présence d'une contestation sérieuse, de mettre fin au trouble manifestement illicite que constitue le licenciement d'un salarié en raison de son statut de lanceur d'alerte, doit apprécier si les éléments qui lui sont soumis permettent de présumer qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, et dans l'affirmative, rechercher si l'employeur apporte des éléments objectifs de nature à justifier que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l'alerte de l'intéressé ; qu'en affirmant, pour débouter Mme [E] de sa demande tendant à ce que son licenciement soit jugé nul comme résultant de l'alerte qu'elle avait émise, que l'examen de la cause réelle et sérieuse du licenciement relevait des juges du fond, après avoir pourtant considéré que Mme [E] avait le statut de lanceur d'alerte au sens de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, de sorte qu'il lui appartenait de rechercher si le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à cette alerte et ce faisant, reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article R1455-6 du code du travail, ensemble les articles L.1132-3-3 et L.1132-4 du code du travail ;
2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en retenant, pour débouter Mme [E] de sa demande tendant à ce que son licenciement soit annulé comme résultant de son statut de lanceur d'alerte, que l'appréciation de la cause réelle et sérieuse de son licenciement relevait de la compétence exclusive des juges du fond, la cour d'appel, qui l'a privée d'une protection effective contre les discriminations, a violé les articles 6, § 1, 10 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ;
3) ALORS ENSUITE QUE, en application de l'article L.1132-3-3 du code du travail, en cas de litige relatif à un salarié qui a lancé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration de l'intéressé ; qu'en l'espèce, en affirmant que « si le conseil de prud'hommes ne pouvait s'appuyer exclusivement sur les pièces produites par la salariée pour exclure l'existence d'un lien manifeste entre la qualité de lanceur d'alerte et le licenciement, la cour, sur la base des éléments objectifs produits par l'employeur, aboutit à la même conclusion », après avoir pourtant affirmé que l'examen de la cause réelle et sérieuse du licenciement relevait des juges du fond et s'être bornée à examiner les mesures de représailles antérieures au licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé les articles L.1132-3-3 du code du travail et R1455-6 du code du travail ;
4) ALORS ENCORE QUE en application de l'article L.1132-3-3 du code du travail, en cas de litige relatif à un salarié qui a lancé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration de l'intéressé ; qu'en affirmant, pour débouter Mme [E] de sa demande tendant à ce que son licenciement soit annulé car résultant de son statut de lanceur d'alerte, que la lettre de licenciement ne vise que des griefs portant sur le travail de Mme [E] et qu'il n'existerait pas de lien manifeste entre la qualité de lanceur d'alerte et le licenciement, alors qu'il n'appartenait pas à Mme [E] d'établir l'existence d'un lien manifeste entre son licenciement et son signalement mais à l'employeur d'établir que le licenciement de Mme [E] était fondé sur des éléments objectifs étrangers à son alerte, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article R1455-6 du code du travail ;
5) ALORS AU SURPLUS, à supposer les motifs des premiers juges adoptés, QUE, en application de l'article L.1132-3-3 du code du travail, en cas de litige relatif à un salarié qui a lancé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration de l'intéressé ; qu'en affirmant, pour statuer comme elle l'a fait, que les éléments produits par Mme [E] ne permettent pas de démontrer que le licenciement constitue une mesure de représailles lié au signalement effectué, et qu'il existe un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a derechef violé le texte susvisé, ensemble l'article R1455-6 du code du travail ;
6) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, dans ses écritures, et tel que le Défenseur des droits l'a relevé dans ses deux décisions et ainsi que le démontrait également l'Association Maison des Lanceurs d'Alerte, Mme [E] avait soutenu et établi que le lien entre son licenciement et son alerte ne faisait aucun doute dès lors d'une part, que ce sont les personnes visées par l'alerte qui avaient initié et mené la procédure de licenciement, d'autre part, que le compte-rendu d'entretien préalable faisait expressément référence au lien entre la dégradation des relations de travail et l'alerte, enfin, que la Société THALES avait décidé de la licencier immédiatement après que le Comité éthique ait rendu ses conclusions relatives à son alerte, autant d'éléments démontrant sans conteste le lien entre l'alerte et le licenciement de Mme [E] ; qu'en se bornant à affirmer de manière péremptoire que Mme [E] n'établissait pas de lien entre son licenciement et son signalement et pour ce faire, d'examiner les mesures de représailles dont elle avait fait état avant son licenciement, sans rechercher, ni préciser, si ces éléments précis et matériellement vérifiables n'étaient pas de nature à établir l'existence d'un tel lien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1132-3-3 du code du travail, ensemble l'article R1455-6 du code du travail ;
7) ALORS PAR AILLEURS QUE, en application de l'article L.1132-3-3 du code du travail, en cas de litige relatif à un salarié qui a lancé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration de l'intéressé ; en affirmant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que le lien entre la détérioration de la relation de travail et l'alerte donnée par Mme [E] ne ressortait pas de façon manifeste des évaluations de la salariée, cependant que dès lors qu'elle avait considéré que Mme [E] disposait du statut de lanceur d'alerte, il lui appartenait de rechercher si la détérioration des relations de travail était justifiée par des éléments objectifs étrangers à l'alerte émise par la salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article R1455-6 du code du travail ;
8) ALORS AU SURPLUS QUE, en affirmant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que le lien entre la détérioration de la relation de travail et l'alerte donnée par Mme [E] ne ressortait pas de façon manifeste des évaluations de la salariée, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé l'article L.1132-3-3 du code du travail, ensemble l'article R1455-6 du code du travail ;
9) ALORS EN OUTRE QUE, en affirmant, pour débouter Mme [E] de sa demande tendant à ce que son licenciement soit jugé nul et de nul effet, que la Société THALES apportait un certain nombre d'éléments objectifs afin d'expliciter les faits présentés par la salariée comme étant constitutifs de représailles cependant qu'il lui appartenait de rechercher si l'employeur apportait des éléments objectifs quant au licenciement dont Mme [E] sollicitait l'annulation, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article L. 1132-3-3 du code du travail, ensemble l'article R1455-6 du code du travail ;
10) ALORS ENCORE QUE, en affirmant, pour débouter Mme [E] de sa demande tendant à ce que son licenciement soit jugé nul et de nul effet, que la Société THALES apportait un certain nombre d'éléments objectifs afin d'expliciter les faits présentés par la salariée comme étant constitutifs de représailles, cependant qu'à l'appui de ses écritures, la Société THALES n'a jamais, à aucun moment, soutenu que les mesures de représailles dont se prévalait Mme [E] étaient fondées sur des éléments objectifs, se bornant à alléguer que le licenciement n'était pas lié à l'alerte, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
11) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office et sans recueillir préalablement les observations des parties, que la Société THALES apportait un certain nombre d'éléments objectifs afin d'expliciter les faits présentés par la salariée comme étant constitutifs de représailles, cependant qu'à l'appui de ses écritures, la Société THALES n'a jamais, à aucun moment, soutenu que les mesures de représailles dont se prévalait Mme [E] étaient fondées sur des éléments objectifs, se bornant à alléguer que le licenciement n'était pas lié à l'alerte, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
12) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en se bornant, sur l'essentiel des mesures de représailles avancées par la salariée, à affirmer que l'employeur apportait des justifications objectives, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Madame [V] [E], L'Association Maison des Lanceurs d'Alerte et le Syndicat SPIC UNSA font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle « a dit que les pièces et moyens de droit fournis par Mme [E] n'ont pas permis d'établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d'avoir lancé une alerte et le licenciement pour cause réelle et sérieuse, que les représailles envers Mme [E] n'étaient pas davantage établies [en sorte] qu'il n'y avait pas eu violation du statut protecteur prévu par les dispositions de l'article L.1132-3-3 du code du travail », et en conséquence, de les AVOIR déboutés de leurs demandes tendant, pour Mme [E], à ce qu'il soit jugé que son licenciement était nul en application de l'article L.1152-3 du code du travail, que sa réintégration soit ordonnée et que la Société THALES soit condamnée à la somme de 50 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts résultant du préjudice moral lié au harcèlement, pour le Syndicat SPIC UNSA, de sa demande tendant à ce que la Société THALES soit condamnée à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail et pour l'Association Maison des Lanceurs d'Alerte, de ses demandes similaires à celle de Mme [E] et de sa demande tendant à ce que la Société THALES soit condamnée à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
1) ALORS QUE, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier moyen, emportera la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que son licenciement était nul en application de l'article L.1152-3 du code du travail, que sa réintégration soit ordonnée et que la Société THALES soit condamnée au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts résultant du préjudice moral lié au harcèlement, pour le Syndicat SPIC UNSA, de sa demande tendant à ce que la Société THALES soit condamnée à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail et pour l'Association Maison des Lanceurs d'Alerte, de ses demandes similaires à celle de Mme [E] et de sa demande tendant à ce que la Société THALES soit condamnée à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
2) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, dans ses écritures, et tel que le Défenseur des droits l'a relevé dans ses deux décisions et ainsi que le démontrait également l'Association Maison des Lanceurs d'Alerte, Mme [E] avait soutenu et établi que le lien entre son licenciement et son alerte fondée notamment sur le harcèlement moral qu'elle avait subi, ne faisait aucun doute dès lors d'une part, que ce sont les personnes visées par l'alerte qui avaient initié et mené la procédure de licenciement, d'autre part, que le compte-rendu d'entretien préalable faisait expressément référence au lien entre la dégradation des relations de travail et l'alerte, enfin, que la Société THALES avait décidé de la licencier immédiatement après que le Comité éthique ait rendu ses conclusions relatives à son alerte, autant d'éléments démontrant sans conteste le lien entre l'alerte et le licenciement de Mme [E] ; qu'en se bornant à affirmer de manière péremptoire que Mme [E] n'établissait pas de lien entre son licenciement et son signalement quant aux agissements de harcèlement moral qu'elle subissait, sans rechercher, ni préciser si ces éléments précis et matériellement vérifiables n'étaient pas de nature à établir l'existence d'un tel lien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail ;
3) AU SURPLUS QUE, en affirmant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que le lien entre la détérioration de la relation de travail et l'alerte donnée par Mme [E] ne ressortait pas de façon manifeste des évaluations de la salariée, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé l'article L.1132-3-3 du code du travail ;
4) ALORS ENCORE QUE, en affirmant, pour débouter Mme [E] de sa demande tendant à ce que son licenciement soit jugé nul et de nul effet, que la Société THALES apportait un certain nombre d'éléments objectifs afin d'expliciter les faits présentés par la salariée comme étant constitutifs de représailles, cependant qu'à l'appui de ses écritures, la Société THALES n'a jamais, à aucun moment, soutenu que les mesures de représailles dont se prévalait Mme [E] étaient fondées sur des éléments objectifs, se bornant à alléguer que le licenciement n'était pas lié à l'alerte, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
5) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office et sans recueillir préalablement les observations des parties, que la Société THALES apportait un certain nombre d'éléments objectifs afin d'expliciter les faits présentés par la salariée comme étant constitutifs de représailles, cependant qu'à l'appui de ses écritures, la Société THALES n'a jamais, à aucun moment, soutenu que les mesures de représailles dont se prévalait Mme [E] étaient fondées sur des éléments objectifs, se bornant à alléguer que le licenciement n'était pas lié à l'alerte, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en se bornant, sur l'essentiel des mesures de représailles avancées par la salariée, à affirmer que l'employeur apportait des justifications objectives, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait, la cour d'appel, qui n'a pas motivé sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Sur l'étendue des pouvoirs du juge des référés au cas d'une discrimination invoquée, à rapprocher : Soc., 31 mars 2016, pourvoi n° 14-25.241, Bull. 2016, V, n° 63 (rejet).
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CASS/JURITEXT000047096650.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
M. SOMMER, président
Arrêt n° 92 FS-B
Pourvoi n° J 20-19.661
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023
Mme [U] [C], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-19.661 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2020 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de Mme [Y] [O], en qualité de mandataire judiciaire de la société Cassin et fils,
2°/ à la société FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [L] [F], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Cassin et fils,
3°/ à l'AGS CGEA Ile-de-France Est, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la société Cassin et fils, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 5],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [C], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société MJA, de la société FHB, de la société Cassin et fils, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 mai 2020), Mme [C] a été engagée par contrats saisonniers le 10 juillet 1995 par la société Cassin et fils hôtel Paradis (la société), en qualité d'assistante de direction. Elle a été engagée par contrat à durée indéterminée du 2 janvier 2013 en qualité de directrice, puis affectée au poste de directrice d'hébergement à compter du 1er janvier 2014.
2. Le 16 décembre 2016, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique. Le contrat de travail a été rompu à l'issue du délai de réflexion dont elle disposait après son adhésion, le 9 janvier 2017, au contrat de sécurisation professionnelle.
3. Par jugement du 18 février 2020, la société a été mise en redressement judiciaire et les sociétés MJA, prise en la personne de Mme [O], et FHB, prise en la personne de Mme [F], désignées respectivement en qualité de mandataire judiciaire et d'administrateur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le second moyen, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est intervenu pour motif économique et de la débouter de ses demandes subséquentes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, alors « que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ; qu'en retenant que le licenciement était justifié par la baisse du seul excédent brut d'exploitation, quand elle a constaté que le chiffre d'affaire de l'entreprise avait augmenté au cours de la même période de sorte que l'évolution n'était pas significative, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 1233-3, 1°, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
7. La cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a d'abord constaté que la société justifiait qu'elle avait été confrontée à des difficultés économiques caractérisées par une dégradation de l'excédent brut d'exploitation (EBE) négatif de - 726 000 euros en 2014, puis de - 874 000 euros en 2015. Elle a ensuite relevé que si, en 2016, l'EBE dégagé avait été positif à + 32 000 euros, ce chiffre était le résultat d'opérations financières qu'elle avait réalisées et notamment la renégociation d'un crédit-bail immobilier, une baisse significative des frais de holding, ainsi qu'un apport en compte courant associé. Elle a enfin constaté qu'en 2017, l'EBE estimé à -106 000 euros par la société dans sa note d'information des motifs économiques, était négatif de -124 013 euros dans les comptes de l'exercice 2017.
8. Elle a pu en déduire, au regard du caractère sérieux et durable de la dégradation de l'excédent brut d'exploitation, que cet indicateur avait subi une évolution significative.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [C]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [C] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que son licenciement est intervenu pour motif économique, de l'AVOIR déboutée de ses demandes subséquentes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.
1° ALORS QUE les difficultés économiques doivent être appréciées au niveau de l'entreprise, ou, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe ; qu'il n'y a lieu de réduire l'appréciation des difficultés économiques au secteur d'activité du groupe et non à l'ensemble du groupe que pour autant que celui-ci est composé de secteurs d'activité différents ; qu'en retenant que les sociétés Vimac et Alafan ne faisaient pas partie du secteur de l'hôtellerie-restauration comme la société employeur Cassin et Fils, sans constater que le groupe auquel elles appartenaient comportait plusieurs secteurs d'activité, la cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.
2° ALORS QUE les difficultés économiques doivent être appréciées au niveau de l'entreprise, ou, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe ; que la circonstance que l'une des sociétés soit une société de participation financière dépourvue d'activité commerciale et sans aucun salarié ne suffit pas à l'exclure du secteur d'activité du groupe en tant que périmètre d'appréciation des difficultés économiques ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.
3° ALORS, en tout état de cause, QUE constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ; qu'en retenant que le licenciement était justifié par la baisse du seul excédent brut d'exploitation, quand elle a constaté que le chiffre d'affaire de l'entreprise avait augmenté au cours de la même période de sorte que l'évolution n'était pas significative, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [C] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et de l'AVOIR déboutée de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé.
ALORS QUE la charge de la preuve des horaires de travail accomplis n'incombe spécialement à aucune des parties ; que le salarié est seulement tenu de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies ; que la cour d'appel a constaté que la salariée a produit des tableaux annuels détaillant semaine par semaine les heures effectuées, ainsi que les agendas des années 2014, 2015 et 2016 détaillant pour chaque journée de travail l'heure de prise de service et l'heure de débauche ; qu'en considérant que ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments et que les éléments versés par la salariée ne « permettent pas d'étayer sa demande », la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.
Sur la caractérisation des difficultés économiques au sens de la rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, à rapprocher : Soc., 1er juin 2022, pourvoi n° 20-19.957, Bull., (cassation).
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CASS/JURITEXT000047096646.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. SOMMER, président
Arrêt n° 89 FS-B
Pourvoi n° E 21-12.485
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023
La société Aquilab, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-12.485 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [E] [B], épouse [I], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi Hauts-de-France, direction régionale, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aquilab, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2020) et les productions, Mme [B] a été engagée le 19 octobre 2009 par la société Aquilab (la société) en qualité d'ingénieur.
2. Après avoir été convoquée à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique, fixé au 23 juillet 2014, au cours duquel il lui a été proposé d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle et après que la société lui a notifié, le 31 juillet 2014, le motif économique de la rupture, elle a adhéré le 7 août 2014 au dispositif et a demandé, le 13 août 2014, à bénéficier de la priorité de réembauche.
3. Elle a saisi la juridiction prud'homale, le 19 janvier 2016, pour contester la réalité du motif économique invoqué par l'employeur et obtenir paiement de diverses sommes au titre de la rupture.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts au titre de la violation de l'article L. 1233-45 du code du travail, alors :
« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, si elle invoquait la prescription des demandes de la salariée relatives à la rupture de son contrat de travail, en ce compris celle portant sur la priorité de réembauchage, elle se fondait, tant dans les motifs que dans le dispositif de ses conclusions, non seulement sur les dispositions de l'article L. 1235-7 du code du travail mais aussi et surtout sur celles de l'article L. 1233-67, propres aux salariés ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, en prenant soin de critiquer les motifs du jugement qui avait rejeté ce second fondement ; qu'en affirmant que "la société Aquilba conclut à la prescription de l'action engagée par Mme [E] [B], épouse [I], au motif que celle-ci n'a pas été engagée dans les 12 mois prévus à l'article L. 1235-7 du code du travail", pour limiter son analyse à cette seule cause de prescription, la cour d'appel qui a méconnu les termes clairs et précis des conclusions de l'employeur qui invoquaient parallèlement un autre fondement textuel pour conclure à la prescription, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de cette adhésion, ce délai ne pouvant être interrompu que par l'une des causes limitatives d'interruption de la prescription prévues aux articles 2240 et suivants du code civil ; que la prescription n'est donc pas interrompue par une simple réclamation ou critique formulée auprès de l'employeur, serait-ce par lettre recommandée ; qu'en l'espèce, se fondant sur les dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail dont les termes avaient été rappelés à la salariée par la note d'information sur les difficultés économiques, le document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle et la lettre de licenciement, elle faisait valoir qu'ayant saisi le conseil de prud'hommes le 19 janvier 2016, la salariée qui avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 7 août 2014 était prescrite en ses demandes relatives à la rupture de son contrat peu important qu'elle ait adressé à son employeur un courrier recommandé en date du 31 juillet 2015 aux termes duquel elle contestait "la régularité et la validité de son licenciement" et annonçait son intention prochaine de saisir la juridiction prud'homale ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que la prescription ne se calculait pas à la date de saisine du conseil de prud'hommes mais à la date de contestation pour en déduire que la salariée ayant adressé à son employeur, le 31 juillet 2015, un courrier par lequel elle contestait la régularité et la validité de son licenciement, ses demandes relatives à la rupture, formées le 19 janvier 2016, n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-67, alinéa 1, du code du travail, ensemble les articles 2240, 2241 et 2244 du code civil ;
3°/ que la priorité de réembauchage ne s'exerce que sur un emploi compatible avec la qualification du salarié ; qu'en jugeant que l'employeur avait méconnu ses obligations au titre de l'obligation de réembauchage, faute d'avoir proposé à la salariée un poste d'ingénieur développement devenu ouvert chez Aquilab dans l'année qui avait suivi son licenciement, sans constater que la salariée disposait des compétences requises pour occuper un tel poste, ce que contestait l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-45 du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014 ;
4°/ que la priorité de réembauche ne peut s'exercer que lorsque l'employeur procède à des embauches ; que pour retenir que l'employeur avait manqué à ses obligations en matière de priorité de réembauchage, la cour d'appel a relevé qu'un salarié de la société Aquilab qui occupait les fonctions d'ancien technicien installation depuis juin 2010, M. [T] (lire [K]), s'était vu confier, à compter d'octobre 2014, un même poste que celui précédemment attribué à la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que le poste litigieux avait été pourvu par un recrutement interne et non par une embauche, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-45 du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014. »
Réponse de la Cour
5. D'une part, aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Ces dispositions ne font cependant pas obstacle aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment celui prévu à l'article L. 1233-67.
6. Selon l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai. Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.
7. Il en résulte que l'action fondée sur le non-respect par l'employeur de la priorité de réembauche, qui n'est pas liée à la contestation de la rupture du contrat de travail résultant de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, soumise au délai de prescription de l'article L. 1233-67 du code du travail, mais à l'exécution du contrat de travail, relève de la prescription de l'article L. 1471-1 du même code.
8. L'indemnisation dépendant des conditions dans lesquelles l'employeur a exécuté son obligation, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la priorité de réembauche a cessé, soit à l'expiration du délai d'un an à compter de la rupture du contrat de travail.
9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale le 19 janvier 2016, soit moins de deux ans après la cessation de la priorité de réembauche, le 13 août 2015, se trouve légalement justifié en ce qu'il dit que l'action n'est pas prescrite.
10. D'autre part, il résulte de l'article L. 1233-45 du code du travail, qu'en cas de litige, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles compatibles avec la qualification du salarié, soit en justifiant de l'absence de tels postes.
11. Il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure, que la société, qui s'était bornée à faire valoir, en inversant la charge de la preuve, qu'il n'était pas démontré l'existence d'un poste disponible qui devait être proposé à la salariée, avait soutenu devant la cour d'appel que le poste d'ingénieur développement pourvu dans l'année ayant suivi la rupture du contrat de l'intéressée ne correspondait pas à sa qualification ou qu'il avait été pourvu par une mutation en interne.
12. Le moyen, irrecevable en ses deux dernières branches comme nouveau et mélangé de fait et de droit, ne peut être accueilli pour le surplus.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
13. La société fait grief à l'arrêt de dire que les demandes de la salariée n'étaient pas prescrites et de la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage du jour du licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, alors « que le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, si elle invoquait la prescription des demandes de la salariée relatives à la rupture de son contrat de travail, elle se fondait, tant dans les motifs que dans le dispositif de ses conclusions, non seulement sur les dispositions de l'article L. 1235-7 du code du travail mais aussi et surtout sur celles de l'article L. 1233-67, propres aux salariés ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, en prenant soin de critiquer les motifs du jugement qui avait rejeté ce second fondement ; qu'en affirmant que "la société Aquilab conclut à la prescription de l'action engagée par Mme [E] [B], épouse [I], au motif que celle-ci n'a pas été engagée dans les 12 mois prévus à l'article L. 1235-7 du code du travail", pour limiter son analyse à cette seule cause de prescription, la cour d'appel qui a méconnu les termes clairs et précis des conclusions de l'employeur qui invoquaient parallèlement un autre fondement textuel pour conclure à la prescription, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
14. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
15. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et condamner la société au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société conclut à la prescription de l'action engagée par la salariée au motif que celle-ci n'a pas été engagée dans les douze mois prévus à l'article L. 1235-7 du code du travail, que cependant, ce texte n'est applicable qu'aux contestations de nature à entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique, en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi, et non à sa contestation ne visant que l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
16. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société se fondait non seulement sur les dispositions de l'article L. 1235-7 du code du travail mais également sur celles de l'article L. 1233-67 du même code, applicables aux salariés ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
19. Selon l'article L. 1233-67 du code du travail, dans sa version en vigueur du 30 juillet 2011 au 1er janvier 2015, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif, résultant de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.
20. La salariée ayant adhéré, le 7 août 2014, au contrat de sécurisation professionnelle, l'action qu'elle a engagée le 16 janvier 2016 pour contester la rupture de son contrat de travail, soit au-delà du délai de douze mois prévu par ce texte, est prescrite.
21. Ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail sont en conséquence irrecevables.
22. La cassation des chefs de dispositif condamnant la société à verser à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la demande relative au bien-fondé du licenciement n'est pas prescrite, condamne la société Aquilab à payer à Mme [B], épouse [I], la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonne le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée du jour de son licenciement dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 18 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que les demandes de la salariée sont irrecevables ;
Condamne Mme [B], épouse [I], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Aquilab
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Aquilab fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit et jugé que les demandes de la salariée n'étaient pas prescrites et que la société Aquilab ne justifiait pas le licenciement pour motif économique, d'AVOIR statuant à nouveau, condamné la société Aquilab à payer à la salariée la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, si la société Aquilab invoquait la prescription des demandes de la salariée relatives à la rupture de son contrat de travail, elle se fondait, tant dans les motifs que dans le dispositif de ses conclusions, non seulement sur les dispositions de l'article L. 1235-7 du code du travail mais aussi et surtout sur celles de l'article L. 1233-67, propres aux salariés ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, en prenant soin de critiquer les motifs du jugement qui avait rejeté ce second fondement (cf. les conclusions de l'employeur p. 3 à 5) ; qu'en affirmant que « la société Aquilab conclut à la prescription de l'action engagée par Mme [E] [B] épouse [I] au motif que celle-ci n'a pas été engagée dans les 12 mois prévus à l'article L. 1235-7 du code du travail », pour limiter son analyse à cette seule cause de prescription, la cour d'appel qui a méconnu les termes clairs et précis des conclusions de l'employeur qui invoquaient parallèlement un autre fondement textuel pour conclure à la prescription, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, à tout le moins, en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de cette adhésion, ce délai ne pouvant être interrompu que par l'une des causes limitatives d'interruption de la prescription prévues aux articles 2240 et suivants du code civil ; que la prescription n'est donc pas interrompue par une simple réclamation ou critique formulée auprès de l'employeur, serait-ce par lettre recommandée ; qu'en l'espèce, se fondant sur les dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail dont les termes avaient été rappelés à la salariée par la note d'information sur les difficultés économiques, le document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle et la lettre de licenciement, la société Aquilab faisait valoir qu'ayant saisi le conseil de prud'hommes le 19 janvier 2016, la salariée qui avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 7 août 2014 était prescrite en ses demandes relatives à la rupture de son contrat, peu important qu'elle ait adressé à son employeur un courrier recommandé en date du 31 juillet 2015 aux termes duquel elle contestait « la régularité et la validité de son licenciement » et annonçait son intention prochaine de saisir la juridiction prud'homale ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que la prescription ne se calculait pas à la date de saisine du conseil de prud'hommes mais à la date de contestation pour en déduire que la salariée ayant adressé à son employeur, le 31 juillet 2015, un courrier par lequel elle contestait la régularité et la validité de son licenciement, ses demandes relatives à la rupture, formées le 19 janvier 2016, n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-67, alinéa 1 du code du travail, ensemble les articles 2240, 2241 et 2244 du code civil ;
3°) ALORS QUE, en tout état de cause, toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par 12 mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cas de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci ; que ce délai s'applique à la contestation du salarié portant sur le motif économique de son licenciement et/ou l'exécution par l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
La société Aquilab fait grief à la décision attaquée d'AVOIR ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,
ALORS QU'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la rupture du contrat de travail de la salariée était intervenue par suite de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle en date du 7 août 2014 ; qu'en ordonnant néanmoins à la société Aquilab de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à l'intéressée dans la limite de six mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis versée au titre de la participation de l'employeur au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69, dans sa version modifiée par la loi n°2012-1189 du 26 octobre 2012, et L. 1235-4, dans sa version antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société Aquilab fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Aquilab à payer à la salariée la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la violation de l'article L. 1233-45 du code du travail,
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, si la société Aquilab invoquait la prescription des demandes de la salariée relatives à la rupture de son contrat de travail, en ce compris celle portant sur la priorité de réembauchage, elle se fondait, tant dans les motifs que dans le dispositif de ses conclusions, non seulement sur les dispositions de l'article L. 1235-7 du code du travail mais aussi et surtout sur celles de l'article L. 1233-67, propres aux salariés ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, en prenant soin de critiquer les motifs du jugement qui avait rejeté ce second fondement (cf. les conclusions de l'employeur p. 3 à 5) ; qu'en affirmant que « la société Aquilba conclut à la prescription de l'action engagée par Mme [E] [B] épouse [I] au motif que celle-ci n'a pas été engagée dans les 12 mois prévus à l'article L. 1235-7 du code du travail », pour limiter son analyse à cette seule cause de prescription, la cour d'appel qui a méconnu les termes clairs et précis des conclusions de l'employeur qui invoquaient parallèlement un autre fondement textuel pour conclure à la prescription, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, à tout le moins, en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de cette adhésion, ce délai ne pouvant être interrompu que par l'une des causes limitatives d'interruption de la prescription prévues aux articles 2240 et suivants du code civil ; que la prescription n'est donc pas interrompue par une simple réclamation ou critique formulée auprès de l'employeur, serait-ce par lettre recommandée ; qu'en l'espèce, se fondant sur les dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail dont les termes avaient été rappelés à la salariée par la note d'information sur les difficultés économiques, le document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle et la lettre de licenciement, la société Aquilab faisait valoir qu'ayant saisi le conseil de prud'hommes le 19 janvier 2016, la salariée qui avait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 7 août 2014 était prescrite en ses demandes relatives à la rupture de son contrat peu important qu'elle ait adressé à son employeur un courrier recommandé en date du 31 juillet 2015 aux termes duquel elle contestait « la régularité et la validité de son licenciement » et annonçait son intention prochaine de saisir la juridiction prud'homale ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que la prescription ne se calculait pas à la date de saisine du conseil de prud'hommes mais à la date de contestation pour en déduire que la salariée ayant adressé à son employeur, le 31 juillet 2015, un courrier par lequel elle contestait la régularité et la validité de son licenciement, ses demandes relatives à la rupture, formées le 19 janvier 2016, n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-67, alinéa 1 du code du travail, ensemble les articles 2240, 2241 et 2244 du code civil ;
3°) ALORS subsidiairement QUE la priorité de réembauchage ne s'exerce que sur un emploi compatible avec la qualification du salarié ; qu'en jugeant que l'employeur avait méconnu ses obligations au titre de l'obligation de réembauchage, faute d'avoir proposé à la salariée un poste d'ingénieur développement devenu ouvert chez Aquilab dans l'année qui avait suivi son licenciement, sans constater que la salariée disposait des compétences requises pour occuper un tel poste, ce que contestait l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-45 du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2014-699 du 26 juin 2014 ;
4°) ALORS QUE la priorité de réembauche ne peut s'exercer que lorsque l'employeur procède à des embauches ; que pour retenir que l'employeur avait manqué à ses obligations en matière de priorité de réembauchage, la cour d'appel a relevé qu'un salarié de la société Aquilab qui occupait les fonctions d'ancien technicien installation depuis juin 2010, M. [T] (lire [K]), s'était vu confier, à compter d'octobre 2014, un même poste que celui précédemment attribué à la salariée ; qu'en statuant ainsi, quand il ressortait de ses propres constatations que le poste litigieux avait été pourvu par un recrutement interne et non par une embauche, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-45 du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2014-699 du 26 juin 2014.
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CASS/JURITEXT000047096652.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
M. SOMMER, président
Arrêt n° 99 FS-B
Pourvoi n° P 21-13.206
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023
1°/ Le comité social et économique Codirep, dont le siège est [Adresse 26],
2°/ Mme [WW] [Y], domiciliée [Adresse 9],
3°/ M. [H] [W], domicilié [Adresse 5],
4°/ Mme [M] [R], domiciliée [Adresse 3],
5°/ M. [H] [F], domicilié [Adresse 17],
6°/ Mme [K] [P], domiciliée [Adresse 7], chez M. [OU] [Z], [Localité 22],
7°/ Mme [JJ] [VB] [I] [E], domiciliée [Adresse 15],
8°/ Mme [MI] [L], domiciliée [Adresse 23],
9°/ M. [S] [C], domicilié [Adresse 1],
10°/ Mme [G] [V] épouse [D], domiciliée [Adresse 10],
11°/ Mme [TX] [SC], domiciliée [Adresse 19],
12°/ Mme [DL] [UN], domiciliée [Adresse 2],
13°/ M. [X] [A] [PY], domicilié [Adresse 12],
14°/ M. [O] [MZ], domicilié [Adresse 27],
15°/ Mme [KA] [FG], domiciliée [Adresse 8],
16°/ Mme [LE] [ZV], domiciliée [Adresse 6],
ont formé le pourvoi n° P 21-13.206 contre le jugement rendu le 1er mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris (contentieux des élections professionnelles, pôle social), dans le litige les opposant :
1°/ à la fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente, dont le siège est [Adresse 16],
2°/ à la société Fnac Darty participations et services, société anonyme, dont le siège est [Adresse 26],
3°/ à la société Codirep, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 26],
4°/ au syndicat CFDT Tour Essor, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ au syndicat Confédération générale du travail, dont le siège est [Adresse 13],
6°/ au syndicat CFE CGC, dont le siège est [Adresse 25],
7°/ à M. [YR] [N], domicilié [Adresse 11],
8°/ à Mme [ST] [GK], domiciliée [Adresse 24],
9°/ à M. [HO] [KN], domicilié [Adresse 14],
10°/ à Mme [IF] [U], domiciliée [Adresse 21],
11°/ à M. [VS] [B], domicilié [Adresse 18],
12°/ à M. [J] [TG], domicilié [Adresse 20],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du comité social et économique Codirep, de Mme [Y] et des quatorze autres salariés, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Fnac Party participations et services, de la société Codirep, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Bouvier, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 1er mars 2021), un accord collectif, intitulé « accord portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac », a été conclu le 18 septembre 2018 entre la société Fnac Darty participations et services et les sociétés françaises dont la première détient plus de 50 % du capital, et les organisations syndicales représentatives. Il prévoit la mise en place d'un comité social et économique unique au sein de la société Codirep, incluse dans le périmètre de l'accord, ainsi que des représentants de proximité, en application de l'article L. 2313-7 du code du travail, au niveau de chaque site de plus de onze salariés compris dans le périmètre du comité social et économique.
2. Les membres de la délégation du personnel au comité social et économique Codirep (le comité social et économique) ont été élus en février 2019.
3. Au regard de son effectif, le site de [Localité 28] de la société Codirep a bénéficié de quatre sièges de représentant de proximité, qui ont tous été attribués à des candidats du syndicat CFTC. A la suite de la démission de l'un de ces représentants de proximité, lors de sa réunion du 10 décembre 2020, qui s'est tenue par visioconférence, le comité social et économique a désigné, parmi les deux candidats présentés, M. [N], candidat sans appartenance syndicale.
4. Invoquant un non-respect des règles prévues par l'accord collectif du 18 septembre 2018 et des avis de la commission de suivi et d'interprétation de cet accord, la fédération des syndicats CFTC commerces services et force de vente (le syndicat CFTC) a saisi, le 29 décembre 2020, le tribunal judiciaire aux fins notamment d'annuler l'élection de M. [N].
5. En défense, le comité social et économique, Mme [Y] et quatorze autres salariés (les salariés) ont demandé au tribunal de se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Créteil, saisi par voie d'assignation selon la procédure avec représentation obligatoire des parties, et de dire irrecevables les demandes formées par le syndicat.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le comité social et économique et les salariés font grief au jugement de constater la compétence du tribunal judiciaire de Paris et d'annuler l'élection par le comité social et économique de M. [N], le 10 décembre 2020, en qualité de représentant de proximité au magasin de [Localité 28], alors :
« 1°/ que la saisine du tribunal judiciaire en contestation de la désignation d'un représentant de proximité ne peut se faire que par voie d'assignation ; qu'en l'espèce, en déclarant le tribunal judiciaire de Paris compétent et en statuant sur les demandes de la fédération CFTC en annulation de la désignation de M. [N], quand il ressortait de ses propres constatations que la fédération CFTC avait saisi le tribunal judiciaire de Paris par requête et non par assignation comme elle aurait dû le faire, le tribunal judiciaire a violé l'article 750 du code de procédure civile ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, le CSE Codirep faisait valoir que le tribunal judiciaire ne pouvait être saisi des demandes de la fédération CFTC en annulation de la désignation de M. [N] en qualité de représentant de proximité que par voie d'assignation et non par voie de requête, de sorte que les demandes de la fédération syndicale étaient irrecevables ; qu'en déclarant le tribunal judiciaire de Paris compétent et en statuant sur les demandes de la fédération syndicale, sans répondre à ce moyen opérant du CSE Codirep, le tribunal judiciaire a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la saisine du tribunal judiciaire en contestation de désignation d'un représentant de proximité ne peut se faire que selon la procédure avec représentation obligatoire ; qu'en l'espèce, le CSE Codirep faisait valoir que le tribunal judiciaire avait été irrégulièrement saisi puisque la fédération CFTC avait déposé sa requête sans être représentée par un avocat ; qu'en déclarant le tribunal judiciaire de Paris compétent et en statuant sur les demandes de la fédération syndicale, sans rechercher, comme il y était invité, si la fédération CFTC n'aurait pas dû être représentée par un avocat lors de saisine du tribunal, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard des articles 760 et 761 du code de procédure civile et R. 2113-15 et R. 211-3-16 du code de l'organisation judiciaire. »
Réponse de la Cour
8. L'article L. 2313-7 du code du travail dispose que l'accord d'entreprise défini à l'article L. 2313-2 peut mettre en place des représentants de proximité. L'accord définit également : 1° Le nombre de représentants de proximité ; 2° Les attributions des représentants de proximité, notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ; 3° Les modalités de leur désignation ; 4° Leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d'heures de délégation dont bénéficient les représentants de proximité pour l'exercice de leurs attributions. Les représentants de proximité sont membres du comité social et économique ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.
9. En application de l'article R. 2314-24 du code du travail, le tribunal judiciaire est saisi par requête des contestations portant sur l'électorat et la régularité des opérations électorales ainsi que sur la désignation de représentants syndicaux.
10. Aux termes de l'article R. 211-3-15, 1°, du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue du décret n° 2020-1214 du 2 octobre 2020, le tribunal judiciaire connaît des contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection des membres de la délégation du personnel aux comités sociaux et économiques d'entreprise, aux comités sociaux et économiques d'établissement et aux comités sociaux et économiques centraux d'entreprise.
11. Selon l'article R. 211-3-16 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2020-1214 du 2 octobre 2020, le tribunal judiciaire connaît des contestations relatives à la désignation des délégués syndicaux et des représentants syndicaux aux comités sociaux et économiques d'entreprise, aux comités sociaux et économiques d'établissement, aux comités sociaux et économiques centraux d'entreprise et aux comités de groupe.
12. En vertu de l'article 761, 2°, du code de procédure civile, les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement et notamment dans les matières énumérées par les articles R. 211-3-15 et R. 211-3-16 du code de l'organisation judiciaire.
13. Il résulte de l'application combinée de ces textes que la contestation des désignations de représentants de proximité, qui sont membres du comité social et économique ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus, doit être formée devant le tribunal judiciaire statuant sur requête, les parties étant dispensées de constituer avocat.
14. Dès lors le tribunal, devant lequel les parties n'étaient pas tenues d'être représentées, n'encourt pas la critique en ce que, ayant retenu sa compétence, il s'est prononcé sur la contestation relative à la désignation d'un représentant de proximité dont il avait été valablement saisi par requête.
15. Le moyen ne peut donc être accueilli.
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
16. Le comité social et économique et les salariés font le même grief au jugement, alors « que lorsque la désignation d'un représentant de proximité a lieu au cours d'une réunion du CSE qui s'est tenue par visioconférence, le recours à la visioconférence ne peut faire échec à la compétence du tribunal judiciaire qui aurait été territorialement compétent si l'élection avait eu lieu en présentiel ; qu'en l'espèce, en retenant que parce que l'élection qui avait eu lieu par visioconférence ne pouvait être rattachée physiquement à un lieu géographique, il y avait lieu de retenir la compétence du tribunal dont relevait le magasin de [Localité 28], soit le tribunal judiciaire de Paris, quand le tribunal compétent aurait été, si la réunion n'avait pas eu lieu en visioconférence, celui du lieu des élections, soit celui du siège du CSE qui relevait du tribunal judiciaire de Créteil, le tribunal judiciaire a violé les dispositions de l'article L. 2313-7 du code du travail. »
Réponse de la Cour
17. En application de l'article L. 2313-7, 3°, du code du travail, l'accord d'entreprise qui met en place des représentants de proximité définit les modalités de leur désignation.
18. Au regard de la finalité de l'institution des représentants de proximité, créée par l'article L. 2313-7 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 éclairée par les travaux parlementaires de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, lesquels représentants ont vocation à exercer leur mandat de représentation des salariés au niveau du périmètre du site sur lequel ils sont désignés par le comité social et économique selon des modalités définies par l'accord d'entreprise qui les met en place, il y a lieu de juger que les contestations relatives aux conditions de désignation des représentants de proximité sont de la compétence du tribunal judiciaire du lieu où la désignation est destinée à prendre effet, peu important les modalités de cette désignation.
19. Ayant constaté que le magasin de [Localité 28] était intéressé par la désignation de M. [N] en qualité de représentant de proximité sur ce site, le jugement en a déduit à bon droit que le tribunal judiciaire de Paris était compétent pour connaître de la contestation relative à la désignation de l'intéressé.
20. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
21. Le comité social et économique et les salariés font grief au jugement d'annuler l'élection par le comité social et économique de M. [N], le 10 décembre 2020, en qualité de représentant de proximité au magasin de [Localité 28], alors :
« 1°/ qu'en l'absence de disposition de l'accord collectif prévoyant que l'avis de la commission paritaire d'interprétation aura la valeur d'un avenant à l'accord, cet avis ne lie pas le juge, auquel il appartient de trancher le litige sans s'en remettre à l'avis de la commission ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que la commission d'interprétation de l'accord du 18 septembre 2018 portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac avait précisé que les sièges de représentants de proximité appartenaient aux organisations syndicales en fonction de leur audience électorale sur le site en question et que le comité social et économique devait désigner le candidat choisi par l'organisation syndicale, y compris en cas de remplacement d'un représentant de proximité, le tribunal judiciaire en a conclu que le poste de représentant de proximité vacant sur le site de [Localité 28] revenait donc à la CFTC, de sorte que l'élection de M. [N], dont la candidature n'avait pas été présentée par la CFTC, avait été effectuée en violation des délibérations de la commission d'interprétation ; qu'en statuant ainsi, quand il ne ressortait pas de ses constatations que les avis de la commission d'interprétation avaient valeur d'avenant, le tribunal judiciaire a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;
2°/ que l'article 2 de la section 3 du chapitre V de l'accord du 18 septembre 2018 portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac prévoit que "la liste de chaque candidat pour chaque site composant le CSE/CSER est présentée aux membres titulaires du CSE/CSER qui procèdent alors à un vote à la majorité des membres présents lors d'une réunion extraordinaire (à l'exception du président du CSE/CSER) afin de désigner les RP pour chaque site" ; qu'en retenant que les sièges de représentants de proximité appartiennent aux organisations syndicales en fonction de leur audience électorale sur le site en question et que le comité social et économique doit désigner le candidat choisi par l'organisation syndicale, y compris en cas de remplacement d'un représentant de proximité, le tribunal judiciaire a violé l'article 2 de la section 3 du chapitre V de l'accord du 18 septembre 2018. »
Réponse de la Cour
22. Si l'interprétation donnée par une commission paritaire conventionnelle du texte d'un accord collectif n'a pas de portée obligatoire pour le juge, ce dernier peut, après analyse du texte, faire sienne l'interprétation de la commission.
23. Aux termes de l'alinéa 1 de l'article 2 de la section 3 du chapitre 5 de l'accord d'entreprise du 18 septembre 2018, les représentants de proximité « sont désignés en fonction de la représentativité obtenue par chaque organisation syndicale sur le site. Ainsi pour les organisations syndicales ayant participé aux élections du CSE/CSER de l'entreprise/région, cette répartition se fait en fonction des suffrages valablement exprimés recueillis par chaque organisation syndicale sur le site, en appliquant la règle de la proportionnalité à la plus forte moyenne conformément aux dispositions légales régissant les élections professionnelles ». L'alinéa 5 du même texte dispose que « La liste de chaque candidat pour chaque site composant le CSE/CSER est présentée aux membres titulaires du CSE/CSER qui procèdent alors à un vote à la majorité des membres présents lors d'une réunion extraordinaire (à l'exception du président du CSE/CSER) afin de désigner les RP pour chaque site ».
24. Le tribunal, prenant en compte les avis des 19 avril et 31 octobre 2019 de la commission de suivi et d'interprétation de l'accord, sans leur conférer un effet obligatoire, a retenu à bon droit qu'en application de l'article 2 susvisé de l'accord, les représentants de proximité sont désignés en fonction de la représentativité obtenue par chaque organisation syndicale sur le site concerné et que la même règle s'applique en cas de remplacement d'un représentant de proximité, en sorte que, compte tenu du score électoral obtenu par le syndicat CFTC sur le site de [Localité 28] lors des dernières élections professionnelles, le candidat présenté par ce syndicat devait être désigné en remplacement du représentant de proximité ayant démissionné.
25. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour le comité sociale et économique Codirep, Mme [Y] et les quatorze autres salariés
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR constaté la compétence du tribunal judiciaire de Paris et d'AVOIR annulé l'élection de M. [N] par le CSE Codirep du 10 décembre 2020 au poste de représentant de proximité au magasin de [Localité 28] ;
AUX MOTIFS QUE conformément à l'article R. 211-3-15, le tribunal judiciaire connaît des contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection des membres de la délégation du personnel aux comités sociaux et économiques d'entreprise, aux comités sociaux et économiques d'établissement et aux comités sociaux et économiques centraux d'entreprise ; que si les RP ne sont pas directement élus par les salariés, ils sont désignés par le CSE, à l'instar des membres du CSE central ; que l'article 2 de l'accord portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac relatif aux modalités de désignation du RP, stipule : « Les RP sont désignés en fonction de la représentativité obtenue par chaque organisation syndicale sur le site. Ainsi pour les organisations syndicales ayant participé aux élections du CSE/CSER de l'entreprise/région, cette répartition se fait en fonction des suffrages valablement exprimés recueillis par chaque organisation syndicale sur le site, en appliquant la règle de la proportionnalité à la plus forte moyenne conformément aux dispositions légales régissant les élections professionnelle » ; que l'article 1 de cet accord, relatif aux attributions générales des représentants de proximité, stipule : « Les RP exercent les attributions suivantes : - présenter au représentant de l'employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l'application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l'entreprise ; - gérer les activités sociales et culturelles de leur site d'affectation par délégation du CSE/CSER qui les a désignés, dans l'hypothèse où le CSE/CSER transfère cette attribution » ; qu'ainsi, l'accord collectif d'entreprise prévoit que les RP exercent les missions des élus du CSE localement ; que compte tenu des modalités de désignations, similaires à celles des membres du CSE central, et des attributions des RP, proches de celles des élus du CSE, le tribunal judiciaire de Paris est matériellement compétent (« rationae materiae ») ; qu'en outre, l'élection qui a eu lieu par visioconférence ne peut être rattachée physiquement à un lieu géographique ; que la proclamation du résultat ayant eu lieu au magasin de [Localité 28], seul intéressé par cette élection, le tribunal judiciaire de Paris est géographiquement compétent (« rationae loci ») ;
1) ALORS QUE la saisine du tribunal judiciaire en contestation de la désignation d'un représentant de proximité ne peut se faire que par voie d'assignation ; qu'en l'espèce, en déclarant le tribunal judiciaire de Paris compétent et en statuant sur les demandes de la fédération CFTC en annulation de la désignation de M. [N], quand il ressortait de ses propres constatations que la fédération CFTC avait saisi le tribunal judiciaire de Paris par requête et non par assignation comme elle aurait dû le faire, le tribunal judiciaire a violé l'article 750 du code de procédure civile ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, le CSE Codirep faisait valoir que le tribunal judiciaire ne pouvait être saisi des demandes de la fédération CFTC en annulation de la désignation de M. [N] en qualité de représentant de proximité que par voie d'assignation et non par voie de requête, de sorte que les demandes de la fédération syndicale étaient irrecevables (conclusions pp. 6-7) ; qu'en déclarant le tribunal judiciaire de Paris compétent et en statuant sur les demandes de la fédération syndicale, sans répondre à ce moyen opérant du CSE Codirep, le tribunal judiciaire a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la saisine du tribunal judiciaire en contestation de désignation d'un représentant de proximité ne peut se faire que selon la procédure avec représentation obligatoire ; qu'en l'espèce, le CSE Codirep faisait valoir que le tribunal judiciaire avait été irrégulièrement saisi puisque la fédération CFTC avait déposé sa requête sans être représentée par un avocat (conclusions p. 7) ; qu'en déclarant le tribunal judiciaire de Paris compétent et en statuant sur les demandes de la fédération syndicale, sans rechercher, comme il y était invité, si la fédération CFTC n'aurait pas dû être représentée par un avocat lors de saisine du tribunal, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard des articles 760 et 761 du code de procédure civile et R. 2113-15 et R. 211-3-16 du code de l'organisation judiciaire.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR constaté la compétence du tribunal judiciaire de Paris et d'AVOIR annulé l'élection de M. [N] par le CSE Codirep du 10 décembre 2020 au poste de représentant de proximité au magasin de [Localité 28] ;
AUX MOTIFS QUE conformément à l'article R. 211-3-15, le tribunal judiciaire connaît des contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection des membres de la délégation du personnel aux comités sociaux et économiques d'entreprise, aux comités sociaux et économiques d'établissement et aux comités sociaux et économiques centraux d'entreprise ; que si les RP ne sont pas directement élus par les salariés, ils sont désignés par le CSE, à l'instar des membres du CSE central ; que l'article 2 de l'accord portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac relatif aux modalités de désignation du RP, stipule : « Les RP sont désignés en fonction de la représentativité obtenue par chaque organisation syndicale sur le site. Ainsi pour les organisations syndicales ayant participé aux élections du CSE/CSER de l'entreprise/région, cette répartition se fait en fonction des suffrages valablement exprimés recueillis par chaque organisation syndicale sur le site, en appliquant la règle de la proportionnalité à la plus forte moyenne conformément aux dispositions légales régissant les élections professionnelle » ; que l'article 1 de cet accord, relatif aux attributions générales des représentants de proximité, stipule : « Les RP exercent les attributions suivantes : - présenter au représentant de l'employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l'application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l'entreprise ; - gérer les activités sociales et culturelles de leur site d'affectation par délégation du CSE/CSER qui les a désignés, dans l'hypothèse où le CSE/CSER transfère cette attribution » ; qu'ainsi, l'accord collectif d'entreprise prévoit que les RP exercent les missions des élus du CSE localement ; que compte tenu des modalités de désignations, similaires à celles des membres du CSE central, et des attributions des RP, proches de celles des élus du CSE, le tribunal judiciaire de Paris est matériellement compétent (« rationae materiae ») ; qu'en outre, l'élection qui a eu lieu par visioconférence ne peut être rattachée physiquement à un lieu géographique ; que la proclamation du résultat ayant eu lieu au magasin de [Localité 28], seul intéressé par cette élection, le tribunal judiciaire de Paris est géographiquement compétent (« rationae loci ») ;
1) ALORS QU'il est fait interdiction au juge de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, en affirmant que la proclamation des résultats avait eu lieu à [Localité 28] quand il ressortait du procès-verbal de la réunion du CSE du 10 décembre 2020 que la proclamation des résultats avait eu lieu lors de cette réunion qui s'était tenue par visioconférence, le tribunal judiciaire a dénaturé ce procès-verbal en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE lorsque la désignation d'un représentant de proximité a lieu au cours d'une réunion du CSE qui s'est tenue par visioconférence, le recours à la visioconférence ne peut faire échec à la compétence du tribunal judiciaire qui aurait été territorialement compétent si l'élection avait eu lieu en présentiel ; qu'en l'espèce, en retenant que parce que l'élection qui avait eu lieu par visioconférence ne pouvait être rattachée physiquement à un lieu géographique, il y avait lieu de retenir la compétence du tribunal dont relevait le magasin de [Localité 28], soit le tribunal judiciaire de Paris, quand le tribunal compétent aurait été, si la réunion n'avait pas eu lieu en visioconférence, celui du lieu des élections, soit celui du siège du CSE qui relevait du tribunal judiciaire de Créteil, le tribunal judiciaire a violé les dispositions de l'article L. 2313-7 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé l'élection de M. [N] par le CSE Codirep du 10 décembre 2020 au poste de représentant de proximité au magasin de [Localité 28] ;
AUX MOTIFS QUE l'accord d'entreprise défini à l'article L. 2313-2 du code du travail, permet de mettre en place des représentants de proximité ; que l'article L. 2313-7 prévoit que l'accord définit également : - le nombre de représentants de proximité, - les attributions des représentants de proximité, notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, - les modalités de leur désignation, - leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d'heures de délégation dont bénéficient les représentants de proximité pour l'exercice de leurs attributions ; que l'article 2 de l'accord du 18 septembre 2018, portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac, relatif aux modalités de désignation du RP, stipule : « Les RP sont désignés en fonction de la représentativité obtenue par chaque organisation syndicale sur le site. Ainsi pour les organisations syndicales ayant participé aux élections du CSE/CSER de l'entreprise/région, cette répartition se fait en fonction des suffrages valablement exprimés recueillis par chaque organisation syndicale sur le site, en appliquant la règle de la proportionnalité à la plus forte moyenne conformément aux dispositions légales régissant les élections professionnelles » ; que conformément à l'article L. 2313-7 du code du travail, le RP est désigné pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus de la délégation du personnel au CSE ; que la délibération du 31 octobre 2019, de la commission d'interprétation de l'accord a décidé : « Les sièges de RP appartiennent aux organisations syndicales en fonction de leur audience électorale sur le site. Le RP qui change ou qui n'a plus d'affiliation syndicale perd son mandat, l'organisation syndicale à qui appartient le siège présentant un nouveau candidat au CSE issu du site, au cours d'une prochaine réunion ordinaire du CSE. Cette instance doit alors acter que le RP remplacé perd son mandat et désigner son remplaçant dans les conditions prévues par l'accord » (procès-verbal de la commission de suivi de l'accord portant sur la représentation du personnel, du 31 octobre 2019) ; que dans une délibération du 9 avril 2019, elle avait décidé : « Au terme d'un mandat de RP, par la démission, le décès, la rupture du contrat de travail ou perte des conditions requises pour être éligible, une nouvelle désignation est faite dans les 2 mois : Au terme d'un mandat de RP, le siège reste réservé à l'organisation syndicale qui avait le siège de RP vacant (par ex., un RP du syndicat A quitte la société, la priorité sera donnée au syndicat A pour reprendre le siège). Application stricte des dispositions de l'accord en termes de délai pour la désignation, à savoir une désignation dans un délai de 2 mois » (procès-verbal de la commission de suivi du 9 avril 2019) ; qu'ainsi, la commission d'interprétation de cet accord a précisé que les sièges de représentants de proximité appartiennent aux organisations syndicales en fonction de leur audience électorale sur le site en question et que le CSE doit désigner le candidat choisi par l'organisation syndicale ; que la commission a également précisé que ce principe vaut en cas de remplacement d'un représentant de proximité ; que le magasin de [Localité 28] bénéficie de 4 sièges de représentants de proximité (3 employés et 1 cadre), tous attribués à la CFTC par le CSE de FNAC Codirep du 22 mars 2019, compte tenu des résultats obtenus lors des élections de février 2019 ; qu'un des RP CFTC, M. [T] [OD], a démissionné de son mandat ; que son remplacement a été porté à l'ordre du jour des réunions du CSE de Codirep, des 25 septembre et 16 octobre 2020, puis à celui de la réunion du 10 décembre 2020 ; que le candidat élu, M. [N], n'était pas présenté par la CFTC ; que pourtant, tant l'article 2 de l'accord du 18 septembre 2018, que les délibérations de la commission d'interprétation, soulignent que les sièges de RP appartiennent aux organisations syndicales en fonction de leur audience électorale sur le site ; qu'il n'est pas contesté que la CFTC bénéficie de 4 sièges de représentants de proximité, tous attribués, en raison des résultats obtenus lors des dernières élections de février 2019 du CSE de Fnac Codirep ; que le CSE désigne le RP, mais ne peut y procéder que parmi les candidats présentés par une organisation syndicale, dont la représentativité sur le site est avérée ; qu'en l'espèce, le poste de RP vacant sur le site de [Localité 28] revenait à la CFTC ; que l'élection de M. [N], dont la candidature n'a pas été présentée par ce syndicat, a été effectuée en violation de l'article 2 de l'accord du 18 septembre 2018, et des délibérations de la commission d'interprétation des règles fixées par l'accord sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac ; que pour ces raisons, l'élection de M. [N] par le CSE Codirep du 10 décembre 2020, au poste de RP au magasin de [Localité 28], est annulée ;
1) ALORS QU'en l'absence de disposition de l'accord collectif prévoyant que l'avis de la commission paritaire d'interprétation aura la valeur d'un avenant à l'accord, cet avis ne lie pas le juge, auquel il appartient de trancher le litige sans s'en remettre à l'avis de la commission ; qu'en l'espèce, après avoir retenu que la commission d'interprétation de l'accord du 18 septembre 2018 portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac avait précisé que les sièges de représentants de proximité appartenaient aux organisations syndicales en fonction de leur audience électorale sur le site en question et que le comité sociale et économique devait désigner le candidat choisi par l'organisation syndicale, y compris en cas de remplacement d'un représentant de proximité, le tribunal judiciaire en a conclu que le poste de représentant de proximité vacant sur le site de [Localité 28] revenait donc à la CFTC, de sorte que l'élection de M. [N], dont la candidature n'avait pas été présentée par la CFTC, avait été effectuée en violation des délibérations de la commission d'interprétation ; qu'en statuant ainsi, quand il ne ressortait pas de ses constatations que les avis de la commission d'interprétation avaient valeur d'avenant, le tribunal judiciaire a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;
2) ALORS QUE l'article 2 de la section 3 du chapitre V de l'accord du 18 septembre 2018 portant sur la représentation du personnel au sein de l'enseigne Fnac prévoit que « la liste de chaque candidat pour chaque site composant le CSE/CSER est présentée aux membres titulaires du CSE/CSER qui procèdent alors à un vote à la majorité des membres présents lors d'une réunion extraordinaire (à l'exception du président du CSE/CSER) afin de désigner les RP pour chaque site » ; qu'en retenant que les sièges de représentants de proximité appartiennent aux organisations syndicales en fonction de leur audience électorale sur le site en question et que le comité social et économique doit désigner le candidat choisi par l'organisation syndicale, y compris en cas de remplacement d'un représentant de proximité, le tribunal judiciaire a violé l'article 2 de la section 3 du chapitre V de l'accord du 18 septembre 2018 ;
3) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que le fait que l'accord permette à tout salarié même non affilié à une organisation syndicale de se porter candidat pour un mandat de représentant de proximité démontrait que les sièges de représentants de proximité ne pouvaient appartenir uniquement aux organisations syndicales en fonction des suffrages qu'elles avaient obtenus aux dernières élections (conclusions pp. 10-11) ; qu'en jugeant le contraire sans répondre à ce moyen pourtant opérant, le tribunal judiciaire a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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CASS/JURITEXT000047096656.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. SOMMER, président
Arrêt n° 237 FS-B
Pourvoi n° X 21-10.546
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023
L'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-10.546 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à M. [D] [P], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020), rendu après cassation (Soc., 26 juin 2019, pourvoi n° 17-31.111), M. [P], instituteur agréé depuis le 1er septembre 1998 exerçant dans un institut médico-éducatif, établissement d'enseignement privé géré par l'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés (l'association), elle-même liée à l'Etat par un contrat simple, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2012.
2. Le 12 novembre 2012, il a saisi la juridiction prud'homale pour solliciter le paiement d'une indemnité de départ à la retraite.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [P] une certaine somme à titre d'indemnité de départ à la retraite, alors « que le maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite après le 31 décembre 2010, ne peut pas prétendre à une indemnité de départ à la retraite versée par son employeur, au titre des fonctions pour lesquelles il était rémunéré par l'Etat ; qu'en jugeant que M. [P], maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite le 1er septembre 2012, était en droit de réclamer à l'association l'indemnité de départ à la retraite prévue par la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 914-1 et R. 914-96 du code de l'éducation, ensemble les articles 3 et 4 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'employeur invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine de son précédent arrêt, alors que la juridiction de renvoi s'y est conformée.
5. Cependant, la cassation partielle a été prononcée le 26 juin 2019, au seul visa des articles 4 et 5 du code de procédure civile, pour méconnaissance des termes du litige.
6. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 3, I et IV, et 4 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat et l'article L. 914-1, alinéa 1, du code de l'éducation :
7. Aux termes de l'article 3, I et IV, de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005,
I. - il est institué un régime public de retraite additionnel obligatoire ouvert :
1° Aux personnels enseignants et de documentation mentionnés aux articles L. 914-1 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime ;
2° A leurs conjoints survivants ainsi qu'à leurs orphelins.
Ce régime, par répartition provisionnée, est destiné à permettre l'acquisition de droits additionnels à la retraite.
IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux enseignants admis à la retraite ou au bénéfice d'un avantage temporaire de retraite servi par l'Etat postérieurement au 31 août 2005.
8. Aux termes de l'article L. 914-1, alinéa 1, du code de l'éducation, les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de qualification, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. Ces maîtres bénéficient également des mesures de promotion et d'avancement prises en faveur des maîtres de l'enseignement public.
9. Aux termes de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2005 précitée, les modalités selon lesquelles les personnels enseignants et de documentation mentionnés aux articles L. 914-1 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime, admis à la retraite ou au bénéfice d'un avantage temporaire de retraite servi par l'Etat, perçoivent, à titre transitoire, de manière dégressive à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, une indemnité de départ à la retraite, sont déterminées par voie de conventions. Ces conventions seront étendues par arrêté des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'agriculture à l'ensemble des partenaires sociaux compris dans leur champ d'application.
10. Le principe d'assimilation et d'équivalence de la rémunération des maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple avec celle des instituteurs de l'enseignement public concerne les traitements, avantages et indemnités attribués par l'Etat.
11. Il en résulte que les maîtres agréés exerçant dans un établissement d'enseignement privé lié à l'Etat par contrat simple, bénéficiaires de la retraite additionnelle de la fonction publique instaurée par l'article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 précitée, ne sont pas en droit de percevoir également l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article 32 de la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965.
12. Pour accueillir la demande du salarié, l'arrêt retient qu'un maître agréé, exerçant dans un établissement d'enseignement privé lié à l'Etat par contrat simple, peut se prévaloir des dispositions d'une convention collective prévoyant le bénéfice d'une indemnité de départ à la retraite pour les salariés.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation emporte cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif condamnant l'association aux dépens et à payer à M. [P] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Arteai à payer à M. [P] la somme de 7 876 euros, dit que cette condamnation est productive d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil, condamne l'association Arteai aux dépens et la condamne à payer à M. [P] une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. [P] de sa demande d'indemnité de départ à la retraite ;
Condamne M. [P] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, en ce compris celles formées devant la cour d'appel ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés
L'association Arteai fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement l'ayant condamnée à payer à M. [P] la somme de 7 876 euros à titre d'indemnité de départ à la retraite et d'AVOIR y ajoutant dit que la condamnation de l'association Arteai à payer à M. [P] la somme de 7 876 euros était productive d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
1°) ALORS QUE le maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite après le 31 décembre 2010, ne peut pas prétendre à une indemnité de départ à la retraite versée par son employeur, au titre des fonctions pour lesquelles il était rémunéré par l'Etat ; qu'en jugeant que M. [P], maître agréé exerçant dans un établissement privé lié à l'Etat par un contrat simple, parti à la retraite le 1er septembre 2012, était en droit de réclamer à l'association Arteai l'indemnité de départ à la retraite prévue par la convention collective nationale des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du 26 août 1965, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 914-1 et R. 914-96 du code de l'éducation, ensemble les articles 3 et 4 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 ;
2°) ALORS QUE l'article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 énonce que ses dispositions sont applicables aux enseignants admis à la retraite postérieurement au 31 août 2005 ; qu'en jugeant, par motifs éventuellement adoptés, que la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 était entrée en vigueur le 1er septembre 2005 et que le législateur n'avait expressément édicté ni sa rétroactivité aux enseignants antérieurement à cette date, ni son application immédiate et automatique aux contrats en cours, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 et l'article 2 du code civil.
Sur l'étendue du principe d'assimilation et d'équivalence de la rémunération des maîtres agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple avec celle des instituteurs de l'enseignement public, à rapprocher : Soc., 28 septembre 2011, pourvoi n° 10-21.931, Bull. 2011, V, n° 204 (cassation partielle), et les arrêts cités.
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CASS/JURITEXT000047096654.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
M. SOMMER, président
Arrêt n° 101 FS-B+R
Pourvoi n° S 21-15.371
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER FÉVRIER 2023
Le syndicat des pilotes d'Air France, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-15.371 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ au syndicat CFDT Groupe Air France, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ au syndicat indépendant des cadres, agents de maîtrise et techniciens du groupe Air France Klm, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ au syndicat UNSA aérien Air France, dont le siège est [Adresse 4],
5°/ au syndicat général Force ouvrière Air France, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller doyen, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat du syndicat des pilotes d'Air France, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Air France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du syndicat indépendant des cadres, agents de maîtrise et techniciens du groupe Air France KLM, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Huglo, conseiller doyen rapporteur, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, conseillers, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2021), le 22 juin 2018, la société Air France (la société) a signé avec le syndicat CFDT Groupe Air France, le syndicat indépendant des cadres, agents de maîtrise et techniciens du groupe Air France, le syndicat UNSA aérien Air France et le syndicat général Force ouvrière Air France, organisations syndicales ayant obtenu 74,41 % des suffrages lors des dernières élections professionnelles, un accord d'entreprise intitulé « accord relatif à la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement et du comité social économique central d'entreprise au sein de l'entreprise Air France - périmètres des établissements distincts et méthode ». Cet accord prévoit, comme précédemment, la division de l'entreprise en sept établissements dont un établissement regroupant, sous la dénomination « Exploitation aérienne », la direction générale des opérations aériennes, laquelle assure la gestion des pilotes, et la direction générale service en vol, compétente pour la gestion des personnels navigants commerciaux et des personnels commerciaux sédentaires.
2. Le 2 août 2018, le syndicat des pilotes d'Air France (le SPAF) a assigné la société et les syndicats signataires devant le tribunal de grande instance, aux fins de demander l'annulation de l'accord d'entreprise du 22 juin 2018, ainsi que la mise en place d'un établissement distinct et d'un comité social et économique propres aux pilotes de ligne en application des articles L. 2313-2 et suivants du code du travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le SPAF fait grief à l'arrêt de le débouter de ces demandes, alors :
« 1°/ que les règles qui régissent la détermination des établissements distincts sont d'ordre public ; que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux ont l'obligation de tenir compte des différentes attributions de ces comités, et notamment des deux missions de la délégation du personnel consistant, pour la première, à présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives des salariés, et, pour la seconde, à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de ces missions ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts relevaient « de la seule liberté des partenaires sociaux », la cour d'appel a violé l'article 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble l'article L. 2312-5 du même code ;
2°/ que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives à l'application des conventions et accords applicables dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir qu'au regard du nombre important d'accords d'entreprise ne concernant que les pilotes, qu'il listait et détaillait et de la technicité de ceux-ci, il était indispensable que les pilotes disposent de leur propre comité social et économique afin que la bonne application de ces accords soit examinée par un comité compétent ; qu'il précisait que les personnels navigants commerciaux, majoritaires dans le CSE de l'établissement "Exploitation aérienne" n'étaient pas compétents pour apprécier les problématiques propres au pilotes et que, depuis la mise en place de ce CSE, dont le président et le secrétaire étaient des personnels navigants commerciaux, et malgré les demandes répétées du SPAF, aucune question spécifique au métier de pilote n'avait été portée à l'ordre du jour des réunions du CSE ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever que les délégués des pilotes disposaient de 20 sièges sur 58 au CSE de l'établissement "Exploitation aérienne", soit une représentativité de 34 % et qu'il n'y avait pas lieu de distinguer entre pilotes, commerciaux aux sols et personnel navigant non pilotes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait que les délégués des pilotes n'aient qu'un vote minoritaire au CSE ne les empêchait pas d'accomplir correctement leur mission consistant à présenter à l'employeur les réclamations relatives à l'application des accords d'entreprise ne concernant que les pilotes, dont la technicité faisait que leur bonne application ne pouvait être utilement appréciée que par des délégués pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble l'article L. 2312-5 du même code ;
3°/ que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir que les missions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) "pilotes" étaient celles qui lui étaient exclusivement déléguées par le CSE, que l'ordre du jour de la CSSCT "pilotes" était défini unilatéralement par son président, qui était un représentant de la direction, que la CSSCT "pilotes" ne pouvait se substituer au CSE lui-même pour voter à la place de celui-ci sur les questions concernant la santé, les conditions de travail et la sécurité des pilotes, que les propositions de la CSSCT "pilotes" devaient, pour faire l'objet d'un vote, être portées à l'ordre du jour des réunions du CSE composé majoritairement de non-pilotes et que les décisions et avis du CSE sur ces questions étaient subordonnés aux votes de non-pilotes ; qu'il précisait qu'aucune des nombreuses propositions de la CSSCT "pilotes" n'avait été mise à l'ordre du jour du CSE de l'établissement "Exploitation aérienne", et que les membres de la CSSCT peinaient à faire figurer à l'ordre du jour de la commission, qui était imposé par le président de cette dernière, certains sujets importants pour les pilotes ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever qu'il existait une CSSCT pour les pilotes sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fonctionnement de cette CSSCT permettait réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, de promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail des pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5 et L. 2312-9 du même code ;
4°/ que le SPAF faisait valoir qu'en application de l'accord du 12 novembre 2018, les représentants de proximité "pilotes" n'avaient, en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail, qu'un rôle de remontée de propositions à la CSSCT, qu'ils ne pouvaient voter aucune délibération en la matière, que l'ordre du jour de la commission était établi par la direction et que les inspections étaient subordonnées au vote majoritaire de non-pilotes au CSE ; qu'il soutenait également qu'en matière de présentation des réclamations individuelles ou collective, les missions des représentants de proximité "pilotes" étaient exclusivement celles qui leur étaient déléguées par la CSE où les pilotes étaient minoritaires et qu'à défaut de délégation, seul le CSE statuait sur les réclamations à présenter à l'employeur ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever qu'il avait été mis en place pour le CSE de l'établissement "Exploitation aérienne" une délégation d'une centaine de représentants de proximité, dont 28 pour les seuls pilotes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fonctionnement concret de cette représentation de proximité permettait réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, d'assurer les missions du CSE en matière de santé, de sécurité et d'amélioration des conditions de travail des pilotes et en matière de présentation à l'employeur des réclamations des pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5 et L. 2312-9 du même code ;
5°/ que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à exercer le droit d'alerte en situation de danger grave et imminent, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir que l'appréciation des mesures correctives à un danger grave et imminent signalé par un élu pilote au CSE était, en cas de divergence entre le lanceur d'alerte et l'employeur, laissé à l'appréciation d'un vote majoritaire de non-pilotes, qui ne pourraient statuer en connaissance de cause sur les problèmes techniques propres aux pilotes ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever que les élus du CSE disposaient tous de la faculté d'actionner un droit d'alerte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les modalités de l'exercice de ce droit permettaient réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, de faire un usage effectif de leur droit d'alerte en cas de danger grave et imminent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5, L. 2312-60 et L. 4132-2 du même code ;
6°/ qu'en toute hypothèse, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissements, les partenaires sociaux doivent tenir compte de l'existence ou non d'un chef d'établissement doté d'une autonomie de gestion ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que les pilotes ne constituaient pas une entité économique distincte et autonome au sein de la société Air France dès lors qu'ils étaient "rattachés à une direction opérationnelle" et qu'ils ne dépendaient pas d'un établissement propre pour lequel un chef d'établissement était en place sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'autonomie du directeur général des opérations aériennes (DG.OA), sous la direction duquel travaillent tous les pilotes, en matière de gestion du personnel, de négociation des accords et de budget, ne permettait pas de faire regarder l'ensemble des pilotes comme un établissement distinct, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail ;
7°/ que le juge judiciaire est compétent pour connaître directement de la contestation de la validité de l'accord par lequel les partenaires sociaux déterminent le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que le pouvoir de contrôle sur le nombre et le périmètre des établissements distincts était exercé d'abord par l'autorité administrative puis en cas de contestation par le juge judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. En vertu de l'article L. 2313-2 du code du travail, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts. L'article L. 2313-3 prévoit également qu'en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées à l'article L. 2313-2 et en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts.
5. Aux termes de l'article L. 2313-4 du même code, en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel.
6. Aux termes de l'article 5 de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, intitulé « Information et consultation découlant d'un accord », les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux au niveau approprié, y compris au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, le soin de définir librement et à tout moment par voie d'accord négocié les modalités d'information et de consultation des travailleurs. Ces accords, et les accords existant à la date figurant à l'article 11, ainsi que les éventuelles prorogations ultérieures de ces accords, peuvent prévoir, dans le respect des principes énoncés à l'article 1 et dans des conditions et limites fixées par les États membres, des dispositions différentes de celles visées à l'article 4.
7. L'article 4.4 de la directive précise que la consultation s'effectue au niveau pertinent de direction et de représentation, en fonction du sujet traité.
8. Le considérant 23 de la directive indique à cet égard que l'objectif de la présente directive sera atteint en établissant un cadre général reprenant les principes, les définitions et les modalités en matière d'information et de consultation, que les États membres devront respecter et adapter à leurs réalités nationales, en assurant, le cas échéant, aux partenaires sociaux un rôle prépondérant en leur permettant de définir librement, par voie d'accord, les modalités d'information et de consultation des travailleurs qu'ils jugent les plus conformes à leurs besoins et à leurs souhaits.
9. Il en résulte que les signataires d'un accord conclu selon les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3 du code du travail déterminent librement les critères permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts au sein de l'entreprise, à la condition toutefois, eu égard au principe de participation consacré par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qu'ils soient de nature à permettre la représentation de l'ensemble des salariés.
10. Ayant d'abord exactement énoncé que les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements relèvent de la seule liberté des partenaires sociaux, la cour d'appel n'encourt pas le grief invoqué par la première branche.
11. Ayant ensuite constaté que la représentation des pilotes au sein du comité social et économique « Exploitation aérienne » est assurée, d'une part, par l'élection de délégués dans un collège propre constitué de 20 sièges sur les sièges de titulaires soit une représentativité de 34 % alors même qu'ils ne constituent que 22 % des effectifs de l'exploitation aérienne et, d'autre part, par l'existence dans ce comité d'une commission « santé, sécurité et conditions de travail » pour chaque catégorie de personnel dont les pilotes, et rappelé que chaque représentant du personnel au sein du comité social et économique dispose de la faculté d'exercer un droit d'alerte, la cour d'appel, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la septième branche, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat des pilotes d'Air France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour le syndicat des pilotes d'Air France
IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le SPAF de ses demandes tendant à ce que la cour d'appel dise nul l'accord du 22 juin 2018 relatif à la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement et du comité social et économique central d'entreprise au sein de l'entreprise Air France et dise qu'au sein de cette entreprise, devra être mis en place, en application des articles L. 2313-2 et suivants du code du travail, un établissement propre aux pilotes et un comité social et économique d'établissement propre aux pilotes ;
1°) ALORS QUE les règles qui régissent la détermination des établissements distincts sont d'ordre public ; que, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux ont l'obligation de tenir compte des différentes attributions de ces comités, et notamment des deux missions de la délégation du personnel consistant, pour la première, à présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives des salariés, et, pour la seconde, à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de ces missions ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts relevaient « de la seule liberté des partenaires sociaux », la cour d'appel a violé l'article 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble l'article L. 2312-5 du même code ;
2°) ALORS QUE, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives à l'application des conventions et accords applicables dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir qu'au regard du nombre important d'accords d'entreprise ne concernant que les pilotes, qu'il listait et détaillait (conclusions, p. 23-62) et de la technicité de ceux-ci, il était indispensable que les pilotes disposent de leur propre comité social et économique afin que la bonne application de ces accords soit examinée par un comité compétent ; qu'il précisait que les personnels navigants commerciaux, majoritaires dans le CSE de l'établissement « Exploitation aérienne » n'étaient pas compétents pour apprécier les problématiques propres au pilotes (conclusions, p. 62-63) et que, depuis la mise en place de ce CSE, dont le président et le secrétaire étaient des personnels navigants commerciaux, et malgré les demandes répétées du SPAF, aucune question spécifique au métier de pilote n'avait été portée à l'ordre du jour des réunions du CSE (conclusions, p. 64-73) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever que les délégués des pilotes disposaient de 20 sièges sur 58 au CSE de l'établissement « Exploitation aérienne », soit une représentativité de 34 % et qu'il n'y avait pas lieu de distinguer entre pilotes, commerciaux aux sols et personnel navigant non pilotes, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 15-17, p. 75, p. 82-83 ; p. 85), si le fait que les délégués des pilotes n'aient qu'un vote minoritaire au CSE ne les empêchait pas d'accomplir correctement leur mission consistant à présenter à l'employeur les réclamations relatives à l'application des accords d'entreprise ne concernant que les pilotes, dont la technicité faisait que leur bonne application ne pouvait être utilement appréciée que par des délégués pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble l'article L. 2312-5 du même code ;
3°) ALORS QUE pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir que les missions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) « pilotes » étaient celles qui lui étaient exclusivement déléguées par le CSE, que l'ordre du jour de la CSSCT « pilotes » était défini unilatéralement par son président, qui était un représentant de la direction, que la CSSCT « pilotes » ne pouvait se substituer au CSE lui-même pour voter à la place de celui-ci sur les questions concernant la santé, les conditions de travail et la sécurité des pilotes, que les propositions de la CSSCT « pilotes » devaient, pour faire l'objet d'un vote, être portées à l'ordre du jour des réunions du CSE composé majoritairement de non-pilotes et que les décisions et avis du CSE sur ces questions étaient subordonnés aux votes de non-pilotes (conclusions, p. 86) ; qu'il précisait qu'aucune des nombreuses propositions de la CSSCT « pilotes » n'avait été mise à l'ordre du jour du CSE de l'établissement « Exploitation aérienne » (conclusions, p. 86-87), et que les membres de la CSSCT peinaient à faire figurer à l'ordre du jour de la commission, qui était imposé par le président de cette dernière, certains sujets importants pour les pilotes (conclusions, p. 88-89) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever qu'il existait une CSSCT pour les pilotes sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fonctionnement de cette CSSCT permettait réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, de promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail des pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5 et L. 2312-9 du même code ;
4°) ALORS QUE le SPAF faisait valoir qu'en application de l'accord du 12 novembre 2018, les représentants de proximité « pilotes » n'avaient, en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail, qu'un rôle de remontée de propositions à la CSSCT, qu'ils ne pouvaient voter aucune délibération en la matière, que l'ordre du jour de la commission était établi par la direction et que les inspections étaient subordonnées au vote majoritaire de non-pilotes au CSE (conclusions, p. 89-90) ; qu'il soutenait également qu'en matière de présentation des réclamations individuelles ou collective, les missions des représentants de proximité « pilotes » étaient exclusivement celles qui leur étaient déléguées par la CSE où les pilotes étaient minoritaires et qu'à défaut de délégation, seul le CSE statuait sur les réclamations à présenter à l'employeur (conclusions, p. 91) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever qu'il avait été mis en place pour le CSE de l'établissement « Exploitation aérienne » une délégation d'une centaine de représentants de proximité, dont 28 pour les seuls pilotes, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fonctionnement concret de cette représentation de proximité permettait réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, d'assurer les missions du CSE en matière de santé, de sécurité et d'amélioration des conditions de travail des pilotes et en matière de présentation à l'employeur des réclamations des pilotes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5 et L. 2312-9 du même code ;
5°) ALORS QUE pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement, les partenaires sociaux doivent tenir compte de la mission de la délégation du personnel consistant à exercer le droit d'alerte en situation de danger grave et imminent, afin de favoriser l'exercice efficace de cette mission ; que le SPAF faisait valoir que l'appréciation des mesures correctives à un danger grave et imminent signalé par un élu pilote au CSE était, en cas de divergence entre le lanceur d'alerte et l'employeur, laissé à l'appréciation d'un vote majoritaire de non-pilotes, qui ne pourraient statuer en connaissance de cause sur les problèmes techniques propres aux pilotes (conclusions, p. 91-92) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande du SPAF, à relever que les élus du CSE disposaient tous de la faculté d'actionner un droit d'alerte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les modalités de l'exercice de ce droit permettaient réellement aux délégués des pilotes, eu égard au pouvoir du CSE composé majoritairement de non-pilotes, de faire un usage effectif de leur droit d'alerte en cas de danger grave et imminent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail, ensemble les articles L. 2312-5, L. 2312-60 et L. 4132-2 du même code ;
6°) ALORS QU'en toute hypothèse, pour déterminer, par accord d'entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissements, les partenaires sociaux doivent tenir compte de l'existence ou non d'un chef d'établissement doté d'une autonomie de gestion ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que les pilotes ne constituaient pas une entité économique distincte et autonome au sein de la société Air France dès lors qu'ils étaient « rattachés à une direction opérationnelle » et qu'ils ne dépendaient pas d'un établissement propre pour lequel un chef d'établissement était en place sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 79-82), si l'autonomie du directeur général des opérations aériennes (DG.OA), sous la direction duquel travaillent tous les pilotes, en matière de gestion du personnel, de négociation des accords et de budget, ne permettait pas de faire regarder l'ensemble des pilotes comme un établissement distinct, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2313-2 du code du travail ;
7°) ALORS QUE le juge judiciaire est compétent pour connaître directement de la contestation de la validité de l'accord par lequel les partenaires sociaux déterminent le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la constitution des CSE d'établissement ; qu'en considérant, pour rejeter la demande du SPAF, que le pouvoir de contrôle sur le nombre et le périmètre des établissements distincts était exercé d'abord par l'autorité administrative puis en cas de contestation par le juge judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail.
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CASS/JURITEXT000047128363.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
M. SOMMER, président
Arrêt n° 133 FS-B
Pourvoi n° H 20-23.661
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
1°/ La société Groupe Média plus communication, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société Groupe des éditions municipales de France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ la société Infocom-édition, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° H 20-23.661 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige les opposant à Mme [I] [T], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Groupe Média plus communication, de la société Groupe des éditions municipales de France, de la société Infocom-édition, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [T], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 octobre 2020), Mme [T] a été engagée, en qualité de voyageur représentant placier (VRP) multicartes, le 1er juin 2017, par la société Infocom-édition, le 17 juillet 2017 par la société Groupe des éditions municipales de France, le 30 octobre 2017 par la société Groupe Média plus communication.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 19 juin 2018, d'une demande de résiliation judiciaire de ses contrats de travail et de condamnation solidaire de ses employeurs à lui verser un rappel de ressource minimale forfaitaire ainsi que diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.
3. Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail à l'égard de chacun de ses employeurs le 19 octobre 2018.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Les employeurs font grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les condamner solidairement à verser à la salariée certaines sommes à titre de ressource minimale forfaitaire outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, alors :
« 1°/ que la garantie de ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 suppose que le salarié, embauché comme VRP, soit tenu à l'égard de son unique employeur ou de ses coemployeurs à une obligation d'exclusivité ; que l'obligation d'exclusivité à la charge des VRP à l'égard de leur employeur s'apprécie exclusivement au regard des stipulations contractuelles ; qu'en retenant néanmoins que Mme [T] était bien fondée à se prévaloir de la garantie de ressource minimale forfaitaire, motif pris de ce que l'activité de cette dernière était exclusivement dédiée aux sociétés GMPC, GEMF et IFE, peu important l'absence de clause contractuelle d'exclusivité, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;
2°/ qu'à supposer que l'obligation d'exclusivité ne s'apprécie pas exclusivement au regard des stipulations contractuelles, elle ne peut alors se déduire que de contraintes imposées au VRP par l'employeur ou les coemployeurs faisant obstacle à l'exercice par l'intéressé de son activité au profit d'autres employeurs ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de Mme [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les contraintes auxquelles aurait été soumise Mme [T] et l'empêchant de solliciter d'autres employeurs, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;
3°/ qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de Mme [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, sans répondre au moyen de nature à écarter toute obligation d'exclusivité, par lequel les sociétés GMPC, GEMF et IFE faisaient valoir qu'elles n'exerçaient aucune contrainte sur leur salariée, en n'exigeant aucune justification de l'organisation de ses journées de travail, de sorte que Mme [T] disposait d'une complète liberté d'action, dans les moyens et le temps pour gérer son activité professionnelle, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire.
7. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles.
8. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits par les parties, la cour d'appel, qui a constaté que les trois sociétés constituaient en réalité le seul et même employeur de la salariée et qui a fait ressortir que l'activité de l'intéressée, qui l'occupait à temps plein, excluait toute activité pour un autre employeur, a pu décider, sans être tenue de procéder à des recherches inopérantes, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la salariée pouvait solliciter le bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord du 3 octobre 1975.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Groupe Média plus communication, Groupe des éditions municipales de France et Infocom-édition aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Groupe Média plus communication, Groupe des éditions municipales de France et Infocom-édition et les condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocats aux Conseils, pour les sociétés Groupe Média plus communication, Groupe des éditions municipales de France et Infocom-édition
PREMIER MOYEN DE CASSATION (garantie de ressource minimale forfaitaire du VRP)
Les sociétés GMPC, GEMF et IFE font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les avoir condamnées solidairement à verser à madame [T] les sommes de 7 456 euros à titre de ressource minimal forfaitaire, 746 euros au titre des congés payés afférents, 813 euros à titre d'indemnité de licenciement, 4 892 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 489,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;
1°) Alors que la garantie de ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 suppose que le salarié, embauché comme VRP, soit tenu à l'égard de son unique employeur ou de ses coemployeurs à une obligation d'exclusivité ; que l'obligation d'exclusivité à la charge des VRP à l'égard de leur employeur s'apprécie exclusivement au regard des stipulations contractuelles ; qu'en retenant néanmoins que madame [T] était bien fondée à se prévaloir de la garantie de ressource minimale forfaitaire, motif pris de ce que l'activité de cette dernière était exclusivement dédiée aux sociétés GMPC, GEMF et IFE, peu important l'absence de clause contractuelle d'exclusivité (arrêt, p. 7, dernier §), la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;
2°) Alors qu'à supposer que l'obligation d'exclusivité ne s'apprécie pas exclusivement au regard des stipulations contractuelles, elle ne peut alors se déduire que de contraintes imposées au VRP par l'employeur ou les coemployeurs faisant obstacle à l'exercice par l'intéressé de son activité au profit d'autres employeurs ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de madame [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les contraintes auxquelles aurait été soumise madame [T] et l'empêchant de solliciter d'autres employeurs, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5-1 de l'ANI du 3 octobre 1975 ;
3°) Alors, en tout état de cause, qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'activité de madame [T] l'occupait à temps plein et à titre exclusif, le niveau d'objectif assigné à la salariée en terme de chiffre d'affaires mensuel, les comptes rendus hebdomadaires sur son activité sollicités par les sociétés employeurs et le fait que les revenus de la salariée provenait de son activité pour ces dernières sociétés, sans répondre au moyen de nature à écarter toute obligation d'exclusivité, par lequel les sociétés GMPC, GEMF et IFE faisaient valoir qu'elles n'exerçaient aucune contrainte sur leur salariée, en n'exigeant aucune justification de l'organisation de ses journées de travail, de sorte que madame [T] disposait d'une complète liberté d'action, dans les moyens et le temps pour gérer son activité professionnelle (conclusions, p. 21, § 2), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (prise d'acte de la rupture du contrat de travail)
Les sociétés GMPC, GEMF et IFE font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les avoir condamnées solidairement à verser à madame [T] les sommes de 7 456 euros à titre de ressource minimal forfaitaire, 746 euros au titre des congés payés afférents, 813 euros à titre d'indemnité de licenciement, 4 892 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 489,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;
Alors que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'en présence de manquements suffisamment graves de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à énoncer, par une pure et simple affirmation, que le supposé manquement imputé aux sociétés employeurs avait empêché la poursuite du contrat de travail (arrêt, p. 9, al. 6), sans préciser en quoi ce manquement, à le supposer établi, avait été de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail, comme elle y était pourtant invitée par les sociétés employeurs (conclusions, p. 27) et cependant qu'il ressortait au demeurant de ses constatations que le manquement aurait été établi dès la conclusion des contrats de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail.
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CASS/JURITEXT000047128361.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 132 FS-B
Pourvoi n° T 20-10.515
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 juillet 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
1°/ La société France distrib, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [U] [F], agissant en qualité de liquidateur de la société France distrib,
ont formé le pourvoi n° T 20-10.515 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige les opposant à M. [B] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société France distrib et de la société Ekip', ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 septembre 2019), M. [Z] a été engagé par la société France distrib (la société) en qualité de voyageur représentant placier (VRP) non exclusif à compter du 28 octobre 2014.
2. Le 9 juillet 2015, les parties ont signé une convention de rupture du contrat de travail.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 6 avril 2016, afin de solliciter la requalification de son contrat en un contrat de VRP exclusif à temps complet ainsi que le paiement de diverses sommes.
4. Par jugement du 2 février 2022, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société et la société Ekip', désignée en qualité de liquidatrice, a régulièrement repris l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif du salarié en contrat de travail de VRP exclusif et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, de congés payés afférents et de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors « que le voyageur représentant placier qui n'est pas lié à l'employeur par une clause d'exclusivité ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier exclusif et, en conséquence, au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; qu'en énonçant que M. [Z] était '' soumis de fait'' par la société France Distrib à une clause d'exclusivité, et, en conséquence, qu'il pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat de voyageur représentant placier exclusif et au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, après avoir pourtant relevé les stipulations de l'article 3 du contrat de travail, ''le VRP non exclusif est autorisé pendant toute la durée du contrat à commercialiser d'autres cartes que celles fournies par la Société France Distrib et/ou à exercer en complément, une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel'', exclusives de toute clause d'exclusivité, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 7313-6 du code du travail et 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 :
6. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés.
7. Selon le second, la fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire.
8. Il en résulte que seul le représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur a droit à une ressource minimale forfaitaire. Le caractère exclusif de l'engagement du représentant s'apprécie au regard des dispositions contractuelles.
9. Pour requalifier le contrat de travail de VRP non exclusif du salarié en contrat de travail de VRP exclusif et condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, l'arrêt retient qu'il se déduit des pièces produites par le salarié et de l'économie générale du contrat que le représentant devait consacrer tout son temps de travail à son activité pour le compte de son employeur et qu'il était dans l'impossibilité de travailler pour un autre employeur, et ce d'autant plus qu'il était chargé de véhiculer les autres VRP sur leur lieu de travail et de les ramener en fin de journée. Il était donc soumis de fait par son unique employeur à une clause d'exclusivité.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail du salarié ne comportait pas de clause d'exclusivité et qu'en son article 3, il autorisait l'intéressé à travailler pour un autre employeur dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une entreprise concurrente, ce dont il résultait que le salarié n'était pas soumis à une clause d'exclusivité et ne pouvait prétendre au bénéfice de la rémunération minimale forfaitaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie le contrat de travail de VRP non exclusif de M. [Z] en contrat de travail de VRP exclusif et condamne la société France distrib à lui payer les sommes de 2 505,46 euros à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 918,91 euros pour les congés payés afférents et 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, et en ce qu'il condamne la société France distrib aux dépens ainsi qu'à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocats aux Conseils, pour les sociétés France distrib et Ekip', ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR requalifié le contrat de travail de voyageur représentant placier non exclusif de M. [Z] en contrat de travail de voyageur représentant placier exclusif et D'AVOIR condamné la société France Distrib à payer à M. [Z] les sommes de 2.505,46 € à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 918,91 € pour les congés payés afférents et 1.000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE, sur la demande de requalification du contrat de travail de VRP non exclusif en contrat de travail de VRP exclusif et sur la demande de rappel de salaire minimum : l'article L. 7313-6 du Code du travail dispose : « le contrat de travail peut, pour sa durée, prévoir l'interdiction pour le voyageur, représentant ou placier, de représenter des entreprises ou des produits déterminés. Lorsque le contrat de travail ne prévoit pas cette interdiction, il comporte, à moins que les parties n'y renoncent par une stipulation expresse, la déclaration des entreprises ou des produits que le voyageur, le représentant ou placier représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur » ; que l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 dispose, dans sa rédaction applicable au litige : « 1° La fixation de la rémunération relève du libre accord des représentants de commerce et de leurs employeurs. 2° Néanmoins, lorsqu'un représentant de commerce réalisant des ventes, au sens de la loi du 22 décembre 1972, est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à plein temps, à une ressource minimale forfaitaire. 3° Pour les 3 premiers mois d'emploi à plein temps, la ressource minimale forfaitaire ne pourra, déduction faite des frais professionnels, être inférieure à 390 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à l'échéance. En cas de rupture au cours de ce premier trimestre, cette ressource minimale forfaitaire sera due selon les modalités suivantes : - 80 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance aux représentants présents dans l'entreprise à l'issue du premier mois à plein temps ; - 220 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance aux représentants présents dans l'entreprise à l'issue du deuxième mois d'emploi à plein temps ; - 390 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance aux représentants présents dans l'entreprise à l'issue du troisième mois d'emploi à plein temps (...). 4° A partir du deuxième trimestre d'emploi à plein temps, la ressource minimale trimestrielle ne pourra être inférieure, déduction faite des frais professionnels, à 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance, le taux applicable étant celui en vigueur à la fin du dernier mois échu pris en compte à chaque paiement. (...) » ; que M. [Z] a été embauché en qualité de VRP non exclusif. Il a été stipulé à l'article 3 du contrat : « le VRP non exclusif est autorisé pendant toute la durée du contrat à commercialiser d'autres cartes que celles fournies par la Société France Distrib et/ou à exercer en complément, une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel. En contrepartie, le VRP non exclusif s'engage à ne faire aucune prospection pour des entreprises susceptibles de concurrencer la Société France Distrib et la marque qu'elle commercialise. Tout manquement à cette obligation pourrait conduire la société à envisager la rupture du présent contrat » ; que M. [Z] soutient qu'il était en réalité à la disposition permanente de son employeur, que la charge de travail nécessitée par ses missions l'empêchait de pouvoir travailler au service d'un autre employeur et qu'il a donc en réalité été engagé en qualité de VRP exclusif, d'où la demande de requalification de son contrat en ce sens ; que la SARL France Distrib soutient au contraire que M. [Z] avait bien le statut de VRP non exclusif, n'était soumis à aucun horaire et organisait son temps de travail comme il le souhaitait, qu'il était expressément autorisé à exercer pour le compte d'autres employeurs, peu important qu'il ait fait le choix de ne pas prospecter pour d'autres structures ; que M. [Z] produit à l'appui de ses allégations les attestations établies par cinq autres salariés de la société : - M.[S] [T] indique : « durant ma période de travail pour l'entreprise France Distrib, du 05 février 2015 au 8 avril 2015, M. [Z] [B], Melle [R] [G], M. [Z] [M], Mme [K] [D] et moi-même, affirmons avoir eu comme horaires 9h00 - 20h00 du lundi au vendredi. Il était donc impossible de cumuler deux emplois et d'être VRP non exclusif multi cartes (...). J'atteste avoir été véhiculé durant toute la période de travail par M. [Z] » ; - Melle [G] [R] indique : « durant ma période de travail pour l'entreprise France Distrib, du 07 octobre 2014 au 19 août 2015, M. [T] [S], M. [C] [O], Melle [D] [K], Melle [V] [H], M. [Z] [M], M. [Z] [B] et moi-même, affirmons avoir eu comme horaires de 9h00 - 20h00 du lundi au vendredi. Il était donc impossible de cumuler un deuxième emploi. (...) J'ai été véhiculé par M. [Z] [B] du 1er décembre 2014 au 15 mai 2015 » ; - M. [O] [C] et Mme [K] [D] attestent de faits similaires, qu'il s'agisse des horaires de travail, de l'impossibilité pour eux de cumuler un deuxième emploi ou encore du fait qu'ils étaient véhiculés sur leur lieu de travail par M. [Z] ; Mme [D] précise que les salariés avaient une petite heure de pose vers 15 h 30 / 16 h 00 « histoire de manger », que les rendez-vous de travail étaient fixés dans un café le matin et que le chef [B] [Z] les véhiculait toute la journée ; M. [C] indique quant à lui que les salariés étaient amenés sur le lieu de travail en voiture par M. [X] [A] et également ramenés ; que la SARL France Distrib met en doute l'objectivité de ces attestations émanant d'autres VRP de la société qui eux aussi n'ont travaillé qu'un mois et demi ou deux mois pour le compte de la structure et ont saisi en même temps la juridiction prud'homale des mêmes chefs de demandes que M. [J] [lire « M. [Z]] ; que la cour constate sur ce point qu'il n'est pas justifié de saisines prud'homales autres que celles de M. [C], M. [J] et Mme [D] et que les faits relatés par M. [T] et Melle [R] dans leurs attestations ne sont pas réellement contestés par la SARL France Distrib, en particulier sur les points fondamentaux relatifs aux horaires de travail de 11 heures par jour cinq jours par semaine, à l'impossibilité de cumuler un deuxième emploi, et au fait que les salariés étaient véhiculés sur leurs lieux de travail par leur chef d'équipe, M. [Z] ; que la cour relève que la SARL France Distrib n'explique pas en quoi un chef d'équipe était nécessaire pour véhiculer des VRP non exclusifs sur leur lieu de prospection ; que ces éléments sont corroborés par l'article 6 du contrat de travail « volume d'affaires minimum » dont les exigences étaient d'une importance telle qu'elles nécessitaient à l'évidence un travail à temps complet pour le compte de l'employeur : « dans le cadre de ses fonctions, le VRP non exclusif s'engage à réaliser un volume d'affaires mensuel minimum de 80 contrats d'abonnement GDF SUEZ. Si au cours de trois mois consécutifs, le volume d'affaires mensuel cité ci-dessus n'est pas réalisé, la société France Distrib pourra valablement rompre le contrat du salarié » ; que, par ailleurs, si le fait que le contrat ne comporte pas la déclaration des entreprises ou des produits que le voyageur, le représentant ou placier représente déjà et l'engagement de ne pas prendre en cours de contrat de nouvelles représentations sans autorisation préalable de l'employeur, exigée par le second alinéa de l'article L. 7313-6 du Code du travail, n'emporte pas automatiquement requalification du contrat de VRP non exclusif en contrat de VRP exclusif, le non-respect de ces dispositions milite en faveur d'une telle requalification et ce d'autant plus qu'il n'est pas établi ni même allégué que M. [Z] aurait eu d'autres représentations avant ou pendant la relation contractuelle ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments et de l'économie générale du contrat telle qu'analysée ci-dessus, que M. [Z] devait consacrer tout son temps de travail à son activité pour le compte de la SARL France Distrib et qu'il était dans l'impossibilité de travailler pour un autre employeur, et ce d'autant plus qu'il était chargé de véhiculer les autres VRP sur leur lieu de travail et de les ramener en fin de journée ; qu'il était donc soumis de fait par la SARL France Distrib, son unique employeur, à une clause d'exclusivité ; que dans ces conditions, il convient d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat aux seuls motifs que le contrat de travail avait perduré dix mois sans que M. [Z] ne s'émeuve et qu'il n'avait pas contesté sa position de VRP non exclusif dans sa lettre de demande de rupture conventionnelle ; que le contrat de travail de Voyageur Représentant Placier non exclusif de M. [Z] doit être requalifié en contrat de travail de Voyageur Représentant Placier exclusif ; que M. [Z] peut donc prétendre au bénéfice de la rémunération minimale garantie nonobstant l'intitulé de son contrat et l'absence de clause d'exclusivité ; que cela étant, M. [Z] réclame le paiement de cette rémunération minimale sur une durée de 11 mois alors que la SARL France Distrib affirme qu'il a cessé de travailler à compter du 6 mai 2015 ; qu'au vu du listing des contrats conclus par le salarié et des bulletins de paie établis par l'employeur, il apparaît que M. [Z] a cessé toute activité pour le compte de la société au plus tard le 6 mai 2015 ; que la rupture de la relation contractuelle n'est intervenue que le 9 juillet 2015, mais il ne justifie pas avoir travaillé ni même être resté à la disposition de l'entreprise. Le salaire étant la contrepartie du travail, il ne peut prétendre à l'octroi de la rémunération minimale que pour la période effectivement travaillée, soit du 28 octobre 2014 au 6 mai 2015 ; qu'en application de l'article 5-1 susvisé, compte tenu de la durée de sa présence dans l'entreprise et du taux horaire du SMIC applicable, M. [Z] avait droit à une rémunération minimale de 9189,10 € dont doivent être déduites les commissions perçues pendant cette période pour un montant de 6683,64 €, la SARL France Distrib ne justifiant pas lui avoir réglé des commissions pour un montant total de 9231,44 € , soit une rémunération restant due de 2505,46 €, outre 918,91 € au titre des congés payés y afférents ; que sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral : M. [Z] expose que le comportement de la SARL France Distrib lui a causé un réel préjudice et que la rupture conventionnelle est uniquement motivée par les manquements de l'employeur, et que les documents de fin de contrat définitifs ne lui ont été envoyés que plus d'un mois après la rupture ; que la cour constate que le comportement de l'employeur qui a fait contracter au salarié un contrat de VRP non exclusif alors que les conditions d'exercice effectives de cette activité exigeaient la signature d'un contrat de VRP exclusif, a rapidement conduit M. [Z] à mettre fin aux relations contractuelles ; que sans qu'il soit utile de statuer sur les autres manquements reprochés à l'employeur, il convient de juger que M. [Z] a ainsi subi un préjudice moral justifiant l'allocation de la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts ;
1. ALORS QUE le voyageur représentant placier qui n'est pas lié à l'employeur par une clause d'exclusivité ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier exclusif et, en conséquence, au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; que, pour dire que M. [Z] était « soumis » de fait par la société France Distrib à une clause d'exclusivité (arrêt, p. 6, dernier §) et, en conséquence, qu'il pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat de voyageur représentant placier exclusif et au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, la cour d'appel a déduit des attestations de MM. [T], [C] et de celles de Mmes [R] et [D], ainsi que de l'article 6 du contrat de travail intitulé « volume d'affaires minimum », de l'absence de mention dans le contrat de travail de la mention exigée au second alinéa de l'article L. 7313-6 du code du travail et de l'absence de preuve que M. [Z] aurait eu d'autres représentations avant ou pendant la relation contractuelle, le fait que celui-ci « devait consacrer tout son temps de travail à son activité pour le compte de la SARL France Distrib et qu'il était dans l'impossibilité de travailler pour un autre employeur, d'autant plus qu'il était chargé de véhiculer les autres VRP sur leur lieu de travail et de les ramener en fin de journée » ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, pour être tirés des conditions effectives d'exécution de la prestation de travail du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ;
2. ALORS QUE le voyageur représentant placier qui n'est pas lié à l'employeur par une clause d'exclusivité ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier exclusif et, en conséquence, au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ; qu'en énonçant que M. [Z] était « soumis de fait » par la société France Distrib à une clause d'exclusivité (arrêt, p. 7, § 3), et, en conséquence, qu'il pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat de voyageur représentant placier exclusif et au bénéfice de la ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, après avoir pourtant relevé les stipulations de l'article 3 du contrat de travail, « le VRP non exclusif est autorisé pendant toute la durée du contrat à commercialiser d'autres cartes que celles fournies par la Société France Distrib et/ou à exercer en complément, une activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel », exclusives de toute clause d'exclusivité, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 ;
3. ET ALORS QUE la clause d'exclusivité s'entend de la stipulation par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à un employeur et porte atteinte à la liberté du travail ; qu'il en résulte que la clause par laquelle le salarié s'engage sur un volume d'affaires minimum, qui n'implique pas en soi un engagement exclusif portant atteinte à la liberté du travail de l'intéressé, ne constitue pas, nonobstant son importance nécessitant un travail à temps complet, une clause d'exclusivité ; qu'à supposer que la cour d'appel ait estimé que « l'article 6 du contrat de travail « volume d'affaires minimum » dont les exigences étaient d'une importance telle qu'elles nécessitaient à l'évidence un travail à temps complet pour le compte de l'employeur » (arrêt, p. 7, § 1) caractérisait une clause d'exclusivité, en statuant de la sorte, elle a violé L. 7313-6 du code du travail, ensemble l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné la société France Distrib à payer à M. [Z] les sommes de 2.505,46 € à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 918,91 € pour les congés payés afférents et 1.000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE M. [Z] peut donc prétendre au bénéfice de la rémunération minimale garantie nonobstant l'intitulé de son contrat et l'absence de clause d'exclusivité ; que cela étant, M. [Z] réclame le paiement de cette rémunération minimale sur une durée de 11 mois alors que la SARL France Distrib affirme qu'il a cessé de travailler à compter du 6 mai 2015 ; qu'au vu du listing des contrats conclus par le salarié et des bulletins de paie établis par l'employeur, il apparaît que M. [Z] a cessé toute activité pour le compte de la société au plus tard le 6 mai 2015 ; que la rupture de la relation contractuelle n'est intervenue que le 9 juillet 2015, mais il ne justifie pas avoir travaillé ni même être resté à la disposition de l'entreprise. Le salaire étant la contrepartie du travail, il ne peut prétendre à l'octroi de la rémunération minimale que pour la période effectivement travaillée, soit du 28 octobre 2014 au 6 mai 2015 ; qu'en application de l'article 5-1 susvisé, compte tenu de la durée de sa présence dans l'entreprise et du taux horaire du SMIC applicable, M. [Z] avait droit à une rémunération minimale de 9189,10 € dont doivent être déduites les commissions perçues pendant cette période pour un montant de 6683,64 €, la SARL France Distrib ne justifiant pas lui avoir réglé des commissions pour un montant total de 9231,44 € , soit une rémunération restant due de 2505,46 €, outre 918,91 € au titre des congés payés y afférents ; que sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral : M. [Z] expose que le comportement de la SARL France Distrib lui a causé un réel préjudice et que la rupture conventionnelle est uniquement motivée par les manquements de l'employeur, et que les documents de fin de contrat définitifs ne lui ont été envoyés que plus d'un mois après la rupture ; que la cour constate que le comportement de l'employeur qui a fait contracter au salarié un contrat de VRP non exclusif alors que les conditions d'exercice effectives de cette activité exigeaient la signature d'un contrat de VRP exclusif, a rapidement conduit M. [Z] à mettre fin aux relations contractuelles ; que sans qu'il soit utile de statuer sur les autres manquements reprochés à l'employeur, il convient de juger que M. [Z] a ainsi subi un préjudice moral justifiant l'allocation de la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE, pour condamner la société France Distrib à payer à M. [Z] les sommes de 2.505,46 € à titre de rappel de salaire sur la base du minimum garanti, 918,91 € pour les congés payés afférents et 1.000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, la cour d'appel a retenu que « compte tenu de la durée de sa présence dans l'entreprise et du taux horaire du SMIC applicable, M. [Z] avait droit à une rémunération minimale de 9189,10 € » ; qu'en se déterminant de la sorte, sans préciser les modalités de calcul de la ressource minimale forfaitaire versée au salarié, cependant que les calculs appliqués par l'employeur, d'une part, par le salarié, d'autre part, aboutissaient à des résultats qui différaient tous deux de ce montant, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
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CASS/JURITEXT000047128348.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 107 FS-B
Pourvoi n° F 21-16.258
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
M. [I] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-16.258 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant
1°/ à la Société des cendres,société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Flamarc,
2°/ à la société A2JZ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, représentée par M. [X] [H], dont le siège est [Adresse 4], pris en qualité d'administrateur judiciaire de la Société des cendres,
3° / à la société MJ CORP, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, représentée par M. [O], dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire judiciaire de la Société des cendres,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société des cendres, et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Intervention
1. Il est donné acte à la société A2JZ prise en la personne de M. [H] et à la société MJ Corp prise en la personne de M. [O] de leur intervention volontaire à l'instance, respectivement en leur qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la Société des cendres.
Faits et procédure
2 Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 mars 2021), M. [T], engagé à compter du 16 mai 1989 par la société Flamarc (la société) aux droits de laquelle vient la Société des cendres, exerçait, dans le dernier état de la relation contractuelle, les fonctions de responsable secteur Rhône-Alpes.
3. Il a été placé en arrêt de travail à compter du 21 octobre 2016.
4. Le 24 janvier 2017, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 février 2017.
5. A l'issue d'une visite de reprise du 6 février 2017, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste en un seul examen et précisé que son reclassement au sein de l'entreprise ou du groupe n'était pas envisageable.
6. Par lettre du 16 février 2017, la société a procédé au licenciement du salarié pour faute lourde.
7. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail alors « que lorsqu'à la suite d'un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l'entreprise au terme d'une seule visite médicale de reprise, les règles d'ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s'appliquent, ce qui exclut que le salarié déclaré inapte puisse faire l'objet d'un licenciement disciplinaire postérieurement à l'avis d'inaptitude ; qu'en déboutant M. [T] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat aux motifs que son licenciement, intervenu le 16 février 2017, était fondé sur une faute grave, quand un licenciement pour faute ne pouvait pas être prononcé postérieurement à l'avis d'inaptitude définitive délivré par le médecin du travail le 6 février 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-12 et R 4624-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
9. Selon le premier de ces textes, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
10. Selon le second, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
11. Il en résulte que ces dispositions d'ordre public font obstacle à ce que l'employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l'inaptitude, peu important que l'employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.
12. Pour débouter le salarié de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que la circonstance que l'inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi ait été constatée par le médecin du travail le 6 février 2017, ne privait pas la société de se prévaloir d'une faute lourde de son salarié au soutien du licenciement qu'elle a estimé devoir prononcer à l'issue de la procédure disciplinaire qu'elle avait initiée le 24 janvier précédent.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié, déclaré inapte, avait été licencié pour un motif autre que l'inaptitude, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail et en ce qu'il condamne M. [T] à payer à la Société des cendres 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la Société des cendres aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société des cendres et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. [T]
M. [T] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR débouté des demandes indemnitaires et salariales qu'il formait au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail ;
ALORS QUE lorsqu'à la suite d'un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l'entreprise au terme d'une seule visite médicale de reprise, les règles d'ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s'appliquent, ce qui exclut que le salarié déclaré inapte puisse faire l'objet d'un licenciement disciplinaire postérieurement à l'avis d'inaptitude ; qu'en déboutant M. [T] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat aux motifs que son licenciement, intervenu le 16 février 2017, était fondé sur une faute grave, quand un licenciement pour faute ne pouvait pas être prononcé postérieurement à l'avis d'inaptitude définitive délivré par le médecin du travail le 6 février 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-12 et R 4624-22 du code du travail
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CASS/JURITEXT000047128365.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 février 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 134 FS-B
Pourvoi n° X 21-10.270
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
Mme [R] [D], épouse [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-10.270 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller doyen, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France télévisions, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Monge, conseiller doyen rapporteur, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2020), Mme [D], épouse [T], a été engagée en qualité de journaliste pigiste, à compter du mois de septembre 1997, par la société France 2 puis par la société France télévisions (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée d'usage.
2. Le 20 février 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée à temps plein avec reprise d'ancienneté depuis septembre 1997.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire en raison du dépassement du nombre annuel de jours travaillés, outre les congés payés afférents, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 fixant la durée de travail des journalistes à 197 jours annuels : "Les journalistes dont la durée annuelle du travail est exprimée dans le cadre d'un décompte annuel en jours peuvent, à leur demande et, en accord avec leur hiérarchie, dépasser le volume de temps de travail fixé dans leur décompte annuel en jours travaillés dans la limite de 15 jours par an. Les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés sont indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné" ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la salariée avait travaillé en plus des 197 jours conventionnellement prévus, 145 jours en 2014, 82 jours en 2015, et 89 jours en 2016 ; qu'en retenant qu'il était établi que "La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an" et en la déboutant néanmoins de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs inopérants que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 ;
2°/ que les sommes versées au salarié en contrepartie de son travail à durée déterminée, destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ; qu'en retenant qu'il était établi que "La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an " et en déboutant néanmoins l'intéressée de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs tirés de ce que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du titre 2 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1245-1, L. 1221-1 du code du travail et l'article 3.1.1 du titre 3 du livre 3 de l'accord collectif France télévisions du 28 mai 2013 :
5. Il résulte des deux premiers textes que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il s'ensuit que les sommes qui ont pu lui être versées et étaient destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.
6. Selon le troisième de ces textes, le nombre annuel de jours travaillés des journalistes permanents, qu'ils soient en contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée, à l'exception des cadres dirigeants, est fixé à 197, les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés étant indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné.
7. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'un rappel de salaire au titre des dépassements du nombre annuel de jours travaillés, outre congés payés afférents, l'arrêt retient que s'il est établi que la salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an, il ressort également des fiches de paie versées aux débats et du tableau relatif au salaire moyen de référence des permanents de l'entreprise au 31 décembre 2014 que la rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents. Il constate que sur la période réclamée de 2014 à 2016, la salariée a perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours. Il en déduit que la salariée est d'ores et déjà remplie de ses droits.
8. En statuant ainsi, alors que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui conférait à la salariée le statut de travailleur permanent de la société avait pour effet de replacer cette dernière dans la situation qui aurait été la sienne si elle avait été recrutée depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et que les sommes qui avaient pu lui être versées, en sa qualité de pigiste, destinées à compenser la situation dans laquelle elle était placée du fait de ses contrats à durée déterminée, lui restaient acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes afférentes au dépassement du nombre annuel de jours travaillés, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société France télévisions aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France télévisions et la condamne à payer à Mme [D], épouse [T], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [D], épouse [T]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [D]-[T] fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué, après avoir requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein les contrats à durée déterminée successifs concluent avec la société France Télévision, d'avoir uniquement fixé à la somme de 46.448,35 €, hors prime et 13ème mois, le salaire annuel de base pour 197 jours de travail du contrat à durée indéterminé à temps plein ;
1°) ALORS QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les autres stipulations contractuelles ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la rémunération du contrat à durée indéterminé doit être fixée en fonction de la dernière rémunération annuelle perçue par le salarié ; qu'en l'espèce, la salariée avait perçu en 2016, pour 286 jours travaillés, un salaire annuel de 91.506 euros, 13ème mois inclus, de sorte que son salaire annuel devait être fixé à cette même somme ; qu'en jugeant que le salaire applicable à la relation de travail à durée indéterminée devait être fixé sur la base d'un salaire annuel de 46.448,35 euros, hors prime et 13ème mois, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1221-1 du code du travail ;
2°) ALORS, SUBSIDAIREMENT, QUE la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 16 et 17), Mme [D]-[T] faisait valoir que la reconstitution de carrière opérée par France Télévisions, faisant apparaitre un salaire de 46.448,41 euros bruts, ne prenait pas en considération son ancienneté, sa qualité de journaliste spécialisée du premier groupe audiovisuel en France en termes d'audiences et ne reposait sur aucune grille de salaire, alors même que sa rémunération avait toujours été supérieure au minima prévu par les accords d'entreprise et qu'aujourd'hui, elle avait perdu la moitié de son salaire pour la même activité ; qu'en jugeant qu'il y avait lieu de déterminer le salaire applicable au contrat à durée indéterminée au vu de la reconstitution de carrière de la salariée opérée par l'employeur pour confirmer la rémunération retenue par les premiers juges, soit un salaire annuel de base de 46.448,35 euros, hors prime et 13ème mois, sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et que le juge ne saurait retenir au profit de l'employeur un élément de preuve établi par lui ; qu'en jugeant que du fait de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, il convenait, pour déterminer le salaire applicable, de se référer à la reconstitution de carrière de la salariée opérée par l'employeur du 28 août 1997 au 31 août 2015, dont il ressortait une rémunération annuelle brute de 46.448,41 euros, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un élément de preuve n'émanant que du seul employeur, a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1353 du code civil ;
3°) ALORS, A TITRE INFINIEMENT PLUS SUBSIDIAIRE, QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 18 et 19 Prod.), Mme [D]-[T] faisait valoir que pour déterminer le montant du salaire annuel dû, le conseil de prud'hommes avait pris en compte le salaire versé pour l'année 2016, soit 91. 506,15 euros, 13e mois inclus pour 286 jours travaillés, et avait proratisé sur la base de 197 jours travaillés, par application du nombre de jours de travail retenu par l'accord d'entreprise de France Télévisions du 28 mai 2013, tout en appliquant en plus une décote de 30 % correspondant à une prétendue précarité du contrat à durée déterminée, de sorte que ce montant était erroné et sans fondement ; qu'en confirmant purement et simplement la rémunération retenue par les premier juges, soit un salaire annuel de base de 46.448,35 euros, hors prime et 13ème mois, sans avoir répondu à ce chef pertinent des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
M. [D]-[T] fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 1er juin 2017 en ce qu'il avait rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société France Télévisions à lui payer les sommes de 25.276,17 euros bruts à titre de rappel de salaire en raison du dépassement du nombre annuel de jours travaillés et de 2.527,61 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
1°) ALORS QU'AUX termes de l'article 3.1.1 du Titre 2 du Livre 3 de l'accord collectif France Télévisions du 28 mai 2013 fixant la durée de travail des journalistes à 197 jours annuels : « Les journalistes dont la durée annuelle du travail est exprimée dans le cadre d'un décompte annuel en jours peuvent, à leur demande et, en accord avec leur hiérarchie, dépasser le volume de temps de travail fixé dans leur décompte annuel en jours travaillés dans la limite de 15 jours par an. Les jours de travail effectués au-delà du décompte annuel en jours travaillés sont indemnisés à 125 % du salaire journalier du collaborateur concerné » ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que Mme [D]-[T] avait travaillé en plus des 197 jours conventionnellement prévus, 145 jours en 2014, 82 jours en 2015, et 89 jours en 2016 ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en déboutant néanmoins Mme [D]-[T] de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuels de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs inopérants que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du Titre 2 du Livre 3 de l'accord collectif France Télévisions du 28 mai 2013 ;
2°) ALORS QUE les sommes versées au salarié en contrepartie de son travail à durée déterminée, destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée ; qu'en retenant qu'il était établi que « La salariée a travaillé certaines années pour un volume supérieur à 197 jours par an » et en déboutant néanmoins Mme [D]-[T] de sa demande en rappel de salaire pour dépassement du nombre annuels de jours travaillés et de congés payés y afférents, aux motifs tirés de ce que sa rémunération perçue au titre des contrats de travail à durée déterminée était bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents et que sur la période réclamée de 2014 à 2016, elle avait perçu au titre de ses piges une rémunération supérieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé en qualité de journaliste permanent, même avec un dépassement du forfait de 197 jours, de sorte qu'elle était déjà remplie de ses droits, la cour d'appel a violé l'article 3.1.1 du Titre 2 du Livre 3 de l'accord collectif France Télévisions du 28 mai 2013 ;
3°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en retenant, d'une part, sur la fixation du salaire de Mme [D]-[T], qu'il y avait lieu de confirmer la rémunération retenue par les premiers juges, soit un salaire annuel de base de 46.448,35 euros, hors prime et 13ème mois (soit 3.870,66 euros par mois sur douze mois) (cf. arrêt, p. 8) et, d'autre part, que « du fait de la requalification, son salaire mensuel brut a été fixé à la somme de 4.857,26 euros sur treize mois » (soit un salaire annuel de base de 63.141 euros) (cf. arrêt, p. 9), la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
M. [D]-[T] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 1er juin 2017 en ce qu'il a rejeté sa demande d'attribution du statut cadre à compter du 1er septembre 1997 ;
1°) ALORS QUE la classification d'un salarié, notamment sa qualité de cadre, s'apprécie au regard des fonctions réellement exercées par lui et non en considération des mentions figurant sur le contrat de travail ; qu'en se fondant, sur les contrats de pigiste de Mme [D]-[T] ne mentionnant pas la qualité de cadre, pour en déduire qu'elle ne pouvait revendiquer cette qualité, sans avoir apprécié les fonctions réellement exercées par la salariée et qui démontraient son autonomie et son indépendance, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de l'accord d'entreprise France Télévisions du 28 mai 2013 ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. p. 23, Prod.), Mme [D]-[T] faisait valoir que selon les déclaration de l'employeur, elle « assure la rubrique mode de l'émission télématin depuis 2009 dans une grande autonomie », qu'elle assurait le tournage, le montage et le mixage des chroniques qu'elle présentait ensuite sur le plateau de Télematin, qu'elle prenait ainsi ses décisions de manière autonome, que sa rémunération avait été fixée en fonction de son niveau de responsabilité et que jusqu'en 2002, elle avait bénéficié du statut cadre qui lui avait ensuite été unilatéralement retiré ; qu'en rejetant les demandes de la salariée afférentes au statut cadre sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Sur les effets sur le salaire et les avantages salariaux de la requalification des contrats à durée déterminée d'un intermittent en contrat à durée indéterminée, à rapprocher : Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18.-21.942, (cassation partielle) ; Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-23.148, (rejet).
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CASS/JURITEXT000047128359.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 février 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 131 FS-B
Pourvoi n° T 21-17.971
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
La société TV5 Monde, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 21-17.971 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [J] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société TV5 Monde, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [F], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2021), M. [F] a été engagé par la société TV5 Monde en qualité de réalisateur, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée, à compter du 28 mai 2006.
2. Le 14 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverse sommes.
3. Par lettre du 20 février 2020, l'employeur a informé le salarié de la fin de la relation de travail, à la suite d'incidents d'antenne survenus les 25 et 27 janvier 2019.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre des primes dues du fait de la requalification, alors « que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salarié ne peut prétendre qu'à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'en tenant compte de l'ancienneté, des revalorisations et des compléments de salaires compris dans les accords et conventions d'entreprise applicables aux salariés permanents, le salarié aurait perçu un salaire annuel moyen de 30 898,34 euros bruts s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'il avait perçu en sa qualité d'intermittent un salaire moyen annuel brut de 55 733 euros ; qu'en condamnant la société TV5 Monde à lui verser la somme de 47 452,37 euros au titre des primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que la rémunération qu'aurait perçue le salarié, primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté comprises, en qualité de salarié permanent, était inférieure à celle qu'il avait effectivement perçue en qualité d'intermittent de sorte qu'il avait été rempli de ses droits, la cour d'appel a violé l'article L. 1245-1du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce. »
Réponse de la Cour
5. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent », destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.
6. Après avoir prononcé la requalification de la relation contractuelle et exactement énoncé que le salarié devait être replacé dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté dès l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il pouvait prétendre à des rappels de primes d'ancienneté, de fin d'année et de sujétion, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des sommes versées par l'employeur en exécution des divers contrats à durée déterminée au titre du salaire de base.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur les troisième et quatrième moyens réunis
Enoncé du moyen
8. Par son troisième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV 5 Monde du 28 décembre 2012 dispose que la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des 12 derniers mois ou celle des 3 derniers mois ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que la rémunération de référence servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est celle que le salarié aurait perçue s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité de licenciement sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. »
9. Par son quatrième moyen, l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le licenciement du salarié qui survient sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à ce dernier qui compte 13 ans d'ancienneté dans l'entreprise à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois et demi de salaires bruts ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce. »
Réponse de la Cour
10. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que les sommes qui ont pu lui être versées en sa qualité « d'intermittent » destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son contrat à durée déterminée, lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.
11. Selon l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 Monde du 28 décembre 2012 la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des douze derniers mois ou celle des trois derniers mois.
12. Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1397 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et si l'une des parties refuse la réintégration du salarié, le juge octroie une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut dans les tableaux prévus par ce texte.
13. La cour d'appel, qui, pour déterminer le montant des indemnités conventionnelle de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a pris en compte les sommes perçues par le salarié au titre du salaire de base brut « d'intermittent » qui lui étaient définitivement acquises, a fait l'exacte application des deux textes susvisés.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
15. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité compensatrice de préavis sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et I/8.6 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
16. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est contraire à la position défendue devant les juges du fond par l'employeur qui soutenait que les indemnités de rupture devaient être calculées sur la base des sommes perçues par le salarié et non sur la base du salaire résultant de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée.
17. Cependant, la position défendue par l'employeur en cause d'appel selon laquelle l'indemnité de préavis ne pouvait pas être supérieure à 15 302,28 euros n'est ni contraire ni incompatible avec le moyen de cassation.
18. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail :
19. Selon ces textes, l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.
20. La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
21. Pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le salaire moyen perçu dans le cadre des contrats à durée déterminée est de 5 637 euros et qu'au vu des pièces versées aux débats et en application de l'accord d'entreprise TV5 Monde cette indemnité doit être fixée à 16 911 euros à laquelle s'ajoute 1 691 euros de congés payés.
22. En statuant ainsi, au regard des salaires perçus pendant l'exécution des contrats à durée déterminée, alors que, par l'effet de la requalification en contrat à durée indéterminée, l'indemnité de préavis devait être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui avait été reconnu, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
23. La cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur au paiement de certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société TV5 Monde à payer à M. [F] les sommes de 16 911 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 691 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société TV5 Monde
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société TV5 Monde FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [F] la somme de 48 124,78 euros au titre des primes dues du fait de la requalification ;
ALORS QUE la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salarié ne peut prétendre qu'à la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'en tenant compte de l'ancienneté, des revalorisations et des compléments de salaires compris dans les accords et conventions d'entreprise applicables aux salariés permanents, M. [F] aurait perçu un salaire annuel moyen de 30 898,34 euros bruts s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'il avait perçu en sa qualité d'intermittent un salaire moyen annuel brut de 55 733 euros ; qu'en condamnant la société TV5 Monde à lui verser la somme de 47 452,37 euros au titre des primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que la rémunération qu'aurait perçue M. [F], primes de sujétion, de fin d'année et d'ancienneté comprises, en qualité de salarié permanent, était inférieure à celle qu'il avait effectivement perçue en qualité d'intermittent de sorte qu'il avait été rempli de ses droits, la cour d'appel a violé l'article L. 1245-1du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société TV5 Monde FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [F] les sommes de 16 911 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 691 euros au titre des congés payés y afférents
ALORS QUE l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité compensatrice de préavis sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et I/8.6 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société TV5 Monde FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [F] la somme de 57 670 euros à titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
ALORS QUE l'article I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 Monde du 28 décembre 2012 dispose que la rémunération prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le calcul le plus avantageux, la moyenne des rémunérations brutes perçues au cours des 12 derniers mois ou celle des 3 derniers mois ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que la rémunération de référence servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est celle que le salarié aurait perçue s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité de licenciement sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et I/8.3 de l'accord d'entreprise TV5 monde du 28 décembre 2012.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
La société TV5 Monde FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [F] la somme de 39 549 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
ALORS QUE le licenciement du salarié qui survient sans cause réelle et sérieuse ouvre droit à ce dernier qui compte 13 ans d'ancienneté dans l'entreprise à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois et demi de salaires bruts ; que la requalification en contrat à durée indéterminée de contrats à durée déterminée d'un travailleur intermittent, qui lui confère rétroactivement le statut de travailleur permanent de l'entreprise, doit le replacer dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte que le salaire de référence servant de base au calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est celui que le salarié aurait perçu s'il avait été engagé dès l'origine en contrat à durée indéterminée ; que la cour d'appel, qui a calculé l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d'intermittent, a violé les articles L. 1245-1, et L 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce.
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CASS/JURITEXT000047128356.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 130 FS-B
Pourvoi n° W 21-16.824
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
Mme [H] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-16.824 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [I], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France télévisions, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Sornay, Rouchayrole, Mmes Lecaplain-Morel, Deltort, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2021), Mme [I] a été engagée par la société France télévisions en qualité de cheffe monteuse, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée, à compter du 22 juillet 2005.
2. Le 22 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme l'indemnité de requalification, alors « que l'indemnité de requalification de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel complet perçu avant la saisine de la juridiction prud'homale ; qu'en fixant le montant de l'indemnité de requalification au regard de la rémunération mensuelle moyenne perçue au cours de l'année 2020, après avoir constaté, d'une part, que la rémunération de la salariée devait correspondre à un travail à temps complet et, d'autre part, qu'il ressortait du dernier bulletin de salaire de la salariée versé aux débats que le taux horaire de cette dernière était fixé, après déduction de la majoration destinée à compenser les sujétions liées à l'exercice de missions par intermittence, à hauteur de 14,61 euros de sorte que sa rémunération mensuelle s'élevait à 2 215,89 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, a violé l'article L. 1245-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est contraire à la position défendue par la salariée devant les juges du fond.
6. Cependant, il résulte de ses conclusions que la salariée a demandé l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre d'indemnité de requalification sans se référer au salaire revendiqué pour la détermination des demandes de nature salariale.
7. Le moyen, qui n'est ni contraire ni incompatible avec la position défendue par la salariée devant les juges du fond, est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1245-2 du code du travail :
8. Il résulte de ce texte que le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la moyenne de salaire mensuel, dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud'homale.
9. Cette moyenne de salaire mensuel doit être déterminée au regard de l'ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu'ils ont une périodicité supérieure au mois.
10. Pour fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité de requalification, l'arrêt retient que la salariée a reçu une rémunération mensuelle brute moyenne d'un montant de 1 618,16 euros au cours de l'année 2020.
11. En statuant ainsi, au regard de la moyenne des sommes perçues durant l'année 2020, alors qu'elle avait fixé la rémunération de base de la salariée à 2 215,89 euros par mois en raison de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société France télévisions à payer à Mme [I] la somme de 1 618,16 euros à titre d'indemnité de requalification, l'arrêt rendu le 24 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société France télévisions aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France télévisions et la condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme [I]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [I] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société France télévisions à lui payer la somme de 1 618,16 euros d'indemnité de requalification ;
ALORS QUE l'indemnité de requalification de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel complet perçu avant la saisine de la juridiction prud'homale ; qu'en fixant le montant de l'indemnité de requalification au regard de la rémunération mensuelle moyenne perçue au cours de l'année 2020, après avoir constaté, d'une part, que la rémunération de la salariée devait correspondre à un travail à temps complet et, d'autre part, qu'il ressortait du dernier bulletin de salaire de Mme [I] versé aux débats que le taux horaire de cette dernière était fixé, après déduction de la majoration destinée à compenser les sujétions liées à l'exercice de missions par intermittence, à hauteur de 14,61 euros de sorte que sa rémunération mensuelle s'élevait à 2 215,89 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, a violé l'article L. 1245-2 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Mme [I] fait grief à l'arrêt attaqué de L'AVOIR déboutée de ses demandes relatives à la discrimination liée à l'origine ;
ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'une discrimination, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent d'en présumer l'existence ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur établit que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en procédant à une appréciation séparée des éléments invoqués par Mme [I] à l'appui de la discrimination, quand il lui appartenait de vérifier si, pris dans leur ensemble, ces éléments, parmi lesquels figuraient la mise à l'écart des candidatures présentées en 211 et 2014 puis celle des candidatures présentées en novembre et décembre 2019 ainsi que le plafonnement des jours travaillés, permettaient de présumer l'existence d'une discrimination liée à l'origine, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.
Sur l'assiette de calcul du montant minimum de l'indemnité de requalification d'un ou plusieurs CDD en CDI, à rapprocher : Soc., 19 octobre 2011, pourvoi n° 10-17.337, Bull. 2011, V, n° 237 (rejet) ; Soc., 20 novembre 2013, pourvoi n° 12-25.459, (cassation partielle) ; Soc., 6 octobre 2016, pourvoi n° 15-21.267, (cassation partielle) ; Soc., 17 février 2021, pourvoi n° 18-15.972, Bull., (cassation partielle) ; Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 19-16.183, Bull., (cassation partielle).
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CASS/JURITEXT000047128354.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 112 FS-B
Pourvoi n° A 21-16.805
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
La société BBGR, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-16.805 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [N] [H], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société BB GR, de la SARL Corlay, avocat de M. [H], et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, M. Chiron, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 mars 2021), M. [H] a été engagé en qualité de cadre commercial le 26 février 2001 par la société Novisia.
2. Le contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2016 à la société BBGR, soumise à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
3. Le salarié a été placé en arrêt de travail le 20 octobre 2017 et licencié pour insuffisance professionnelle le 25 octobre 2017.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement abusif et au remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage, alors « que l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 n'interdit pas à l'employeur de licencier le salarié, dont le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie non professionnelle, pour un motif tiré de son insuffisance professionnelle ; qu'en affirmant en l'espèce que ce texte offrait ''une véritable garantie d'emploi en réservant la possibilité de licencier [un salarié absent pour cause de maladie] aux seuls cas justifiés par un motif économique (si licenciement collectif), ou par la suppression du poste occupé par le salarié malade, ou encore par la nécessité de procéder au remplacement du salarié absent à l'expiration de la durée d'indemnisation à plein tarif'' pour en déduire que le licenciement de M. [H], prononcé pour insuffisance professionnelle alors qu'il était en congé maladie depuis le jour de l'entretien préalable, était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 1° de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 :
5. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.
6. Selon l'article susvisé, les absences relevant de maladie ou d'accident, y compris les accidents du travail, et justifiées dès que possible par certificat médical pouvant donner lieu à contre-visite, à la demande de l'entreprise, ne constituent pas une rupture du contrat de travail.
À l'issue de la durée d'indemnisation à plein tarif, l'employeur pourra prendre acte de la rupture par force majeure du contrat de travail par nécessité de remplacement effectif. Dans ce cas, la notification du constat de la rupture sera faite à l'intéressé par lettre recommandée.
Lorsque l'employeur aura pris acte de la rupture du contrat de travail, il devra verser à l'intéressé une indemnité égale à celle que celui-ci aurait perçue s'il avait été licencié sans que le délai-congé ait été observé. (...)
Au cours de l'absence de l'ingénieur ou cadre pour maladie ou accident, l'employeur peut rompre le contrat de travail en cas de licenciement collectif ou de suppression de poste, à charge pour lui de verser à l'ingénieur ou cadre licencié l'indemnité de préavis en tenant compte des dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article, et de régler l'indemnité de congédiement, le cas échéant. (...)
7. Ces dispositions conventionnelles n'interdisent pas le licenciement du salarié pendant la suspension de son contrat de travail pour maladie pour d'autres causes que la maladie, la garantie d'emploi pour une durée déterminée n'étant prévue que pour le licenciement à la suite d'une absence pour maladie et nécessité de remplacement et prévoient les conditions de l'attribution de l'indemnité de préavis en l'étendant pour certains licenciements spécifiques.
8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement abusif, l'arrêt retient que ces dispositions, qui n'ont pas pour seul objet de déterminer l'indemnisation due au salarié malade, offrent aussi une véritable garantie d'emploi en réservant la possibilité de licencier aux seuls cas justifiés par un motif économique (si licenciement collectif), ou par la suppression du poste occupé par le salarié malade, ou encore par la nécessité de procéder au remplacement du salarié absent à l'expiration de la durée d'indemnisation à plein tarif, qu'il est constant que le salarié a été licencié non pour l'un des trois motifs visés par la convention collective, ni même pour un motif disciplinaire ou pour inaptitude physique, mais pour insuffisance professionnelle, et que le licenciement prononcé en violation d'une garantie conventionnelle d'emploi est abusif.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [H] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inopposabilité de sa clause de forfait annuel en heures et de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 18 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Angers ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société BB GR
La société BBGR fait grief à la décision infirmative attaquée d'AVOIR condamné la société BBGR à payer à M. [H] la somme de 65 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif et d'AVOIR ordonné le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ;
ALORS QUE l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 n'interdit pas à l'employeur de licencier le salarié, dont le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie non professionnelle, pour un motif tiré de son insuffisance professionnelle ; qu'en affirmant en l'espèce que ce texte offrait « une véritable garantie d'emploi en réservant la possibilité de licencier [un salarié absent pour cause de maladie] aux seuls cas justifiés par un motif économique (si licenciement collectif), ou par la suppression du poste occupé par le salarié malade, ou encore par la nécessité de procéder au remplacement du salarié absent à l'expiration de la durée d'indemnisation à plein tarif » pour en déduire que le licenciement de [H], prononcé pour insuffisance professionnelle alors qu'il était en congé maladie depuis le jour de l'entretien préalable, était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 16 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
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CASS/JURITEXT000047128382.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
M. SOMMER, président
Arrêt n° 135 FP-B+R
Pourvoi n° C 20-23.312
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
La société SNCF voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 20-23.312 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [P], domicilié [Adresse 2],
2°/ au syndicat Sud Rail [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société SNCF voyageurs, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [P], et du syndicat Sud Rail [Localité 4], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Ott, MM. Sornay, Barincou, conseillers, Mme Ala, M. Le Corre, Mme Lanoue, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 2020), M. [P] a travaillé à compter du 27 mars 1978 en qualité de manutentionnaire pour le compte de plusieurs employeurs, en dernier lieu la société ISS Logistique et production depuis le 1er mai 2003, dans le cadre d'un marché conclu avec la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), pour effectuer des travaux au sein des différents établissements de cette dernière.
2. La SNCF a mis fin à cette prestation de service le 30 novembre 2011.
3. Le salarié a été licencié par l'employeur pour motif économique le 12 avril 2012.
4. Il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la réparation du préjudice d'anxiété, dirigées tant contre la société ISS Logistique et production, que contre l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF mobilités venant aux droits de la SNCF, entreprise utilisatrice.
5. Le syndicat Sud Rail [Localité 4] est intervenu volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La SNCF voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités, fait grief à l'arrêt, après avoir débouté le salarié de sa demande dirigée contre l'employeur, de la déclarer responsable du préjudice du salarié, et de la condamner à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; que l'action en réparation du préjudice d'anxiété ainsi subi par le salarié se rattachant à l'exécution du contrat de travail, ne peut être dirigée que contre son employeur, en cas de manquement de ce dernier à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [P] avait travaillé depuis 1978 en qualité de salarié de plusieurs sous-traitants de la SNCF, qu'il avait effectué dans ce cadre des travaux de manutention et de nettoyage au sein de différents établissements de cette dernière et que son contrat de travail avait été transféré à compter du 1er mai 2003 à la société ISS Logistique et production, à laquelle le marché avait été confié en vertu d'un contrat de prestation de services conclu avec la SNCF ; que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une action tendant à la condamnation solidaire de son employeur, et de la SNCF, à l'indemniser du préjudice d'anxiété qu'il prétendait subir à raison de son exposition sans protection, pendant plusieurs années, à des poussières d'amiante ; qu'après avoir rejeté la demande du salarié dirigée contre son employeur au titre de la période postérieure au transfert du contrat de travail, au motif que celle-ci n'avait pas manqué à son obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que le salarié était en revanche fondé à rechercher la responsabilité délictuelle de droit commun de la SNCF, au titre de la période antérieure à ce transfert, dès lors qu'étaient en l'espèce établies des fautes et négligences de cette dernière dans l'exécution des obligations mises à sa charge en qualité d'entreprise utilisatrice ; qu'en statuant de la sorte, quand l'action en réparation du préjudice d'anxiété invoqué par le salarié soutenant avoir été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante se rattache à l'exécution du contrat de travail et ne peut dès lors être dirigée que contre l'employeur ayant manqué à l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu en vertu des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code de travail, la cour d'appel a violé ces dispositions, ensemble l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1240 du code civil) ;
2°/ que les obligations mises à la charge de l'entreprise utilisatrice par le décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977, puis par le décret n° 92-158 du 20 février 1992, lequel a créé les articles R. 237-1 à R. 237-28 du code du travail, visent à assurer la coordination générale des mesures de préventions entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise intervenante, chacune d'entre elles demeurant toutefois responsable de la mise en oeuvre des mesures destinées à assurer la sécurité de ses salariés ; qu'en particulier, lorsque les travaux s'exécutent dans les locaux d'une entreprise tierce, l'employeur a le devoir de se renseigner sur les dangers encourus par le salarié (Civ. 2ème, 8 novembre 2007, Bull. n° 248) ; que pour dire que la responsabilité délictuelle de la SNCF était engagée envers le salarié d'une entreprise sous-traitante, la cour d'appel a retenu que cette dernière, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, devait informer la société intervenante sur les risques d'affections professionnelles auxquelles pouvaient être exposés les salariés de l'autre entreprise afin que des mesures protectrices soient prises, et que devait également être réalisée une inspection commune des lieux avec désignation des zones de danger et qu'en présence d'un risque d'interaction entre les activités des deux sociétés, comme en l'espèce, devait être établi un plan de prévention définissant les moyens de protection des salariés de l'entreprise extérieure dont l'entreprise utilisatrice devait vérifier l'application ; que la cour d'appel a considéré que si, à compter de 2000, avait été construit un local spécifique pour le désamiantage et si le marché conclu avec la société ISS Logistique et production en janvier 2003 exigeait ce plan de prévention décrivant les mesures de protection et équipements effectivement fournis aux salariés, l'EPIC SNCF mobilités ne justifiait pas, pour la période antérieure, de l'établissement d'un plan de prévention avec les employeurs antérieurs de M. [P], ni même de l'exigence d'un tel plan dans les marchés conclus avec ses prestataires, pas plus qu'elle ne démontrait avoir vérifié la fourniture effective d'une information sur la nocivité de l'amiante, et d'équipements individuels de protection adaptés aux salariés des entreprises intervenant sur son site, alors que le décret du 20 février 1992 lui imposait de dénoncer à l'entreprise intervenante un danger grave concernant un salarié de cette dernière, même si elle estimait que la cause du danger ne lui était pas imputable, danger caractérisé par une exposition durable aux poussières d'amiante sans protection ; qu'en statuant de la sorte, quand les règles édictées par les décrets du 29 novembre 1977 et du 20 février 1992 ultérieurement codifié aux articles R. 237-1 du code du travail, portent uniquement sur la prévention des risques liés à l'interaction entre les salariés d'entreprises différentes, chacune des entreprises demeurant responsable de la sécurité de ses propres salariés, et qu'il incombait à l'employeur de M. [P], non à la SNCF, de se renseigner sur les dangers encourus par son salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble les articles 4 à 9 du décret du 29 novembre 1977, et les articles R. 237-1, R. 237-4 et R. 237-6 du code du travail, créés par l'article 1er du décret du 20 février 1992 ;
3°/ que seul est indemnisable le préjudice en lien de causalité avec une faute ou un manquement contractuel dont l'existence est établie par la victime ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la SNCF avait engagé sa responsabilité civile à l'égard du salarié, que les fautes et négligences imputables à la SNCF dans l'exécution de ses obligations en qualité d'utilisatrice avaient contribué à l'exposition pendant plusieurs années de M. [P] à l'inhalation des poussières d'amiante, sans que ne soit rapportée la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité envers M. [P] au titre de la période en cause, ayant exposé ce salarié à l'inhalation de poussière d'amiante et par conséquent au risque de développer une pathologie grave associée à ce produit, laquelle ne pouvait se déduire des seuls témoignages d'autres salariés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir le lien de causalité entre la faute retenue à l'encontre de la SNCF et le préjudice d'anxiété allégué par le salarié, a encore violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
4°/ que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave ; que pour dire que M. [P] justifiait avoir été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, la cour d'appel a retenu que ce salarié produisait aux débats une attestation d'exposition établie le 21 février 2014 par le Docteur [L], médecin du travail de la société ISS Logistique et production qui mentionne une exposition à ce produit de 1978 à 2003 dans le cadre de l'exécution de travaux de démontage de panneaux amiantés et de voitures, de grattage et meulage de bogies et de réparation de moteurs, sans équipements de protection individuelle ou collective jusqu'en 1986 et a relevé que ces postes de travail étaient repris dans une attestation du Docteur [H], intervenant au sein de la SNCF, sans renseignements sur les modalités de protection du salarié ; qu'en statuant de la sorte, quand l'attestation du Docteur [L] mentionnait à la rubrique ''Evaluations et mesures des niveaux d'exposition'' : ''Non connus'' et sans s'assurer que les médecins ayant établi ces attestations de nombreuses années après les faits avaient disposé d'éléments concrets permettant d'établir la réalité et la gravité de l'exposition du salarié aux fibres d'amiante, la cour d'appel s'est prononcée sur la base d'éléments impropres à prouver que M. [P] avait effectivement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, violant ainsi l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
5°/ que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition personnelle à l'amiante ; qu'en retenant qu'il résultait des attestations de plusieurs anciens salariés embauchés à la même époque que M. [P], pour travailler dans l'établissement du Mans, que les travaux de manutention qui leur étaient confiés étaient assurés dans les ateliers à la suite ou pendant des opérations effectuées par des agents SNCF sur des pièces et matériaux amiantés notamment d'autorails, libérant des fibres de ce produit, sans protection individuelle des salariés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que M. [P] avait personnellement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, a méconnu l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. »
Réponse de la Cour
7. Les dispositions de l'article R. 237-2 du code du travail, devenues les articles R. 4511-4, R. 4511-5 et R. 4511-6 du code du travail, qui mettent à la charge de l'entreprise utilisatrice une obligation générale de coordination des mesures de prévention qu'elle prend et de celles que prennent l'ensemble des chefs des entreprises intervenant dans son établissement, et précisent que chaque chef d'entreprise est responsable de l'application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel, n'interdisent pas au salarié de l'entreprise extérieure de rechercher la responsabilité de l'entreprise utilisatrice, s'il démontre que celle-ci a manqué aux obligations mises à sa charge par le code du travail et que ce manquement lui a causé un dommage.
8. Il s'ensuit que la cour d'appel a décidé à bon droit que si l'EPIC SNCF mobilités n'étant pas lié au demandeur par un contrat de travail, sa responsabilité ne pouvait être recherchée sur le fondement de l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur définie par les articles L 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, sa responsabilité pouvait néanmoins être engagée au titre de la responsabilité extracontractuelle, dès lors qu'étaient établies des fautes ou négligences de sa part dans l'exécution des obligations légales et réglementaires mises à sa charge en sa qualité d'entreprise utilisatrice, qui ont été la cause du dommage allégué.
9. L'arrêt constate d'abord que les opérations de manutention ou de nettoyage (balayage, ramassage des déchets, tri de pièces) étaient assurées dans les ateliers à la suite ou pendant des travaux effectués par des agents SNCF sur des pièces et matériaux amiantés notamment d'autorails, libérant des fibres de ce produit, sans protection individuelle des salariés, qu'ils disposaient en outre d'un équipement pour balayer favorisant la dispersion des poussières, et selon les indications de la SNCF elle-même dans un courrier du 5 janvier 1998, que le mode de chauffage par catopulseur favorisait également la propagation des fibres. Il relève également que le demandeur produit une attestation d'exposition à l'amiante qui mentionne une exposition à ce produit de 1978 à 2003 dans le cadre de l'exécution de travaux de démontage de panneaux amiantés et de voitures, de grattage et meulage de bogies et de réparation de moteurs, sans équipements de protection individuelle ou collective jusqu'en 1986.
10. L'arrêt retient ensuite que selon les dispositions réglementaires applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, résultant du décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977 puis du décret n° 92-158 du 20 février 1992 ultérieurement codifié, l'entreprise utilisatrice devait notamment informer la société extérieure sur les risques d'affections professionnelles auxquels pouvaient être exposés ses salariés afin que des mesures protectrices soient prises, que devait également être réalisée une inspection commune des lieux avec désignation des zones de danger et que devait être établi, en présence d'un risque d'interaction entre les activités des deux sociétés, ce qui était le cas en l'espèce, un plan de prévention définissant les moyens de protection des salariés de l'entreprise extérieure dont l'entreprise utilisatrice devait vérifier l'application.
11. L'arrêt relève enfin que l'EPIC SNCF mobilités ne justifie pas, pour la période antérieure à 2003, de l'établissement d'un plan de prévention avec les employeurs antérieurs de M. [P], ni même de l'exigence d'un tel plan dans les marchés conclus avec ses prestataires, pas plus qu'il ne démontre avoir vérifié la fourniture effective d'une information sur la nocivité de l'amiante et sur les équipements individuels de protection adaptés aux salariés des entreprises intervenant sur son site, alors que le décret de 1992 lui imposait de dénoncer à l'entreprise intervenante un danger grave concernant un salarié de cette dernière, même s'il estimait que la cause du danger ne lui était pas imputable, danger caractérisé par une exposition durable aux poussières d'amiante sans protection.
12. L'arrêt en déduit que les fautes et négligences imputables à la SNCF dans l'exécution de ses obligations d'entreprise utilisatrice ont contribué à l'exposition pendant plusieurs années de M. [P] à l'inhalation des poussières d'amiante, dont le danger n'est pas discuté, en ce qu'elle induit un risque de développer, même de nombreuses années après la fin de l'exposition, des pathologies très graves, et qu'elles ont par suite directement contribué au préjudice que constitue la situation d'anxiété personnellement subie par l'intéressé, préjudice décrit par son épouse, laquelle témoigne de l'inquiétude de son mari sur son état de santé, même en présence de pathologies bénignes, d'une perte de confiance lors de ses recherches d'emploi et d'une difficulté à se projeter dans l'avenir en raison de la possible survenance d'une pathologie grave.
13. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'un lien de causalité entre les fautes de l'entreprise utilisatrice qu'elle a constatées et le préjudice d'anxiété personnellement subi par le salarié résultant de son exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, sans qu'il soit nécessaire que la responsabilité des employeurs sous-traitants au titre de l'obligation de sécurité ait été retenue.
14. Il en résulte que le moyen n'est pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
15. La SNCF voyageurs fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] des dommages-intérêts, alors :
« 1°/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice s'étend aux chefs de dispositif entretenant un lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité avec le chef cassé ; que, pour condamner l'EPIC SNCF mobilités à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] une somme à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a retenu que la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permettait de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance ; que la cassation à intervenir sur l'une des critiques du premier moyen, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la responsabilité de l'EPIC SNCF mobilités à l'égard du salarié, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la SNCF à verser des dommages et intérêts réparant le préjudice collectif dont le syndicat demandait l'indemnisation ;
2°/ que les syndicats professionnels ne sont recevables qu'à solliciter l'indemnisation du préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que pour condamner l'EPIC SNCF mobilités à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] une somme à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel, après avoir jugé que les fautes et négligences imputables à la SNCF avaient directement contribué au préjudice que constitue la situation d'anxiété personnellement subie par [le salarié], a retenu que la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permettait de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance ; qu'en statuant de la sorte, quand le préjudice d'anxiété invoqué par le salarié, dont la SNCF n'était au surplus pas l'employeur, était un préjudice strictement personnel à ce dernier et qu'il avait donc seul qualité à en solliciter l'indemnisation, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le préjudice qui aurait été porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
16. Le rejet du premier moyen prive de portée la première branche du second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.
17. La cour d'appel, qui a constaté que la SNCF avait manqué, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, à ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, a exactement retenu que ces manquements constituaient une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SNCF voyageurs aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SNCF voyageurs et la condamne à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société SNCF voyageurs
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société SNCF Voyageurs fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir débouté le salarié de sa demande dirigée contre la société ISS Logistique et Production, de l'avoir déclarée responsable du préjudice du salarié, et de l'avoir condamnée à lui verser une somme de 8.000 €,
Alors 1°) que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; que l'action en réparation du préjudice d'anxiété ainsi subi par le salarié se rattachant à l'exécution du contrat de travail, ne peut être dirigée que contre son employeur, en cas de manquement de ce dernier à son obligation de sécurité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [P] avait travaillé depuis 1978 en qualité de salarié de plusieurs sous-traitants de la SNCF, qu'il avait effectué dans ce cadre des travaux de manutention et de nettoyage au sein de différents établissements de cette dernière et que son contrat de travail avait été transféré à compter du 1er mai 2003 à la société ISS Logistique et Production, à laquelle le marché avait été confié en vertu d'un contrat de prestation de services conclu avec la SNCF ; que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une action tendant à la condamnation solidaire de son employeur, la société ISS Logistique et Production, et de la SNCF, à l'indemniser du préjudice d'anxiété qu'il prétendait subir à raison de son exposition sans protection, pendant plusieurs années, à des poussières d'amiante ; qu'après avoir rejeté la demande du salarié dirigée contre la société ISS Logistique et Production au titre de la période postérieure au transfert du contrat de travail, au motif que celle-ci n'avait pas manqué à son obligation de sécurité (arrêt, p. 6-7), la cour d'appel a retenu que le salarié était en revanche fondé à rechercher la responsabilité délictuelle de droit commun de la SNCF, au titre de la période antérieure à ce transfert, dès lors qu'étaient en l'espèce établies des fautes et négligences de cette dernière dans l'exécution des obligations mises à sa charge en qualité d'entreprise utilisatrice (arrêt, p. 8-9) ; qu'en statuant de la sorte, quand l'action en réparation du préjudice d'anxiété invoqué par le salarié soutenant avoir été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante se rattache à l'exécution du contrat de travail et ne peut dès lors être dirigée que contre l'employeur ayant manqué à l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu en vertu des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code de travail, la cour d'appel a violé ces dispositions, ensemble l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause (nouvel article 1240 du code civil) ;
Alors 2°) et en tout état de cause que les obligations mises à la charge de l'entreprise utilisatrice par le décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977, puis par le décret n° 92-158 du 20 février 1992, lequel a créé les articles R. 237-1 à R. 237-28 du code du travail, visent à assurer « la coordination générale des mesures de préventions » entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise intervenante, chacune d'entre elles demeurant toutefois responsable de la mise en oeuvre des mesures destinées à assurer la sécurité de ses salariés ; qu'en particulier, lorsque les travaux s'exécutent dans les locaux d'une entreprise tierce, l'employeur a le devoir de se renseigner sur les dangers encourus par le salarié (Civ. 2ème, 8 novembre 2007, Bull. n° 248) ; que pour dire que la responsabilité délictuelle de la SNCF était engagée envers le salarié d'une entreprise sous-traitante, la cour d'appel a retenu que cette dernière, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, devait informer la société intervenante sur les risques d'affections professionnelles auxquelles pouvaient être exposés les salariés de l'autre entreprise afin que des mesures protectrices soient prises, et que devait également être réalisée une inspection commune des lieux avec désignation des zones de danger et qu'en présence d'un risque d'interaction entre les activités des deux sociétés, comme en l'espèce, devait être établi un plan de prévention définissant les moyens de protection des salariés de l'entreprise extérieure dont l'entreprise utilisatrice devait vérifier l'application ; que la cour d'appel a considéré que si, à compter de 2000, avait été construit un local spécifique pour le désamiantage et si le marché conclu avec la société ISS Logistique et Production en janvier 2003 exigeait ce plan de prévention décrivant les mesures de protection et équipements effectivement fournis aux salariés, SNCF Mobilités ne justifiait pas, pour la période antérieure, de l'établissement d'un plan de prévention avec les employeurs antérieurs de M. [P], ni même de l'exigence d'un tel plan dans les marchés conclus avec ses prestataires, pas plus qu'elle ne démontrait avoir vérifié la fourniture effective d'une information sur la nocivité de l'amiante, et d'équipements individuels de protection adaptés aux salariés des entreprises intervenant sur son site, alors que le décret du 20 février 1992 lui imposait de dénoncer à l'entreprise intervenante un danger grave concernant un salarié de cette dernière, même si elle estimait que la cause du danger ne lui était pas imputable, danger caractérisé par une exposition durable aux poussières d'amiante sans protection ; qu'en statuant de la sorte, quand les règles édictées par les décrets du 29 novembre 1977 et du 20 février 1992 ultérieurement codifié aux articles R. 237-1 du code du travail, portent uniquement sur la prévention des risques liés à l'interaction entre les salariés d'entreprises différentes, chacune des entreprises demeurant responsable de la sécurité de ses propres salariés, et qu'il incombait à l'employeur de M. [P], non à la SNCF, de se renseigner sur les dangers encourus par son salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, ensemble les articles 4 à 9 du décret du 29 novembre 1977, et les articles R. 237-1, R. 237-4 et R. 237-6 du code du travail, créés par l'article 1er du décret du 20 février 1992 ;
Alors 3°) et en outre que seul est indemnisable le préjudice en lien de causalité avec une faute ou un manquement contractuel dont l'existence est établie par la victime ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la SNCF avait engagé sa responsabilité civile à l'égard du salarié, que les fautes et négligences imputables à la SNCF dans l'exécution de ses obligations en qualité d'utilisatrice avaient « contribué à l'exposition pendant plusieurs années de M. [P] à l'inhalation des poussières d'amiante », sans que ne soit rapportée la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité envers M. [P] au titre de la période en cause, ayant exposé ce salarié à l'inhalation de poussière d'amiante et par conséquent au risque de développer une pathologie grave associée à ce produit, laquelle ne pouvait se déduire des seuls témoignages d'autres salariés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir le lien de causalité entre la faute retenue à l'encontre de la SNCF et le préjudice d'anxiété allégué par le salarié, a encore violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
Alors 4°) en tout état de cause que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave ; que pour dire que M. [P] justifiait avoir été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, la cour d'appel a retenu que ce salarié produisait aux débats une attestation d'exposition établie le 21 février 2014 par le Docteur [L], médecin du travail de la société ISS Logistique et Production « qui mentionne une exposition à ce produit de 1978 à 2003 dans le cadre de l'exécution de travaux de démontage de panneaux amiantés et de voitures, de grattage et meulage de bogies et de réparation de moteurs, sans équipements de protection individuelle ou collective jusqu'en 1986 » et a relevé que ces postes de travail étaient repris dans une attestation du Docteur [H], intervenant au sein de la SNCF, sans renseignements sur les modalités de protection du salarié ; qu'en statuant de la sorte, quand l'attestation du Docteur [L] mentionnait à la rubrique « Evaluations et mesures des niveaux d'exposition » : « Non connus » et sans s'assurer que les médecins ayant établi ces attestations de nombreuses années après les faits avaient disposé d'éléments concrets permettant d'établir la réalité et la gravité de l'exposition du salarié aux fibres d'amiante, la cour d'appel s'est prononcée sur la base d'éléments impropres à prouver que M. [P] avait effectivement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, violant ainsi l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
Alors 5°) que le salarié qui n'est pas éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité ne peut agir en réparation d'un préjudice d'anxiété qu'à la condition de justifier d'une exposition personnelle à l'amiante ; qu'en retenant qu'il résultait des attestations de plusieurs anciens salariés embauchés à la même époque que M. [P], pour travailler dans l'établissement du Mans, que les travaux de manutention qui leur étaient confiés étaient assurés dans les ateliers à la suite ou pendant des opérations effectuées « par des agents SNCF sur des pièces et matériaux amiantés notamment d'autorails, libérant des fibres de ce produit, sans protection individuelle des salariés », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que M. [P] avait personnellement été exposé à l'amiante au titre de la période de 1978 à 2003, a méconnu l'article 1382 (devenu 1240) du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société SNCF Voyageurs, venant aux droits de l'EPIC SNCF Mobilités, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] une indemnité de 200 € de dommages et intérêts ;
Alors 1°) qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif d'une décision de justice s'étend aux chefs de dispositif entretenant un lien de dépendance nécessaire ou d'indivisibilité avec le chef cassé ; que, pour condamner l'EPIC SNCF Mobilités à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a retenu que « la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permet[tait] de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance » ; que la cassation à intervenir sur l'une des critiques du premier moyen, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la responsabilité de l'EPIC SNCF Mobilités à l'égard du salarié, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la SNCF à verser des dommages et intérêts réparant le préjudice collectif dont le syndicat demandait l'indemnisation ;
Alors 2°) en tout état de cause que les syndicats professionnels ne sont recevables qu'à solliciter l'indemnisation du préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que pour condamner l'EPIC SNCF Mobilités à verser au syndicat Sud Rail [Localité 4] la somme de 200 € à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel, après avoir jugé que les fautes et négligences imputables à la SNCF avaient « directement contribué au préjudice que constitue la situation d'anxiété personnellement subie par [le salarié] », a retenu que « la nature du manquement relevé à l'encontre de la SNCF permet[tait] de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif des salariés intervenant dans le secteur ferroviaire en sous-traitance » ; qu'en statuant de la sorte, quand le préjudice d'anxiété invoqué par le salarié, dont la SNCF n'était au surplus pas l'employeur, était un préjudice strictement personnel à ce dernier et qu'il avait donc seul qualité à en solliciter l'indemnisation, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le préjudice qui aurait été porté à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail.
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CASS/JURITEXT000047128350.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
M. SOMMER, président
Arrêt n° 109 FS-B
Pourvoi n° P 21-19.232
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
Mme [S] [W], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-19.232 contre l'arrêt rendu le 14 mai 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Groupe sos séniors, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [W], de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'association Groupe sos séniors, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 14 mai 2021), Mme [W] a été engagée en qualité d'aide soignante le 5 novembre 2012 par l'association Les Feuillantines, aux droits de laquelle vient l'association Groupe sos séniors (l'association).
2. Placée en arrêt de travail à compter du 25 juin 2016 à la suite d'un accident du travail, la salariée a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l'occasion de la visite de reprise du 12 juin 2018, l'avis du médecin mentionnant expressément « l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
3. Licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par l'association le 10 juillet 2018, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que l'employeur a respecté son obligation de recherche de reclassement et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que lorsque le médecin du travail déclare un salarié inapte à son emploi, en mentionnant expressément dans son avis que l'état de santé du salarié fait obstacle à toute reclassement dans l'emploi, l'employeur n'est pas dispensé de son obligation de rechercher le reclassement du salarié au sein des entreprises du groupe auquel l'employeur appartient ; qu'en retenant le contraire, pour dire que l'association Groupe sos séniors avait respecté ses obligations s'agissant de son obligation de recherche de reclassement de la salariée et débouter celle-ci de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1226-10, L. 1226-12, L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail ;
2°/ que dans l'hypothèse où il serait retenu que la cour d'appel de Bourges a adopté les motifs des premiers juges, aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, le groupe auquel appartient l'employeur, au sein duquel celui-ci a l'obligation de rechercher le reclassement du salarié qui a été déclaré inapte, est le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, et non le groupe formé par les seules sociétés entrant dans les prévisions de l'article L. 233-1, des I et II de l'article L. 233-3 et de l'article L. 233-16 du code de commerce ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire que l'association Groupe sos séniors avait respecté ses obligations s'agissant de son obligation de recherche de reclassement de Mme [S] [W] et débouter celle-ci de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'existence de liens capitalistiques est une condition préalable à la reconnaissance d'un groupe de reclassement, que la notion de groupe n'existe donc qu'au sens du droit des sociétés, s'agissant de l'obligation de reclassement d'un salarié déclaré inapte, qu'il ne peut, donc, y avoir de groupe dans une association, quand bien même plusieurs associations seraient étroitement liées, que, parce que l'association Groupe sos séniors est une association dont le siège social est situé à [Localité 3], régie par les dispositions du code civil local, elle n'était pas assujettie à l'obligation de rechercher le reclassement de Mme [S] [W] au sein d'un groupe et qu'en conséquence, le périmètre de reclassement était limité à l'entreprise d'affectation de Mme [S] [W], la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
6. L'arrêt constate que l'avis d'inaptitude mentionne expressément que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
7. La cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur était dispensé de rechercher et de proposer à la salariée des postes de reclassement.
8. Le rejet de la première branche du moyen rend sans portée la seconde branche.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme [W]
Mme [S] [W] fait grief à l'arrêt, sur ce point confirmatif, attaqué D'AVOIR dit que l'association Groupe Sos Séniors avait respecté ses obligations s'agissant de son obligation de recherche de reclassement de Mme [S] [W] et D'AVOIR débouté en conséquence Mme [S] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE, de première part, lorsque le médecin du travail déclare un salarié inapte à son emploi, en mentionnant expressément dans son avis que l'état de santé du salarié fait obstacle à toute reclassement dans l'emploi, l'employeur n'est pas dispensé de son obligation de rechercher le reclassement du salarié au sein des entreprises du groupe auquel l'employeur appartient ; qu'en retenant le contraire, pour dire que l'association Groupe Sos Séniors avait respecté ses obligations s'agissant de son obligation de recherche de reclassement de Mme [S] [W] et débouter celle-ci de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1226-10, L. 1226-12, L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail ;
ALORS QUE, de seconde part et à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait retenu que la cour d'appel de Bourges a adopté les motifs des premiers juges, aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, le groupe auquel appartient l'employeur, au sein duquel celui-ci a l'obligation de rechercher le reclassement du salarié qui a été déclaré inapte, est le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, et non le groupe formé par les seules sociétés entrant dans les prévisions de l'article L. 233-1, des I et II de l'article L. 233-3 et de l'article L. 233-16 du code de commerce ; qu'en énonçant, par conséquent, pour dire que l'association Groupe Sos Séniors avait respecté ses obligations s'agissant de son obligation de recherche de reclassement de Mme [S] [W] et débouter celle-ci de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'existence de liens capitalistiques est une condition préalable à la reconnaissance d'un groupe de reclassement, que la notion de groupe n'existe donc qu'au sens du droit des sociétés, s'agissant de l'obligation de reclassement d'un salarié déclaré inapte, qu'il ne peut, donc, y avoir de groupe dans une association, quand bien même plusieurs associations seraient étroitement liées, que, parce que l'association Groupe Sos Séniors est une association dont le siège social est situé à [Localité 3], régie par les dispositions du code civil local, elle n'était pas assujettie à l'obligation de rechercher le reclassement de Mme [S] [W] au sein d'un groupe et qu'en conséquence, le périmètre de reclassement était limité à l'entreprise d'affectation de Mme [S] [W], la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail.
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CASS/JURITEXT000047128352.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 février 2023
M. SOMMER, président
Arrêt n° 111 FS-B
Pourvoi n° E 21-15.314
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
La caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre-Loire, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-15.314 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [T] [Y], épouse [R], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre-Loire, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Y], et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 05 mars 2021), Mme [Y], engagée en qualité de guichetière le 16 mars 1982 par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre-Loire, a été licenciée le 30 janvier 2017 pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel et impossibilité de reclassement.
2. La convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987 est applicable à la relation de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dénué de cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui remettre un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi rectifiés et de le condamner à rembourser aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnité de chômage , alors « que selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit Agricole, le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé" ; que ce texte impose donc seulement que l'avis des délégués du personnel soit recueilli avant la notification du licenciement non disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'inaptitude étant d'origine non professionnelle, aucune consultation des délégués du personnel n'était légalement obligatoire en l'état des textes alors applicables, et que la consultation prévue par l'article 14 de la convention collective avait été réalisée avant le licenciement de Mme [R] ; qu'en énonçant que la consultation des délégués du personnel prévue par ce texte conventionnel devait intervenir après la constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement et avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable, et en jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse parce que la consultation des délégués du personnel avait été réalisée après cette convocation à l'entretien préalable et quelques jours avant le licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 21 décembre 2018 :
4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.
5. Selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole, le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé.
6. Il résulte de cette disposition que l'avis des délégués du personnel n'a pas à être préalable à l'entretien préalable, mais uniquement à la prise de décision par l'employeur de licencier.
7. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt, après avoir constaté que l'inaptitude n'était pas d'origine professionnelle et que les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans leur version applicable en la présente espèce, ne prévoyaient pas la consultation préalable des délégués du personnel, retient d'abord qu'en application de l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit agricole précité, s'agissant d'un licenciement pour inaptitude médicalement constatée, la consultation des délégués du personnel devait intervenir après constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement approprié à ses capacités, et en tout état de cause, avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable et qu'à défaut, l'article 14 précité était privé de toute portée.
8. Il retient ensuite qu'en engageant la procédure de licenciement par convocation du 3 janvier 2017 à un entretien préalable prévu le 11 janvier 2017, soit avant d'avoir procédé à la consultation des délégués du personnel, laquelle n'est intervenue que le 25 janvier 2017 et en procédant au licenciement de la salariée seulement quelques jours après cette consultation, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire a privé de toute substance ladite consultation.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte sus-visé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 05 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre-Loire
La caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel (CRCAM) Centre Loire FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme [R] était dénué de cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à verser à la salariée les sommes de 5 449,16 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 544,91 € au titre des congés payés afférents, 74 000 € à titre de dommages-et-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR condamnée à remettre à Mme [R] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi rectifiés, et de l'AVOIR condamnée à rembourser aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées à Mme [R] du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,
1. ALORS QUE selon l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit Agricole, « le licenciement pour un motif autre que disciplinaire ne peut être effectué qu'après avis des délégués du personnel du collège auquel appartient l'intéressé » ; que ce texte impose donc seulement que l'avis des délégués du personnel soit recueilli avant la notification du licenciement non disciplinaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'inaptitude étant d'origine non professionnelle, aucune consultation des délégués du personnel n'était légalement obligatoire en l'état des textes alors applicables, et que la consultation prévue par l'article 14 de la convention collective avait été réalisée avant le licenciement de Mme [R] ; qu'en énonçant que la consultation des délégués du personnel prévue par ce texte conventionnel devait intervenir après la constatation de l'inaptitude par le médecin du travail, avant la proposition effective d'un poste de reclassement et avant la convocation de la salariée à l'entretien préalable, et en jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse parce que la consultation des délégués du personnel avait été réalisée après cette convocation à l'entretien préalable et quelques jours avant le licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2. ALORS en tout état de cause QU'à supposer que la consultation des délégués du personnel prévue par l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit Agricole en cas de licenciement pour un motif autre que disciplinaire doive intervenir avant la convocation à l'entretien préalable, le seul fait que cette consultation intervienne après l'entretien préalable ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte conventionnel susvisé, ensemble l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1232-1 du même.
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CASS/JURITEXT000047128384.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 février 2023
M. SOMMER, président
Arrêt n° 142 FP-B+R
Pourvoi n° S 21-14.451
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
La société Rhodia opérations, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 21-14.451 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [U], domicilié [Adresse 1],
2°/ à M. [B] [P], domicilié [Adresse 2],
3°/ au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Rhodia opérations, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [U], [P], et du syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Pietton, Mmes Cavrois, Ott, MM. Sornay, Barincou, Mme Lacquemant, conseillers, M. Le Corre, Mmes Lanoue, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 décembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 15 janvier 2020, pourvoi n° 18-16.771), MM. [P] et [U] ont été engagés, respectivement en 1983 et 1990, par la société Rhône Poulenc chimie, aux droits de laquelle vient la société Rhodia opérations (la société).
2. Par un arrêté ministériel du 30 septembre 2005, l'établissement de [Localité 5], au sein duquel ils ont travaillé, a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période 1916-2001.
3. Par un arrêté ministériel du 23 août 2013, cette période a été étendue jusqu'en 2005.
4. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir réparation notamment d'un préjudice au titre d'un manquement à l'obligation de loyauté.
5. Le syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] est intervenu à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action des salariés au titre du manquement à l'obligation de loyauté, de le condamner à leur payer une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de l'obligation de loyauté, de le condamner à verser au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] une somme au titre du préjudice subi par la collectivité de travail et de le condamner à payer à chacun des salariés et au syndicat une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il en résulte que le salarié dont le droit à réparation au titre du préjudice d'anxiété, en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, est éteint n'est pas recevable à solliciter le versement de dommages-intérêts au titre d'une utilisation d'amiante par l'employeur sur un autre fondement juridique ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'action des salariés en réparation de leur préjudice d'anxiété en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 était irrecevable comme prescrite ; qu'en leur allouant néanmoins des dommages-intérêts en réparation du préjudice au titre d'un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté résultant de l'utilisation d'amiante entre 2002 et 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
2°/ qu'à supposer que le salarié, dont le droit à réparation au titre du préjudice d'anxiété en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 est éteint, puisse invoquer un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté résultant de l'utilisation d'amiante, il ne peut solliciter une réparation qu'à condition d'établir l'impact d'une telle utilisation sur ses conditions de travail et l'existence d'un préjudice personnellement subi ; qu'en se bornant à relever, pour allouer à chacun des salariés une somme de dommages-intérêts au titre d'une méconnaissance de son obligation de loyauté, que la société Rhodia Opérations avait continué à utiliser de l'amiante illégalement et sans transparence vis-à-vis des représentants du personnel de 2002 à 2005, sans caractériser la moindre exposition personnelle des salariés au cours de cette période, le moindre manquement commis par l'employeur, ni le moindre préjudice personnellement subi résultant du manquement de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 1222-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. En premier lieu, il résulte de l'article L. 1222-1 du code du travail que l'atteinte à la dignité de son salarié constitue pour l'employeur un manquement grave à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail (Soc., 7 février 2012, pourvoi n° 10-18.686, Bull. 2012, V, n° 58).
8. Dès lors, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'employeur, qui avait bénéficié d'une dérogation jusqu'au 31 décembre 2001 l'autorisant à poursuivre l'utilisation de l'amiante malgré l'entrée en vigueur du décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, et continué, en toute illégalité, à utiliser ce matériau de 2002 à 2005 alors qu'il n'était plus titulaire d'aucune autorisation dérogatoire, a ainsi manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi les contrats de travail.
9. En second lieu, l'employeur qui soutenait devant la cour d'appel que tous les salariés de l'établissement de [Localité 5] avaient reçu leur attestation d'exposition à l'amiante à leur départ de l'entreprise, est irrecevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire selon lequel les salariés ne caractérisaient pas la moindre exposition personnelle à l'amiante au cours de la période concernée.
10. Enfin, les salariés, au soutien de leur demande au titre de l'obligation de loyauté, n'invoquaient pas l'existence d'un préjudice d'anxiété.
11. Il en résulte que le moyen, partiellement irrecevable et inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Rhodia opérations aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Rhodia opérations et la condamne à payer à MM. [U] et [P] et au syndicat CGT des personnels du site chimique de [Localité 5] la somme globale de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Rhodia opérations
La société Rhodia Chimie reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action de MM. [P] et [U] au titre du manquement à l'obligation de loyauté, de l'avoir condamnée à payer à MM. [P] et [U] la somme de 2 000 € chacun à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de l'obligation de loyauté, de l'avoir condamnée à verser au syndicat CGT des personnels du site chimique du [Localité 5] la somme de 2 000 € au titre du préjudice subi par la collectivité de travail et d'avoir confirmé le jugement déféré en que qu'il l'a condamnée à payer à chacun des salariés et au syndicat une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ALORS QUE l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'il en résulte que le salarié dont le droit à réparation au titre du préjudice d'anxiété, en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, est éteint n'est pas recevable à solliciter le versement de dommages-intérêts au titre d'une utilisation d'amiante par l'employeur sur un autre fondement juridique ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'action des salariés en réparation de leur préjudice d'anxiété en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 était irrecevable comme prescrite ; qu'en leur allouant néanmoins des dommages-intérêts en réparation du préjudice au titre d'un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté résultant de l'utilisation d'amiante entre 2002 et 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'à supposer que le salarié, dont le droit à réparation au titre du préjudice d'anxiété en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 est éteint, puisse invoquer un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté résultant de l'utilisation d'amiante, il ne peut solliciter une réparation qu'à condition d'établir l'impact d'une telle utilisation sur ses conditions de travail et l'existence d'un préjudice personnellement subi ; qu'en se bornant à relever, pour allouer à chacun des salariés une somme de dommages-intérêts au titre d'une méconnaissance de son obligation de loyauté, que la société Rhodia Opérations avait continué à utiliser de l'amiante illégalement et sans transparence vis-à-vis des représentants du personnel de 2002 à 2005, sans caractériser la moindre exposition personnelle des salariés au cours de cette période, le moindre manquement commis par l'employeur, ni le moindre préjudice personnellement subi résultant du manquement de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 1222-1 du code du travail.
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N° K 22-81.057 FS-B
10 AOÛT 2022
NON LIEU À RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 10 AOÛT 2022
M. [P] [W] a présenté, par mémoire spécial reçu le 16 mai 2022, des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 3 février 2022, qui, pour diffusion d'image ou de renseignement sur l'identité d'une victime d'agression ou d'atteinte sexuelles sans son accord écrit, l'a condamné à 1 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
Des observations complémentaires ont été produites.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [P] [W], les observations de la la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [U] [H] et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 août 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, M. Turbeaux, Mme Goanvic, conseillers de la chambre, Mme Chafaï, MM. Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Lesclous, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 ne méconnaît-il pas le principe de légalité des délits et des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il ne désigne pas précisément les personnes qui doivent être regardées comme victimes au sens de ce texte ? »
2. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 ne méconnaît-il pas la liberté d'expression, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il réprime, sans distinction et sous la seule réserve de l'accord écrit donné par la victime, le fait de diffuser des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable, y compris lorsque de tels renseignements ou une telle image ont déjà été diffusés par la victime elle-même ? »
3. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
4. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
5. La première question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que la notion de victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles est suffisamment claire et précise pour que son interprétation, qui entre dans l'office du juge pénal, puisse se faire sans risque d'arbitraire.
6. La seconde question posée ne présente pas non plus un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.
7. La disposition législative critiquée poursuit un objectif d'intérêt général, soit la protection de la dignité et de la vie privée de la victime d'infraction sexuelle, protection qui est également de nature à éviter des pressions sur celle-ci.
8. La disposition en cause ne prescrit pas une interdiction générale de diffusion mais est limitée à certains éléments, ce dont il se déduit qu'elle n'interdit pas toute expression sur des faits d'agression ou d'atteinte sexuelles.
9. Elle prévoit une dérogation en cas d'accord écrit de la victime.
10. Même dans le cas où la victime a déjà diffusé elle-même des renseignements concernant son identité, ou son image, un risque d'atteinte aux intérêts précités est susceptible de résulter d'une nouvelle diffusion dans des conditions auxquelles elle n'a pas consenti.
11. La disposition en cause, qui ne présente pas un caractère général et absolu, assure donc une conciliation, qui n'est pas manifestement disproportionnée, entre la protection des victimes et le principe de la liberté d'expression.
12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du dix août deux mille vingt-deux.
Le Rapporteur Le Président
Le Greffier de chambre
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N° K 21-82.778 FP-B
24 JANVIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023
Mmes [V] et [I] [H], et M. [R] [H], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 14 avril 2021, qui, dans l'information suivie contre MM. [B] [C] et [G] [K] des chefs de tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terrroriste et association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevables leurs constitutions de partie civile.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire, commun aux demandeurs, et des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mmes [V] et [I] [H], et M. [R] [H], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Ingall-Montagnier, Labrousse, MM. d'Huy, Wyon, Mmes Ménotti, Leprieur, Sudre, Goanvic, MM. Dary, Sottet, conseillers de la chambre, M. Leblanc, Mme Chafaï, M. Michon, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 17 août 2017, vers 17 heures, une fourgonnette a fait irruption sur la [Adresse 3] à [Localité 1], avant de remonter [Adresse 2] jusqu'à la [Adresse 4], artères touristiques de la ville, fonçant dans la foule, faisant quatorze morts et plus d'une centaine de blessés. Le conducteur a pris la fuite avant d'être tué par des policiers quatre jours plus tard. L'organisation dite « Etat islamique » a revendiqué cet attentat.
3. Une information judiciaire a été ouverte à Paris des chefs susvisés, des ressortissants français ayant été blessés.
4. Mme [V] [H], sa fille, Mme [I] [H], et son fils, M. [R] [H], se sont constitués partie civile. Ils ont exposé que, présents lors de l'attentat, ils avaient subi un préjudice en relation avec celui-ci. Mmes [V] et [I] [H], impressionnées par une foule de personnes paniquées, se sont mises à courir. Mme [V] [H] s'est blessée en tombant dans sa course. Ses enfants ont indiqué souffrir de troubles psychologiques.
5. Le juge d'instruction a déclaré ces constitutions de partie civile irrecevables.
6. Mmes [V] [H], [I] [H] et M. [R] [H] ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de Mmes [V] et [I] [H] et de M. [R] [H], alors « que pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant les juridictions d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle se fonde permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; qu'il en est notamment ainsi lorsque les dommages invoqués par le plaignant se rattachent par un lien d'indivisibilité aux faits visés à la prévention ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles des consorts [H], la chambre de l'instruction a relevé qu'au vu de leur localisation précise et de leurs mouvements par rapport à la trajectoire de la camionnette, ils ne s'étaient pas trouvés directement et immédiatement exposés au risque de mort ou de blessure recherché par le terroriste ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (v. mémoire des consorts [H]), si le mouvement de panique ayant notamment provoqué la chute de Mme [V] [H] ainsi que les blessures qu'elle a subies n'étaient pas indissociablement liés au passage du véhicule conduit par le terroriste, dont rien ne permettait en outre d'exclure un autre passage meurtrier, cette fois dans la direction des consorts [H], de sorte qu'en cet état la possibilité d'un préjudice en lien de causalité direct avec l'infraction de tentative d'assassinat ne pouvait être exclue, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 85, 87 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen en ce qu'il concerne M. [R] [H]
8. Pour déclarer la constitution de partie civile de M. [R] [H] irrecevable, l'arrêt attaqué énonce que lors des faits, il ne se trouvait pas avec sa mère et sa soeur, que le lieu exact où il était n'est pas connu, la seule circonstance qu'il se soit trouvé bloqué à l'extérieur d'un périmètre circonscrit par les forces de l'ordre ne démontrant pas qu'il était sur le lieu même des faits ou dans sa proximité immédiate, de sorte que c'est par une juste analyse que le magistrat instructeur a considéré qu'il ne s'est pas trouvé directement exposé au risque de mort ou de blessure recherché par le terroriste.
9. En l'état des seuls motifs dont il résulte que M. [H] ne se trouvait pas à proximité du lieu de commission des faits, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.
10. Il s'ensuit que le moyen, en ce qu'il concerne M. [H], n'est pas fondé.
Sur le moyen en ce qu'il concerne Mmes [V] et [I] [H]
11. Pour déclarer les constitutions de partie civile de Mmes [V] et [I] [H] irrecevables, après avoir rappelé les déclarations de Mme [V] [H] selon lesquelles elle a été entraînée avec sa fille dans le mouvement de la foule paniquée, s'est blessée en tombant dans sa course, avant de voir le corps d'une femme étendu sur la route et de penser à un acte criminel, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort de ces déclarations qu'elles n'ont pas vu la scène ni la camionnette.
12. Les juges ajoutent que c'est par une juste analyse de la localisation précise des parties civiles et de leurs mouvements par rapport à la trajectoire de la camionnette que le magistrat instructeur a considéré qu'elles ne s'étaient pas trouvées directement et immédiatement exposées au risque de mort ou de blessures.
13. Ils en concluent que le traumatisme indéniable des plaignantes correspond à celui vécu par les témoins des conséquences de l'infraction, et non au préjudice d'une victime directe au sens de l'article 2 du code de procédure pénale.
14. C'est à tort que, pour estimer que le préjudice allégué n'était pas en relation directe avec les infractions commises, les juges ont relevé que les intéressées ne s'étaient pas trouvées sur la trajectoire de la camionnette.
15. Néanmoins l'arrêt n'encourt pas la censure.
16. En effet, il résulte de ses énonciations que, si Mmes [V] et [I] [H] se trouvaient à proximité du lieu des faits, elles ont suivi un mouvement de foule dont à l'origine elles ignoraient la cause, de sorte qu'elles n'ont pu se croire exposées à une action criminelle ayant pour but de tuer indistinctement un grand nombre de personnes. En conséquence, la possibilité de l'existence d'un préjudice en relation directe avec les infractions poursuivies n'est pas caractérisée (Crim., 15 février 2022, pourvoi n° 21-80.265, publié au Bulletin).
17. Il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli.
18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour,
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
Crim., 15 février 2022, pourvoi n° 21-80.265, Bull. crim. (cassation sans renvoi).
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N° A 21-85.828 FP-B
24 JANVIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023
Mme [C] [X], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 22 septembre 2021, qui, dans l'information suivie contre MM. [M] [H] et [N] [K] des chefs de tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [C] [X], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Ingall-Montagnier, Labrousse, MM. d'Huy, Wyon, Mmes Ménotti, Leprieur, Sudre, Goanvic, M. Sottet, conseillers de la chambre, M. Leblanc, Mmes Guerrini, Chafaï, M. Michon, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 17 août 2017, vers 17 heures, une fourgonnette a fait irruption sur [Adresse 3] à [Localité 1], avant de remonter [Adresse 2] jusqu'à [Adresse 4], artères touristiques de la ville, fonçant dans la foule, faisant quatorze morts et plus d'une centaine de blessés. Le conducteur a pris la fuite avant d'être tué par des policiers quatre jours plus tard. L'organisation dite « Etat islamique » a revendiqué cet attentat.
3. Une information judiciaire a été ouverte à Paris des chefs susvisés, des ressortissants français ayant été blessés.
4. Mme [C] [X] s'est constituée partie civile, faisant valoir un préjudice psychologique.
5. Le juge d'instruction a déclaré cette constitution de partie civile irrecevable.
6. Mme [X] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Mme [X], alors :
« 1°/ que l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu' « il ressort des explications précises données par Mme [X] qu'après y être descendue, elle se trouvait devant la station de métro et que la camionnette est passée derrière sur sa droite » et que son traumatisme était « indéniable » ; qu'en retenant pourtant, pour déclarer sa constitution de partie civile irrecevable, que Mme [X] n'avait pas été « directement et immédiatement exposée au risque de mort ou de blessure recherché par le conducteur de la camionnette » et que son traumatisme relevait de celui des témoins des conséquences de l'infraction et non d'une victime directe, la chambre de l'instruction qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 2, 3, 85 et 593 du code de procédure pénal ;
2°/ que l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en se fondant, pour retenir que Mme [X] n'avait pas été directement et immédiatement exposée au risque de mort ou de blessure recherché par le terroriste et déclarer sa constitution de partie civile irrecevable, sur le fait qu'elle ne s'était pas trouvée dans la trajectoire même de la camionnette, quand cette seule circonstance n'était pas de nature à exclure toute intention homicide à son encontre de la part du terroriste dans un attentat visant à tuer le plus de personnes possibles présentes sur [Adresse 2], la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 2, 3 et 85 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'une constitution de partie civile est recevable dès lors que le préjudice invoqué découle des faits objets des poursuites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le traumatisme de Mme [X] était « indéniable » ; qu'en subordonnant la recevabilité de sa constitution de partie civile à la preuve qu'elle avait été directement et immédiatement exposée à l'intention homicide du terroriste, quand il suffisait que Mme [X] puisse se prévaloir d'un préjudice qui découlait des faits poursuivis, la chambre de l'instruction a violé les articles 2, 3 et 85 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré la constitution de partie civile de Mme [X] irrecevable, l'arrêt attaqué reprend les premières déclarations de celle-ci selon lesquelles elle se trouvait, à l'heure des faits, sur [Adresse 2], a vu arriver de sa droite une camionnette à vive allure, a pensé qu'en raison de sa vitesse elle pouvait blesser quelqu'un, a entendu « une vague de bruit » l'ayant pétrifiée, puis a été entraînée par un tiers dans un restaurant d'où elle a pu voir des personnes allongées sur le sol, qu'elle a pensé endormies, des ambulances et des policiers.
9. Les juges, se fondant sur les déclarations ultérieures de l'intéressée, énoncent qu'il ressort de ces explications que la camionnette est passée derrière l'intéressée sans qu'elle se soit trouvée sur sa trajectoire, même si elle a pu voir des gens au sol, ressentir le mouvement et le bruit de la foule avant d'être entraînée par un tiers vers un restaurant.
10. Ils en concluent que le traumatisme indéniable de la plaignante correspond à celui vécu par les témoins des conséquences de l'infraction, et non au préjudice d'une victime directe au sens de l'article 2 du code de procédure pénale.
11. C'est à tort que, pour estimer que le préjudice allégué n'était pas en relation directe avec les infractions commises, les juges ont relevé que l'intéressée ne s'était pas trouvée sur la trajectoire de la camionnette.
12. Néanmoins, l'arrêt n'encourt pas la censure.
13. En effet, il résulte de ses énonciations que, si Mme [X] se trouvait à proximité, elle n'a pas été en situation de prendre la mesure des faits qui étaient en train de se dérouler, de sorte qu'elle ne s'est pas crue exposée à une action criminelle ayant pour objet de tuer indistinctement un grand nombre de personnes. En conséquence, la possibilité de l'existence d'un préjudice en relation directe avec les infractions poursuivies n'est pas caractérisée (Crim., 15 février 2022, pourvoi n° 21-80.265, publié au Bulletin).
14. Dès lors, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.
Crim., 15 février 2022, pourvoi n° 21-80.265, Bull. crim. (cassation sans renvoi).
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CASS/JURITEXT000047074147.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 21-86.839 F-B
25 JANVIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JANVIER 2023
M. [T] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 3 novembre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 14 octobre 2020, n° 19-83.247) pour aide à l'entrée irrégulière d'un étranger en France, l'a condamné à 3 000 euros d'amende avec sursis.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [T] [R], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 18 janvier 2018, M. [T] [R], qui conduisait son véhicule, depuis la frontière italienne vers [Localité 1], a été contrôlé par les fonctionnaires de la police aux frontières. Il avait pour passager une personne de nationalité éthiopienne, démunie de document lui permettant d'entrer et de séjourner en France.
3. M. [R] a reconnu avoir pris en charge ce ressortissant étranger à [Localité 2] et lui avoir fait traverser la frontière dans son véhicule, afin de le conduire à la gare de [Localité 1].
4. Il a été poursuivi pour aide à l'entrée irrégulière d'un étranger sur le territoire national.
5. Par jugement du 14 mars 2018, il a été relaxé.
6. Le ministère public a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de l'interpellation de M. [R], alors « que la régularité d'un contrôle d'identité doit s'apprécier au regard du fondement juridique sur lequel ceux qui l'ont réalisé entendaient agir, de sorte qu'il leur revient nécessairement de faire figurer dans leur procès-verbal le fondement légal précis de leur intervention afin que puisse être vérifié le respect des conditions relatives ; qu'en se bornant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de cette irrégularité, à faire état des circonstances de fait de l'interpellation dont elle déduit que « le contrôle du véhicule et de ses occupants était justifié au regard des dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale », lorsque de telles déductions, effectuées a posteriori, ne sauraient pallier l'irrégularité résultant de l'absence en procédure de mention du fondement légal précis sur lequel cette intervention a été effectuée, la cour d'appel a violé les articles 78-2, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour écarter l'exception de nullité du contrôle d'identité, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du procès-verbal d'interpellation du prévenu que celui-ci a été contrôlé, au volant de son automobile, sur l'autoroute, venant de l'Italie et se dirigeant vers [Localité 1], par des policiers qui ont vu, à l'arrière du véhicule, un homme couché derrière le siège du conducteur, dissimulé par le dossier de la banquette arrière, replié sur lui.
10. La juridiction du second degré en déduit que les policiers ont ainsi pu estimer possible que les deux hommes à l'intérieur du véhicule avaient commis ou tenté de commettre une infraction, ce qui justifie la légalité du contrôle, sur le fondement de l'article 78-2 du code de procédure pénale.
11. En l'état de ces énonciations qui établissent, de manière précise, les conditions dans lesquelles le contrôle a été effectué, et permettent d'apprécier sa régularité, la cour d'appel a justifié sa décision, aucune disposition n'imposant, à peine de nullité du contrôle, que le texte qui l'autorise soit visé à la procédure.
12. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [R] coupable du chef d'aide à l'entrée irrégulière d'un étranger sur le territoire, alors :
« 1°/ que la Cour de justice de l'Union Européenne a exclu l'établissement par les Etats membres d'une répression pénale spécifique à l'encontre d'un individu ayant irrégulièrement franchi une frontière intérieure, au sens du code frontières Schengen ; qu'il s'en déduit qu'aucune répression spécifique ne saurait être établie à l'encontre d'un individu qui aide au franchissement irrégulier d'une frontière intérieure, à tout le moins lorsque c'est à des fins humanitaires qu'il procède à de tels agissements, dans la mesure où son action ne contribue pas à la création d'une situation susceptible d'être pénalement réprimée selon les exigences du droit de l'Union européenne ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. [R] pour avoir aidé, dans un but humanitaire, un individu à franchir irrégulièrement une frontière intérieure, au sens du code frontières Schengen, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés, ensemble la Charte des droits fondamentaux et la directive 2002/90 du 28 novembre 2002 ;
2°/ qu'il s'évince de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et plus particulièrement des arrêts n° C-47/15 du 7 juin 2016 et n° C-239/11 du 6 décembre 2011, que celle-ci retient un traitement pénal similaire à l'égard de l'étranger qui séjourne irrégulièrement sur le territoire d'un Etat membre, d'une part, et de celui qui a franchi irrégulièrement une frontière intérieure, d'autre part ; qu'il s'en déduit l'impossibilité de traiter différemment les individus qui se rendent coupables d'aide à ces mêmes agissements, en particulier à des fins humanitaires ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. [R] pour avoir aidé, dans un cadre humanitaire, un individu à franchir irrégulièrement une frontière intérieure, au sens du code frontières Schengen, excluant ce faisant l'immunité humanitaire prévue pour les faits d'aide au séjour irrégulier apportée dans un cadre humanitaire, la cour d'appel a méconnu les principes susvisés, ensemble le principe de non-discrimination tel qu'il résulte de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
3°/ qu'il existe une difficulté sérieuse d'interprétation des normes européennes applicables au présent litige qu'il appartiendrait à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle pour la résoudre. »
Réponse de la Cour
14. Pour refuser de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité au droit de l'Union de la répression pénale de l'aide au franchissement irrégulier d'une frontière dans un but humanitaire, la cour d'appel énonce que l'article 1er de la directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, prévoit que chaque Etat membre adopte les sanctions appropriées à l'encontre de quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d'un Etat membre à pénétrer sur le territoire d'un Etat membre ou d'y transiter en violation de sa législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers, un Etat membre pouvant exclure le prononcé de sanction si ce comportement vise à apporter une aide humanitaire.
15. Elle ajoute que le demandeur ne se trouve pas dans la situation d'un étranger en séjour irrégulier, qui ne peut faire l'objet de poursuites pénales tant que la procédure administrative d'éloignement engagée à son égard n'est pas conduite à son terme.
16. Elle en déduit l'absence de contradiction entre les dispositions de l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la directive susvisée.
17. En prononçant ainsi, et en déclarant le prévenu coupable d'aide à l'entrée irrégulière d'un étranger, après avoir constaté qu'il avait pris en charge dans son véhicule pour franchir la frontière, depuis l'Italie, un étranger démuni de titre lui permettant l'entrée et le séjour en France, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions du droit de l'Union et du droit interne.
18. En effet, d'une part, l'article 1er de la directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 permet de réprimer l'aide apportée à l'entrée irrégulière sur le territoire d'un Etat de l'Union, sans imposer d'immunité en cas de poursuite d'un but humanitaire.
19. D'autre part, l'interdiction de poursuivre pénalement un étranger qui fait l'objet d'une procédure d'éloignement en cours, n'interdit pas de poursuivre pénalement une personne qui a aidé cet étranger à franchir une frontière d'un Etat de l'Union, et qui, elle-même, ne fait pas l'objet d'une procédure d'éloignement, compte tenu de la différence de leurs situations respectives.
20. Par ailleurs, la personne qui, dans un but humanitaire, apporte une aide à l'entrée sur le territoire français, favorise la commission d'une infraction, ce qui explique qu'elle ne puisse bénéficier de l'immunité prévue en cas d'aide, poursuivant le même but, apportée au séjour et à la circulation.
21. Enfin, l'interprétation des règles communautaires s'impose ainsi avec une évidence qui ne laisse pas place à un doute raisonnable, ce qui justifie de rejeter la demande de transmission à la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.
22. Le moyen ne peut donc être accueilli.
23. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT n'y avoir lieu à transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047096601.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 22-82.917 F-B
31 JANVIER 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 JANVIER 2023
M. [B] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 24 mars 2022, qui, pour blessures involontaires aggravées et conduite sans assurance en récidive, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, 500 euros d'amende et l'annulation de son permis de conduire, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [B] [Y], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le tribunal correctionnel a condamné M. [B] [Y], notamment, pour blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur avec au moins deux circonstances aggravantes et a prononcé sur les intérêts civils.
3. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme (CPAM) est intervenue à la procédure.
4. M. [Y] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen du mémoire ampliatif et le moyen relevé d'office et mis dans le débat
Enoncé des moyens
6. Le troisième moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris sur l'action civile, alors « que seul peut être indemnisé le préjudice direct et personnel résultant des faits objet de la poursuite ; qu'en confirmant le jugement ayant déclaré recevable la constitution de partie civile de la CPAM du Puy-de-Dôme et ayant déclaré Monsieur [Y] responsable de son préjudice (arrêt, p. 10), sans expliquer en quoi le préjudice invoqué par la CPAM du Puy-de-Dôme était en lien avec le délit de blessures involontaires reproché au prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1240 du code civil, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale. »
7. Le moyen relevé d'office et mis dans le débat est pris de la violation des articles 2 et 418 du code de procédure pénale et L. 376-1 du code de la sécurité sociale et critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclaré recevable la constitution de partie civile de la CPAM, alors qu'un organisme social agissant en qualité d'assureur social subrogeant la victime d'une infraction peut intervenir à la procédure afin d'obtenir le remboursement des prestations qu'il a versées, mais ne peut se constituer partie civile.
Réponse de la Cour
8. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 2 et 418 du code de procédure pénale et L. 376-1, alinéa 9, du code de la sécurité sociale :
9. Selon le premier de ces textes, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.
10. Selon le deuxième, toute personne qui, conformément à l'article 2 précité, prétend avoir été lésée par un délit, peut, si elle ne l'a déjà fait, se constituer partie civile à l'audience et demander à l'appui de sa constitution des dommages-intérêts correspondant au préjudice qui lui a été causé.
11. Selon le troisième, d'une part, les caisses de sécurité sociale exercent des recours subrogatoires qui s'imputent poste par poste sur les seules indemnités réparant des préjudices qu'elles ont pris en charge, d'autre part, les assurés ou leurs ayants droit doivent appeler les caisses de sécurité sociale en déclaration de jugement commun ou réciproquement. Dans le cadre d'une procédure pénale, la déclaration en jugement commun ou l'intervention des caisses de sécurité sociale peut intervenir après les réquisitions du ministère public, dès lors que l'assuré s'est constitué partie civile et qu'il n'a pas été statué sur le fond de ses demandes.
12. Il s'en déduit que lorsqu'elles exercent l'action subrogatoire prévue par les dispositions ci-dessus rappelées dans le cadre d'une procédure pénale, l'intervention des caisses de sécurité sociale est fondée uniquement sur l'action accordée à la victime de l'infraction par le code de procédure pénale. A cette occasion, elles ne formulent donc pas des demandes indemnitaires en réparation d'un dommage dont elles ont personnellement souffert et qui a été directement causé par l'infraction, mais cherchent à obtenir des auteurs de celle-ci le remboursement des prestations qu'elles ont versées à leurs assurés. Elles ne peuvent dès lors se constituer partie civile, droit réservé aux victimes.
13. Pour confirmer le jugement qui a prononcé sur les intérêts civils, l'arrêt attaqué énonce par motifs expressément adoptés qu'il convient de déclarer recevable la constitution de partie civile de la CPAM et de condamner M. [Y] à lui verser, en cette qualité, les sommes de 50 113,56 euros, à titre d'indemnité provisionnelle au titre des prestations qu'elle a servies à la victime, 1 091 euros en application de l'article L. 376-1, alinéa 9, du code de la sécurité sociale et 600 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
15. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la constitution de partie civile de la CPAM et les déclarations et condamnations prononcées à ce titre. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 24 mars 2022, mais en ses seules dispositions ayant déclaré la constitution de partie civile de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme recevable et M. [Y] responsable de son préjudice et l'ayant condamné à verser à la caisse en sa qualité de partie civile la somme de 50 113,56 euros à titre d'indemnité provisionnelle, la somme de 1 091 euros en application des dispositions de l'article L. 376-1, alinéa 9, du code de la sécurité sociale et la somme de 600 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-trois.
Sur l'action des organismes payeurs qui suppose que la victime directe de l'infraction se soit préalablement constituée elle-même partie civile :Crim., 2 juillet 1964, pourvoi n° 63-90.649, Bull. crim. 1964, n° 224 (cassation partielle).
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N° X 22-83.368 F-B
31 JANVIER 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 JANVIER 2023
La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 18 novembre 2021, qui, pour contravention au code de la voirie routière, l'a condamnée à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [1], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du conseil départemental de La Réunion, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Sur citation directe du conseil départemental de La Réunion, le tribunal de police a condamné la société [1] (la société) à 1 000 euros d'amende avec sursis pour la contravention au code de la voirie routière d'occupation du domaine public routier non autorisée et non conforme à sa destination et a prononcé sur les intérêts civils.
3. La société et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité, alors :
« 1°/ que la méconnaissance du principe non bis in idem ne constitue pas une exception de nullité devant être présentée avant toute défense au fond ; qu'elle peut être présentée à tout moment de la procédure, y compris pour la première fois en cause d'appel ; qu'en écartant toute méconnaissance du principe non bis in idem aux motifs que ce moyen n'avait pas été soulevé en première instance, quand une telle exception pouvait être invoquée à tout moment de la procédure, la cour d'appel a violé les articles 385 et 522 du code de procédure pénale ;
2°/ que l'exception prise de la violation du principe non bis in idem est un moyen d'ordre public qui peut être soulevé à tout moment de la procédure en cas de poursuites successives, y compris pour la première fois en cause d'appel ; qu'en l'espèce, la société [1] faisait valoir que le principe non bis in idem était méconnu dès lors qu'à la suite de la citation directe délivrée à son encontre et postérieurement au jugement du 12 mars 2021, M. [X] [V], son gérant, avait été convoqué le 28 juillet 2021 à une audience du tribunal de police de Saint-Denis de La Réunion pour avoir, sans autorisation préalable et d'une façon non conforme à sa destination, occupé le domaine public routier ou ses dépendances, faits prévus par les articles R. 116-2, 3°, et L. 111-1 du code de la voirie routière et réprimés par l'article R. 116-2 du même code, et pour lesquels la société [1] avait été poursuivie et condamnée en première instance ; qu'en jugeant, pour écarter ce moyen, que « cet élément n'a pas été soulevé en première instance et doit donc être rejeté comme ayant dû être soulevé en première instance », quand il pouvait être invoqué à tout moment s'agissant de poursuites successives, la cour d'appel a violé le principe susvisé et les articles 385 et 522 du code de procédure pénale ;
3°/ que le principe tenant au respect des droits de la défense et le principe de la contradiction supposent de mettre la personne poursuivie à même de présenter ses moyens de défense, et ce de manière utile et adéquate ; qu'en l'espèce, la société [1] faisait valoir que le principe non bis in idem était méconnu dès lors qu'à la suite de la citation directe délivrée à son encontre et postérieurement au jugement du 12 mars 2021, M. [X] [V], son gérant, avait été convoqué le 28 juillet 2021 à une audience du tribunal de police de Saint-Denis de La Réunion pour avoir, sans autorisation préalable et d'une façon non conforme à sa destination, occupé le domaine public routier ou ses dépendances, faits prévus par les articles R. 116-2, 3°, et L. 111-1 du code de la voirie routière et réprimés par l'article R. 116-2 du même code, et pour lesquels la société [1] avait été poursuivie et condamnée en première instance ; qu'en jugeant, pour écarter ce moyen, que « cet élément n'a pas été soulevé en première instance et doit donc être rejeté comme ayant dû être soulevé en première instance », quand la convocation de M. [X] [V] devant le tribunal de police, pour les mêmes faits, était postérieure au jugement du 12 mars 2021 ayant condamné la société [1] et n'avait donc pu être utilement invoquée en première instance, la cour d'appel a violé les articles 385 et 522 du code de procédure pénale, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Pour écarter le moyen tiré de l'application du principe ne bis in idem, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci n'a pas été soulevé en première instance et doit donc être rejeté.
6. C'est à juste titre que le moyen relève que la cour d'appel ne pouvait opposer à la société la circonstance qu'elle n'avait pas soulevé la violation de ce principe devant le premier juge.
7. En effet, alors que la société invoquait la circonstance que, postérieurement à la citation directe qui lui a été délivrée le 28 juillet 2020 par le conseil départemental de La Réunion, une convocation par officier de police judiciaire a été remise à M. [V] [X], son gérant, le 28 juillet 2021, pour les mêmes faits, il appartenait à la cour d'appel de répondre à ce moyen, que la société ne pouvait présenter devant le tribunal de police, dont le jugement a été rendu avant cette seconde convocation.
8. La Cour de cassation, cependant, a le pouvoir de substituer un motif de pur droit à un motif erroné ou inopérant sur lequel se fonde la décision attaquée et de justifier ainsi ladite décision, dès lors que ledit motif a été mis dans le débat.
9. Elle est en mesure de dire, dans la présente espèce, que le moyen tiré de la violation du principe ne bis in idem n'est pas fondé.
10. En effet, en application des dispositions de l'article 121-2 du code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.
11. Dès lors, c'est sans méconnaître ce principe que les faits ayant donné lieu aux procès-verbaux relevant des infractions à l'article R. 116-2 du code de la voirie routière, ont pu donner lieu à la citation directe de la société par le conseil départemental de La Réunion devant le tribunal de police et à la convocation de son gérant par officier de police judiciaire devant la même juridiction.
12. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité, alors « que l'action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été constatée ; que cette règle de prescription s'applique à l'action publique visant à faire sanctionner pénalement les infractions à la conservation du domaine public routier ; qu'en l'espèce, la société [1] faisait valoir que l'action publique engagée à son encontre, qui visait des faits constatés le 1er juin 2018 et le 7 août 2019, était prescrite à la date de délivrance de la citation directe, soit le 28 juillet 2020 ; qu'en jugeant qu'il résultait de l'article L. 116-6 du code de la voirie routière que l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public est imprescriptible, pour en déduire que l'exception tirée de la prescription de l'action devait être rejetée, quand les dispositions de cet article ne visent que l'action en réparation et non l'action publique consistant à faire sanctionner des infractions à la conservation du domaine public routier, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure pénale ainsi que l'article L. 116-6 du code de la voirie routière. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 9 du code de procédure pénale et L. 116-6 du code de la voirie routière :
14. Selon le premier de ces textes, en matière de contravention, l'action publique se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise si, dans cet intervalle, il n'a été effectué aucun acte d'instruction ou de poursuite.
15. Selon le second, l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier est imprescriptible.
16. Il en résulte que, si les auteurs ou les personnes civilement responsables peuvent être condamnés à la réparation du dommage causé, quel que soit le temps écoulé depuis le fait constitutif de la contravention de voirie routière, cette contravention se prescrit selon les dispositions de l'article 9 du code de procédure pénale.
17. Pour rejeter l'exception tendant à la prescription de l'action publique et confirmer la déclaration de culpabilité de la société, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de l'article L. 116-6 du code de la voirie routière que l'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier est imprescriptible.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
20. La cassation à intervenir ne concerne que la déclaration de culpabilité pour les faits antérieurs au 28 juillet 2019, susceptibles d'être prescrits en l'absence d'actes interruptifs, la peine et les intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 18 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux faits commis par la société [1] avant le 28 juillet 2019 ainsi qu'à la peine et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047096704.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 21-80.601 F- B
1ER FÉVRIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023
M. [V] [X] a formé opposition à l'arrêt de la Cour de cassation, en date du 9 décembre 2020, qui a cassé et annulé :
- l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon en date du 30 mai 2018, qui, dans l'information suivie contre MM. [W] [E], [V] [X], [D] [N] et [K] [O] des chefs notamment d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et refus d'obtempérer aggravé, a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure ;
- l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 29 janvier 2020, qui, dans l'information ouverte contre personne non dénommée des chefs précités, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par déclaration au greffe de la chambre de l'instruction du 17 décembre 2020, M. [X] a formé opposition à l'arrêt de la chambre criminelle du 9 décembre 2020 (pourvois n° 20-81.483, n° 18-83.667).
Déchéance de l'opposition
3. Il se déduit des articles 579 et 589 du code de procédure pénale que le dépôt du mémoire produit à l'appui de l'opposition à un arrêt rendu par la chambre criminelle doit avoir lieu dans les formes et délais prescrits au demandeur en cassation par les articles 584, 585, 585-1, 588 et 590 du même code.
4. M. [X] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant les moyens à l'appui de son recours de nature à déterminer la chambre criminelle à rétracter son arrêt du 9 décembre 2020.
5. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son opposition par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
6. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE la déchéance de l'opposition.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047096707.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 22-82.235 F- B
1ER FÉVRIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023
M. [P] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 23 mars 2022, qui, dans la procédure suivie des chefs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité et de complicité, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. d'Huy, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [P] [B], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Dans le cadre d'une enquête préliminaire diligentée en France des chefs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité et complicité relatifs à des faits qui auraient été commis en Côte d'Ivoire, mettant en cause, notamment, M. [P] [B] qui revendique avoir exercé les fonctions de premier ministre durant la période incriminée, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie pénale de la somme détenue sur un contrat d'assurance-vie par la [1], tiers débiteur de M. [B], pour un montant de 231 931,23 euros.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de saisie pénale frappée d'appel par M. [B], alors « que la règle de l'unique objet ne peut être opposée à la personne qui fonde son appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé une saisie sur l'exception tirée de l'immunité de juridiction de l'Etat étranger ; qu'en retenant que la règle de l'unique objet de l'appel lui interdisait d'examiner l'exception d'immunité invoquée par M. [B] à raison de sa qualité de premier ministre de la Côte d'Ivoire à l'époque des faits, la cour d'appel a méconnu les principes généraux du droit international et les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 706-153, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. La Cour de cassation juge que la personne dont le bien fait l'objet d'une saisie pénale au cours d'une enquête préliminaire, ne saurait, à l'occasion de son appel contre l'ordonnance de saisie, invoquer des exceptions ou formuler des demandes étrangères à l'unique objet de l'appel.
5. Il résulte de l'article 689-11 du code de procédure pénale que peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle réside habituellement sur le territoire de la République, toute personne soupçonnée d'avoir commis les crimes contre l'humanité définis au chapitre II du sous-titre 1er du titre 1er du livre II du code pénal, si les faits sont punis par la législation de l'Etat où ils ont été commis ou si cet Etat ou l'Etat dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature le 18 juillet 1998, ou, dans les mêmes conditions, celle soupçonnée d'avoir commis les crimes et délits de guerre définis aux articles 461-1 et 461-31 du même code.
6. Il résulte de ces dispositions que la compétence des juridictions françaises pour connaître des crimes et délits susvisés est conditionnée par la faculté, pour les autorités judiciaires françaises, de pouvoir poursuivre la personne résidant habituellement sur le territoire de la République.
7. Il se déduit du principe énoncé au § 4 et des articles 689-11 et 706-153 du code de procédure pénale que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel formé contre une ordonnance de saisie spéciale rendue dans le cadre d'une enquête préliminaire diligentée des chefs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis à l'étranger et dont les éventuelles poursuites sont conditionnées par la résidence en France de la seule personne mise en cause, est tenue, nonobstant la règle de l'unique objet, d'examiner les éléments soumis par l'intéressé qui invoque l'immunité pénale liée aux fonctions qu'il occupait à la date des faits et à la nature des actes qui lui sont reprochés.
8. C'est donc à tort que la chambre de l'instruction a jugé qu'aucune disposition du code de procédure pénale ne donne compétence à la chambre de l‘instruction, saisie d'un appel formé contre une ordonnance de saisie, en l'absence d'ouverture d'information, pour statuer sur des exceptions de procédure, y compris lorsque le mis en cause invoque une immunité pénale.
9. En effet, l'immunité revendiquée par le demandeur qui est seul mis en cause des chefs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité, si elle est avérée, est de nature à priver la juridiction française de la compétence universelle qui lui est reconnue par les dispositions de l'article 689-11 du code de procédure pénale et en conséquence, de mettre un terme aux investigations en cours.
10. L'arrêt n'encourt toutefois pas la censure dès lors qu'il résulte de ses énonciations que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a confirmé que M. [B], qui revendique avoir exercé les fonctions de premier ministre de Côte d'Ivoire et invoque l'immunité pénale qui s'attache aux actes susceptibles de lui être reprochés en cette qualité, n'exerçait aucune fonction officielle entre le 6 décembre 2010 et le 11 avril 2011 et qu'il ne peut, au moins durant cette période, se prévaloir d'une quelconque immunité.
11. Dès lors, le moyen doit être écarté.
12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047096702.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° N 22-80.461 FS-B
1ER FÉVRIER 2023
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023
M. [G] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021, qui a prononcé sur sa requête en restitution d'objet saisi.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Au cours d'une perquisition effectuée dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, la somme de 58 600 euros découverte au domicile de M. [G] [E] a fait l'objet d'une saisie incidente.
3. Par jugement du 28 mars 2019, le tribunal correctionnel, pour blanchiment de trafic de stupéfiants, a condamné M. [E] à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, 10 000 euros d'amende et a dit n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, au motif que la demande portait sur une somme non saisie dans le cadre de l'information.
4. Le 22 janvier 2020, l'avocat de l'intéressé a présenté au procureur de la République une requête aux fins de restitution de cette somme.
5. Par décision du 1er avril 2021, le procureur de la République a rejeté cette demande.
6. M. [E] a déféré la décision de non-restitution à la chambre de l'instruction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 41-4, 591 et 593 du code de procédure pénale et du principe de la présomption d'innocence.
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé de faire droit au recours formé par le demandeur à l'encontre du rejet de sa requête en restitution de la somme de 58 600 euros, alors que la procédure incidente diligentée pour des faits de non-justification de ressources à la suite de la découverte de cette somme a été classée sans suite le 22 février 2017 au motif d'une insuffisance d'éléments propres à caractériser cette infraction, qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée à l'encontre de M. [E], et que la restitution des fonds dont la propriété n'est pas contestée, provenant de son activité de cambiste, aurait dû être ordonnée par la chambre de l'instruction, qui s'est bornée à répondre par un motif inopérant à l'argumentation du requérant en retenant que la somme en question est le produit d'une infraction.
Réponse de la Cour
Vu l'article 41-4 du code de procédure pénale :
9. Aux termes du premier alinéa de ce texte, au cours de l'enquête ou lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d'office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée.
10. Selon le deuxième alinéa, il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice.
11. Lorsque la requête est présentée alors qu'aucune juridiction n'a été saisie en raison du classement sans suite de la procédure au cours de laquelle le bien objet de la requête en restitution a été saisi, la restitution ne peut être refusée au motif que le bien est le produit ou l'instrument de l'infraction, dès lors qu'en l'état dudit classement, aucune juridiction de jugement n'est susceptible de constater l'existence de cette infraction.
12. La restitution ne peut dans ce cas être refusée que si elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction du bien.
13. En l'espèce, pour rejeter le recours formé par le demandeur à l'encontre de la décision du procureur de la République disant n'y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'alinéa 2 de l'article 41-4 précité, indique que la découverte de cette somme, lors de la perquisition effectuée le 18 novembre 2014 au domicile de M. [E], a donné lieu à l'établissement d'une procédure incidente sous la qualification de non-justification de ressources, puis au placement sous scellés de ladite somme.
14. Les juges ajoutent que cette procédure incidente a été transmise au parquet de Nanterre et a fait l'objet le 22 février 2017 d'un classement sans suite au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée.
15. Ils relèvent qu'il n'est pas exigé, pour que les dispositions de l'article 41-4, alinéa 2, du code de procédure pénale soient applicables, que des poursuites aient été engagées ou qu'une condamnation ait été prononcée, qu'il suffit qu'aucune juridiction n'ait été saisie, ce qui est le cas lorsque l'enquête s'est conclue par un classement sans suite et qu'une telle décision intervenue le 22 février 2017 ne saurait, à elle seule, invalider la décision de refus de restitution.
16. Ils retiennent que dès lors qu'il résulte de la procédure, notamment des explications fournies par M. [E], que la somme de 58 600 euros provient de son activité de cambiste exercée à titre accessoire et pour laquelle il percevait une commission, alors qu'il ne justifie d'aucun agrément délivré par une autorité administrative, il est permis de considérer que cette activité correspond à l'activité prohibée par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier et que cette somme est le produit d'une infraction.
17. En se déterminant ainsi, alors qu'elle a constaté le classement sans suite de l'enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.
18. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre ainsi fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021 ;
ORDONNE la restitution à M. [E] de la somme de 58 600 euros saisie à son domicile (procédure incidente numéro 2014/1033) ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047096714.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 22-82.368 F- B
1ER FÉVRIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023
M. [C] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 9 mars 2022, qui, pour banqueroute, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. L'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) a délivré de multiples contraintes contre M. [C] [K] qui exploitait, en qualité de travailleur indépendant, un fonds de commerce de remise en forme.
3. En effet, ce dernier, après avoir adhéré au Mouvement pour la libération de la protection sociale (MLPS), n'a pas réglé la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) dues à l'URSSAF au titre du régime obligatoire.
4. M. [K] a contesté ces contraintes devant le tribunal des affaires de sécurité sociale puis devant la cour d'appel. Il a été condamné à devoir s'acquitter des cotisations non réglées auprès de l'URSSAF, soit la somme de 45 818 euros ainsi que la somme de 35 905,86 euros au titre des dommages et intérêts et des frais irrépétibles.
5. Le recouvrement des créances de l'URSSAF a été confié à un huissier de justice dont les démarches se sont heurtées au retrait par M. [K] des sommes figurant sur ses comptes bancaires et au transfert d'une grande partie de son patrimoine, personnel et professionnel, à son fils, ne laissant sur ses comptes bancaires que des sommes inférieures aux quotités saisissables.
6. Compte tenu de la persistance des impayés, l'URSSAF a déposé plainte à l'encontre de M. [K] du chef de la contravention de défaut de conformité aux prescriptions de la législation de sécurité sociale prévue par l'article R. 244-4 du code de la sécurité sociale et elle a saisi le tribunal de commerce afin de faire constater l'état de cessation des paiements et de voir ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
7. La procédure de redressement judiciaire, d'abord ouverte, a été convertie, ensuite, en liquidation judiciaire. Le passif total de l'entreprise a été évalué à la somme de 91 256,19 euros dont 81 723,86 euros correspondant aux cotisations non réglées à l'URSSAF, outre les frais résultant des différentes procédures judiciaires diligentées par M. [K].
8. Le ministère public a ouvert une enquête sur les conditions de la liquidation judiciaire de l'entreprise de M. [K] et a joint au dossier la procédure découlant de la plainte déposée par l'URSSAF.
9. Convoqué devant le tribunal correctionnel, M. [K] a été déclaré coupable, par un jugement du 8 octobre 2020, de banqueroute par augmentation frauduleuse du passif.
10. M. [K] et le ministère public ont formé appel contre cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, le troisième moyen pris en sa première branche et le quatrième moyen
11. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
12. Le moyen, en sa seconde branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [K] du chef de banqueroute par augmentation frauduleuse du passif alors que la cour d'appel a estimé que le comportement, non seulement passif mais revendiqué comme actif de M. [K], avait un caractère frauduleux et alors que la notion d'emploi de moyens frauduleux suppose des actes positifs et non une simple abstention de payer une dette ; dès lors la cour d'appel a méconnu l'article L. 654-2, 3° du code de commerce.
Réponse de la Cour
13. Pour déclarer le prévenu coupable de banqueroute par augmentation frauduleuse du passif, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que s'il découle de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation que la fraude ne peut se limiter à une simple inaction, en l'espèce M. [K] a agi délibérément, en ce sens que le défaut de paiement de l'intégralité des cotisations URSSAF n'est pas le résultat d'un oubli mais d'une volonté.
14. Les juges relèvent que M. [K] a d'ailleurs, à de multiples reprises, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de contester les contraintes délivrées par l'URSSAF, puis la cour d'appel après avoir été débouté. Son comportement s'analyse ainsi, non comme une inaction, mais comme des agissements répétés.
15. Les juges précisent qu'il résulte d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation qu'une augmentation frauduleuse du passif peut résulter du fait de soustraire volontairement une société à l'impôt en France ce qui est à l'origine d'un redressement fiscal ayant entraîné une augmentation des charges de la société en état de cessation des paiements.
16. Ils ajoutent que le manquement imputable à M. [K] s'analyse en une infraction pénale constitutive de la contravention de l'article R. 244-4 du code de la sécurité sociale incriminant le défaut de conformité aux prescriptions de la législation de sécurité sociale.
17. Les juges concluent que le caractère frauduleux des agissements du prévenu est corroboré par le fait, d'une part, qu'il a soustrait une partie des sommes non payées à l'URSSAF des comptes de son entreprise afin de les rendre insaisissables par les créanciers de celle-ci et, d'autre part, que son comportement a conduit à la cessation des paiements et a perduré après la date de celle-ci, augmentant le passif de l'entreprise, non seulement des cotisations URSSAF impayées depuis plusieurs années, alors que les résultats de l'entreprise permettaient de s'en acquitter, mais également des dommages et intérêts ainsi que des frais irrépétibles qui n'auraient pas été dus si M. [K] s'était conformé aux dispositions du code de la sécurité sociale.
18. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
19. En premier lieu, l'article L. 654-2, 3° du code de commerce n'exclut aucune modalité d'augmentation du passif.
20. En second lieu, le comportement du prévenu est frauduleux dès lors qu'il consiste en une omission, manifestement délibérée, de s'acquitter des cotisations sociales dues.
21. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047096700.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 22-81.085 FS-B
1ER FÉVRIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER FÉVRIER 2023
M. [I] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 10e chambre, en date du 18 janvier 2022, qui, pour proxénétisme aggravé, l'a condamné à trois ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et a ordonné une mesure de confiscation.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [I] [J], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. d'Huy, Wyon, Pauthe, Turcey, de Lamy, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, M. Gillis, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [I] [J] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs de proxénétisme aggravé et blanchiment.
3. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable et l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et 18 000 euros d'amende. Il a également ordonné, notamment, une peine de confiscation du véhicule Audi Q5 immatriculé FB 710 CQ lui appartenant, sur le fondement des dispositions des articles 131-21, alinéa 6, et 225-25 du code pénal.
4. M. [J] a relevé appel de la décision, en ses seules dispositions relatives à l'infraction de blanchiment et aux peines de confiscation prononcées.
5. Le ministère public a formé appel incident des dispositions pénales.
Examen des moyens
Sur le second moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné, sur le fondement de l'article 121-31, alinéa 2, du code pénal, la confiscation du véhicule Q5 immatriculé FB 710 CQ lui appartenant, alors « que la procédure pénale est équitable et contradictoire ; que lorsque le juge d'appel envisage de modifier, d'office, le fondement de la confiscation de tout ou partie du patrimoine du prévenu ordonnée par les premiers juges, il doit solliciter les observations des parties ; qu'en faisant d'office application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 131-21 du code pénal, sans avoir préalablement permis aux parties de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a méconnu les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
8. Pour confirmer la peine de confiscation du véhicule immatriculé FB 710 CQ, l'arrêt attaqué relève que ce bien, qui a servi à commettre l'infraction et dont il n'est pas contesté que M. [J] est propriétaire, doit, en application de l'alinéa 2 de l'article 131-21 du code pénal, être confisqué.
9. Les juges précisent qu'ils confirment la confiscation ordonnée par le tribunal, mais sur un autre fondement textuel.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés au moyen.
11. En effet, aucun texte légal ou conventionnel n'impose au juge saisi de l'action publique de soumettre au débat contradictoire la peine qu'il envisage de prononcer et qu'il détermine librement parmi les peines, principales et complémentaires, encourues par le prévenu.
12. Il en résulte que le juge peut ordonner l'une quelconque des mesures de confiscation prévues par la loi, sans que le fondement de cette peine doive être au préalable contradictoirement débattu.
13. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
Sur la nécessité d'un débat contradictoire préalable à la modification du fondement de la saisie pénale :Crim., 17 février 2016, pourvoi n° 14-87.845, Bull. crim. 2016, n° 56 (cassation et désignation de juridiction).Sur la substitution de fondement à la saisie opérée par la Cour de cassation :Crim., 4 mars 2020, pourvoi n° 19-81.818, Bull. crim. (rejet).
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CASS/JURITEXT000047096593.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 22-83.399 F-B
31 JANVIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 JANVIER 2023
M. [T] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 10 mars 2022, qui, pour complicité d'exercice illégal de la médecine, l'a condamné à 30 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel et un mémoire en défense ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat du conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des médecins, du conseil départemental de l'ordre des médecins de La Réunion et de Mayotte et du syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Une enquête a été ouverte, sur plainte de quatre personnes, pour des lésions apparues à l'occasion d'actes soit de cryolipolyse, soit de micro-needling prodigués dans des centres de soins esthétiques créés par M. [T] [S] et gérés par Mme [Y] [G].
3. A l'issue des investigations, M. [S] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de complicité de l'exercice illégal de la médecine reproché à Mme [G], pour avoir notamment dispensé des formations relatives à ces actes et fourni du matériel nécessaire pour les pratiquer.
4. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable pour les faits portant sur les actes de micro-needling, l'ont relaxé pour les faits relatifs à la cryolipolyse et ont prononcé sur les intérêts civils.
5. Le prévenu, une partie civile et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [S] coupable dans les termes de la prévention, alors :
1°/ que seuls les actes à visée curative, et non simplement à visée esthétique, peuvent être qualifiés d'actes médicaux ; qu'en retenant que la cryolipolyse réalisée par une machine débridée constitue un acte médical, la cour d'appel a violé l'article L. 4161-1 du code de la santé publique et l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 ;
2°/ que l'acte médical au sens du 6° de l'article 2 de l'arrêté précité est un acte effectué avec un matériel qui est destiné à une abrasion ; qu'en retenant que l'acte de micro-needling constitue un acte médical, alors que le matériel utilisé ne pouvait engendrer l'abrasion des téguments, la cour d'appel a violé l'article L. 4161-1 du code de la santé publique et l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962.
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
8. Pour infirmer le jugement et déclarer le prévenu coupable de complicité d'exercice illégal de la médecine, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant de la cryolipolyse, qu'elle consiste en une action destinée à réduire la cellulite et à détruire les tissus adipeux par l'application, sur les adipocytes, qui constituent les cellules graisseuses du tissu sous-cutané, d'un froid auquel elles sont très sensibles, sans risque de détérioration des tissus adjacents.
9. Les juges ajoutent que le prévenu a reconnu s'être rendu compte que l'appareil qu'il avait vendu à la gérante des centres de soins esthétiques où était pratiquée cette méthode était un appareil réservé aux médecins qui n'avait pas été bridé.
10. Ils précisent qu'une cliente a constaté, le soir même des soins, l'apparition de tâches rougeâtres, de gonflements et de cloques, et que, selon le médecin expert, elle a subi, sur la zone d'application des ventouses, des lésions cutanées consistant en des brûlures de deuxième degré ayant causé des cicatrices de 8 sur 4 centimètres.
11. La cour d'appel en conclut que le prévenu, en vendant, en sa qualité de professionnel averti et de médecin spécialiste, en tant que franchiseur, une machine de cryolipolyse non bridée, réservée aux médecins, et en assurant, par ses actions de formation, son utilisation par des professionnels d'instituts d'esthétique, a permis à ces derniers de procéder à un refroidissement accru des adipocytes constitutif d'une cryothérapie réservée aux médecins par l'article 4 de l'arrêté du 6 janvier 1962.
12. En se déterminant ainsi, par des motifs qui établissent que le prévenu s'est rendu complice d'actes de physiothérapie effectués par des personnes non titulaires d'un doctorat en médecine, aboutissant à la destruction des téguments et entrant, comme tels, dans les prévisions dudit arrêté, peu important que ces actes n'aient poursuivi qu'un objectif esthétique, la cour d'appel a justifié sa décision.
13. Dès lors, le grief doit être écarté.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
14. Pour déclarer le prévenu coupable de complicité d'exercice illégal de la médecine, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant du micro-needling, qu'il s'agit d'une technique qui consiste à réaliser, dans les différentes couches du derme, des micro-perforations à des profondeurs et vitesses variées, pour stimuler la synthèse des fibroblastes, responsables de la qualité de la peau, afin qu'ils produisent élastine et collagène. Il souligne qu'il peut en résulter des saignements en cas de traitement en profondeur.
15. Les juges ajoutent que les plaquettes publicitaires des centres de soins esthétiques, corroborées par les déclarations des employées de ces établissements, précisaient que la perforation répétée pouvait atteindre jusqu'à 3 mm, ce qui conduisait nécessairement à une action abrasive sur la peau.
16. Ils retiennent que des zones de brûlure sur le visage ont été constatées par l'expert sur deux personnes, dont l'une présentait des cicatrices correspondant à une brûlure du deuxième degré avec desquamation du front et des pommettes.
17. Ils soulignent que les phénomènes de pelage décrits par les victimes et habituellement constatés à l'issue des séances, tout comme les déclarations de la gérante des établissements, lesquelles font état de rougeurs en surface aboutissant parfois à des croutelles et d'un processus de cicatrisation, témoignent de cet effet abrasif découlant de l'usage d'un stylo électrique micro-perforant.
18. Ils précisent que l'usage de ce stylo a pu occasionner des effusions de sang au sens des dispositions de l'arrêté du 6 janvier 1962, ce qui s'entend d'une fuite de liquide sanguin à travers les parois d'un vaisseau sanguin vers le tissu, sans notion de quantité de sang écoulé, et relèvent que l'emploi, dans l'arrêté, du terme « susceptible » implique qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait systématiquement saignement, le simple fait que cet usage puisse y conduire étant suffisant.
19. Ils constatent encore que le fait d'enfoncer dans le derme des aiguilles, même de petite taille, est susceptible de provoquer une fuite de liquide sanguin vers les tissus, la possibilité de saignement dépendant des caractéristiques physiologiques de la peau ainsi que de la profondeur de pénétration des aiguilles qui, en l'espèce, pénétraient le derme de manière plus profonde que les derma-rollers avec lesquels le prévenu a entretenu la confusion.
20. La cour d'appel en déduit que cette nouvelle technique entre dans les prévisions de l'arrêté du 6 janvier 1962, même si elle n'y est pas spécifiquement dénommée.
21. Elle en conclut que, par ses actions de formation et la vente de stylos perforants dont l'usage relevait d'actes réservés aux médecins, puis par l'apport de son expertise de médecin pour le suivi des clientes présentant des dommages, le prévenu a, dans un but uniquement commercial, commis le délit de complicité d'exercice illégal de la médecine.
22. En statuant ainsi, par des motifs qui relèvent de son appréciation souveraine et établissent l'exécution, par des personnes non titulaires d'un doctorat en médecine, d'actes d'abrasion instrumentale des téguments à l'aide d'un matériel susceptible de provoquer l'effusion du sang, dont le prévenu s'est rendu complice, la cour d'appel a justifié sa décision.
23. En effet, l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 réserve la pratique de tels actes aux docteurs en médecine, sans exiger que le matériel utilisé soit destiné à l'abrasion des téguments et agisse exclusivement par rabotage, meulage ou fraisage.
24. Dès lors, le moyen doit être écarté.
25. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [T] [S] devra payer aux parties représentées par la SCP Melka-Prigent-Drusch, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à autre application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-trois.
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N° K 22-83.035 F-B
31 JANVIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 JANVIER 2023
La société [1] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 14 mars 2022, qui a prononcé sur sa requête en rectification d'erreur matérielle.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [1], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le tribunal correctionnel a déclaré la société [1] coupable, parmi d'autres prévenus, de recel de cuivre, commis au préjudice de la société ERDF, l'a condamnée à une certaine peine et, statuant sur l'action civile, a reçu la société ERDF en sa constitution de partie civile, a déclaré la société [1] solidairement responsable avec d'autres prévenus de l'ensemble de ce préjudice et a renvoyé pour le surplus à une audience ultérieure sur intérêts civils.
3. La cour d'appel, infirmant partiellement le jugement sur l'action publique, a relaxé la société [1], mais a confirmé le jugement sur l'action civile.
4. La société [1] a déposé une requête en rectification d'une erreur matérielle affectant le dispositif civil de cet arrêt.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté la requête en rectification d'erreur matérielle présentée le 11 octobre 2021 par la société [1], alors :
« 1°/ que la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans une décision est effectuée par la seule juridiction qui l'a rendue ; qu'elle ne peut être effectuée par le président de cette juridiction, statuant par ordonnance, qu'en cas d'accord des parties sur une telle modalité ; qu'en rejetant une requête à fin de rectification d'erreur matérielle présentée à l'encontre d'un arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux sans constater un tel accord, le président de la chambre des appels correctionnels a méconnu l'étendue de sa compétence, excédé ses pouvoirs et violé les articles 710 et 711 du code de procédure pénale ;
2°/ que la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans une décision est effectuée par la seule juridiction qui l'a rendue ; que le président de cette juridiction n'est compétent pour se prononcer, par ordonnance, sur une requête à fin de rectification d'erreur matérielle, que pour le cas où il fait droit à cette requête ; qu'en rejetant la requête présentée à cette fin par la société [1], le président de la chambre des appels correctionnels a méconnu l'étendue de sa compétence, excédé ses pouvoirs et violé les articles 710 et 711 du code de procédure pénale ;
3°/ que le dispositif d'un jugement doit être interprété par les motifs auxquels il s'unit et dont il est la conséquence, un défaut de concordance entre le dispositif et les motifs, résultant d'une erreur purement matérielle, devant être réparé selon la procédure de l'article 710 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel avait renvoyé la société [1] des fins de la poursuite (arrêt, p. 10), avant de confirmer, dans le dispositif de sa décision, le jugement entrepris l'ayant déclarée civilement responsable à l'égard de la partie civile avec les autres prévenus (id., p. 15) ; que la recevabilité de l'action de la partie civile à l'égard de celle-ci était toutefois exclue compte tenu d'une telle décision de relaxe ; qu'en rejetant pourtant la requête en rectification de la société [1], s'agissant d'une erreur matérielle flagrante, le premier président s'est contredit et a violé les articles 593, 710 et 711 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en sa première branche
Vu les articles 710 et 711 du code de procédure pénale :
6. Il se déduit de ces textes que le président de la juridiction qui a prononcé la sentence qui fait l'objet d'une demande de rectification d'erreur matérielle
ne peut prononcer, sans audience, par ordonnance, qu'avec l'accord des parties.
7. En statuant, sans audience, par ordonnance, sur une demande de rectification d'erreur matérielle sans constater l'accord des parties, le président de la chambre correctionnelle a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
8. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 14 mars 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-trois.
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N° P 22-84.280 F- B
IRRECEVABILITE
8 FÉVRIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 FÉVRIER 2023
M. [I] [W] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises de Vaucluse, en date du 14 octobre 2021, qui, pour vols avec arme, vols, destructions aggravées, en bande organisée, et association de malfaiteurs, en récidive, l'a condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, a ordonné une mesure de confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [I] [W], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par ordonnance du 18 août 2014, le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de M. [I] [W] devant la cour d'assises du Gard, des chefs précités.
3. Par arrêt du 3 juillet 2015, ladite cour d'assises a condamné M. [W] à vingt-deux ans de réclusion criminelle et a ordonné une mesure de confiscation.
4. M. [W] a interjeté appel principal. Le ministère public a interjeté appel incident.
5. L'accusé, en fuite, qui avait fait l'objet d'un mandat d'arrêt, n'a pas comparu devant la cour d'assises statuant en appel.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par l'avocat de l'accusé
6. Le demandeur ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait lui-même, le 28 mars 2022, le droit de se pourvoir contre les arrêts attaqués, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre les mêmes décisions, le 30 mars 2022, par l'intermédiaire de son avocat.
7. Seul est recevable le pourvoi formé le 28 mars 2022.
Examen des moyens
Sur les deuxième à sixième moyens
8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [W] des chefs de vol aggravé et destruction volontaire par incendie à la peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle, alors :
« 1°/ qu'a excédé son office et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 270, 274, 379-3 alinéa 2, 379-7, 591 ou 593 du code de procédure pénale, la cour d'assises d'appel qui a statué à l'encontre de M. [W], accusé en fuite, par arrêt contradictoire à signifier, tout en constatant qu'un avocat avait été commis d'office par le président pour assurer la défense de l'accusé à son insu sans qu'aucun mandat de représentation ne lui ait été confié ;
2°/ que les dispositions combinées des articles 270, 274 et 379-3 alinéa 2, 379-7 du code de procédure pénale, à supposer qu'elles permettent au président de la cour d'assises de commettre d'office un avocat pour représenter l'accusé en fuite, à son insu, en le privant en conséquence des dispositions relatives au défaut criminel, seraient nécessairement contraires au droit de toute personne à un procès équitable, au droit à un recours effectif ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi tels qu'ils sont garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à la compétence confiée au législateur par l'article 34 de la Constitution ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué sera privé de base légale ;
3°/ que porte une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et le droit de toute personne à un procès équitable et viole les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 270, 274, 379-3 alinéa 2, 379-7, 591 ou 593 du code de procédure pénale, la cour d'assises d'appel qui condamne l'accusé en fuite, par arrêt contradictoire à signifier, en se fondant sur la commission d'office d'un avocat par le seul président, à l'insu et sans le moindre accord de l'accusé, qui, partant a conduit à exclure ce dernier du bénéfice des dispositions relatives au défaut criminel. »
Réponse de la Cour
10. La cour d'assises a condamné M. [W] en son absence, après qu'il avait été représenté, lors des débats, par un avocat commis d'office par le président. L'arrêt pénal attaqué a été qualifié de réputé contradictoire à l'égard de l'accusé.
11. En statuant ainsi, la cour d'assises n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
12. En effet, en premier lieu, selon l'article 379-7 du code de procédure pénale, la procédure de défaut en matière criminelle n'est pas applicable lorsque l'absence de l'accusé, sans excuse valable, est constatée à l'ouverture de l'audience ou, à tout moment, au cours des débats, devant la cour d'assises désignée à la suite de l'appel formé par l'accusé. Dans ce cas, le procès se déroule ou se poursuit jusqu'à son terme, conformément aux articles 306 à 379-1 du même code, relatifs aux débats et au jugement, à l'exception des dispositions relatives à l'interrogatoire et à la présence de l'accusé, en présence de l'avocat qui assure la défense de ses intérêts. Le délai de pourvoi en cassation court à partir de la date à laquelle l'arrêt est porté à la connaissance de l'accusé.
13. Il résulte de ces dispositions que la procédure de défaut en matière criminelle n'est pas applicable devant la cour d'assises statuant en appel, lorsque l'accusé, absent sans excuse valable, est appelant.
14. L'arrêt rendu par la cour d'assises, dans une telle hypothèse, doit donc être qualifié de contradictoire à signifier et ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation.
15. En second lieu, il se déduit des dispositions précitées, combinées à celles des articles 274 et 317 du code de procédure pénale, que le président de la cour d'assises doit désigner d'office un avocat à l'accusé appelant en fuite, qui n'a ni fait le choix ni sollicité la désignation d'un défenseur.
16. Dès lors que cette désignation d'office, sans effet sur la qualification de l'arrêt, ne prive pas l'accusé du bénéfice d'une voie de recours, elle a, loin de porter une atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, au contraire pour objet d'en garantir l'effectivité, dans toute la mesure rendue possible par la fuite de l'accusé.
17. Enfin, la Cour de cassation ayant, par arrêt du 11 janvier 2023, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, le grief de la deuxième branche est devenu sans objet.
18. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.
19. Par ailleurs la procédure est régulière et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé le 30 mars 2022 :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé le 28 mars 2022 :
Le REJETTE.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000047128468.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Y 22-80.885 F- B
8 FÉVRIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 FÉVRIER 2023
M. [B] [U] [P] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 7e chambre, en date du 24 janvier 2022, qui, pour agressions sexuelles et violences, aggravées, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [P] [T], les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [T], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Suite à la plainte déposée le 7 décembre 2016 par Mme [X] [J] à l'encontre de son mari M. [B] [U] [P] [T], à l'égard de faits commis sur leur fille [K] [T], une information a été ouverte et M. [P] [T] a été mis en examen des chefs de viol et agressions sexuelles incestueuses sur mineur de quinze ans par ascendant, agressions sexuelles incestueuses sur mineur de plus de quinze ans par ascendant et violences volontaires sur mineur de quinze ans par ascendant.
3. Par ordonnance du 14 mars 2019, après avoir obtenu l'accord de la partie civile sur ce point, le juge d'instruction a procédé à la requalification des faits de viol en agression sexuelle et il a ordonné le renvoi de M. [P] [T] devant le tribunal correctionnel des chefs d'agression sexuelle incestueuse sur mineur de quinze ans par ascendant, agression sexuelle incestueuse sur mineur de plus de quinze ans par ascendant et violences volontaires sur mineur de quinze ans par ascendant.
4. Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal correctionnel a prononcé la relaxe de M. [P] [T], a déclaré recevable la constitution de partie civile de [K] [T] et l'a déboutée de ses demandes.
5. Le ministère public a relevé appel des dispositions pénales du jugement et la partie civile a formé appel à l'égard des dispositions civiles.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé des moyens
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [P] [T] coupable d'agression sexuelle incestueuse sur un mineur de quinze ans et d'agression sexuelle incestueuse sur un mineur de plus de quinze ans et, en répression, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans assortis d'un sursis probatoire pendant trois ans, alors « que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; Qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'ordonnance de renvoi en date du 14 mars 2019, qui fixe les limites de la prévention, qu'il est reproché à M. [P] [T] d'avoir, du 16 avril 2010 au 30 juillet 2016, commis ou tenté de commettre une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de [K] [T] « en l'espèce en procédant sur elle à des attouchements de nature sexuelle » ; Que de tels attouchements sont exclusifs de tout acte de pénétration sexuelle ; Que, dès lors, en relevant notamment, pour déclarer l'exposant coupable des faits visés à la prévention, qu'outre des attouchements de son père sur les seins et les fesses, [K] [T] a fait état d'un « acte de pénétration ayant eu lieu quand elle avait quatorze ans, soit en 2013 » et que « l'examen gynécologique confirme une défloration, le médecin expert expliquant que les jeunes filles n'ayant pas de connaissance en matière de sexualité pouvaient confondre une pénétration anale et vaginale », la cour d'appel, qui a ainsi retenu à la charge du prévenu un acte de pénétration sexuelle qui n'était pas visé à la prévention, tandis que rien n'indique que l'intéressé ait accepté d'en répondre, a violé l'article 388 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer le prévenu coupable d'agressions sexuelles aggravées, l'arrêt attaqué retient qu'il a imposé à sa fille des attouchements sexuels et une pénétration sexuelle vaginale.
8. En réprimant ainsi, sous la qualification d'agression sexuelle aggravée, un acte de pénétration sexuelle, la cour d'appel n'a pas méconnu les termes de sa saisine, pour les raisons suivantes.
9. D'une part, les faits de pénétration sexuelle ont donné lieu à la mise en examen du demandeur pour viol aggravé. Le juge d'instruction a substitué une qualification correctionnelle à ce fait, en clôturant l'information par une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, qui vise à la fois des faits d'attouchements et de pénétration, sous la qualification d'agressions sexuelles aggravées.
10. D'autre part, le demandeur n'a pas relevé appel de cette ordonnance de renvoi, en invoquant que les faits étaient de nature criminelle, alors que cette voie de recours lui était ouverte, par l'article 186-3 du code de procédure pénale.
11. Par ailleurs, lors de ce renvoi, la victime était constituée partie civile et assistée d'un avocat. L'article 469 du code de procédure pénale empêchait donc la juridiction de jugement de se déclarer incompétente si elle constatait que l'un des faits dont elle était saisie était de nature à entraîner une peine criminelle.
12. En conséquence, il revenait à la juridiction de jugement, si elle estimait que le prévenu avait contraint sa fille à un acte de pénétration sexuelle, de réprimer cet acte sous la qualification correctionnelle dont elle était saisie.
13. Le moyen ne peut donc être accueilli.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [P] [T] à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans assortis du sursis probatoire pendant trois ans, alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; Qu'en l'espèce, pour condamner l'exposant à la peine de cinq ans d'emprisonnement dont trois ans assortis du sursis probatoire, la cour d'appel s'est bornée à énoncer d'une part que les faits sont particulièrement graves s'agissant de faits de violence et de faits de nature sexuelle commis par un père sur sa fille pendant plusieurs années, d'autre part que si le prévenu est inséré socialement, il n'a cependant pas conscience de la gravité des faits qu'il nie ou minimise s'agissant des violences, et dénie avoir des problèmes avec l'alcool, enfin que les faits remontant à plus de cinq ans et que l'intéressé n'a pas d'antécédent judiciaire pour des faits de cette nature ; Qu'en l'état de ces seules énonciations, sans mieux s'expliquer sur le caractère inadéquat de toute autre sanction que l'emprisonnement ferme, ni mieux préciser la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 132-19 du code pénal. »
Réponse de la Cour
15. Pour condamner le prévenu à cinq ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire, l'arrêt attaqué énonce que les faits sont graves s'agissant de violences et d'atteintes sexuelles commises par un père sur sa fille durant plusieurs années, que lesdits faits remontent à plus de cinq ans et que l'intéressé n'a pas d'antécédent judiciaire à cet égard.
16. Les juges ajoutent que si le prévenu est inséré socialement, il n'a cependant pas conscience de la gravité des faits qu'il nie ou minimise s'agissant des violences, que, de même, il dénie en réalité avoir des problèmes avec l'alcool.
17. En se déterminant ainsi, par des motifs qui prennent en compte les circonstances des infractions, dont il résulte que la gravité de celles-ci et la personnalité de son auteur rendent la peine d'emprisonnement indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
18. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
19. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné, M. [P] [T] sur les intérêts civils, à payer à [K] [T], partie civile, la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice sexuel, alors « que le fait générateur du préjudice qu'il appartient au juge pénal de réparer ne peut résider que dans les faits visés à la prévention et dont le prévenu a été déclaré coupable ; Qu'en l'espèce, pour condamner l'exposant à payer à la partie civile la somme de 3 000 € en réparation de son préjudice sexuel, la cour d'appel s'est déterminée par la circonstance que la jeune [K] [T] a été particulièrement bouleversée par l'annonce de la perte de sa virginité et a ressenti cette annonce avec une particulière violence pour son intimité alors qu'elle se croyait encore jeune fille ; Qu'en statuant ainsi, quand la prévention ne visait aucun acte de pénétration sexuelle, et ne faisait état que d'attouchements, excluant ainsi l'existence d'un acte de pénétration sexuelle, la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale, ensemble les articles 2 et 464 du même code. »
Réponse de la Cour
20. Compte tenu de la réponse apportée au premier moyen, c'est sans méconnaître les termes de sa saisine, qui portait sur des faits de pénétration sexuelle, que la cour d'appel a indemnisé le préjudice en résultant pour la victime.
21. Le moyen doit donc être écarté.
22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
Sur la possibilité pour la partie civile, constituée au cours de l'instruction et assistée d'un avocat, de critiquer la qualification correctionnelle donnée aux faits :Crim., 27 mars 2008, pourvoi n° 07-85.076, Bull. crim. n° 84 (rejet).Sur la possibilité pour la partie civile de critiquer devant la Cour de cassation la qualification correctionnelle donnée aux faits par un arrêt de la chambre de l'instruction :Crim., 17 mars 2021, pourvoi n° 20-86.318, Bull. crim. (cassation partielle).
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N° U 22-83.986 F-B
7 FÉVRIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 FÉVRIER 2023
La société [J] et M. [J] [G] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-15, en date du 13 mai 2022, qui, notamment, pour non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur d'un véhicule, les a condamnés respectivement à 675 euros et 135 euros d'amende.
Un mémoire personnel, commun aux demandeurs, a été produit.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [J] et M. [J] [G], gérant de ladite société, ont été poursuivis du chef susvisé, infraction commise le 12 octobre 2018.
3. Par jugement du 16 mars 2021, le tribunal de police a déclaré les prévenus coupables.
4. Ceux-ci ont interjeté appel. Le ministère public a interjeté appel incident.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-6 du code de la route, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale.
6. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré les prévenus coupables de l'infraction de non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur d'un véhicule, alors :
1°/ que le procès-verbal de constatation de l'infraction, qui fait foi, ne rapporte nullement la preuve de l'envoi ou de la remise de la contravention, n'indiquant pour seule date que celle de l'établissement de l'avis de contravention ; que la cour d'appel, en se fondant sur un tableau au dossier, non daté, non signé, non probant pour indiquer que l'avis a bien été envoyé le 30 juillet 2018, a dénaturé les faits rapportés par le procès-verbal alors même qu'il est indiqué que le « procès-verbal », qui n'en est pas un, vaut jusqu'à preuve contraire ;
2°/ qu'en indiquant que l'avis a bien été envoyé le 30 juillet 2018, la cour d'appel aurait dû constater que l'infraction de non-désignation ne pouvait être commise le 12 octobre 2018 dans la mesure où, si le délai démarre au jour de l'envoi ou de la remise, l'infraction présumée était commise le 16 septembre 2018.
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer les prévenus coupables de l'infraction de non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur d'un véhicule, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes des articles L. 121-6 du code de la route et 537 du code de procédure pénale, énonce que le procès-verbal du 12 octobre 2018 indique que l'infraction d'excès de vitesse a été constatée le 25 juillet précédent et qu'un avis de contravention a été envoyé au détenteur du véhicule.
8. Les juges ajoutent que le procès-verbal précise également qu'à la date de son établissement, il a été constaté que la société prévenue n'avait pas répondu à l'obligation de désigner la personne physique qui conduisait le véhicule au moment de l'infraction.
9. Ils retiennent que, si la date d'envoi de l'avis initial de contravention ne figure pas dans le procès-verbal de constatation de l'infraction, il résulte du document intitulé « information sur l'infraction initiale » que cet avis a été adressé le 30 juillet 2018 au titulaire du certificat d'immatriculation, et qu'il n'existe dès lors pas de doute quant au point de départ de l'infraction de non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur par le responsable de la personne morale détenant le véhicule.
10. Ils soulignent qu'aucun texte du code de la route n'exigeant l'envoi de la contravention initiale par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le procès-verbal vaut jusqu'à preuve contraire, conformément aux dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale.
11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
12. D'une part, l'avis de contravention pour non-transmission de l'identité du conducteur du véhicule établi lorsque la société [J], titulaire du certificat d'immatriculation, n'a pas fait parvenir dans les délais prescrits l'identité dudit conducteur, est distinct de l'avis de contravention initiale que les prévenus ne contestent pas avoir reçu.
13. D'autre part, en l'absence de mention sur le procès-verbal de la date d'envoi de l'avis de la contravention initiale, les juges pouvaient, sans méconnaître les dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale, apprécier souverainement la portée du document intitulé « information sur l'infraction initiale », généré automatiquement à titre de fiche de renseignement dans le cadre du traitement des infractions relevant de l'article L. 130-9 du code de la route, versé par le ministère public aux débats et portant mention de la date à laquelle l'avis de contravention initiale avait été envoyé, point de départ du délai de quarante-cinq jours prévu par l'article L. 121-6 dudit code.
14. Enfin, il importe peu que l'avis de contravention pour non-transmission de l'identité et de l'adresse du conducteur du véhicule soit daté du 12 octobre 2018, et non du 16 septembre, terme des quarante-cinq jours, dès lors que l'infraction reprochée était effectivement consommée.
15. Le moyen ne peut qu'être écarté.
16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille vingt-trois.
Sur la preuve de l'envoi de l'avis au contrevenant :Crim., 16 février 2021, pourvoi n° 20-84.324 (cassation).
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N° K 22-81.057 F-B
7 FÉVRIER 2023
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 FÉVRIER 2023
M. [F] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 3 février 2022, qui, pour diffusions d'image ou de renseignement sur l'identité d'une victime d'agression ou d'atteinte sexuelles sans son accord écrit et complicité, l'a condamné à 1 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [F] [V], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [M] [O], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, M. Lemoine, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 11 octobre 2019, Mme [M] [O] a porté plainte contre M. [F] [V] pour le délit de publication d'identité d'une victime d'agression sexuelle, prévu et réprimé par l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881, à la suite de la publication de propos révélant son identité, alors qu'il savait qu'elle y était opposée, lors d'une émission télévisée, dans un communiqué de presse mis en ligne sur un site internet ainsi que dans un ouvrage.
3. Le procureur de la République a fait citer M. [V] de ce chef devant le tribunal correctionnel, d'une part, comme auteur principal, s'agissant du communiqué de presse et de l'émission télévisée, d'autre part, comme complice de ce même délit, s'agissant de l'ouvrage précité, le directeur de cette publication étant, quant à lui, cité en qualité d'auteur principal.
4. Par jugement du 6 novembre 2020, le tribunal correctionnel les a déclarés coupables et a condamné notamment M. [V] à 3 000 euros d'amende dont 2 000 euros avec sursis.
5. Les prévenus et la partie civile ont formé appel à titre principal, le ministère public à titre incident.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable, comme auteur et complice, du chef de diffusion de renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression sexuelle, alors :
« 1°/ qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 qui, en ce qu'il ne désigne pas précisément les personnes qui doivent être regardées comme victimes au sens de ce texte, méconnaît le principe de légalité des délits et des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale ;
2°/ qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 qui, en ce qu'il réprime, sans distinction et sous la seule réserve de l'accord écrit donné par la victime, le fait de diffuser des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable, y compris lorsque de tels renseignements ou une telle image ont déjà été diffusés par la victime elle-même, méconnaît la liberté d'expression, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale ;
3°/ que, en tout état de cause, le terme « victime » s'entend, au sens de l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 qui est d'interprétation stricte, d'une personne reconnue comme telle, après condamnation de l'auteur de l'infraction ; qu'en retenant, pour déclarer M. [V] coupable d'avoir diffusé des renseignements concernant l'identité d'une victime d'agression sexuelle et de s'être rendu complice d'une telle diffusion, que si le terme « victime » pouvait recevoir plusieurs acceptions, son emploi dans l'article 39 quinquies s'appliquait nécessairement à toute personne se présentant comme telle, la cour d'appel a violé le texte précité et l'article 111-4 du code pénal ;
4°/ que l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que l'identité de Mme [O], partie civile constituée dans une information suivie contre M. [V] du chef de viol, avait déjà été diffusée dans différents médias et qu'elle avait elle-même contribué à la diffusion de son image et à son identification, a déclaré le prévenu coupable d'avoir postérieurement diffusé ces mêmes renseignements et de s'être rendu complice d'une telle diffusion, a violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
7. La Cour de cassation ayant, par arrêt du 10 août 2022, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité, les griefs sont devenus sans objet.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
8. Pour écarter le moyen selon lequel Mme [O] ne pouvait être considérée comme victime d'agression sexuelle en l'absence de déclaration de culpabilité de M. [V] pour de tels faits, l'arrêt attaqué énonce que le terme de « victime » employé à l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 s'applique nécessairement à toute personne se présentant comme telle.
9. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a fait une exacte application des textes visés au moyen.
10. En effet, le texte susvisé n'a pas entendu réserver sa protection aux seules victimes reconnues comme telles par décision définitive ayant prononcé la condamnation de l'auteur des faits.
11. Dès lors, le grief n'est pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
12. L'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse incrimine la diffusion, sans l'accord écrit de celle-ci, de renseignements concernant l'identité d'une victime d'infraction sexuelle ou son image lorsqu'elle est identifiable.
13. Cette disposition affecte l'exercice de la liberté d'expression qui constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard de l'article 10, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme.
14. Une telle ingérence, prévue par la loi, est définie de manière suffisamment claire et précise pour que son interprétation, qui entre dans l'office du juge pénal, puisse se faire sans risque d'arbitraire.
15. La restriction qu'apporte à la liberté d'expression l'article 39 quinquies de la loi précitée poursuit l'un des buts énumérés à l'article 10, § 2, susvisé, en ce qu'elle a pour objet la protection de la dignité et de la vie privée de la victime d'infraction sexuelle, protection qui est également de nature à éviter des pressions sur celle-ci.
16. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que la réputation d'une personne, même lorsque celle-ci est critiquée au cours d'un débat public, fait partie de son identité personnelle et de son intégrité morale et, dès lors, relève de la vie privée de celle-ci au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, arrêt du 15 novembre 2007, Pfeifer c. Autriche, n° 12556/03). L'identité d'une victime de violences sexuelles relève également de sa vie privée et bénéficie de la protection offerte par l'article 8 précité (CEDH, arrêt du 17 janvier 2012, Kurier Zeitungsverlag und Druckerei GmbH c. Autriche, n° 3401/07).
17. Le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher, en cas de conflit, un juste équilibre entre ces deux droits.
18. Pour ce faire, le juge doit examiner si la diffusion de l'identité de la victime d'infraction sexuelle contribue à un débat d'intérêt général, tenant compte de l'éventuelle notoriété de la personne visée et de son comportement avant la diffusion, de l'objet de cette dernière, son contenu, sa forme et ses répercussions.
19. Enfin, s'il retient que l'infraction prévue à l'article 39 quinquies précité est caractérisée, le juge doit prononcer une sanction proportionnée à l'ingérence dans l'exercice de la liberté d'expression du prévenu, au regard des circonstances particulières de l'affaire (CEDH [GC], arrêt du 7 février 2012, Axel Springer AG c. Allemagne, n°39954/08).
20. En l'espèce, pour déclarer M. [V] coupable, infirmer le jugement sur la peine et le condamner à 1 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué énonce en substance, par motifs propres et adoptés, qu'il importe peu que l'identité de la victime ait déjà été révélée ou que celle-ci ait contribué à son identification, l'article 39 quinquies de la loi précitée visant la seule diffusion d'informations concernant l'identité d'une victime.
21. Les juges relèvent qu'au surplus, Mme [O], si elle a pu diffuser des photographies sur lesquelles elle pouvait être identifiée, a constamment dissimulé son état civil, communiquant uniquement sous le pseudonyme de « [R] ».
22. Ils retiennent que M. [V] a, dans ces circonstances, agi en connaissance de cause et ne démontre pas que la diffusion du nom de Mme [O] était nécessaire à l'exercice des droits de la défense.
23. Les juges ajoutent qu'une peine d'amende est adaptée à la nature, à la durée et à la gravité des faits, ainsi qu'à la personnalité, la situation sociale et professionnelle et aux revenus de M. [V], qui a sciemment diffusé l'identité de Mme [O] dans un ouvrage ainsi que dans deux autres médias, sans avoir recueilli son accord écrit.
24. Ils concluent qu'il doit toutefois être tenu compte du fait que Mme [O] a elle-même contribué à son identification, notamment en diffusant sa photographie en juin 2019 et en faisant figurer son nom en qualité d'organisatrice d'une cagnotte en ligne au soutien de « [R] », pour dénoncer les agissements imputés à M. [V].
25. En statuant ainsi, et dès lors que la publication litigieuse ne contribuait pas à un débat d'intérêt général, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
26. Ainsi, ce dernier doit être écarté.
27. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [V] devra payer à Mme [O] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille vingt-trois.
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CASS/JURITEXT000046959981.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 janvier 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 5 F-B
Pourvois n°
R 21-10.609
N 21-12.515 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JANVIER 2023
I - 1°/ [E] [N], ayant été domicilié [Adresse 4], décédé,
2°/ Mme [Y] [N], domiciliée [Adresse 4],
3°/ M. [V] [N], domicilié [Adresse 6],
4°/ Mme [G] [N],
5°/ Mme [U] [N],
toutes deux domiciliées [Adresse 4],
agissant tous quatre en qualité d'héritiers de [E] [N].
ont formé le pourvoi n° R 21-10.609 contre un arrêt rendu le 29 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [H] [J], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à M. [Z] [C], domicilié [Adresse 2],
3°/ à M. [S] [L], domicilié [Adresse 8],
4°/ à la société Intégrale, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ à la société Intégrale prépa, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],
6°/ à Mme [W] [L], domiciliée [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
II - 1°/ M. [S] [L],
2°/ Mme [W] [L],
3°/ la société Intégrale, société par actions simplifiée,
4°/ la société Intégrale prépa, société par actions simplifiée,
ont formé le pourvoi n° N 21-12.515, contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [H] [J],
2°/ à M. [Z] [C],
3°/ [E] [N], décédé,
4°/ à Mme [Y] [N],
5°/ à M. [V] [N],
6°/ à Mme [G] [N],
7°/ à Mme [U] [N],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs aux pourvois n° R 21-10.609 et N 21-12.515 invoquent, à l'appui de chacun de leurs recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mmes [Y], [G], [U] [N], et M. [V] [N], la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S] [L], de Mme [W] [L], des sociétés Integrale, et Integrale prépa, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [J], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à Mmes [Y], [G] et [U] [N] et à M. [V] [N] (les consorts [N]) de ce qu'ils reprennent l'instance en leur qualité d'héritiers de [E] [N], décédé le 21 mai 2022.
2. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-10.609 et 21-12.515 sont joints.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 décembre 2020), la société par actions simplifiée Intégrale était détenue à 50 % par [A] [L], son président, à 25 % par [E] [N] et à 25 % par un troisième actionnaire.
4. Le 30 juin 2015, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société Intégrale a décidé de la réduction à zéro du capital social et de l'augmentation de ce capital par création d'actions nouvelles, avec maintien du droit préférentiel de souscription aux actionnaires. Elle a également pris acte de ce qu'à l'issue de cette opération, [A] [L] était devenu l'actionnaire unique de la société Intégrale.
5. Contestant la régularité de cette opération, [E] [N] a saisi, en référé, le président d'un tribunal de commerce, lequel a, par une ordonnance du 11 septembre 2015, suspendu la quatrième résolution de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2015, constatant que [A] [L] avait souscrit à l'intégralité de l'augmentation de capital et était devenu l'actionnaire unique de la société Intégrale, ainsi que les cinquième et sixième résolutions, constatant le nouveau capital social de la société et modifiant en conséquence ses statuts.
6. La société Intégrale prépa a été constituée le 1er octobre 2015, son capital étant détenu à 60 % par la société Intégrale et à 40 % par M. [C], président de la société Intégrale.
7. Par une délibération du 16 novembre 2015 de son actionnaire unique, [A] [L], la société Intégrale a décidé un apport partiel d'actifs portant sur les branches d'enseignement « scientifique » et « économique », au profit de la société Intégrale prépa. Le 10 février 2016, l'assemblée générale de la société Intégrale prépa a approuvé cet apport partiel d'actifs, ainsi que la cession à M. [C] et Mme [J], par la société Intégrale, d'une partie des nouvelles actions qu'elle avait reçues dans la société Intégrale prépa en rémunération de cet apport.
8. [A] [L] est décédé le 4 juillet 2016, en laissant pour lui succéder ses enfants, [S] et [W] [L], lesquels sont devenus associés de la société Intégrale.
9. Par acte du 8 août 2016, [E] [N] a assigné les sociétés Intégrale et Intégrale prépa et M. [C] en annulation de l'apport partiel d'actifs. M. [S] [L] et Mme [W] [L], ainsi que Mme [J], sont intervenus volontairement à l'instance. M. [C] et Mme [J] ont opposé à [E] [N] une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir en raison de la perte de la qualité d'actionnaire de la société Intégrale.
Examen des moyens
Sur les moyens, pris en leur deuxième branche, des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
10. Les consorts [N], M. [S] [L], Mme [W] [L] et la société Intégrale font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action de [E] [N] en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale prépa, alors « qu'un coup d'accordéon prenant la forme d'une réduction du capital social à un montant nul suivi d'une augmentation immédiate du capital constitue une opération unique et indivisible, la réduction du capital à zéro ne pouvant produire effet qu'à la condition que les associés procèdent à une augmentation concomitante et effective du capital social ; qu'en relevant, pour dire que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement suspendu les quatrième, cinquième et sixième résolutions, et non les première, deuxième et troisième résolutions constatant la réduction du capital à zéro et actant le seul principe de l'augmentation du capital, quand la suspension des quatrième, cinquième et sixième résolutions, qui réalisaient l'augmentation du capital et en tiraient les conséquences statutaires, avait nécessairement pour conséquence de suspendre la réduction du capital à zéro, l'opération dans son ensemble, et de maintenir [E] [N] dans sa condition d'associé, compte tenu du caractère indivisible de l'opération, la cour d'appel a violé les articles L. 224-2 et L. 225-134 du code de commerce, ensemble les articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 210-2 et L. 224-2 du code de commerce :
11. Il résulte de ces textes que la réduction à zéro du capital d'une société par actions n'est licite que si elle est décidée sous la condition suspensive d'une augmentation effective de son capital amenant celui-ci à un montant au moins égal au montant minimum légal ou statutaire.
12. Pour dire l'action de [E] [N] en nullité de l'apport partiel d'actifs irrecevable, l'arrêt retient que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 a suspendu les effets de la quatrième résolution de l'assemblée générale de la société Intégrale du 30 juin 2015, portant sur le constat que [A] [L] avait souscrit à l'intégralité de l'augmentation de capital, ainsi que ceux des cinquième et sixième résolutions, en ce qu'elles découlaient de la quatrième, mais a écarté la demande de suspension des effets des première, deuxième et troisième résolutions de cette assemblée générale, lesquelles portent respectivement sur la réduction du capital de la société à zéro, sur l'augmentation du capital social d'une somme de 204 280,32 euros représentant 536 actions à souscrire et à libérer immédiatement en numéraire, et sur le maintien des droits préférentiels de souscription des associés. L'arrêt ajoute qu'en écartant la suspension des effets des première, deuxième et troisième résolutions de l'assemblée générale du 30 juin 2015, le juge des référés n'a pas entendu revenir sur la réduction à zéro du capital social et l'augmentation de capital, ni remettre l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant cette assemblée. L'arrêt en déduit qu'au jour où l'instance a été introduite, le 8 août 2016, [E] [N] n'avait pas la qualité d'associé de la société Intégrale.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle retenait que l'augmentation du capital de la société Intégrale par la souscription d'actions nouvelles, dont la réalisation avait été suspendue, n'était pas effective, ce dont elle aurait dû déduire que la résolution décidant de la réduction à zéro du capital de la société ne pouvait, sauf à priver cette société de tout capital, légalement produire effet, peu important que la suspension de cette résolution n'ait pas été ordonnée en référé, de sorte que [E] [N] avait conservé, à la date à laquelle il avait introduit son action, la qualité d'actionnaire de la société Intégrale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de [E] [N] en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale prépa, l'arrêt rendu le 29 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Condamne M. [C] et Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et Mme [J] et les condamne à payer à Mmes [Y], [G] et [U] [N] et à M. [V] [N] la somme globale de 1 500 euros, et à M. [S] [L], Mme [W] [L], la société Intégrale et la société Intégrale prépa la somme globale de 1 500 euros ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi 21-10.609 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mmes [Y], [G], [U] [N] et M. [V] [N], héritiers de [E] [N].
Monsieur [E] [N] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable son action en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale Prépa.
1°) ALORS QUE dans son ordonnance du 11 septembre 2015, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, saisi d'un recours formé contre la délibération par laquelle les associés de la société Intégrale avaient décidé de procéder à un coup d'accordéon, ayant relevé que Monsieur [N] n'avait pas été mis en mesure de participer à l'augmentation du capital en exerçant son droit préférentiel de souscription et constaté le dommage imminent que pouvait lui causer la perte de sa qualité d'associé, avait en conséquence ordonné la suspension de la résolution n°4 par laquelle l'assemblée des associés avait constaté que Monsieur [L] avait acquis les actions nouvellement émises, de la résolution n°5 qui constatait la répartition du nouveau capital social, et de la résolution n°6 qui ordonnait la modification des statuts pour tenir compte de cette nouvelle répartition et de la qualité d'associé unique de Monsieur [L] ; qu'en jugeant, pour retenir que Monsieur [N] ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016 et déclarer irrecevable l'action en nullité qu'il avait introduite à cette date, que l'ordonnance du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état ou il se trouvait avant le 30 juin 2015 et de rétablir Monsieur [N] dans sa condition d'associé, quand cette ordonnance avait précisément suspendu les résolutions actant de la nouvelle répartition du capital social, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015, en violation des articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ;
2°) ALORS en outre QUE le coup d'accordéon prenant la forme d'une réduction du capital social à un montant nul suivi d'une augmentation immédiate du capital constitue une opération unique et indivisible, la réduction du capital à 0 ne pouvant produire effet qu'à la condition que les associés procèdent à une augmentation concomitante et effective du capital social (Com. 17 mai 1994, Bull. Civ. IV, n° 183, « Usinor ») ; qu'en relevant, pour dire que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement suspendu les résolutions n° 4, 5, 6 et non les résolutions n° 1, 2, et 3 constatant la réduction du capital à 0 et actant le seul principe de l'augmentation du capital, quand la suspension des résolutions n°4, 5 et 6, qui réalisaient l'augmentation du capital et en tiraient les conséquences statutaires, avait nécessairement pour conséquence de suspendre la réduction du capital à 0, l'opération dans son ensemble, et de maintenir Monsieur [N] dans sa condition d'associé, compte tenu du caractère indivisible de l'opération, la Cour d'appel a violé les articles L.224-2 et L.225-134 du code de commerce, ensemble les 4, 484 et 488 du code de procédure civile ;
3°) ALORS de même QUE comme le rappelait Monsieur [N] dans ses conclusions d'appel (conclusions, p.14s. et 21s.), la résolution n°1 actant la réduction du capital à 0 avait été décidée sous la condition suspensive de la réalisation immédiate de l'augmentation de capital ; qu'en jugeant, pour retenir que Monsieur [N] ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016 et déclarer irrecevable l'action qu'il avait introduite à cette date, que l'ordonnance du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat dans l'état ou il se trouvait avant le 30 juin 2015 ou de rétablir Monsieur [N] dans sa condition d'associé, quand la suspension des résolutions n°4, 5 et 6 empêchait la réalisation des conditions suspensives assortissant la réduction du capital social à 0 et avait par conséquent pour effet de maintenir Monsieur [N] dans sa condition d'associé, la Cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble les articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en affirmant, pour juger que Monsieur [N] invoquait vainement le caractère indivisible du coup d'accordéon ou l'absence de réalisation des conditions suspensives assortissant les résolutions votées le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement ordonné la suspension des résolutions 4, 5 et 6, qu'il n'aurait ainsi pas « entendu » remettre en cause la réduction du capital social à 0 ou remettre l'actionnariat dans son état antérieur, et que sa décision serait sur ce point revêtue de l'autorité de la chose jugée, cependant qu'aucune mention de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'interdisait aux parties de tirer les conséquences nécessaires de la suspension des résolutions n° 4, 5, et 6, au regard du caractère indivisible du coup d'accordéon ou de l'absence de réalisation des conditions suspensives assortissant les résolutions votées par l'assemblée générale des associés, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance rendue le 11 septembre 2015 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, en violation les articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE sous réserve de la faculté de régularisation offerte au demandeur par l'article 126 du code de procédure civile, la qualité pour agir s'apprécie au jour de l'introduction en justice et ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet (Civ. 2e, 9 nov. 2006, n° 05-13.484 ; Com. 10 juillet 2018, n° 16-17.337) ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable l'action introduite le 8 août 2016 par Monsieur [N], sur des circonstances postérieures à l'introduction de l'action, tenant au fait que le tribunal de commerce de Paris avait constaté au fond que les droits et actions attachés aux actions nouvelles étaient suspendus depuis le 30 juin 2015 où à certaines mentions contenues dans le procès-verbal l'assemblée générale du 26 janvier 2018, la Cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
6°) ALORS en toute hypothèse QUE dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité doit être écartée lorsque sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en déclarant irrecevable l'action formée par Monsieur [N] au motif qu'il ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016, date à laquelle il avait introduit son action, quand il résultait de ses propres constatations que Monsieur [N] avait finalement pu exercer son droit préférentiel de souscription et qu'il avait été confirmé dans sa qualité d'associé par une assemblée générale de la société Intégrale du 26 janvier 2018, de sorte que, justifiant de la qualité d'associé à la date à laquelle il s'était agi de statuer sur le fond, il était recevable à agir en nullité contre l'apport partiel d'actifs contesté, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 126 du code de procédure civile ;
7°) ALORS enfin et en tout état de cause QUE dans ses conclusions d'appel (conclusions, p.25-28), Monsieur [N] avait fait valoir qu'il résultait de l'ordonnance du 11 septembre 2015, du jugement du 29 septembre 2017, et plus généralement de l'application de l'article L.225-150 du code de commerce, que les droits de vote attachés aux actions acquises par Monsieur [L] par suite du coup d'accordéon avaient a minima été suspendus dans l'attente de la régularisation de l'augmentation du capital social et de l'exercice du droit préférentiel de souscription dont il avait été irrégulièrement privé ; que Monsieur [N] avait également fait valoir, parmi les différentes causes de nullité soulevées à l'encontre de l'apport partiel d'actifs contesté, que Monsieur [L] avait décidé de cet apport alors même que ses droits de vote étaient suspendus dans l'attente de cette régularisation ; qu'il ajoutait qu'il se serait nécessairement opposé à cette décision s'il avait initialement exercé son droit préférentiel de souscription et que cette délibération irrégulière s'était révélée particulièrement préjudiciable à ses intérêts puisqu'à la date à laquelle il avait finalement pu exercer ce droit, il avait pu constater que la société avait perdu l'essentiel de ses actifs ; qu'en jugeant que Monsieur [N] était irrecevable à demander l'annulation de l'apport partiel d'actif contesté au seul motif qu'il n'avait prétendument pas la qualité d'associé au 8 août 2016, date à laquelle il avait introduit son action, sans rechercher si celui-ci ne justifiait pas d'un intérêt et d'une qualité pour demander l'annulation de cette décision pour cette seule raison qu'elle avait été prise par Monsieur [L] alors que les droits de vote attachés aux actions acquises étaient suspendues dans l'attente de la régularisation de l'augmentation du capital et de l'exercice des droits préférentiels de souscription par les associés minoritaires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ;
8°) ALORS subsidiairement QU' en jugeant cette action irrecevable cependant que Monsieur [N], qui justifiait avoir été confirmé en sa qualité d'associé avant que les juges du fond ne statuent, avait qualité pour demander l'annulation de l'apport partiel décidé par Monsieur [L] à son préjudice et en méconnaissance de la suspension des droits de vote attachés aux actions nouvellement émises, la Cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
Moyen produit au pourvoi n° 21-12.515 par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils pour M. [S] [L], Mme [W] [L], la société Intégrale et la société Intégrale prépa.
M. [S] [L], Mme [W] [L] et la société Intégrale font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action en nullité de l'apport partiel d'actifs de la société Intégrale à la société Intégrale Prépa engagée par M. [N] ;
1° ALORS QUE dans son ordonnance du 11 septembre 2015, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, saisi d'un recours formé contre la délibération par laquelle les associés de la société Intégrale avaient décidé de procéder à un coup d'accordéon, ayant relevé que M. [N] n'avait pas été mis en mesure de participer à l'augmentation du capital en exerçant son droit préférentiel de souscription et constaté le dommage imminent que pouvait lui causer la perte de sa qualité d'associé, avait en conséquence ordonné la suspension de la résolution n°4 par laquelle l'assemblée des associés avait constaté que M. [L] avait acquis les actions nouvellement émises, de la résolution n°5 qui constatait la répartition du nouveau capital social, et de la résolution n°6 qui ordonnait la modification des statuts pour tenir compte de cette nouvelle répartition et de la qualité d'associé unique de M. [L] ; qu'en jugeant, pour retenir que M. [N] ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016 et déclarer irrecevable l'action en nullité qu'il avait introduite à cette date, que l'ordonnance du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état ou il se trouvait avant le 30 juin 2015 et de rétablir M. [N] dans sa condition d'associé, quand cette ordonnance avait précisément suspendu les résolutions actant de la nouvelle répartition du capital social, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015, en violation des articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE le coup d'accordéon prenant la forme d'une réduction du capital social à un montant nul suivi d'une augmentation immédiate du capital constitue une opération unique et indivisible, la réduction du capital à 0 ne pouvant produire effet qu'à la condition que les associés procèdent à une augmentation concomitante et effective du capital social (Com. 17 mai 1994, Bull. Civ. IV, n° 183, « Usinor ») ; qu'en relevant, pour dire que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat de la société Intégrale dans l'état où il se trouvait avant le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement suspendu les résolutions n° 4, 5, 6 et non les résolutions n° 1, 2, et 3 constatant la réduction du capital à 0 et actant le seul principe de l'augmentation du capital, quand la suspension des résolutions n°4, 5 et 6, qui réalisaient l'augmentation du capital et en tiraient les conséquences statutaires, avait nécessairement pour conséquence de suspendre la réduction du capital à 0, l'opération dans son ensemble, et de maintenir M. [N] dans sa condition d'associé, compte tenu du caractère indivisible de l'opération, la cour d'appel a violé les articles L.224-2 et L.225-134 du code de commerce, ensemble les 4, 484 et 488 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE comme le rappelait M. [N] dans ses conclusions d'appel (conclusions, p.14s. et 21s.), la résolution n°1 actant la réduction du capital à 0 avait été décidée sous la condition suspensive de la réalisation immédiate de l'augmentation de capital ; qu'en jugeant, pour retenir que M. [N] ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016 et déclarer irrecevable l'action qu'il avait introduite à cette date, que l'ordonnance du 11 septembre 2015 n'avait pas eu pour effet de replacer l'actionnariat dans l'état ou il se trouvait avant le 30 juin 2015 ou de rétablir M. [N] dans sa condition d'associé, quand la suspension des résolutions n°4, 5 et 6 empêchait la réalisation des conditions suspensives assortissant la réduction du capital social à 0 et avait par conséquent pour effet de maintenir M. [N] dans sa condition d'associé, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil, ensemble les articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ;
4° ALORS QU'en affirmant, pour juger que M. [N] invoquait vainement le caractère indivisible du coup d'accordéon ou l'absence de réalisation des conditions suspensives assortissant les résolutions votées le 30 juin 2015, que le juge des référés avait uniquement ordonné la suspension des résolutions 4, 5 et 6, qu'il n'aurait ainsi pas « entendu » remettre en cause la réduction du capital social à 0 ou remettre l'actionnariat dans son état antérieur, et que sa décision serait sur ce point revêtue de l'autorité de la chose jugée, cependant qu'aucune mention de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 n'interdisait aux parties de tirer les conséquences nécessaires de la suspension des résolutions n° 4, 5, et 6, au regard du caractère indivisible du coup d'accordéon ou de l'absence de réalisation des conditions suspensives assortissant les résolutions votées par l'assemblée générale des associés, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance rendue le 11 septembre 2015 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, en violation les articles 4, 484 et 488 du code de procédure civile ;
5° ALORS QUE sous réserve de la faculté de régularisation offerte au demandeur par l'article 126 du code de procédure civile, la qualité pour agir s'apprécie au jour de l'introduction en justice et ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet (Civ. 2e, 9 nov. 2006, n° 05-13.484 ; Com. 10 juillet 2018, n° 16-17.337) ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevable l'action introduite le 8 août 2016 par M. [N], sur des circonstances postérieures à l'introduction de l'action, tenant au fait que le tribunal de commerce de Paris avait constaté au fond que les droits et actions attachés aux actions nouvelles étaient suspendus depuis le 30 juin 2015 où à certaines mentions contenues dans le procès-verbal l'assemblée générale du 26 janvier 2018, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
6° ALORS QU'en toute hypothèse, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité doit être écartée lorsque sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en déclarant irrecevable l'action formée par M. [N] au motif qu'il ne justifiait pas de sa qualité d'associé au 8 août 2016, date à laquelle il avait introduit son action, quand il résultait de ses propres constatations que M. [N] avait finalement pu exercer son droit préférentiel de souscription et qu'il avait été confirmé dans sa qualité d'associé par une assemblée générale de la société Intégrale du 26 janvier 2018, de sorte que, justifiant de la qualité d'associé à la date à laquelle il s'était agi de statuer sur le fond, il était recevable à agir en nullité contre l'apport partiel d'actifs contesté, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 126 du code de procédure civile ;
7° ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses conclusions d'appel (conclusions, p. 25-28), M. [N] avait fait valoir qu'il résultait de l'ordonnance du 11 septembre 2015, du jugement du 29 septembre 2017, et plus généralement de l'application de l'article L. 225-150 du code de commerce, que les droits de vote attachés aux actions acquises par M. [L] par suite du coup d'accordéon avaient a minima été suspendus dans l'attente de la régularisation de l'augmentation du capital social et de l'exercice du droit préférentiel de souscription dont il avait été irrégulièrement privé ; que M. [N] avait également fait valoir, parmi les différentes causes de nullité soulevées à l'encontre de l'apport partiel d'actifs contesté, que M. [L] avait décidé de cet apport alors même que ses droits de vote étaient suspendus dans l'attente de cette régularisation ; qu'il ajoutait qu'il se serait nécessairement opposé à cette décision s'il avait initialement exercé son droit préférentiel de souscription et que cette délibération irrégulière s'était révélée particulièrement préjudiciable à ses intérêts puisqu'à la date à laquelle il avait finalement pu exercer ce droit, il avait pu constater que la société avait perdu l'essentiel de ses actifs ; qu'en jugeant que M. [N] était irrecevable à demander l'annulation de l'apport partiel d'actif contesté au seul motif qu'il n'avait prétendument pas la qualité d'associé au 8 août 2016, date à laquelle il avait introduit son action, sans rechercher si celui-ci ne justifiait pas d'un intérêt et d'une qualité pour demander l'annulation de cette décision pour cette seule raison qu'elle avait été prise par M. [L] alors que les droits de vote attachés aux actions acquises étaient suspendues dans l'attente de la régularisation de l'augmentation du capital et de l'exercice des droits préférentiels de souscription par les associés minoritaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ;
8° ALORS QU'en toute hypothèse, en jugeant cette action irrecevable cependant que M. [N], qui justifiait avoir été confirmé en sa qualité d'associé avant que les juges du fond ne statuent, avait qualité pour demander l'annulation de l'apport partiel décidé par M. [L] à son préjudice et en méconnaissance de la suspension des droits de vote attachés aux actions nouvellement émises, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
9° ALORS QU'en toute hypothèse, l'irrégularité pour défaut de qualité peut être couverte par l'intervention de la personne ayant qualité pour agir avant toute forclusion ; qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action en nullité de l'apport partiel d'actif engagée par M. [N], qu'il n'avait pas qualité à agir en ce sens, quand elle constatait que les consorts [L] et la société Intégrale, dont la qualité à agir en nullité de l'apport partiel d'actif n'était pas discutée, étaient régulièrement intervenus devant le tribunal de commerce en sollicitant, comme M. [N] auquel ils s'associaient, l'annulation de l'apport partiel d'actif, ce qui couvrait l'irrégularité tirée du défaut de qualité de M. [N] à agir en nullité de l'apport partiel d'actif, la cour d'appel a violé l'article 126 du code de procédure civile, ensemble l'article 2220 du code civil ;
10° ALORS QU'en toute hypothèse, l'irrégularité pour défaut de qualité peut être couverte par l'intervention de la personne ayant qualité pour agir avant toute forclusion ; qu'en jugeant que l'intervention des consorts [L], dont la qualité à agir en nullité de l'apport partiel d'actif n'était pas discutée, n'avait pas couvert l'irrégularité de l'action introduite par M. [N], sans constater que l'action en nullité de l'apport partiel d'actif était prescrite lorsque les exposants étaient intervenus à l'instance engagée par M. [N], la cour d'appel a violé l'article 126 du code de procédure civile.
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CASS/JURITEXT000046990211.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 janvier 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 32 FS-B
Pourvoi n° T 21-11.163
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 JANVIER 2023
Le ministre de l'économie et des finances, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-11.163 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société OC résidences, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société OC résidences a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du ministre de l'économie et des finances, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société OC résidences, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Champalaune, Michel-Amsellem, conseillers, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2020 ), la société 3J est un sous-traitant de la société OC résidences, laquelle exerce une activité de construction et de commercialisation de maisons individuelles.
2. Le 24 juin 2013, la société 3J a contesté la déduction d'une remise exceptionnelle de 2 % sur le prix appliqué par la société OC résidences et fondée sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
3. Le 26 avril 2017, le ministre chargé de l'économie a assigné la société OC résidences afin qu'il soit jugé que les pratiques consistant, d'une part, à déduire des factures des sous-traitants une remise systématique de 2 % au titre du CICE, d'autre part, à s'octroyer un escompte de 3 % pour des factures réglées en retard, contrevenaient aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui, bien qu'éventuel, est préalable
Enoncé du moyen
4. La société OC résidences fait grief à l'arrêt de dire que les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence s'appliquent aux relations de sous-traitance, alors « que les dispositions générales de l'article L. 442-6, I, du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence ne s'appliquent pas lorsque des dispositions spéciales protègent déjà le partenaire en position de faiblesse ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article L. 442-6, I, du code de commerce était applicables en l'espèce, au motif inopérant que le régime spécial des contrats de sous-traitance en matière de construction de maison individuelle institué par les dispositions du code de la construction et de l'habitation n'étaient pas incompatibles avec la qualité de partenaire commercial au regard de l'article L. 442-6, I, du code de commerce, quand l'existence d'un régime spécial protégeant le sous-traitant, fût-il un partenaire commercial du constructeur de maison individuelle, excluaient l'application des dispositions générales de l'article L. 442-6, I, du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6, I, du code de commerce, dans sa version en vigueur au moment des faits reprochés, L. 230-1, L. 231-13 et L. 241-9 du code de la construction et de l'habitation, ensemble le principe specialia generalibus derogant. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt énonce exactement que les relations de sous-traitance entrent dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-144 du 17 mars 2014, et que ce texte n'édictant aucune règle incompatible avec les dispositions du code de la construction et de l'habitation, il s'applique aux relations entre un constructeur de maison individuelle et ses sous-traitants.
6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le ministre fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à juger que la pratique consistant à déduire des factures des sous-traitants une remise systématique de 2 % « au titre du CICE » contrevient aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce en ce qu'elle constitue une obtention ou tentative d'obtention d'un avantage sans contrepartie en cours d'exécution du contrat au profit de la société OC résidences et au détriment de ses sous-traitants et, en conséquence, prononcer la restitution des indus correspondant au profit des sous-traitants ou de leurs créanciers, enjoindre à la société OC résidences de cesser ses pratiques et de la condamner à une amende civile de 200 000 euros et à la publication à ses frais du dispositif de la décision, alors « qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu'en jugeant que ce cas de responsabilité ne permettrait pas de sanctionner la remise ne correspondant à aucun service rendu que s'est attribué la société OC résidences sur les factures de ses sous-traitants au prétexte erroné que le contrôle de la validité de cette clause ne pourrait relever que de l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6, I, 1° et 2°, du code de commerce dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 442-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 résultant de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 :
8. Selon le 1° de ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu.
9. Pour rejeter les demandes du ministre chargé de l'économie, l'arrêt retient que lorsque le prix n'a pas fait l'objet d'une libre négociation, son contrôle judiciaire ne s'effectue pas en dehors d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce et en déduit que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 1°, du même code ne s'appliquent pas à la réduction de prix obtenue d'un partenaire commercial.
10. En statuant ainsi, alors que l'application de l'article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce exige seulement que soit constatée l'obtention d'un avantage quelconque ou la tentative d'obtention d'un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. Le ministre fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir juger que la pratique consistant à déduire des factures des sous-traitants un escompte de 3 % pour des factures réglées en retard contrevenait aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce en ce qu'elle constitue une obtention ou tentative d'obtention d'un avantage sans contrepartie en cours d'exécution du contrat au profit de la société OC résidences et au détriment de ses sous-traitants, en conséquence, prononcer la restitution des indus correspondant au profit des sous-traitants ou de leurs créanciers, enjoindre la société OC résidences de cesser ses pratiques et la condamner à une amende civile de 200 000 euros et à publier à ses frais le dispositif de la décision, alors « que la cour d'appel a rejeté l'action du ministre de l'économie et des finances tendant à voir engager la responsabilité de la société OC résidences pour avoir appliqué un acompte de 3 % sur la facturation de ses sous-traitants, prévu pour l'hypothèse d'un paiement anticipé des factures, même si le règlement était après le terme en considérant que n'étaient produits ni les procès-verbaux d'audition des sous-traitants ni aucune pièce établissant la responsabilité contractuelle de la société OC résidences, sans analyser, ne serait-ce que sommairement, les factures ni les tableaux récapitulatifs produits aux débats auxquels le ministre se référait dans ses conclusions pour établir le délai de règlement et la facturation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
12. Aux termes de ce texte, le jugement doit être motivé.
13. Pour rejeter les demandes du ministre, l'arrêt retient qu'il n'est nullement contradictoirement établi qu'un [escompte] aurait été perçu en dehors des prévisions contractuelles consenties par les sous-traitants.
14. En statuant ainsi, sans analyser les factures et les tableaux récapitulatifs produits aux débats pour établir le délai de règlement et la facturation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident éventuel.
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il retient que les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence s'appliquent aux relations de sous-traitance, l'arrêt rendu le 4 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Condamne la société OC résidences aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société OC résidences et la condamne à payer au ministre chargé de l'économie, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour le ministre de l'économie et des finances.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le ministre de l'économie et des finances fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir juger, en conformité avec l'avis 18-6 de la commission d'examen des pratiques commerciales, que la pratique consistant à déduire des factures des sous-traitants une remise systématique de 2 % « au titre du CICE » contrevenait aux dispositions de l'article L. 442-6 I 1° du code de commerce en ce qu'elle constitue une obtention ou tentative d'obtention d'un avantage sans contrepartie en cours d'exécution du contrat au profit de la société OC Résidences et au détriment de ses sous-traitants et, en conséquence, à voir prononcer la restitution des indus correspondant au profit des sous-traitants ou de leurs créanciers, à enjoindre à la société OC Résidences de cesser ses pratiques et à la condamner à une amende civile de 200 000 euros ainsi qu'à publier à ses frais le dispositif de la décision, alors :
1°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu'en jugeant que ce cas de responsabilité ne permettrait pas de sanctionner la remise ne correspondant à aucun service rendu que s'est attribué la société OC Résidences sur les factures de ses sous-traitants au prétexte erroné que le contrôle de la validité de cette clause ne pourrait relever que de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6 I 1° et 2° du code de commerce dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;
2°) qu'en jugeant que la pratique consistant à appliquer une remise ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ne pourrait relever que du contrôle de la soumission ou tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif au prétexte inopérant que le contrôle judiciaire du prix doit rester exceptionnel, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;
3°) que, si la liberté du commerce et de l'industrie impose la libre négociation de la valeur des produits et des prestations, il n'est porté aucune atteinte à cette liberté par la sanction judiciaire de la pratique consistant à déduire unilatéralement des factures de ses partenaires une somme ne correspondant à aucun service rendu ni à l'appréciation de la valeur des prestations ou produits fournis ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le principe susvisé et, par refus d'application, l'article L. 442-6 I 1° du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le ministre de l'économie et des finances fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir juger, en conformité avec l'avis 18-6 de la commission d'examen des pratiques commerciales, que la pratique consistant à déduire des factures des sous-traitants un escompte de 3 % pour des factures réglées en retard contrevenait aux dispositions de l'article L. 442-6 I 1° du code de commerce en ce qu'elle constitue une obtention ou tentative d'obtention d'un avantage sans contrepartie n cours d'exécution du contrat au profit de la société OC Résidences et au détriment de ses sous-traitants, en conséquence, prononcer la restitution des indus correspondant au profit des sous-traitants ou de leurs créanciers, enjoindre la société OC Résidences de cesser ses pratiques et la condamner à une amende civile de 200 000 euros et à publier à ses frais le dispositif de la décision, alors :
Que la cour d'appel a rejeté l'action du ministre de l'économie et des finances tendant à voir engager la responsabilité de la société OC Résidences pour avoir appliqué un acompte de 3 % sur la facturation de ses sous-traitants, prévu pour l'hypothèse d'un paiement anticipé des factures, même si le règlement était intervenu après le terme en considérant que n'étaient produits ni les procès-verbaux d'audition des sous-traitants ni aucune pièce établissant la responsabilité contractuelle de la société OC Résidences, sans analyser, ne serait-ce que sommairement, les factures ni les tableaux récapitulatifs produits aux débats auxquels le ministre se référait dans ses conclusions pour établir le délai de règlement et la facturation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile et 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT ÉVENTUEL, par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société OC résidences.
La société [Adresse 3] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait retenu que les dispositions du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence s'appliquaient aux relations de sous-traitance ;
ALORS QUE les dispositions générales de l'article L. 442-6 I du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence ne s'appliquent pas lorsque des dispositions spéciales protègent déjà le partenaire en position de faiblesse ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article L. 442-6 I du code de commerce était applicables en l'espèce, au motif inopérant que le régime spécial des contrats de sous-traitance en matière de construction de maison individuelle institué par les dispositions du code de la construction et de l'habitation n'étaient pas incompatibles avec la qualité de partenaire commercial au regard de l'article L. 442-6 I du code de commerce, quand l'existence d'un régime spécial protégeant le sous-traitant, fût-il un partenaire commercial du constructeur de maison individuelle, excluaient l'application des dispositions générales de l'article L. 442-6 I du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6 I du code de commerce, dans sa version en vigueur au moment des faits reprochés, et L. 230-1, L. 231-13 et L. 241-9 du code de la construction et de l'habitation, ensemble le principe specialia generalibus derogant.
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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 janvier 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 19 FS-B
Pourvoi n° E 19-21.884
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JANVIER 2023
1°/ la société Massis import export Europe, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ la société 2M et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de Mme [V] [L], agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Massis import export Europe,
3°/ M. [W] [A], domicilié [Adresse 5], agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Massis import export Europe,
ont formé le pourvoi n° E 19-21.884 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant :
1°/ au directeur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), domicilié [Adresse 2],
2°/ au receveur régional de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Massis import export Europe, de la société 2M et associés, ès qualités, et de M. [A], ès qualités, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et du receveur régional de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fevre, Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lefeuvre, Tostain, MM. Boutié, Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2019), la société Massis import-export Europe (la société Massis), qui importe d'un pays tiers à l'Union européenne des tabacs manufacturés, bénéficie du statut d'entrepositaire agréé l'autorisant à stocker du tabac en suspension du droit de consommation sur les tabacs manufacturés.
2. A la suite d'un contrôle de ses entrepôts, l'administration des douanes lui a notifié plusieurs infractions à la réglementation en matière de contributions indirectes le 1er octobre 2015 et a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement (AMR) le 19 octobre 2015.
3. Après le rejet de sa contestation, la société Massis a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR et de la décision de rejet.
4. Un jugement du 16 novembre 2017 a mis la société Massis en procédure de sauvegarde, cette procédure ayant abouti à l'arrêté d'un plan de sauvegarde. M. [A], en sa qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société, et la Selarl 2M et associés, prise en la personne de Mme [L], en sa qualité d'administrateur judiciaire, sont intervenus à l'instance d'appel.
Sur le troisième moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, qui est préalable
Enoncé du moyen
6. La société Massis fait grief à l'arrêt de déclarer l'AMR du 19 octobre 2015 régulier, tant sur la forme que sur le fond, de confirmer la décision de rejet du 28 avril 2016 et de rejeter l'intégralité de ses demandes, alors « que selon l'article L. 34 du livre des procédures fiscales, chez les entrepositaires agréés, les agents de l'administration peuvent intervenir dans les magasins, caves et celliers, en vue d'effectuer les vérifications nécessaires à la constatation des quantités de boissons restant en magasin ou de s'assurer de la régularité des opérations ; que ce type de contrôle ne vise que les entrepositaires agréés de boissons, et non ceux de tabacs ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Massis était entrepositaire agréé de tabacs ; qu'il résulte du procès-verbal d'intervention du 11 juin 2015 que le contrôle a été effectué dans le cadre de l'article L. 34 du livre des procédures fiscales ; qu'en refusant d'invalider les opérations de contrôle, pourtant réalisées dans un cadre non conforme à l'activité de la personne contrôlée, la cour d'appel a violé l'article L. 34 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte des articles L. 26 et L. 27 du livre des procédures fiscales que les agents de l'administration des douanes peuvent intervenir dans tous les lieux d'exercice d'activités soumises à contributions indirectes sans formalité préalable et sans que leur contrôle puisse être retardé, pour y procéder à des inventaires, aux opérations nécessaires à la constatation et à la garantie de l'impôt et, généralement, aux contrôles qualitatifs et quantitatifs prévus par la loi, pendant des intervalles de temps fixés par le second de ces textes, sauf disposition particulière.
8. Le moyen, qui postule que de telles opérations ne pourraient être effectuées qu'en application de l'article L. 34 du livre des procédures fiscales, est inopérant.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. La société Massis fait grief à l'arrêt d'écarter des débats ses pièces numérotées 17, 20, 21, 22, 27 et 32, de déclarer l'AMR du 19 octobre 2015 régulier, tant sur la forme que sur le fond, de confirmer la décision de rejet du 28 avril 2016 et de rejeter l'intégralité de ses demandes, alors « que la production en justice par une partie d'images et enregistrements issus de la vidéosurveillance de ses locaux, filmant la partie adverse ou ses représentants sans que ceux-ci en ait été informés, ne constitue pas en soi une atteinte au principe de loyauté de la preuve ; que ce mode de preuve ne peut être déloyal que s'il porte atteinte à un droit essentiel ou une liberté fondamentale de la partie à qui la preuve est opposée en justice, ou de la personne filmée ; qu'en décidant d'écarter les pièces n° 17, 20, 21, 22, 27 et 32 de la société Massis, comme ayant été obtenues par un procédé déloyal, au seul prétexte que les agents des douanes n'avaient pas été informés de ce que le déroulement de leurs opérations était filmé, sans relever aucune atteinte aux droits ou libertés de l'administration des douanes ou de ses agents, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 9 du code de procédure civile et L. 238 du livre des procédures fiscales :
10. Il résulte de ces textes qu'afin d'apporter la preuve contraire de faits constatés dans un procès-verbal dressé par des agents de l'administration des douanes, un redevable de contributions indirectes est fondé à produire la captation de l'image d'un agent de cette administration réalisée à partir d'un système de vidéosurveillance destiné à assurer la sécurité de ses locaux, même si l'agent n'était pas informé de cette captation, sauf s'il est en est résulté une atteinte aux droits de la personnalité de ce dernier disproportionnée au but recherché.
11. Pour écarter des débats les pièces numérotées 17, 20, 21, 22, 27 et 32 correspondant à des images des agents des douanes extraites d'une vidéosurveillance réalisée dans les locaux de la société Massis pendant les opérations de contrôle, l'arrêt retient que la production de ces images enregistrées sans preuve du consentement tacite, certain et non équivoque de ces agents est irrecevable comme contraire aux dispositions des articles 9 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au principe de loyauté dans l'administration de la preuve.
12. En statuant ainsi, alors qu'aucune atteinte aux droits de la personnalité des agents de l'administration des douanes pouvant résulter de l'utilisation de ces images à titre de preuves n'était alléguée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il donne acte à M. [A] et à Mme [L] - Selarl 2M et associés, en leurs qualités respectives de mandataire judiciaire et d'administrateur judiciaire de la société Massis import expert Europe, de leur intervention volontaire et en ce qu'il met hors de cause Mme [L] en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société, l'arrêt rendu le 27 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.
Condamne le directeur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et le receveur régional de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et le receveur régional de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et les condamne à payer à la société Massis import expert Europe, à M. [A], en sa qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société, et à la Selarl 2M et associés, prise en la personne de Mme [L], en sa qualité d'administrateur judiciaire, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Massis import export Europe, la société 2M et associés, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Massis import export Europe et M. [A], agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Massis import export Europe.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté des débats les pièces n° 17, 20, 21, 22, 27 et 32 de la société Massis import export Europe, et par conséquent, par confirmation du jugement déféré, d'AVOIR déclaré l'avis de mise en recouvrement n° 2015/60 du 19 octobre 2015 régulier, tant sur la forme que sur le fond, d'AVOIR confirmé la décision de rejet de contestation de l'avis de mise en recouvrement du 28 avril 2016, d'AVOIR débouté la société Massis import export Europe de l'intégralité de ses demandes et d'AVOIR condamné la société Massis import export Europe à verser au Directeur de la DNRED et à l'administration des douanes, prise en la personne du receveur régional de la DNRED, la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de rejet de pièces : Considérant que l'administration des douanes demande à la cour de rejeter les pièces de l'appelante numérotées 17, 20, 21, 22, 27 et 32 portant sur des production d'images en raison de leur obtention déloyale ; qu'il est soutenu qu'aucune information n'a été donnée sur la présence d'une vidéo surveillance à l'intérieur des locaux au sein desquels se sont déroulées les opérations de contrôle ; Considérant que la société Massis Import Expert Europe soutient qu'un affichage visible était apposé informant de la présence de caméras ; Mais considérant que si l'appelante verse aux débats en pièce n° 27 une photographie non datée montrant la présence d'un affichage d'information d'une vidéosurveillance sur la porte d'entrée d'un bâtiment, cet élément est insuffisant pour prouver que lors des opérations de contrôle effectuées le 11 juin 2015 dans les locaux de la société Massis Distribution, [Adresse 1]), les agents des douanes aient été informés de ce que le déroulement de leurs opérations était filmé ; qu'à défaut cet enregistrement d'images sans preuve d'une information préalable est déloyal en application de l'article 9 du code de procédure civile et de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; qu'il convient de faire droit à la demande tendant à écarter des débats les pièces de l'appelante numérotées 17, 20, 21, 22, 27 et 32 » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Pour corroborer ses dires, la demanderesse verse aux débats deux photographies et plusieurs captures d'images extraites des caméras de videosurveillance installées sur son site d'exploitation ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier du 23 septembre 2015. L'administration des douanes soutient en défense que les photographies et captures d'images de videosurveillance produites par la demanderesse doivent être écartées dans la mesure où elles ne constituent pas des preuves régulières, celles-ci violant les dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Toutefois, la Commission Nationale Informatique et Libertés et ses dispositions ne sont pas concernées par les enregistrements visuels de videosurveillance dont la compétence est prévue lorsqu'il s'agit de constituer un fichier nominatif, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il ressort en effet des écritures de la demanderesse que le seul but recherché par l'installation d'un tel dispositif était la prévention de faits délictueux, ce qui exclut les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 concernant le CNIL et la conservation des images. En revanche, il résulte des dispositions des articles 9 du Code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, que tout enregistrement d'images, de paroles ou de textes, et ce quels qu'en soient les motifs, à l'insu de celui à qui on l'oppose constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve. En l'espèce, la demanderesse verse aux débats deux photographies des extérieurs de l'entrepôt sur lesquelles l'on peut apercevoir, apposés sur le portail ainsi que sur la porte d'entrée de l'immeuble, deux panonceaux portant pour seule mention à peine lisible l'indication "ADS PROTECTION". Cependant, la lecture d'une telle indication ne suffit pas à elle seule à informer de la présence de caméras de videosurveillance sur l'ensemble du site d'exploitation, de sorte qu'elle ne saurait constituer un avertissement qui soit de nature à éclairer la volonté de manière certaine et sans équivoque. Par conséquent, et en l'absence de tout autre élément matérialisant l'existence de caméras de videosurveillance sur le site d'exploitation, la seule indication "ADS PROTECTION" portée sur les deux portes d'entrée des locaux de la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE ne suffisant pas à établir l'existence d'un consentement tacite certain et non équivoque des agents des douanes à la captation de leur image, l'ensemble des photographies par elle produites seront écartées des débats en ce qu'elles sont jugées irrecevables » ;
1) ALORS QUE dans un litige entre l'administration des douanes et une entreprise, celle-ci peut librement produire en justice les images et enregistrements issus de la vidéosurveillance de ses locaux, dont l'installation a été effectuée dans un but de sécurisation des lieux, sans être tenue à une information préalable des agents des douanes qui se sont présentés dans les locaux concernés ; qu'en l'espèce, la société Massis import export Europe produisait devant la cour d'appel des pièces issues de la vidéosurveillance à l'intérieur de ses locaux au sein desquels se sont déroulés les opérations de contrôle menées par les agents des douanes ; que la cour d'appel a constaté, par motifs adoptés, que le seul but recherché par l'installation de ce dispositif de surveillance était la prévention de faits délictueux ; qu'en décidant néanmoins d'écarter les pièces n° 17, 20, 21, 22, 27 et 32 de la société Massis import export Europe, comme ayant été obtenues par un procédé déloyal, au seul prétexte que les agents des douanes n'avaient pas été informés de ce que le déroulement de leurs opérations était filmé, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
2) ALORS subsidiairement QUE la production en justice par une partie d'images et enregistrements issus de la vidéosurveillance de ses locaux, filmant la partie adverse ou ses représentants sans que ceux-ci en ait été informés, ne constitue pas en soi une atteinte au principe de loyauté de la preuve ; que ce mode de preuve ne peut être déloyal que s'il porte atteinte à un droit essentiel ou une liberté fondamentale de la partie à qui la preuve est opposée en justice, ou de la personne filmée ; qu'en décidant d'écarter les pièces n° 17, 20, 21, 22, 27 et 32 de la société Massis import export Europe, comme ayant été obtenues par un procédé déloyal, au seul prétexte que les agents des douanes n'avaient pas été informés de ce que le déroulement de leurs opérations était filmé, sans relever aucune atteinte aux droits ou libertés de l'administration des douanes ou de ses agents, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3) ALORS à tout le moins QU'il appartient au juge d'apprécier la loyauté d'une preuve au regard des intérêts antinomiques en présence et en particulier du droit à un procès équitable de la partie pour qui cette preuve est un élément indispensable à l'exercice de son droit à la preuve ; qu'en décidant en l'espèce d'écarter les pièces n° 17, 20, 21, 22, 27 et 32 de la société Massis import export Europe, comme ayant été obtenues par un procédé déloyal, au seul prétexte que les agents des douanes n'avaient pas été informés de ce que le déroulement de leurs opérations était filmé, sans rechercher si les pièces litigieuses n'étaient pas indispensables pour permettre à la société Massis import export Europe de remettre en cause les faits relatés dans le procès-verbal dressé par les agents des douanes et ainsi faire la preuve de ses prétentions relatives à l'irrégularité des opérations de contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4) ALORS en tout état de cause QUE ne constitue en aucun cas un moyen de preuve déloyal des images et enregistrements issus d'une vidéosurveillance dont la personne filmée avait connaissance ; qu'en l'espèce, la société Massis import export Europe faisait valoir dans ses conclusions (page 18) qu'elle n'avait obtenu son statut d'entrepositaire agréé qu'à l'issue d'une demande d'agrément présenté à l'administration des douanes, pour laquelle il était nécessaire d'offrir des garanties suffisantes de protection, dont font partie les caméras de surveillance, lesquelles avaient été demandées par le bureau des douanes lui-même ; qu'en décidant d'écarter les pièces n° 17, 20, 21, 22, 27 et 32 de la société Massis import export Europe, comme ayant été obtenues par un procédé déloyal, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les agents des douanes n'avaient pas nécessairement connaissance de l'existence de caméras de surveillance au sein des locaux d'un entrepositaire agréé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré l'avis de mise en recouvrement n° 2015/60 du 19 octobre 2015 régulier, tant sur la forme que sur le fond, d'AVOIR confirmé la décision de rejet de contestation de l'avis de mise en recouvrement du 28 avril 2016, d'AVOIR débouté la société Massis import export Europe de l'intégralité de ses demandes et d'AVOIR condamné la société Massis import export Europe à verser au Directeur de la DNRED et à l'administration des douanes, prise en la personne du receveur régional de la DNRED, la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « b) Sur les contestations relatives à l'inventaire effectué du 11 juin 2015 : Considérant qu'il résulte de l'article 570 8° b) du code général des impôts que lorsque les tabacs transitent par des entrepôts autres que douaniers, le fournisseur est tenu de "tenir une comptabilité-matières qui doit être présentée à toute réquisition de l'administration" ; que selon l'article 278 de l'annexe 2 du code général des impôts : "Le fournisseur tient la comptabilité matières mentionnée au 8° du I de l'article 570 du code général des impôts conformément aux dispositions contenues dans les articles 286 H et 286 J. Elle doit également comporter le numéro et la date du document de livraison mentionné au 6° du I de l'article 570 audit code, pour les quantités de tabacs sorties destinées aux débitants de tabacs" ; Considérant que la société Massis Import Export Europe en sa qualité d'entrepositaire agrée détenant du tabac en suspension de droits est ainsi tenue de tenir une comptabilité-matière ; Considérant que la société Massis Import Export Europe demande à la cour d'annuler les infractions constatées dans le PV de notification d'infractions du 1er octobre 2015 au motif que les agents auraient omis de mentionner, à la ligne 15 de l'Annexe II du procès-verbal, valant inventaire du rez-de-chaussée, une palette entière de cartouches de tabac « two apples flavour », soit 150 cartons ou 1 800 cartouches et qu'ils n'ont réparé cette omission que sur indication de M. [R] ; qu'ils auraient sciemment tenté de couvrir cette erreur majeure et qui discrédite totalement leur travail, en détruisant l'inventaire initial pour le remplacer par un nouvel inventaire destiné à passer pour l'inventaire original qu'ensuite les agents auraient omis de mentionner à l'Annexe II une demie-palette de couleur verte qui se trouvait au milieu de l'entrepôt, soit 384 pots de 1 kilo ; que, contrairement à ce qu'ils indiquent par procès-verbal, les enquêteurs n'auraient pas procédé à l'inventaire des produits « sur appel » de M. [R] comme le démontrent clairement les captures d'images des caméras de surveillance, l'intéressé ayant été constamment tenu à l'écart des opérations, et les enquêteurs déplaçant seuls les palettes de tabac ; que les agents auraient refusé de prendre en compte 128 cartouches endommagées, et donc ni présentables ni surtout commercialisables, qui figurent dans les comptes de la Société Massis Distribution la quantité de tabac non commercialisable entrant nécessairement dans le décompte du tabac en stock ; Mais considérant que, par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont caractérisé le défaut de remise par la société contrôlée de la comptabilité -matière au sens des articles 570 8° b) du code général des impôts et 278 de l'annexe 2 du code général des impôts précités ; que lors du contrôle la société contrôlée appelante a en effet uniquement été fournie une liste d'inventaire comportant des mentions relatives à la désignation et à la nature des produits détenus en stock dans l'entrepôt fiscal ainsi que leurs quantités ; Considérant, sur les irrégularités ponctuelles dénoncées par la société appelante, que cette dernière indique que la prétendue erreur sur les 150 cartons de tabac « two apples flavour » a été réparée ; qu'ensuite au soutien de l'omission de la une demie-palette de couleur verte qui se serait trouvée au milieu de l'entrepôt, soit 384 pots de 1 kilo, la société appelante verse aux débats un procès verbal de constat d'huissier du 23 septembre 2015 qui précise le conditionnement du tabac à narguilé ; que ce constat dressé plus de 3 mois après les opérations de constat ne permet en aucunement d'établir que le 11 juin précédent une palette de cartouches de tabac 'two apples flavour' aurait été omise ; que les tableaux comparatifs annexés au courrier du 4 septembre 2015 établis par la société appelante (pièce 26) ont été unilatéralement dressés par ses soins et sont également insusceptibles de caractériser l'existence de manquants dans les résultats des opérations dressées le 11 juin 2015 ; Considérant que le jugement déféré doit ainsi être confirmé en ce qu'il a débouté la société appelante de ses contestations portant sur l'inventaire dressé par les agents des douanes ; c) Sur la contestation relative à la base de calcul : Considérant, selon la société appelante, que l'administration douanière aurait procédé à un calcul erroné en procédant à l'addition de la part proportionnelle (nombre d'unités multipliés par le prix de vente au détail et multiplié par 45 %) et de la part spécifique (point total en grammes divisé par 1 000 et multiplié par 17 euros) ; que ce mode de calcul serait contraire à l'article 575 B du code général des impôts ; Mais considérant que l'administration des douanes expose avoir appliqué le taux proportionnel et la part spécifique applicables pour mille unités ou pour mille grammes aux autres tabacs à fumer soit 45 % du taux proportionnel et 17 euros de part spécifique ; que ce mode de calcul est conforme à l'article 575 A du code général des impôts et à l'arrêté du 15 mai 2015 portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France, les montants fixés par ledit arrêté ne prenant pas en compte les droits de douane ; que la contestation ainsi soulevée doit également être rejetée ; d) Sur la demande de diminution de la dette douanière : Considérant qu'il a été ci dessus jugé que la société appelante ne prouvait pas qu'une demie-palette de boîtes d'un kilo de couleur verte aurait été omise dans l'inventaire, qu'il n'y a dès lors de procéder à une quelconque compensation entre manquants et excédents et, en conséquence, de diminuer la dette douanière » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Il résulte des dispositions des articles 302 G III, 570 alinéa 8°b et 278 II de l'annexe 2 du Code général des impôts que tout fournisseur agréé de tabacs manufacturés en suspension des droits d'accises doit tenir une comptabilité matières conforme aux exigences posées par les articles 286 H et 286 J, avec l'obligation d'établir un compte principal décrivant les réceptions, détentions et expéditions de produits. En tout état de cause, l'entrepositaire agréé détenant des produits en suspension de droits doit pouvoir justifier à toute réquisition des agents des douanes des productions, des transformations, des stocks et mouvements de ces produits sur son site d'exploitation. Le défaut de présentation à l'administration ou de tenue de la comptabilité matières prévue au III de l'article 302 G du Code général des impôts est constitutif d'une infraction réprimée par l'article 1798 bis dudit Code. La SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE expose qu'elle a satisfait à ses obligations au titre de la comptabilité-matières en communiquant aux agents des douanes le 11 juin 2015, une liste d'inventaire établie à l'aide du logiciel informatique MEGAO réalisé spécifiquement pour les besoins de son activité, faisant état des quantités de chaque référence de tabacs détenues en temps réel dans les stocks de la société. L'administration des Douanes soutient, au contraire, que la liste d'inventaire produite par la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE le 11 juin 2015, ne peut pas tenir lieu de comptabilité matière conforme à la réglementation puisqu'il ne permet pas de tracer les entrées et les sorties de marchandises. En effet, à l'analyse de la liste d'inventaire fournie par la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE, il est observé que seules apparaissent les mentions relatives à la désignation et à la nature des produits détenus en stock dans l'entrepôt fiscal, ainsi que leurs quantités réelles déterminées au jour de l'inventaire, soit le 11 juin 2015. Force est donc de constater que cet inventaire ne répond pas aux exigences posées par les dispositions des articles 286 H et 286 J du Code général des impôts dans la mesure notamment où n'apparaît pas pour chaque produit, selon son tarif d'imposition ou selon sa nature, le stock théorique en début du mois précédent, le stock théorique en fin du mois précédent et le total des entrées et des sorties du mois précédent, l'inscription de ces éléments étant pourtant rendue nécessaire pour effectuer la balance du compte principal de la comptabilité matières des produits en suspension de droits détenus par la demanderesse, tel qu'il ressort de ses obligations en matière fiscale. La SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE prétend que jusqu'en mai 2015, l'administration des douanes n'a jamais critiqué ni formulé la moindre observation sur la tenue de sa comptabilité-matière à l'occasion de ses précédents inventaires annuels et contrôles, notamment celui du 20 juillet 2010, de sorte qu'elle pouvait légitimement croire que ce logiciel informatique répondait parfaitement aux exigences de la réglementation en vigueur. Elle produit à cet effet un procès-verbal d'intervention du 20 juillet 2010 pour justifier du comportement passif de l'administration des Douanes. Cependant, l'absence de redressement en matière de contributions indirectes de la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE, lors du contrôle diligenté par l'administration des Douanes et droits indirects le 20 juillet 2010, ne saurait valoir validation de sa comptabilité matière. En effet, la circonstance que la comptabilité matière de la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE n'ait jamais fait l'objet d'un redressement de la part de l'Administration ne signifie pas que celle-ci aurait validé les méthodes utilisées dans sa comptabilité matière. En tout état de cause, la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE ne rapporte pas la preuve que l'Administration aurait validé, d'une manière ou d'une autre, ses méthodes comptables et qu'elle aurait ainsi changé de doctrine, celle-ci n'ayant jamais formulé de doctrine autre que l'application pure et simple de la loi. L'argumentation de la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE sera en conséquence rejetée. Sur l'exigibilité des droits : La SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE soutient, d'abord, que les calculs réalisés par la DNRED sont erronés et conteste la reconstitution de comptabilité matière opérée par ses agents au motif que des erreurs matérielles de saisie sont manifestes et que des omissions ont été commises par ces derniers lors du contrôle. Elle précise que figurent dans les manquants comptabilisés par les agents 128 cartouches de produits non commercialisables sciemment écartés de l'inventaire par ces derniers ainsi qu'une demie-palette de cartons verts contenant 384 pots de 1 kg. Elle ajoute que des confusions évidentes ont été commises sur le nom de certains produits de sorte que certains excédents compensent les manquants relevés par les agents des douanes. Pour corroborer ses dires, la demanderesse verse aux débats deux photographies et plusieurs captures d'images extraites des caméras de videosurveillance installées sur son site d'exploitation ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier du 23 septembre 2015. L'administration des douanes soutient en défense que les photographies et captures d'images de videosurveillance produites par la demanderesse doivent être écartées dans la mesure où elles ne constituent pas des preuves régulières, celles-ci violant les dispositions de l'article 9 du Code de procédure civil et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Toutefois, la Commission Nationale Informatique et Libertés et ses dispositions ne sont pas concernées par les enregistrements visuels de videosurveillance dont la compétence est prévue lorsqu'il s'agit de constituer un fichier nominatif, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il ressort en effet des écritures de la demanderesse que le seul but recherché par l'installation d'un tel dispositif était la prévention de faits délictueux, ce qui exclut les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 concernant le CNIL et la conservation des images. En revanche, il résulte des dispositions des articles 9 du Code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, que tout enregistrement d'images, de paroles ou de textes, et ce quels qu'en soient les motifs, à l'insu de celui à qui on l'oppose constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve. En l'espèce, la demanderesse verse aux débats deux photographies des extérieurs de l'entrepôt sur lesquelles l'on peut apercevoir, apposés sur le portail ainsi que sur la porte d'entrée de l'immeuble, deux panonceaux portant pour seule mention à peine lisible l'indication "ADS PROTECTION". Cependant, la lecture d'une telle indication ne suffit pas à elle seule à informer de la présence de caméras de videosurveillance sur l'ensemble du site d'exploitation, de sorte qu'elle ne saurait constituer un avertissement qui soit de nature à éclairer la volonté de manière certaine et sans équivoque. Par conséquent, et en l'absence de tout autre élément matérialisant l'existence de caméras de videosurveillance sur le site d'exploitation, la seule indication "ADS PROTECTION" portée sur les deux portes d'entrée des locaux de la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE ne suffisant pas à établir l'existence d'un consentement tacite certain et non équivoque des agents des douanes à la captation de leur image, l'ensemble des photographies par elle produites seront écartées des débats en ce qu'elles sont jugées irrecevables. Outre la production des photographies et captures d'images extraites des caméras de videosurveillance, la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE verse aux débats un procès verbal de constat d'huissier établi en date du 23 septembre 2015, soit près de trois mois après les opérations de vérification effectuées par les agents des douanes dans ses locaux, faisant état de la contenance des cartons verts contenue dans la demie-palette prétendument non comptabilisée lors de l'inventaire physique de ses stocks le 11 juin 2015. Si ledit constat atteste bien du poids des produits soumis à accises, il ne permet néanmoins pas de démontrer que ces produits auraient été omis d'être comptabilisés par les agents des douanes au jour de l'inventaire physique des stocks de la société trois mois plus tôt. De même, la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE ne rapporte pas la preuve du refus allégué de l'administration de comptabiliser les 128 cartouches de tabacs endommagées impropres à la consommation, ni ne justifie que les pertes dont elle se prévaut résultent d'un cas de force majeure, étant observé que la constatation de manquants non couverts par les pertes légales a pour conséquence d'entraîner l'exigibilité des droits d'accises par application de l'article 302 D11.2° du code général des impôts. Or force est de constater dans les faits que la demanderesse n'a, à aucun moment de la procédure, justifier de pertes résultant d'un cas de force majeure pour se voir potentiellement accorder une décharge sur les quantités de produits non commercialisables. Par ailleurs, la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE argue de prétendues erreurs de saisie qu'elle aurait commise sur la dénomination de certains de ses produits pour justifier l'absence de manquants et demander à ce qu'il soit procédé à une compensation entre les excédents et les manquants pour réduire la dette douanière. Toutefois, il est constant qu'il ne peut être procédé à aucune compensation entre les différents types ou catégories de produits détenus par l'entrepositaire agréé. D'ailleurs, en l'espèce, il est patent d'observer que les produits pour lesquels la demanderesse sollicite la compensation relèvent de catégories différentes et ce quand bien même leurs quantités seraient identiques, de sorte qu'ils ne peuvent donner lieu à aucune compensation. En tout état de cause, s'agissant d'une erreur commise par la demanderesse elle-même, celle-ci ne saurait reprocher à l'administration des douanes un quelconque manquement dans la réalisation de l'inventaire physique de ses stocks sur la base des indications erronées données par ses représentants ou préposés. Enfin, la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE prétend que l'inventaire physique des stocks n'a pas été établi de manière contradictoire lors du contrôle. Toutefois, les agents des douanes ont reconstitué le 11 juin 2015 la comptabilité matière de la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE et calculé les manquants litigieux par comparaison entre l'inventaire physique des marchandises établi en présence de deux préposés de l'entrepositaire agréé et la liste d'inventaire fournie par la demanderesse lors du contrôle de ses opérations. L'ensemble de ces opérations matérielles a été authentifié par procès-verbal d'intervention et d'audition en date du 11 juin 2015, lequel comporte en outre la mention suivante : "Nous sommes reçus par Monsieur [R] [D] en sa qualité de responsable commercial et administratif au sein de la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE. Nous (...) réalisons un inventaire des marchandises présentes au rez-de-chaussée de cet entrepôt, Monsieur [R] [D] nous communiquant sur appel les quantités, par référence, des produits soumis à accises détenus par la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE. Le document d'inventaire est annexé au procès-verbal (annexe 2). En parallèle, (deux autres agents) réalisent un inventaire des marchandises présentes à l'étage de cet entrepôt, Monsieur [P] [F], en sa qualité de magasinier au sein de la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE, nous communiquant sur appel les quantités, par référence, des produits soumis à accises détenus par la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE. Monsieur [P] [F] a été préalablement désigné par Monsieur [R] [D] pour effectuer cet inventaire. Le document d'inventaire est annexé au présent procès-verbal (annexe 3)", étant rappelé que les entrepositaires agréés doivent toujours être en mesure soit par eux-mêmes, soit par leurs préposés s'ils sont absents, de déférer immédiatement aux réquisitions des agents en cas de contrôle conformément à l'article L. 34 du livre des procédures fiscales. Ledit procès-verbal et ses annexes ont été signés et paraphés "sans réserves" en toutes leurs dispositions par les agents des douanes et par les préposés ainsi désignés de l'entrepositaire agréé dont le gérant, Monsieur [K] [S], était absent en raison d'un déplacement professionnel à l'étranger. En signant ce procès-verbal d'intervention, qui reprend en ses annexes (toutes paraphées et signées par les intéressés) les quantités inventoriées, par catégorie de produits soumis à accises, énoncées par les préposés de l'entrepositaire agréé, ceux-ci ont acquiescé à la régularité des opérations qui se sont à l'évidence déroulées en leur présence effective et constante sur les lieux. Il est en outre acquis et non contesté par les parties que lesdits représentants de la demanderesse ont été entendus par les agents des douanes puisque leurs observations ont donné lieu à la rectification de l'inventaire physique des stocks ayant permis de réintégrer 150 cartons de marchandises omis d'être comptabilisés par ces derniers. La demanderesse ne saurait donc se prévaloir de l'absence de manifestation visuelle de M. [R] sur les captures d'images extraites de ses caméras de vidéosurveillance sans se contredire elle-même dans ses déclarations puisqu'elle reconnaît dans ses écritures que M. [R] apparaît sur certaines images comme facilement identifiable et que, qui plus est, les caméras ne couvrent que partiellement le rez-de-chaussée de l'entrepôt. En tout état de cause, les captures d'images sur lesquelles elle se fonde ont été déclarées par le tribunal irrecevables en ce qu'elles constituaient un procédé déloyal pour les motifs sus-évoqués. Dans ces conditions, la demanderesse ne saurait remettre en cause le caractère contradictoire du recensement opéré par l'administration des douanes le 11 juin 2015 pour dénuer de toute force probante le procès-verbal d'intervention qui l'authentifie, et lequel vaut, jusqu'à preuve contraire, reconnaissance quantitative des produits détenus. Par conséquent, il résulte des motifs qui précèdent que la procédure de l'avis de mise en recouvrement ayant été mise en oeuvre conformément aux dispositions des articles L. 80 M et L. 256 du Livre des procédures fiscales, l'administration des Douanes a donc émis le 19 octobre 2015 un avis de mise en recouvrement n° 2015/60 régulier, tant sur la forme que sur le fond. Dès lors, la SARL MASSIS IMPORT EXPORT EUROPE sera déboutée de sa demande en nullité de I'AMR susvisé, et de l'intégralité de ses demandes subséquentes » ;
1) ALORS QUE selon l'article L. 34 du livre des procédures fiscales, chez les entrepositaires agréés, les agents de l'administration peuvent intervenir dans les magasins, caves et celliers, en vue d'effectuer les vérifications nécessaires à la constatation des quantités de boissons restant en magasin ou de s'assurer de la régularité des opérations ; que ce type de contrôle ne vise que les entrepositaires agréés de boissons, et non ceux de tabacs ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Massis import export Europe était entrepositaire agréé de tabacs ; qu'il résulte du procès-verbal d'intervention du 11 juin 2015 que le contrôle a été effectué dans le cadre de l'article L. 34 du livre des procédures fiscales ; qu'en refusant d'invalider les opérations de contrôle, pourtant réalisées dans un cadre non conforme à l'activité de la personne contrôlée, la cour d'appel a violé l'article L. 34 du livre des procédures fiscales.
2) ALORS QUE sont exonérés de droits les tabacs manufacturés dont la destruction totale ou la perte irrémédiable est imputable à une cause dépendant de la nature même des produits ou à un cas fortuit ou de force majeure ; qu'en l'espèce, la société Massis import export Europe faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pages 12 et 13) que les agents des douanes avaient refusé de décompter 128 cartouches, soit 64 000 grammes de tabacs, qui figuraient dans son stock, et qui étaient écrasées ou périmées, constituant un cas d'exonération de droits à raison de la nature même du produit, pour celles périmées, ou d'un cas fortuit, pour celles écrasées ; qu'en se contentant de retenir, par motifs adoptés, que la demanderesse ne justifiait pas que les pertes résultaient d'un cas de force majeure, sans envisager, comme elle y était invitée, l'hypothèse d'une cause dépendant de la nature même des produits ni l'hypothèse d'un cas fortuit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 302 D, I, 1., 2°, a., du code général des impôts.
3) ALORS QUE le juge est tenu d'examiner, ne serait-ce que sommairement, les pièces régulièrement produites par les parties ; qu'en l'espèce, pour démontrer que les agents des douanes avaient refusé de décompter 128 cartouches, soit 64 000 grammes de tabacs, qui figuraient dans son stock, et qui étaient écrasées ou périmées, la société Massis import export Europe produisait en cause d'appel l'inventaire établi le 20 juillet 2010 par les agents des douanes à l'occasion d'un précédent contrôle, l'inventaire établi le 24 mai 2016, lors d'un contrôle ultérieur, et la liste remise le jour du contrôle litigieux du 11 juin 2015 aux agents des douanes, comportant une liste des produits défectueux retournés ; qu'en se bornant, à ce sujet, à confirmer le jugement déféré, qui avait estimé que la demanderesse ne rapportait pas la preuve du refus allégué de l'administration de comptabiliser les 128 cartouches de tabacs endommagés, sans examiner les éléments de preuve produits devant elle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
4) ALORS QUE pour les tabacs manufacturés importés soumis à des droits de douane, il est fait abstraction de ceux-ci pour le calcul du droit de consommation ; que l'arrêté du 15 mai 2015 portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France mentionne les prix de vente aux consommateurs des tabacs, sans déduction des droits de douane ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Massis import export Europe commercialisait des tabacs importés des Emirats Arabes Unis (cf. exposé des faits, page 2 de l'arrêt) ; que pour retenir que les droits de consommation avaient été exactement calculés par l'administration des douanes, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que le mode de calcul avait été effectué sur la base des montants fixés par l'arrêté du 15 mai 2015, lesquels ne prendraient pas en compte les droits de douane ; qu'en statuant ainsi, quand les prix de vente aux consommateurs mentionnés dans l'arrêté du 15 mai 2015 ne comportaient en réalité aucune déduction des droits de douane, la cour d'appel a violé l'arrêté du 15 mai 2015 portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés en France par fausse interprétation et l'article 575 B du code général des impôts par refus d'application.
5) ALORS en tout état de cause QU'un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ; qu'en l'espèce, l'avis de mise en recouvrement litigieux du 19 octobre 2015 mentionnait un montant dû de 257 051 € ; que l'administration des douanes soutenait pourtant dans ses conclusions (pages 5 et 23) que les prétendues infractions de la société Massis import export Europe étaient susceptibles de générer une dette fiscale de 257 032 € ; qu'en refusant d'annuler l'avis de mise en recouvrement, malgré son montant supérieur à celui de la dette fiscale reconnue par l'administration des douanes elle-même, la cour d'appel a violé l'article L. 256 du livre des procédures fiscales.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Massis import export Europe aux dépens.
SANS MOTIF ;
ALORS QUE l'instruction de première instance et d'appel en matière douanière est faite sans frais de justice à répéter de part ni d'autre ; qu'en condamnant néanmoins la société Massis import export Europe aux dépens, la cour d'appel a violé l'article 367 du code des douanes.
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CASS/JURITEXT000047073991.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 janvier 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 80 F-B
Pourvoi n° R 20-16.700
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023
Le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié pôle fiscal parisien, 1 pôle juridictionnel, [Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, lui-même domicilié [Adresse 2] à [Localité 3], a formé le pourvoi n° R 20-16.700 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2020 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à Mme [N] [U], épouse [T], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme [T], après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 janvier 2020) et les productions, par un avis du 9 septembre 2014, l'administration fiscale a informé M. et Mme [T] qu'elle engageait un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 à 2013. A l'occasion du premier entretien avec le vérificateur, intervenu le 13 novembre 2014, Mme [T] a indiqué avoir reçu, au cours de la période examinée, d'importantes sommes d'argent versées sur l'un de ces comptes, dont elle a précisé qu'il s'agissait de donations.
2. Les 6 et 21 décembre 2014, Mme [T] a déposé deux formulaires de révélation de dons manuels par lesquels elle a demandé à bénéficier de l'option de déclaration de ces dons dans le délai d'un mois suivant le décès du donateur, offerte par l'article 635 A du code général des impôts.
3. Soutenant que la révélation n'était pas intervenue spontanément, de sorte que Mme [T] ne pouvait exercer l'option de déclaration différée des dons, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification portant rappel de droits de mutation à titre gratuit.
4. Après rejet de sa réclamation, Mme [T] a assigné l'administration fiscale aux fins d'obtenir la décharge des droits réclamés.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de prononcer la décharge des droits, pénalités et intérêts figurant dans l'avis de mise en recouvrement du 30 novembre 2015, mis à la charge de Mme [T], alors « que, conformément aux dispositions combinées des articles 757 et 635 A du code général des impôts, les dons manuels révélés par le donataire à l'administration fiscale sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit et doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire ou ses représentants dans le délai d'un mois qui suit la date de la révélation ; que, pour les dons manuels dont le montant est supérieur à 15 000 euros, la législation fiscale prévoit la possibilité d'opter pour la déclaration et le paiement des droits dans le délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur ; que, pour bénéficier de cette option, la révélation doit être spontanée et non la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal ; que la remise par un contribuable de ses comptes bancaires lors de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, sur lesquels apparaît la perception de sommes d'argent, ne constitue pas une révélation spontanée du don par le donataire ; que pour juger que l'administration fiscale n'était pas fondée à dénier à Mme [T] le bénéfice de l'option, la cour d'appel a estimé que la révélation était spontanée puisqu'elle était intervenue avant le commencement proprement dit de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme [T] ; qu'en jugeant ainsi, tout en relevant qu'il n'était pas contesté que Mme [T] avait remis le 13 novembre 2014, lors du premier rendez-vous avec le vérificateur, dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme [T], ses comptes bancaires et avait révélé qu'elle avait reçu sur l'un des comptes des dons manuels de M. [M], ce dont il résultait que la révélation était la conséquence d'une procédure fiscale, engagée le 9 septembre 2014 par l'envoi d'un "avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle" réceptionné par M. et Mme [T] le 10 septembre 2014, et non d'une révélation spontanée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 757 et 635 A du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 635 A du code général des impôts :
6. Il résulte de ce texte que les dons manuels d'un montant supérieur à 15 000 euros révélés à l'administration fiscale par le donataire doivent être déclarés dans le délai d'un mois qui suit la révélation ou, sur option du donataire lors de la révélation du don, dans le délai d'un mois suivant la date du décès du donateur, une telle option étant exclue lorsque la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal.
7. Il ressort en effet des travaux parlementaires de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ayant instauré cette option, que l'intention du législateur a été d'inciter les donataires à révéler spontanément à l'administration fiscale les dons manuels qui leur ont été consentis en réservant la possibilité de différer la déclaration de ces dons et l'acquittement du paiement des droits de mutation à titre gratuit après le décès du donateur aux seules hypothèses de révélation spontanée, en dehors de toute procédure de vérification ou de contrôle fiscal.
8. Pour accueillir la demande de décharge des droits, pénalités et intérêts mis à la charge de Mme [T], l'arrêt énonce qu'il appartient à l'administration fiscale, qui conteste au donataire le bénéfice de l'option de déclaration différée ouverte à l'article 635 A du code général des impôts, d'établir soit que la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration, soit qu'elle est la conséquence d'une procédure fiscale.
9. L'arrêt constate que l'administration ne soutient pas que la révélation est la conséquence d'une réponse de Mme [T] à une demande de l'administration, et retient qu'il n'est pas établi que cette révélation est la conséquence d'une procédure fiscale, puisqu'elle a eu lieu avant le commencement proprement dit de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de Mme [T] et qu'elle ne résulte pas de la vérification de sa situation, mais d'une déclaration spontanée de la donataire.
10. Il en déduit que l'administration fiscale n'est pas fondée à dénier à Mme [T] le bénéfice de l'option tendant au différé de la déclaration et du paiement des droits dus au titre des dons manuels révélés.
11. En statuant ainsi, après avoir relevé que la révélation des dons manuels litigieux était intervenue lors de l'examen contradictoire de la situation personnelle de M. et Mme [T], à l'occasion du premier entretien avec le vérificateur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
14. La révélation des dons manuels reçus par Mme [T] ne remplissant pas les conditions fixées à l'article 635 A du code général des impôts pour lui permettre de bénéficier de l'option de déclaration différée de ces dons, il y a lieu de confirmer le jugement ayant rejeté l'ensemble de ses demandes.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare régulière en la forme la procédure de rectification, l'arrêt rendu le 28 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement rendu le 12 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Nanterre dans l'affaire n° 16/13230 ;
Condamne Mme [T] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [T] et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de NANTERRE du 12 juillet 2018 et prononcé la décharge des droits, pénalités et intérêts figurant dans l'avis de mise en recouvrement du 30 novembre 2015 mis à la charge de Mme [T] ;
AUX MOTIFS QUE «selon l'article 757 du code général des impôts que les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d'un don manuel sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit ; que selon l'alinéa 2 de ce texte, la même règle s'applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l'administration ; que l'article 635 A du même code, dispose par ailleurs que les dons manuels mentionnés au deuxième alinéa de l'article 757 doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle le donataire a révélé ce don à l'administration fiscale ; que toutefois, pour les dons manuels supérieurs à 15 000 euros, la déclaration doit être réalisée : a) dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle le donataire a révélé ce don à l'administration fiscale ou, sur option du donataire lors de la révélation du don, dans le délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur ; b) dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle ce don a été révélé, lorsque cette révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal ; qu'en l'espèce qu'il n'est pas contesté que Mme [T] a remis le 13 novembre 2014 lors du premier rendez-vous donné dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle des époux [T], ses comptes bancaires et révélé qu'elle avait reçu sur l'un de ses comptes des dons manuels de M. [V] [M], domicilié en Belgique, qu'elle a présenté comme étant son père biologique, sans toutefois que le lien de filiation allégué n'ait pu être établi ; que l'administration fiscale conteste à Mme [T] le bénéfice de l'option consistant à retarder le paiement des droits de mutation à la date du décès du donateur en prétendant que la révélation des dons ne saurait être considérée comme spontanée et qu'elle est la conséquence de l'engagement de la procédure de contrôle ; Mais considérant que ni Mme [T] ni l'administration fiscale ne remettent en cause le caractère taxable des dons manuels révélés par la première, lequel ne peut être admis, selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Com., 15 janvier 2013, pourvoi nº 12-11.642 ; Com., 6 décembre 2016, pourvoi nº 15-19.966), que pour autant qu'il soit admis que les dons manuels ayant bénéficié à Mme [T] ont fait l'objet d'une révélation volontaire de sa part, seule susceptible de justifier l'application de droits de donation au sens de l'article 757 du code général des impôts précité ; qu'il appartient à l'administration fiscale, qui conteste à Mme [T] le bénéfice de l'option ouverte par l'article 635 A du code général des impôts de différer la déclaration à l'expiration du délai d'un mois suivant le décès du donateur, d'établir soit que la révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration, ce que celle-ci ne soutient pas, soit qu'elle est la conséquence d'une procédure fiscale ce qui n'est pas établi puisque la révélation des dons manuels faite par Mme [T] a eu lieu avant le commencement proprement dit de l'examen de sa situation personnelle fiscale, et que ce n'est pas de la vérification de sa situation qu'est résultée la révélation des dons manuels litigieux, mais bien de la déclaration spontanée qu'en a faite Mme [T] qui a rempli le 12 décembre 2014 l'imprimé nº 2734 de révélation de don manuel d'une valeur de 279 555 euros au titre de l'année 2011, et le 21 décembre 2014, a établi ce même imprimé révélant des dons manuels d'une valeur de 1 099 680,91 euros pour l'année 2012 et l'année 2013 et sollicitant dans les deux cas le bénéfice de l'option pour la déclaration et le paiement des droits après le décès du donateur ; qu'au vu de ces circonstances, il apparaît que l'administration fiscale n'est pas fondée à dénier à Mme [T] le bénéfice de l'option tendant au différé de la déclaration et du paiement des droits dus au titre des dons manuels révélés ; qu'en conséquence il sera fait droit à la demande de décharge des droits, pénalités et intérêts mis à la charge de Mme [T] par l'avis de mise en recouvrement du 30 novembre 2015 d'un montant de 920 005 euros» ;
ALORS QUE, premièrement, conformément aux dispositions combinées des articles 757 et 635 A du code général des impôts, les dons manuels révélés par le donataire à l'administration fiscale sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit et doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire ou ses représentants dans le délai d'un mois qui suit la date de la révélation ; que, pour les dons manuels dont le montant est supérieur à 15 000 €, la législation fiscale prévoit la possibilité d'opter pour la déclaration et le paiement des droits dans le délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur ; que, pour bénéficier de cette option, la révélation doit être spontanée et non la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal ; que la remise par un contribuable de ses comptes bancaires lors de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle (ESFP), sur lesquels apparaît la perception de sommes d'argent, ne constitue pas une révélation spontanée du don par le donataire ; que pour juger que l'administration fiscale n'était pas fondée à dénier à Mme [T] le bénéfice de l'option, la cour d'appel a estimé que la révélation était spontanée puisqu'elle était intervenue avant le commencement proprement dit de l'ESFP de M. et Mme [T] ; qu'en jugeant ainsi, tout en relevant qu'il n'était pas contesté que Mme [T] avait remis le 13 novembre 2014, lors du premier rendez-vous avec le vérificateur, dans le cadre de l'ESFP des époux [T], ses comptes bancaires et avait révélé qu'elle avait reçu sur l'un des comptes des dons manuels de M. [M], ce dont il résultait que la révélation était la conséquence d'une procédure fiscale, engagée le 9 septembre 2014 par l'envoi d'un « avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle » réceptionné par M. et Mme [T] le 10 septembre 2014, et non d'une révélation spontanée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 757 et 635 A du code général des impôts ;
ALORS QUE, deuxièmement, conformément aux dispositions combinées des articles 757 et 635 A du code général des impôts, les dons manuels révélés par le donataire à l'administration fiscale sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit ; que pour les dons manuels dont le montant est supérieur à 15 000 €, la déclaration doit être réalisée dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle ce don a été révélé, lorsque cette révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal ; qu'en énonçant que le caractère taxable des dons manuels révélés par Mme [T] ne pouvait être admis que pour autant qu'ils aient fait l'objet d'une révélation volontaire de sa part, seule susceptible de justifier l'application des droits de donation, la cour d'appel a violé les articles 757 et 635 A du code général des impôts ;
ALORS QUE, troisièmement, conformément aux dispositions de l'article 635 A du code général des impôts, l'option du donataire pour la déclaration dans le mois suivant le décès du donateur doit être prise lors de la révélation du don ; qu'en jugeant que l'administration fiscale n'était pas fondée à dénier à Mme [T] le bénéfice de l'option, tout en relevant que Mme [T] avait remis le 13 novembre 2014, lors du premier rendez-vous avec le vérificateur, dans le cadre de l'ESFP des époux [T], ses comptes bancaires et avait révélé qu'elle avait reçu sur l'un des comptes des dons manuels de M. [M] et qu'elle avait rempli le 12 décembre 2014 et le 21 décembre 2014 l'imprimé nº 2734 de révélation de don manuel au titre des années 2011, 2012 et 2013, sollicitant dans les deux cas le bénéfice de l'option pour la déclaration et le paiement des droits après le décès du donateur, ce dont il résultait que l'option de Mme [T] n'a pas été prise au moment de la révélation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 635 A du code général des impôts ;
ALORS QUE, quatrièmement, conformément aux dispositions combinées des articles L. 12 et L. 47 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ; que ce contrôle ne peut intervenir sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un « avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle » ; que le début de l'ESFP est donc fixé à la date de réception de l'avis ou, à tout le moins, au jour où le contribuable remet ses comptes bancaires au vérificateur ; qu'au cas particulier, M. et Mme [T] ont été destinataires d'un avis d'ESFP le 9 septembre 2014, réceptionné le 10 septembre 2014, et le premier entretien avec le vérificateur est intervenu le 13 novembre 2014, date à laquelle Mme [T] lui a remis ses comptes bancaires et a révélé les dons manuels perçus ; qu'en conséquence, les opérations de contrôle, qui ont débuté le 10 septembre 2014, date du retrait de l'avis d'ESFP matérialisant le contrôle ou, à tous le moins, à la date du 13 novembre 2014, date de remise de ses comptes bancaires par Mme [T], avaient nécessairement commencé lors de la révélation des dons manuels, a fortiori lors du dépôt des déclarations n° 2734 les 12 décembre 2014 et 22 décembre 2014 ; qu'en jugeant que l'administration fiscale n'était pas fondée à dénier à Mme [T] le bénéfice de l'option au motif que la révélation a eu lieu avant le commencement proprement dit de l'examen de sa situation personnelle fiscale, tout en relevant qu'il n'était pas contesté que Mme [T] avait remis ses comptes bancaires et révélé les dons manuels le 13 novembre 2014 lors du premier rendez-vous donné dans le cadre de l'ESFP, la cour d'appel de VERSAILLES a méconnu les exigences des articles L. 12 et L. 47 du livre des procédures fiscales ;
ET ALORS QUE, cinquièmement et subsidiairement, conformément aux dispositions combinées des articles 757 et 635 A du code général des impôts, les dons manuels révélés par le donataire à l'administration fiscale sont sujets aux droits de mutation à titre gratuit et doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire ou ses représentants dans le délai d'un mois qui suit la date de la révélation ; que toutefois, pour les dons manuels dont le montant est supérieur à 15 000 €, la législation fiscale prévoit la possibilité d'opter pour la déclaration et le paiement des droits dans le délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur ; que, pour bénéficier de cette option, la révélation doit être spontanée et non la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal ; qu'au cas particulier, M. et Mme [T] ont été destinataires le 9 septembre 2014 d'un « avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle », que ce document, réceptionné le 10 septembre 2014, indiquait : « je vous invite à m'adresser ou à me remettre dans ce délai la totalité des relevés (en original ou en copie) des comptes financiers de toute nature et des comptes courants sur lesquels vous-même et les membres de votre foyer fiscal avez réalisé des opérations de nature personnelle pendant la période visée ci-dessus » ; qu'en tout état de cause, la révélation des dons manuels était donc la conséquence directe de la réponse de Mme [T] à une demande de l'administration de production des comptes bancaires dans le cadre de l'avis d'ESFP du 9 septembre 2014 ; qu'en jugeant que l'administration fiscale n'était pas fondée à dénier à Mme [T] le bénéfice de l'option, tout en relevant que Mme [T] avait remis le 13 novembre 2014, lors du premier rendez-vous avec le vérificateur, dans le cadre de l'ESFP des époux [T], ses comptes bancaires et avait révélé qu'elle avait reçu sur l'un des comptes des dons manuels de M. [M], la cour d'appel a violé les articles 757 et 635 A du code général des impôts.
Sur la révélation d'un don manuel, au sens des articles 635 A et 757 du code général des impôts, à rapprocher : Com., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-11.120, Bull., (rejet).
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CASS/JURITEXT000047074025.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 janvier 2023
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 91 FS-B
Pourvoi n° S 21-12.220
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023
1°/ M. [K] [S],
2°/ M. [Z] [S],
3°/ Mme [Y] [S], épouse [P],
domiciliés tous trois [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° S 21-12.220 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 3), dans le litige les opposant à la société Caisse de crédit mutuel du [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de MM. [K] et [Z] [S] et de Mme [Y] [S], épouse [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Caisse de crédit mutuel du [Localité 3], et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mme Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fevre, Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, MM. Boutié, Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 décembre 2020) et les productions, MM. [K] et [Z] [S] et Mme [P] se sont rendus cautions solidaires d'une facilité de caisse consentie à la société [S] par la société Caisse de crédit mutuel du [Localité 3] (la banque). Un arrêt du 6 avril 2017, devenu irrévocable, a solidairement condamné MM. [K] et [Z] [S] et Mme [P], en leur qualité de cautions, à payer à la banque la somme principale de 29 148,64 euros, a condamné la banque à payer à M. [Z] [S] et Mme [P] la somme de 23 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la faute de la banque pour avoir accepté le bénéfice de leurs cautionnements manifestement disproportionnés à leurs facultés de remboursement, et a ordonné la compensation des créances réciproques. Ces deux derniers ont, après compensation à hauteur de 23 000 euros, payé à la banque la somme de 6 887,25 euros au titre de leur engagement de caution.
2. Soutenant que M. [K] [S] restait lui devoir une certaine somme, la banque a fait pratiquer contre lui des mesures d'exécution, dont celui-ci, ainsi que M. [Z] [S] et Mme [P], ont demandé la mainlevée, en faisant valoir que ces deux derniers avaient déjà réglé l'intégralité de la créance de la banque, laquelle était par conséquent éteinte lorsque la banque avait engagé ses poursuites à l'encontre de M. [K] [S].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. MM. [K] et [Z] [S] et Mme [P] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. [K] [S] de mainlevée de l'indisponibilité du certificat d'immatriculation de quatre véhicules dont il était propriétaire et de la saisie-attribution de ses comptes ouverts dans les livres du Crédit du Nord ainsi que de paiement de dommages et intérêts, formées contre la banque, alors « que si la caution solidaire ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à son cofidéjusseur, elle peut se prévaloir de l'extinction totale ou partielle, par compensation, de la dette garantie ; qu'en jugeant du contraire pour débouter M. [K] [S] de ses demandes, la cour d'appel a violé l'article 1234 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 2288 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, que la compensation opérée entre une créance de dommages et intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement et tendant à la réparation du préjudice que causerait à celle-ci l'exécution effective de cet engagement, et celle due par la caution, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de cette seule caution.
5. Dès lors, l'arrêt retient exactement que la compensation à concurrence de 23 000 euros opérée au bénéfice de M. [Z] [S] et Mme [P], montant des dommages et intérêts alloués à ces derniers en réparation du préjudice résultant de la faute de la banque lors de la souscription de leur engagement de caution, n'avait pas affecté l'obligation de paiement de M. [K] [S], dont il convenait seulement de déduire le paiement partiel effectué par M. [Z] [S] et Mme [P] à hauteur de 6 887,25 euros.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [K] [S], M. [Z] [S] et Mme [Y] [S], épouse [P], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] [S], M. [Z] [S] et Mme [Y] [S], épouse [P], et les condamne à payer à la société Caisse de crédit mutuel du [Localité 3] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour MM. [K] et [Z] [S] et Mme [Y] [S], épouse [P].
M. [K] [S], caution, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes à l'encontre de la Caisse de Crédit mutuel de Le [Localité 3] en mainlevée de l'indisponibilité du certificat d'immatriculation de quatre véhicules dont il était propriétaire (opérée le 17 octobre 2018 et dénoncée le 22 octobre 2018) et de la saisie-attribution des comptes de M. [K] [S] ouverts dans les livres du Crédit du Nord, pratiquée du 6 décembre 2018 dénoncé à celui-ci le 10 décembre 2018 et, en conséquence, en paiement de dommages et intérêts ;
ALORS QUE si la caution solidaire ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à son cofidéjusseur, elle peut se prévaloir de l'extinction totale ou partielle, par compensation, de la dette garantie ; qu'en jugeant du contraire pour débouter M. [K] [S] de ses demandes, la Cour d'appel a violé l'article 1234 du Code civil.
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CASS/JURITEXT000047074027.xml | LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 janvier 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 92 FS-B
Pourvoi n° P 20-12.811
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023
M. [N] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 20-12.811 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2019 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [E] [D], épouse [S], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Saint-Antoine, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fevre, conseiller, les observations de Me Carbonnier, avocat de M. [G], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [S], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Saint-Antoine, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fevre, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Ducloz, M. Alt, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, MM. Boutié, Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 mars 2019), par un acte notarié du 13 novembre 2008, la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Saint-Antoine (la banque) a consenti à M. [G] et d'autres emprunteurs solidaires, un prêt personnel « dirigeants » d'un montant de 200 000 euros, remboursable in fine le 31 octobre 2010, destiné à être apporté en compte courant d'associé à la société Provid, dont les principaux associés étaient la société Eaux vives, détenue à concurrence de 99 % par M. [G], la société Majodan, représentée par Mme [S], et la société Anim'mode production. Par un avenant du 19 décembre 2008, le prêt a été garanti par une hypothèque conventionnelle sur un bien immobilier appartenant à M. [G].
2. La société Provid a été mise en redressement puis liquidation judiciaires.
3. Le 29 juin 2011, la banque a notifié la déchéance du terme du prêt puis a poursuivi l'exécution forcée sur le bien immobilier de M. [G].
4. Les 12 et 14 février 2014, soutenant que la responsabilité de la banque et celle de Mme [S] étaient engagées à son égard, la première sur un fondement contractuel, la seconde sur un fondement délictuel, M. [G] les a assignées en paiement de dommages et intérêts.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. M. [G] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable et, subsidiairement, mal fondée son action formée à l'encontre de la banque, alors « qu'une cour d'appel qui décide que les demandes dont elle est saisie sont irrecevables, excède ses pouvoirs en statuant ensuite au fond. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 122 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ce texte que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond.
8. La cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il déclarait irrecevable, subsidiairement mal fondée, la demande de M. [G] à l'encontre de la banque.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. M. [G] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action formée à l'encontre de la banque, alors « que la prescription de l'action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir de mise en garde court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime ; que M. [G] faisait valoir que, même en faisant abstraction de la prise en charge du prêt litigieux par la société Prodiv, la prescription ne pouvait pas commencer à courir avant la survenance du dommage lié au manquement au devoir de mise en garde, soit au plus tôt au moment où le capital du prêt in fine est devenu exigible, en octobre 2010, qu'en refusant de décaler le point de départ de la prescription, par une motivation inopérante selon laquelle l'établissement bancaire n'aurait pas été informé de la prise en charge du remboursement du prêt litigieux par la société Prodiv, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce :
11. Il résulte de la combinaison de ces textes que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
12. Le manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur n'est pas en mesure de faire face.
13. Pour déclarer prescrite la demande de M. [G] formée contre la banque, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que la banque aurait été informée de la prise en charge du prêt par la société Provid et qu'il s'agit d'un événement postérieur à la conclusion de la convention de prêt qui n'a pas fait partie de l'économie du contrat. Il en déduit qu'un tel événement ne peut être opposé à la banque pour reporter le point de départ du délai de prescription à des dates postérieures à la conclusion du prêt.
14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait courir la prescription de la conclusion du contrat, a violé les textes susvisés.
Demande de mise hors de cause
15. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [S], dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable et, subsidiairement, mal fondée la demande M. [G] à l'encontre de la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Saint-Antoine et condamne M. [G] aux dépens, l'arrêt rendu le 27 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Met hors de cause Mme [S] ;
Condamne la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Saint-Antoine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Saint-Antoine et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros et condamne celui-ci à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. [G].
PREMIER MOYEN CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable et subsidiairement mal fondée l'action formée par Monsieur [G] à l'encontre du Crédit mutuel [Localité 4] Saint-Antoine,
AUX MOTIFS QUE « M. [G] qui se prévaut des particularités du montage financier en cause, ne démontre pas que la société CCM Saint-Antoine aurait été informée, au moment de la conclusion du prêt, de la prise en charge des remboursements par la société Prodiv. Le contrat se limite à indiquer, en tant qu'objet du prêt, un apport à la société Prodiv, mais il n'y est fait aucune mention d'un remboursement par cette dernière. M. [G] insiste sur le fait que la banque aurait été informée de cette modalité de remboursement avant août 2009, date à laquelle un courriel de Mme [S] confirme la prise en charge par la société Prodiv. Cependant, ainsi que le fait remarquer la société CCM Saint-Antoine, aucune preuve n'est apportée qui démontrerait qu'elle ait pu avoir connaissance de cet arrangement avant ledit courriel. Au contraire, un courriel du 22 octobre 2008 (pièce n° 14 de Mme [S]) démontre que M. [G] se comportait comme étant celui qui était redevable des frais et intérêts relatifs au prêt, puisqu'il demandait alors à la société CCM Saint-Antoine quelles seraient les modalités de remboursement. Il n'était alors nulle question d'une prise en charge par la société Prodiv, du moins dans les rapports entre M. [G] et la société CCM Saint-Antoine. Quant au fait, souligné par l'appelant, que les échanges préalables au contrat ne se sont déroulés que par courriel, celui-ci n'est pas de nature à influer sur le point de départ de la prescription. Du reste, M. [G] admet lui-même que l'obligation d'information et de mise en garde est nécessairement préalable à la conclusion du contrat. Il convient de souligner qu'une obligation de mise en garde s'apprécie en fonction du contenu et des modalités envisagés du contrat de prêt à conclure. Or il n'est pas démontré que la société CCM Saint-Antoine aurait été informée de la prise en charge du prêt par la société Prodiv. Un événement postérieur, indépendant de sa volonté et qui n'a pas fait partie de l'économie du contrat conclu entre les parties, ne peut donc être opposé à la banque. Le point de départ du délai de prescription est dès lors insusceptible d'être déplacé à des dates postérieures à la conclusion du prêt. En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que l'action de M. [G] à l'encontre de la société CCM était prescrite. Le jugement sera confirmé en ce sens » (arrêt, p. 5),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « L'article 2224 du Code Civil stipule que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". Monsieur [G] soutient qu'en ne mettant pas suffisamment en garde, la banque l'a privé de la chance de ne pas contracter. Toutefois ce manquement, à le supposer établi, et le choix de ne pas contracter se sont manifestés lors de la conclusion du contrat chez le notaire le 13 novembre 2008. Le délai de prescription ayant commencé à courir à cette date, l'action engagée le 12 février 2014 est entachée de prescription et sera déclarée Irrecevable. Subsidiairement au fond, il sera relevé que Monsieur [G], dirigeant de société, connaissait parfaitement les difficultés de la S.A.S. PRODIV dont il a voulu alimenter la trésorerie pour poursuivre le projet de création d'un music-hall et a contracté à cet effet, avec son frère et sa belle-soeur, un prêt compatible avec sa situation patrimoniale » (jugement, p. 4),
ALORS QU'une cour d'appel qui décide que les demandes dont elle est saisie sont irrecevables, excède ses pouvoirs en statuant ensuite au fond ;
Que la cour d'appel a confirmé le jugement ayant « déclaré irrecevable, subsidiairement mal fondée, la demande de Monsieur [N] [G] à l'encontre de la CCM [Localité 4] Saint-Antoine » ;
Qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé l'article 122 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action formée par Monsieur [G] à l'encontre du Crédit mutuel [Localité 4] Saint-Antoine,
AUX MOTIFS QUE « M. [G] qui se prévaut des particularités du montage financier en cause, ne démontre pas que la société CCM Saint-Antoine aurait été informée, au moment de la conclusion du prêt, de la prise en charge des remboursements par la société Prodiv. Le contrat se limite à indiquer, en tant qu'objet du prêt, un apport à la société Prodiv, mais il n'y est fait aucune mention d'un remboursement par cette dernière. M. [G] insiste sur le fait que la banque aurait été informée de cette modalité de remboursement avant août 2009, date à laquelle un courriel de Mme [S] confirme la prise en charge par la société Prodiv. Cependant, ainsi que le fait remarquer la société CCM Saint-Antoine, aucune preuve n'est apportée qui démontrerait qu'elle ait pu avoir connaissance de cet arrangement avant ledit courriel. Au contraire, un courriel du 22 octobre 2008 (pièce n° 14 de Mme [S]) démontre que M. [G] se comportait comme étant celui qui était redevable des frais et intérêts relatifs au prêt, puisqu'il demandait alors à la société CCM Saint-Antoine quelles seraient les modalités de remboursement. Il n'était alors nulle question d'une prise en charge par la société Prodiv, du moins dans les rapports entre M. [G] et la société CCM Saint-Antoine. Quant au fait, souligné par l'appelant, que les échanges préalables au contrat ne se sont déroulés que par courriel, celui-ci n'est pas de nature à influer sur le point de départ de la prescription. Du reste, M. [G] admet lui-même que l'obligation d'information et de mise en garde est nécessairement préalable à la conclusion du contrat. Il convient de souligner qu'une obligation de mise en garde s'apprécie en fonction du contenu et des modalités envisagés du contrat de prêt à conclure. Or il n'est pas démontré que la société CCM Saint-Antoine aurait été informée de la prise en charge du prêt par la société Prodiv. Un événement postérieur, indépendant de sa volonté et qui n'a pas fait partie de l'économie du contrat conclu entre les parties, ne peut donc être opposé à la banque. Le point de départ du délai de prescription est dès lors insusceptible d'être déplacé à des dates postérieures à la conclusion du prêt. En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que l'action de M. [G] à l'encontre de la société CCM était prescrite. Le jugement sera confirmé en ce sens » (arrêt, p. 5),
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « L'article 2224 du Code Civil stipule que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". Monsieur [G] soutient qu'en ne mettant pas suffisamment en garde, la banque l'a privé de la chance de ne pas contracter. Toutefois ce manquement, à le supposer établi, et le choix de ne pas contracter se sont manifestés lors de la conclusion du contrat chez le notaire le 13 novembre 2008. Le délai de prescription ayant commencé à courir à cette date, l'action engagée le 12 février 2014 est entachée de prescription et sera déclarée irrecevable » (jugement, p. 4),
1°) ALORS QUE la prescription de l'action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir de mise en garde court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime ;
Que Monsieur [G] a conclu un prêt in fine avec le crédit mutuel de [Localité 4] pour financer la société Prodiv (arrêt, p. 5) ; qu'il faisait valoir que le dommage résultant de la conclusion de ce prêt s'était réalisé, au plus tôt en octobre 2010 lorsque le capital prêt in fine est devenu exigible, en mai 2011 lors du placement en liquidation judiciaire de la société Prodiv ou le 29 juin 2011 lorsque la banque lui a notifié la déchéance du terme (conclusions de M. [G], p. 8) ;
Qu'en déclarant son action irrecevable comme prescrite, au regard de la date de conclusions du prêt litigieux, sans rechercher, comme elle y était invitée, la date de réalisation du dommage ou à laquelle le dommage avait été révélé à Monsieur [G], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
2°) ALORS QUE la prescription de l'action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir de mise en garde court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime ;
Que pour voir fixer le point de départ de la prescription au jour du placement en liquidation judiciaire de la société Prodiv, Monsieur [G] faisait valoir que cette société s'était préalablement engagée à régler le capital et les intérêts du prêt « dirigeant » ; que la société Prodiv remboursait d'ailleurs directement les échéances du prêt (conclusions de M. [G], p. 8) de sorte que le Crédit mutuel ne pouvait pas ignorer cette prise en charge du prêt ;
Qu'en refusant de décaler le point de départ de la prescription dès lors que l'établissement bancaire n'aurait pas été informé de la prise en charge du remboursement du prêt litigieux par la société Prodiv (arrêt, p. 5), sans s'expliquer sur le remboursement de l'ensemble des échéances d'intérêts par la société Prodiv, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT QUE la prescription de l'action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir de mise en garde court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime ;
Que Monsieur [G] faisait valoir que même en faisant abstraction de la prise en charge du prêt litigieux par la société Prodiv, la prescription ne pouvait pas commencer à courir avant la survenance du dommage lié au manquement au devoir de mise en garde, soit au plus tôt au moment où le capital du prêt in fine est devenu exigible, en octobre 2010 (conclusions de M. [G], p. 8) ;
Qu'en refusant de décaler le point de départ de la prescription, par une motivation inopérante selon laquelle l'établissement bancaire n'aurait pas été informé de la prise en charge du remboursement du prêt litigieux par la société Prodiv (arrêt, p. 5), la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil.
TROISIEME MOYEN CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action formée par Monsieur [G] à l'encontre de Madame [S],
AUX MOTIFS QU'« au plan comptable, le transfert de fonds à la société Prodiv, allégué par M. [G], n'a pu être fait que par le biais de la société Eaux Vives. M. [G] n'étant pas lui-même associé de la société Prodiv, il ne pouvait lui faire aucun apport. Il est à observer qu'au demeurant, M. [G] n'apporte aucun élément susceptible de démontrer que la somme issue du prêt aurait été transmise à la société Prodiv. M. [G] ne peut donc alléguer d'un préjudice strictement personnel pour agir contre Mme [S] et lui reprocher une intervention fautive dans la conclusion du prêt, dès lors qu'il ne peut établir qu'il a personnellement transféré les fonds qu'il a empruntés à titre personnel, à la société Prodiv. Il s'en déduit que l'action de M. [G] doit être déclarée irrecevable. Le jugement sera réformé en ce sens. L'action de M. [G] étant déclarée irrecevable tant à l'égard de la société CCM que de Mme [S], il n'y a pas lieu de se prononcer sur les autres moyens soulevés par les parties » (arrêt, p. 8),
1°) ALORS QUE le juge ne saurait, sous couvert d'interprétation, conférer à un écrit clair et précis, un sens et une portée qu'il n'a manifestement pas ;
Qu'il résulte des termes clairs et précis des actes authentiques des 13 novembre et 19 décembre 2008 que le crédit mutuel Saint-Antoine a octroyé à Monsieur [N] [G] un « prêt personnel dirigeant pour apport en compte courant STE PRODIV – montant total de l'opération : 200 000 euros » ;
Qu'en décidant au contraire que « M. [G] n'étant pas lui-même associé de la société Prodiv, il ne pouvait lui faire aucun apport » et que « M. [G] n'apporte aucun élément susceptible de démontrer que la somme issue du prêt aurait été transmise à la société Prodiv » (arrêt, p. 6), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des actes de prêt des 13 novembre et 19 décembre 2008 et a violé l'article 1192 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et leurs moyens ;
Que Monsieur [G] soutenait que les fonds du prêt « dirigeant » avaient été versés sur le compte courant de la société Prodiv (conclusions de Monsieur [G], p. 20) ; que le Crédit mutuel reconnaissait lui-même que « Monsieur [G] [?] a accepté d'apporter avec son frère et sa belle-soeur une somme de 200.000 euros par apport de ce montant en compte courant grâce au prêt discuté » (conclusions du Crédit Mutuel, p. 12) et que « la Société PRODIV était demanderesse de financements qu'elle ne pouvait plus obtenir et que ses associés ont alors accepté d'apporter des fonds à la société pour que leurs investissements antérieurs puissent être valorisés par le démarrage de l'activité de la société » (ibidem, p. 15) ;
Qu'en disant cependant que Monsieur [G] ne démontrerait pas avoir apporté les 200 000 euros empruntés au compte courant de la société Prodiv, lorsque ce fait était reconnu par les parties, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
Sur la détermination du point de départ de la prescription en matière de responsabilité du banquier : 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-18.893 (cassation partielle).
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